Ordonnance de télécom CRTC 2022-335

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Ottawa, le 8 décembre 2022

Dossier public : Avis de modification tarifaire 573

TELUS Communications Inc. – Introduction de frais de traitement des cartes de crédit pour les services réglementés en Alberta et en Colombie-Britannique

Sommaire

Le Conseil refuse la demande de TELUS Communications Inc. en vue d’introduire des frais de traitement des cartes de crédit pour ses services réglementés en Alberta et en Colombie-Britannique.

En ce qui concerne les services non réglementés ou qui font l’objet d’une abstention, bien que le Conseil ait choisi de s’abstenir de certains pouvoirs réglementaires, il est d’avis que la pratique consistant à facturer des frais de traitement des cartes de crédit est inacceptable et aurait une incidence négative sur l’abordabilité des services de télécommunication. Si cette pratique se poursuit, ou si elle devient une pratique courante dans l’industrie des services de télécommunication, le Conseil est prêt à explorer toutes les options réglementaires disponibles dans un avenir rapproché. 

Contexte

Frais de traitement des cartes de crédit

  1. En 2018, un recours collectif intenté par divers détaillants contre Mastercard, Visa et des banques émettrices de cartes a été résolu par un règlement et a reçu l’approbation des tribunaux en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario et au Québec. À la suite de ce règlement, Mastercard et Visa ont modifié leurs règles contre les frais supplémentaires et autorisé les commerçants à facturer des frais supplémentaires aux clients qui paient par carte de crédit, à compter du 6 octobre 2022, sous réserve du plafonnement des frais supplémentaires et des exigences en matière d’avis aux clientsNote de bas de page 1.
  2. Avant ce règlement, les entreprises devaient absorber les coûts relatifs au traitement des paiements par carte de crédit et ne pouvaient pas les transmettre directement aux clients au moyen de frais supplémentaires.

Services réglementés et services non réglementés ou faisant l’objet d’une abstention de la réglementation

