ARCHIVÉ -  Décision CRTC 89-599

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Décision

Ottawa, le 25 août 1989
Décision CRTC 89-599
Société Radio-Canada - 883389900 - 883390700
A la suite d'une audience publique tenue dans la région de la Capitale nationale le 27 juin 1989, le Conseil refuse la demande présentée par la Société Radio-Canada (la Société) en vue d'obtenir une licence de réseau afin d'offrir un service national spécialisé de nouvelles et d'information de langue française.
Le Conseil refuse aussi la demande de la Société en vue de modifier la condition de licence numéro 5 (Décision CRTC 87-904) visant le tarif mensuel de gros par abonné relatif au service de nouvelles et d'information de langue anglaise Newsworld. Comme l'a indiqué la Société lors de l'audience, cette demande dépendait de l'approbation du service d'émissions de nouvelles et d'information de langue française.
La demande de la Société pour un nouveau service de langue française a été analysée selon la démarche d'attribution de licence élaborée par le Conseil dans l'avis public CRTC 1987-260 du 30 novembre 1987. Cette démarche, applicable aux services d'émissions spécialisées, tient compte "des caractéristiques, des besoins en matière de programmation et des exigences de marketing bien distincts des marchés francophone et anglophone." La démarche d'attribution témoigne aussi de l'objectif du Conseil "de faire en sorte que les Canadiens des marchés francophone et anglophone aient accès à des émissions plus nombreuses et de meilleure qualité, destinées à satisfaire leurs goûts et leurs intérêts variés, et de garantir que les entreprises autorisées à leur offrir ces émissions aient toutes les chances voulues de réussir et de contribuer à atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion". Le service proposé ne répond pas à ces critères.
Le service d'émissions de nouvelles et d'information aurait diffusé 114 heures de programmation par semaine, soit de 6 h à 24 h du lundi au vendredi et de 12 h à 24 h les samedi et dimanche.
D'après la demande, les émissions originales compteraient pour au moins 25 heures 30 minutes par semaine (environ 22 % de la grille-horaire). De ce nombre, 16 heures seraient consacrées au magazine "A la bonne heure", prévu du lundi au vendredi, de 7 h à 9 h, à "Fuseaux", émission d'une heure inscrite à 19 h, du lundi au vendredi, et à "Communautés culturelles", les samedis à 21 h, les 9 heures 30 minutes restantes seraient composées de mises à jour de l'actualité, d'une durée de 5 minutes, diffusées toutes les heures.
Environ 18 % de la programmation (20 heures par semaine) consisteraient en des reprises des principales émissions d'affaires publiques et des documentaires que le réseau de télévision de langue française de la Société diffuse à l'heure actuelle.
La dernière composante de la grille-horaire, représentant environ 60 % du total, serait consacrée à la re diffusion intégrale des bulletins de nouvelles de l'heure du souper et des émissions d'information provenant de 17 villes d'un bout à l'autre du pays. Plus précisément, des reprises des bulletins de nouvelles de la journée précédente, préparés pour les auditoires des stations régionales de la Société à Montréal, Winnipeg, Edmonton, Vancouver, Matane, Rimouski et Sept-Iles ainsi que pour les stations privées affiliées au réseau de télévision de langue française de la SRC à Jonquière, Rouyn-Noranda, Rivière-du-Loup, Sherbrooke et Trois-Rivières seraient diffusées pendant sept heures par jour, cinq jours par semaine. De plus, 20 heures par semaine (de 20 h à minuit, du lundi au vendredi) seraient consacrées aux reprises des bulletins de nouvelles en début de soirée que présentent les stations locales de la Société à Moncton, Québec, Ottawa, Toronto et Regina.
La société a expliqué que les messages publicitaires locaux faisant partie de ces émissions de nouvelles seraient supprimés de façon à permettre l'insertion des bulletins de manchettes, d'une durée de cinq minutes, diffusés toutes les heures.
Selon la Société, ce service aurait des mérites considérables pour l'auditeur francophone, pour le journalisme de langue française et pour les organismes spécialisés dans la cueillette et la diffusion d'information éventuellement associés au service.
Malgré le fait que la grande partie de la grille-horaire proposée aurait été composée de reprises d'émissions qui ne sont vues actuellement que par les auditoires locaux et que la grande partie des nouvelles serait périmée, la Société a présenté la programmation contenue à sa demande de façon enthousiaste et elle a soutenu que le service a "des possibilités de surprendre tout le monde" au cours des années. Cependant, le Conseil n'a pu en conclure que le service proposé permettrait aux Canadiens d'avoir accès à des émissions de meilleure qualité en plus grand nombre et qu'il contribuerait à atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.
De plus, le Conseil ne croit pas que le service proposé puisse être, comme l'a soutenu la requérante lors de l'audience, "le volet francophone au service anglais" qui a été autorisé par le Conseil en 1987 et encore moins "un équivalent français à Newsworld". Le Conseil fait remarquer par contre qu'environ la moitié des 168 heures par semaine de l'horaire de Newsworld consiste en des émissions originales.