  1. Le Conseil ne réglemente les prix de détail des services de télécommunication que lorsque le libre jeu du marché et la concurrence ne suffisent pas à protéger les consommateurs dans un marché donné. Pour les clients des services de détail, les services réglementés incluent généralement les services téléphoniques filaires dans les régions rurales et éloignées et certains services Internet dans le Grand Nord.
  2. Dans les cas où le Conseil juge qu’il existe suffisamment de concurrence pour protéger les intérêts des consommateurs, il peut choisir de s’abstenir d’utiliser certains pouvoirs réglementaires. Lorsqu’il décide de le faire, les services sont désignés non réglementés ou faisant l’objet d’une abstention de la réglementation.
  3. Les fournisseurs de services de télécommunication (FST) doivent demander et recevoir l’approbation du Conseil avant de facturer des frais ou de modifier des tarifs pour leurs services réglementés. Ils n’ont pas besoin de le faire pour leurs services non réglementés ou faisant l’objet d’une abstention.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de TELUS Communications Inc. (TCI), datée du 8 août 2022, dans laquelle l’entreprise proposait des modifications à l’article 108 – Responsabilité du client à l’égard des frais de son Tarif général (Modalités de service générales). La demande a été déposée en tant qu’avis de modification tarifaire 573. Dans sa demande, TCI a proposé l’introduction de frais de traitement des cartes de crédit pour ses services réglementés en Alberta et en Colombie-Britannique.
  2. Plus précisément, TCI a proposé d’introduire des frais de traitement des cartes de crédit de 1,5 % du montant du paiement du client, plus les taxes applicables, lorsqu’un client effectue un paiement par carte de crédit. Les frais proposés s’appliqueraient aux clients nouveaux et existants des services réglementés de TCI en Alberta et en Colombie-Britannique qui effectuent des paiements par carte de crédit pour ces services.
  3. TCI a soumis un exemple de la façon dont les frais proposés seraient appliqués à la facture d’un client en Alberta pour un montant de 100 $. La taxe fédérale sur les produits et services (TPS) serait appliquée avant les frais proposés, ce qui donnerait un montant dû de 105 $. Les frais proposés de 1,5 % seraient alors appliqués à la somme de 105 $, pour un montant dû de 106,58 $. Enfin, la TPS serait appliquée au montant en dollars des frais proposés (1,58 $ dans cet exemple), ce qui donne un montant total dû de 106,66 $.
  4. TCI a indiqué que les frais proposés couvriraient les coûts de traitement qu’entraînent les paiements par carte de crédit. L’entreprise a indiqué qu’elle prévoyait d’envoyer des avis préalables concernant les frais à ses clients existants à partir de la mi-août 2022.
  5. Le Conseil a reçu 3 918 interventions concernant la demande de TCI. La majorité des interventions ont été soumises par des particuliers qui s’opposaient à la demande de TCI. Le Conseil a également reçu des interventions de plusieurs organisations de défense des droits des consommateurs.
  6. Les interventions reçues en réponse à la demande de TCI ont mis en évidence un certain nombre de préoccupations et d’arguments différents. De nombreux intervenants ont fait part de leurs préoccupations quant aux répercussions négatives potentielles de la demande de TCI sur les consommateurs, à l’abordabilité des services de télécommunication au Canada, aux bénéfices déjà élevés de TCI et des autres FST en général, et au contexte économique plus large (inflation, reprise après une pandémie, etc.) Des intervenants ont également déposé des observations sur la possibilité que les frais proposés par TCI aient un effet disproportionné sur certains groupes de clients, ainsi que sur la possibilité de double facturation, et l’argument selon lequel les frais de carte de crédit sont un coût d’exploitation établi a été soulevé dans de nombreuses interventions. Enfin, de nombreux intervenants ont dit estimer que la demande de TCI pourrait créer un dangereux précédent. Le Conseil a reçu un grand nombre d’interventions qui soulevaient ces préoccupations concernant les services non réglementés ou faisant l’objet d’une abstention, comme les services sans fil et les services Internet, lesquels ne sont pas couverts par le tarif de TCI.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente ordonnance :
    • Possibilité pour les clients d’éviter les frais
    • Abordabilité et tarifs justes et raisonnables
    • Recouvrement des coûts et double facturation
    • Discrimination injuste
    • Services non réglementés ou faisant l’objet d’une abstention

Possibilité pour les clients d’éviter les frais

Positions des parties
  1. De nombreux intervenants ont indiqué que l’imposition de frais de traitement des cartes de crédit est une pratique nuisible aux consommateurs. Ils se sont dits préoccupés par le fait que les personnes âgées à revenu fixe et les clients à faible revenu qui pourraient dépendre des paiements par carte de crédit ne soient touchés de manière disproportionnée par les frais proposés. En outre, de nombreux intervenants ont indiqué que d’autres méthodes de paiement posent problème; par exemple, le paiement en espèces est souvent peu pratique ou non disponible, tandis que les virements bancaires n’offrent pas la sécurité des cartes de crédit et ne permettent pas aux clients d’accroître leur cote de crédit ou d’accumuler des points de récompense. De nombreux intervenants ont également affirmé que TCI les a fortement encouragés à payer par carte de crédit.
  2. Le Centre de défense de l’intérêt public (CDIP) et la Fédération nationale des retraités (FNR) [collectivement CDIP-FNR] ont indiqué que TCI n’a pas de bonnes raisons de facturer un tarif différent pour les clients qui paient par carte de crédit, et que TCI n’a pas fourni de justification suffisante pour un tel tarif.
  3. En ce qui concerne les implications plus larges des frais proposés, de nombreux intervenants se sont dits préoccupés par le fait que, si la demande de TCI est approuvée, d’autres entreprises de services de télécommunication mettront probablement en place des frais semblables. Toutefois, un intervenant a fait remarquer que TCI est jusqu’à présent la seule entreprise de services de télécommunication à imposer des frais de traitement des cartes de crédit et que d’autres entreprises pourraient profiter de l’occasion pour offrir aux clients des conditions plus favorables.
  4. TCI a indiqué que les frais proposés seraient complètement évitables pour tous les clients, qu’ils n’entraîneraient pas d’augmentation des tarifs pour les services de télécommunication et qu’ils permettraient à TCI de facturer des frais justes et raisonnables pour le service facultatif de paiement par carte de crédit, qui est la meilleure façon d’assurer sa disponibilité continue pour ses clients.
  5. TCI est d’avis que les préoccupations des intervenants peuvent résulter d’un manque de connaissance de toutes les méthodes de paiement disponibles; les clients peuvent éviter les frais proposés en effectuant des paiements préautorisés à partir d’un compte de chèques ou par carte Visa Débit, ou en effectuant des paiements uniques par l’intermédiaire d’une banque ou par carte Visa Débit, Visa prépayée ou Mastercard prépayée. TCI a également indiqué que ces autres méthodes de paiement sont tout aussi sûres que les paiements par carte de crédit, que les procédures de contestation de la facturation et de remboursement sont semblables ou identiques à celles des cartes de crédit, et que la majorité des clients de TCI paient par d’autres moyens que la carte de crédit.
  6. En ce qui concerne les implications plus larges des frais proposés sur l’industrie des services de télécommunication, TCI a indiqué que si le Conseil interdit aux FST d’imposer des frais de traitement des cartes de crédit, il en résulterait une réglementation asymétrique qui désavantagerait l’industrie des services de télécommunication et ses clients par rapport aux industries dans lesquelles de tels frais sont autorisés. De plus, TCI a fait remarquer que les paiements par carte de crédit à l’Agence du revenu du Canada et à certaines entreprises de services publics sont déjà assujettis à des frais supplémentaires basés sur un pourcentage, imposés par des tiers fournisseurs de services, et que certains de ces frais supplémentaires sont plus élevés que les frais proposés par TCI.
Analyse du Conseil
  1. Alors que certains clients pourraient éviter les frais proposés en utilisant d’autres méthodes de paiement, le Conseil estime qu’il existe des raisons valables pour que les clients préfèrent payer par carte de crédit. Les cartes de crédit offrent généralement une protection accrue contre la fraude par rapport aux autres moyens de paiement. De plus, les paiements par carte de crédit offrent une certaine souplesse à ceux qui ont du mal à payer leurs factures; les frais proposés pourraient avoir des répercussions disproportionnées sur certains Canadiens à faible revenu qui ne peuvent pratiquement pas éviter ces frais.
  2. Le Conseil reconnaît les préoccupations soulevées par les intervenants selon lesquelles il peut être difficile de payer avec des méthodes autres que la carte de crédit et que TCI a encouragé le paiement par carte de crédit. Bien que TCI ait indiqué qu’aucun client n’est tenu de payer par carte de crédit, le Conseil estime que cela donne une mauvaise image de la capacité de TCI à informer ses clients de toutes les options de paiement disponibles. Traiter les paiements par carte de crédit comme un service optionnel dépend de l’argument selon lequel tous les clients peuvent utiliser d’autres méthodes de paiement sans effets négatifs, et cet argument n’est pas soutenu par les interventions reçues. Par conséquent, le Conseil estime que, dans la pratique, il serait difficile de dire que la redevance proposée par TCI est entièrement évitable pour tous les clients.
  3. En ce qui concerne l’argument de TCI selon lequel le fait d’empêcher les FST de facturer des frais de carte de crédit désavantagerait l’industrie des services de télécommunication par rapport à d’autres industries dans lesquelles les organismes de réglementation n’empêchent pas les entreprises de facturer des frais supplémentaires à leurs clients, cet argument suppose que les autres industries sont des concurrents de l’industrie des services de télécommunication, ce qui n’est pas le cas, et que les frais de traitement des cartes de crédit deviendront courants dans la plupart des autres industries. Le Conseil estime que cette issue n’est pas certaine; par exemple, les entreprises peuvent décider que le risque d’aliéner leurs clients est trop grand.