De l'avis du Conseil, le nombre élevé d'heures d'émissions du service proposé de langue française devant être consacré à la rediffusion intégrale de bulletins de nouvelles régionaux et d'émissions d'affaires publiques du réseau ne saurait susciter qu'un faible intérêt chez les téléspectateurs. De ce fait, même en tenant compte d'une certaine mise à jour, le Conseil ne peut pas en conclure que la formule permettrait de répondre aux attentes de l'auditoire visé. Cela est d'autant plus vrai pour les téléspectateurs qui s'attendent à recevoir un service de la qualité du réseau français de télévision ou de Newsworld.
A ce sujet, le Syndicat des journalistes de Radio-Canada et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) ont fait valoir dans leurs interventions que la rediffusion de nouvelles de la veille était inacceptable. Selon les mots mêmes de la FPJQ, "Radio-Canada ne peut se permettre de de tromper ainsi son public, même pendant une courte durée".
De son côté, l'Association canadienne des réalisateurs de télévision (ACRT) a fait remarquer que de "revoir 11 bulletins d'information dans la retransmission du "Ce Soir" risque de paraître répétitif et devenir monotone puisque certaines nouvelles sont forcément utilisées partout". L'ACRT ajoute que la diffusion d'une nouvelle le lendemain de l'événement risque "de nuire à notre crédibilité dans certains cas".
Or, lors de l'audience, la Société a admis que "le service français [n'aurait] pas les moyens nécessaires pour redonner à cette programmation régulière un caractère totalement original", contrairement au service anglais qui peut se permettre de refaire le montage de toutes les émissions régionales utilisées.
Selon les coûts de production projetés pour les émissions originales, il est peu probable que le service proposé aurait contribué à rehausser la qualité générale de l'information télévisée de langue française. De plus, le Conseil constate que la requérante prévoyait consacrer aux dépenses en programmation canadienne une moyenne de 31 % de ses revenus pour les trois premières années, alors que pour une même période son service continu d'information en langue anglaise y consacre 58 %.
Par ailleurs, afin de démontrer la faisabilité du projet, la Société a déposé une étude, réalisée au printemps 1988 par la Société et SORECOM, qui consistait en un certain nombre de questions posées à l'intérieur du sondage que la Société réalise chaque année pour mesurer sa position de concurrence avec les autres stations.
Lors de l'audience, la Société a fait valoir que "s'il n'y [avait] pas d'étude spécifique intitulée comme telle `analyse de marché', il y [avait] cependant une partie de l'ensemble de l'information sur le marché qui nous [permettait] de voir l'intérêt qu'il y a pour l'information en général, et, de manière spécifique, un intérêt en particulier pour une chaîne d'information".
Comme preuve qu'une demande de la part des téléspectateurs pour le service proposé existe, la Société s'est référée, entre autres, aux réponses données lors du sondage à une question très générale portant sur l'intérêt d'un service de nouvelles continu. Or, non seulement cette question ne contenait-elle pas les détails de la présente demande, mais elle laissait croire que le service de langue française ressemblerait au service de langue anglaise. Dans ces circonstances, il est évident que les personnes interviewées ne pouvaient avoir une idée juste de la programmation que la Société propose.
Compte tenu des données fournies à l'audience et de l'étude réalisée conjointement avec SORECOM, le Conseil estime que la Société n'a pas démontré de manière adéquate les possibilités de réussite du service proposé. La Société n'a pu prouver que le public était prêt à payer pour ce service ni que les télédistributeurs s'engageaient formellement à le distribuer. En plus des trois interventions mentionnées ci-dessus, le Conseil a reçu quelque 25 interventions qui ont été considérées dans l'étude de la demande. Bien que certains intervenants se soient dits d'accord avec le concept d'un service de nouvelles continu en langue française, la très grande majorité des intervenants ont exprimé leur opposition ou de fortes réserves à la demande. A des degrés différents, cette opinion est partagée par des intérêts divers tels les radiodiffuseurs du Québec (le Réseau de Télévision TVA Inc., CFCF Inc. et la Société de Radio-Télévision du Québec), l'Association des consommateurs du Canada et le ministère des Communications du Québec.
Dans son mémoire, l'Association québécoise des câblodistributeurs, qui regroupe une soixantaine d'entreprises de télédistribution desservant quelque 1 400 000 abonnés, fait valoir que "sans être hostile à l'émergence d'un canal de nouvelles en français, [elle estime] que la Société Radio-Canada n'a démontré ni la pertinence ni la viabilité d'un tel canal sur le service de base".
Ainsi, vu les raisons indiquées plus haut, et notamment celles reliées à la programmation et à la viabilité du service, le Conseil conclut qu'il ne serait pas dans l'intérêt public d'octroyer une licence à la Société Radio-Canada pour le service tel que proposé.
Le Secrétaire général
Fernand Bélisle

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