Abordabilité et tarifs justes et raisonnables

Positions des parties
  1. De nombreux intervenants se sont dits préoccupés par les implications d’abordabilité de la demande de TCI, étant donné le contexte économique plus large d’inflation élevée et de reprise après une pandémie. OpenMedia a indiqué que le fait d’autoriser l’ajout de nouveaux frais aux factures des clients rendrait la connectivité essentielle plus chère au Canada, et que cela serait particulièrement dommageable en raison du contexte économique fortement inflationniste et des tarifs déjà élevés que la population canadienne paie pour les services de télécommunication par rapport à d’autres pays.
  2. De plus, de nombreux intervenants ont exprimé leur insatisfaction à l’égard du coût des services de télécommunication au Canada, des profits réalisés par TCI et, plus généralement, par les grands FST, et de la perception d’un manque de concurrence sur le marché. Un intervenant a indiqué que l’Internet à large bande et sans fil accessible et abordable est un service public essentiel, et que la population canadienne paie des prix parmi les plus élevés au monde pour ces services de télécommunication. La coalition manitobaineNote de bas de page 2 a argué que l’approbation de la demande de TCI augmenterait les profits déjà importants de TCI sans aucun avantage pour les consommateurs et contredirait la politique établie du Conseil, y compris l’instance de 2018 concernant les pratiques de vente au détail trompeuses ou agressives (avis de consultation de télécom et de radiodiffusion 2018-246) et le Code sur les services sans fil.
  3. Un intervenant a indiqué que les tribunaux ont autorisé les frais supplémentaires parce que Mastercard et Visa ont des conditions défavorables pour les vendeurs, et que la décision du Conseil devrait raisonnablement permettre à des entreprises comme TCI de récupérer les coûts qu’elles avaient précédemment absorbés injustement. Toutefois, ils ont également indiqué que l’abordabilité est une préoccupation en ce qui concerne les services essentiels comme les télécommunications, et que les Canadiens à faible revenu pourraient trouver que les frais proposés constituent une augmentation notable de leurs dépenses.
  4. Enfin, la coalition manitobaine a indiqué que TCI n’a pas fourni suffisamment de renseignements afin de justifier sa demande et démontrer que les frais proposés mèneraient à des tarifs justes et raisonnables, conformément au paragraphe 27(1) de la Loi sur les télécommunications (Loi). Elle a également indiqué que les services réglementés de TCI tiennent vraisemblablement déjà compte des coûts liés aux paiements par carte de crédit et que les tarifs existants ont été considérés justes et raisonnables; par conséquent, toute modification de ces tarifs doit être approuvée de la même façon.
  5. TCI a indiqué que les paiements par carte de crédit ne sont pas au cœur de la prestation de services de télécommunication et qu’ils ne relèvent de la compétence du Conseil que parce qu’ils sont accessoires à la prestation de services de télécommunication, comme le prévoit l’article 23 de la Loi. TCI a indiqué que rien dans le dossier de la présente instance ne démontre une justification valable en matière de droit des télécommunications pour refuser sa demande; en particulier, il n’y a aucun fondement dans la Loi pour refuser cette demande pour des raisons d’abordabilité.
  6. TCI a indiqué que les observations concernant les répercussions des frais proposés sur l’abordabilité des services de télécommunication sont malavisées et non pertinentes pour cette demande, car les frais proposés sont évitables. Bien que TCI encourage les paiements préautorisés, elle a toujours offert une variété d’autres options de paiement et n’a jamais exigé des clients qu’ils paient par carte de crédit.
  7. En ce qui concerne les préoccupations soulevées au sujet des bénéfices réalisés par TCI et, plus généralement, par les grands FST, TCI a indiqué que l’objectif des frais proposés est de recouvrer et de limiter les coûts, et non de générer des revenus. TCI a également indiqué que les observations s’opposant aux frais proposés sur la base des revenus et de la rentabilité de TCI ne comprennent pas l’objectif et les répercussions des frais proposés; la rentabilité de TCI n’aide pas à déterminer si les frais proposés sont justes et raisonnables.
  8. Enfin, TCI a fait valoir qu’elle doit payer des frais inévitables, basés sur un pourcentage, chaque fois qu’elle accepte un paiement par carte de crédit. L’entreprise a cité une déclaration de la Cour suprême du Canada selon laquelle la capacité d’un service public réglementé d’avoir la possibilité de recouvrer ses coûts d’exploitation et d’investissement au moyen des tarifs est un principe clé du droit réglementaire canadien. TCI a argué que les organismes de réglementation doivent évaluer les coûts en fonction de leur caractère raisonnable et doivent également permettre au service public de recouvrer des coûts raisonnables. TCI a indiqué que les frais proposés dans sa demande sont clairement justes et raisonnables, conformément aux exigences de la Loi.
Analyse du Conseil
  1. En ce qui concerne les préoccupations relatives aux répercussions des frais proposés par TCI sur l’abordabilité des services de télécommunication, le Conseil estime qu’il n’est pas raisonnable que TCI refuse les vastes répercussions sur l’abordabilité de frais supplémentaires appliqués aux factures des clients.
  2. En vertu des paragraphes 27(1) et 27(5) de la Loi, tout tarif facturé par une entreprise canadienne pour un service de télécommunication doit être juste et raisonnable, et le Conseil peut adopter toute méthode ou technique qu’il estime appropriée pour déterminer si un tarif est juste et raisonnable. Par conséquent, le Conseil n’est pas tenu de suivre une méthodologie particulière pour fixer les tarifs, et il n’est pas non plus tenu de suivre la même méthodologie dans toutes les circonstances. Ces dispositions exigent que le Conseil mette en balance un large éventail d’intérêts et d’objectifs lorsqu’il détermine des tarifs justes et raisonnables, y compris les intérêts des entreprises à l’égard d’un taux de rendement équitable, les intérêts des clients à l’égard de prix équitables, les objectifs de politique générale énoncés à l’article 7 de la Loi, la concurrence sur le marché, les besoins du système de télécommunication dans son ensemble et les intérêts du public en général.
  3. La façon dont le Conseil s’acquitte de l’exigence indiquée dans la Loi voulant que les tarifs soient justes et raisonnables revient entièrement à la discrétion du Conseil. En outre, bien que les coûts d’une entreprise pour la prestation d’un service soient des facteurs pertinents, ils doivent être conciliés avec des facteurs pertinents pour la réalisation des objectifs de la politique. Cet exercice ne se fait pas dans le vide, et le Conseil doit tenir compte des circonstances qui prévalent au moment de l’enquête pour déterminer si un tarif est juste et raisonnable.
  4. Contrairement à l’argument de TCI, même si les frais proposés sont accessoires à la prestation de services de télécommunication, les préoccupations relatives à l’abordabilité qui ont été soulevées touchent directement les objectifs en matière de politique énoncés aux alinéas 7b) et 7h) de la LoiNote de bas de page 3. Le Conseil estime que l’approbation des frais proposés par TCI pourrait avoir des répercussions négatives sur les consommateurs les plus vulnérables, d’autant plus que la population canadienne doit actuellement faire face à des augmentations de prix pour de nombreux biens et services essentiels en raison de l’inflation élevée.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que l’approbation de la demande de TCI ne mènerait pas à des tarifs justes et raisonnables, conformément au paragraphe 27(1) de la Loi.

Recouvrement des coûts et double facturation

Positions des parties
  1. De nombreux intervenants ont indiqué que le coût encouru par TCI pour traiter les paiements par carte de crédit est un coût d’exploitation et ne devrait pas être assumé par le client. Certains intervenants ont également argué que ce coût est probablement intégré dans la tarification de TCI, faisant des frais proposés un cas de double facturation.
  2. Un intervenant a indiqué que les coûts de traitement des cartes de crédit ne sont pas nouveaux et que, en tant qu’entreprise constamment rentable, TCI a toujours inclus ces coûts dans ses prix. L’intervenant a suggéré que le Conseil refuse les frais proposés par TCI pour les clients existants, puisqu’ils paient déjà ces coûts dans le cadre de leurs contrats existants, et qu’il approuve les frais proposés pour les nouveaux clients à condition que les frais et le coût global soient justes et raisonnables et que les frais soient transparents. De même, un autre intervenant a suggéré que le Conseil approuve la demande de TCI à l’une des deux conditions suivantes : soit les clients existants devraient pouvoir résilier leur contrat sans pénalité, ce qui leur permettrait de faire affaire avec des concurrents qui ne facturent pas de frais de carte de crédit, soit les frais proposés ne devraient s’appliquer qu’aux nouveaux contrats.
  3. CDIP-FNR ont indiqué que le Conseil devrait exiger de TCI qu’elle dépose une étude de coûts, arguant que TCI doit démontrer comment elle récupère actuellement les coûts de traitement des cartes de crédit auprès de tous ses clients, et que les clients qui ne paient pas par carte de crédit ne devraient plus payer quoi que ce soit qui est relatif à ces coûts dans leurs tarifs. CDIP-FNR ont proposé que TCI réduise plutôt ses tarifs pour les clients qui ne paient pas par carte de crédit, ou bien ajoute tout montant retenu sur les clients qui ne paient pas par carte de crédit au calcul de l’augmentation des tarifs pour le calcul du plafonnement des prix de l’entreprise.
  4. OpenMedia est d’avis que les frais proposés par TCI constitueraient une tarification d’appât assortie de frais supplémentaires, parce qu’il s’agirait en fait d’une augmentation de prix qui serait appliquée aux factures des clients sans être incluse dans les prix annoncésNote de bas de page 4. OpenMedia a également indiqué que les frais proposés constitueraient une augmentation de prix parce que le coût du traitement des paiements par carte de crédit était déjà pris en compte dans la structure tarifaire de TCI.
  5. En ce qui concerne les observations des intervenants selon lesquelles les coûts engagés par TCI pour le traitement des cartes de crédit constituent un coût d’exploitation, TCI a indiqué qu’il n’y a aucune raison de principe d’interdire à une entreprise de recouvrer les frais de traitement des cartes de crédit auprès des clients qui les engagent. TCI a indiqué que les frais qu’elle propose appuient l’objectif d’efficacité énoncé à l’alinéa 7c) de la LoiNote de bas de page 5. Plus précisément, cela permettrait à l’entreprise de réduire ses coûts d’exploitation et d’inciter les clients à utiliser des méthodes de paiement moins coûteuses. De l’avis de TCI, interdire cette méthode de réduction des coûts reviendrait à subventionner les sociétés émettrices de cartes de crédit par les entreprises canadiennes de services de télécommunication et leurs abonnés, et rien dans la Loi ne justifie l’établissement d’une subvention pour une autre industrie.
  6. De plus, TCI a argué que la politique et les précédents du Conseil ont permis l’imposition de frais pour des services facultatifs semblables, comme les lignes supplémentaires ou les inscriptions dans les annuaires, et que les entreprises ont la capacité d’imposer des frais pour paiement tardif et des frais pour fonds insuffisants (tous deux sont exemptés de l’approbation du Conseil en vertu de la décision de télécom 86-7). Pour ces raisons, TCI a indiqué qu’il serait incohérent pour le Conseil de conclure qu’aucun client ne peut supporter de frais optionnels dans le contexte des frais proposés dans la présente demande.
  7. En ce qui concerne les préoccupations relatives à la double facturation, TCI a indiqué que ses tarifs ne compensent pas entièrement les coûts de traitement des paiements par carte de crédit; dans une certaine mesure, ils sont pris en compte dans ses études de coûts, mais pour la plupart des services, les études de coûts ne reflètent pas les coûts actuels parce qu’elles ont été réalisées avant que les paiements par carte de crédit ne soient courants. TCI a argué que les frais proposés lui permettraient de récupérer partiellement ces coûts inévitables; l’entente de règlement plafonne les frais de traitement des cartes de crédit des entreprises aux frais moyens de conversion les plus bas entre les différentes sociétés émettrices de cartes de crédit, et TCI serait donc probablement sous-compensée pour ces coûts.
  8. TCI est d’avis qu’elle a fourni tous les renseignements pertinents et qu’une étude de coûts formelle est inutile. TCI a indiqué que les frais proposés seraient simplement répercutés sur les frais de tiers engagés lorsqu’un client paie par carte de crédit. TCI a également indiqué que si le Conseil manque de renseignements pertinents, il peut et devrait demander à TCI de les divulguer au lieu de refuser la demande.
  9. En ce qui concerne la suggestion de CDIP-FNR selon laquelle TCI devrait réduire ses tarifs pour les clients qui ne paient pas par carte de crédit, TCI a indiqué que les frais proposés ne devraient pas être accompagnés d’une réduction des tarifs généraux. Il n’est pas nécessaire d’examiner les implications des frais proposés en matière de plafonnement des prix, car il s’agit de frais autonomes qui n’ont pas d’incidence sur les tarifs non soustraits à la réglementation. TCI a également indiqué qu’un examen complet des coûts serait incompatible avec l’objectif du régime de plafonnement des prix, qui est d’encourager les gains d’efficacité et de réduire au minimum le fardeau réglementaire, tel qu’établi dans la décision de télécom 2007-27.
  10. TCI a indiqué que les frais proposés sont transparents et ne constituent pas un exemple de tarification d’appât assortie de frais supplémentaires, car elle a pris de nombreuses mesures pour sensibiliser les clients et leur faire comprendre les frais, et elle continuera à le faire si les frais sont approuvés.
Analyse du Conseil
  1. En ce qui concerne l’argument de TCI selon lequel le fait de ne pas permettre aux FST de charger des frais supplémentaires aux clients équivaudrait à établir une subvention des FST et de leurs clients aux sociétés émettrices de cartes de crédit, le Conseil estime que le désir de TCI de ne pas subventionner ces entreprises doit être mis en balance avec les nombreux intervenants qui ont indiqué ne pas vouloir subventionner les coûts d’exploitation de TCI.
  2. S’il est vrai que le Conseil autorise les FST à facturer des frais pour des services qui ne sont généralement pas gratuits pour les clients, tels que les lignes supplémentaires ou les inscriptions dans les annuaires, le Conseil estime qu’il n’est pas raisonnable de comparer les frais pour ces types de services facultatifs avec les frais de traitement des cartes de crédit proposés par TCI, puisque le paiement par carte de crédit est un service qui est disponible gratuitement pour les clients depuis des décennies. De plus, le Conseil est d’avis que le refus de la demande de TCI serait conforme à la modification apportée en 2014 à l’article 27.2 de la Loi, qui interdit aux fournisseurs d’imposer des frais pour les factures papier. Dans les deux cas, les fournisseurs seraient empêchés de facturer un service relatif à la facturation qui était auparavant gratuit pour les clients et qui devrait être considéré comme un coût d’exploitation.
  3. En ce qui concerne le mémoire de TCI comparant les frais proposés aux frais de paiement tardif et aux frais de fonds insuffisants, le Conseil est d’avis que les paiements tardifs et les tentatives de paiement avec des fonds insuffisants ne sont pas équivalents aux paiements effectués avec une carte de crédit, à temps et en totalité. La plupart des clients raisonnables comprennent que le premier comportement sera découragé par des frais; cependant, selon les interventions reçues en rapport avec la présente demande, de nombreux clients ne comprennent pas pourquoi ils devraient payer des frais pour payer leurs factures, à temps et en totalité, en utilisant une méthode de paiement que, selon eux, TCI a encouragée dans le passé. Le fait que le Conseil ait approuvé et se soit abstenu de réglementer les frais de retard de paiement et les frais de fonds insuffisants ne signifie pas qu’elle doit approuver les frais de traitement des cartes de crédit proposés par TCI.
  4. Les coûts relatifs au traitement des paiements par carte de crédit constituent un coût d’exploitation connu depuis des décennies. Le cadre d’établissement des coûts de la Phase II permet d’inclure les coûts de facturation et de recouvrement dans l’élaboration des tarifs des services, de sorte que ces coûts ont été pris en compte dans le passé. Le Conseil est d’avis que TCI a eu le temps et l’occasion de tenir pleinement compte de ces coûts.
  5. Le Conseil estime qu’il est extrêmement important d’éviter la double facturation, et TCI n’a pas fourni d’éléments de preuve, au-delà de ses affirmations, que ces coûts ne sont pas déjà incorporés dans ses tarifs, en tout ou en partie. Si les tarifs de TCI tiennent actuellement partiellement compte des coûts de traitement des paiements par carte de crédit, comme l’indique la réplique de l’entreprise, le coût existant pour les clients serait partiellement reproduit par les frais proposés, ce qui ne serait pas approprié.
  6. Bien que les fournisseurs de services qui sont tenus de fournir leurs services à des prix réglementés et à des conditions non discriminatoires doivent avoir la possibilité d’obtenir un rendement équitable de leur investissement, TCI n’a fourni aucun élément de preuve (c.-à-d. des études de coûts) pour suggérer que ses tarifs actuels ne sont pas équitables. Le fait que les tarifs actuels de TCI puissent déjà tenir compte partiellement des coûts de traitement des cartes de crédit indique que ces coûts sont récupérés par les tarifs qui ont été approuvés pour ces services.
  7. En outre, le Conseil estime que l’objectif indiqué de TCI d’accroître l’efficacité et de recouvrer les coûts en dissuadant le paiement par carte de crédit semble incompatible avec ses pratiques antérieures, sur la base d’interventions indiquant que TCI a encouragé les clients à mettre en place le paiement automatique par carte de crédit.
  8. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que les coûts associés au traitement des cartes de crédit constituent un coût d’exploitation et ont été inclus dans les tarifs payés par les clients dans le passé, et que les frais proposés par TCI ne sont probablement pas nécessaires pour que les tarifs soient compensatoires. De plus, l’approbation des frais proposés par TCI i) aurait des répercussions négatives sur les intérêts des consommateurs en ce qui a trait à des prix équitables; ii) serait contraire à l’intérêt public; et iii) serait contraire à certains objectifs de la politique, plus précisément aux alinéas 7b) et 7h) de la Loi. Ces préoccupations l’emportent sur tout recouvrement de coûts ou gain d’efficacité pour TCI comme décrit dans sa demande.

Discrimination injuste

Positions des parties
  1. CDIP-FNR ont indiqué que l’application des frais proposés par TCI aux clients qui utilisent des cartes de crédit constituerait un cas de discrimination injuste en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi. CDIP-FNR ont indiqué qu’il existe un tarif unique dans une catégorie de tarifs pour tous les clients et que toute déviation de ce tarif pour un sous-groupe de clients constitue une discrimination injuste. Le choix d’un mode de paiement par le client n’est pas pertinent pour les principes des taux tarifés.
  2. TCI a argué que les frais proposés n’entraîneraient pas de discrimination injuste en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi, car la discrimination exige un traitement différent des clients se trouvant dans une situation semblable, et les clients qui choisissent de payer par carte de crédit ne sont pas dans une situation semblable à ceux qui choisissent de ne pas payer par carte de crédit. TCI a donc indiqué qu’il n’est ni injuste ni discriminatoire que les clients qui optent pour des services facultatifs entraînant des coûts pour l’entreprise paient davantage que ceux qui ne le font pas.
Analyse du Conseil
  1. Le Conseil reconnaît que la question de la discrimination injuste a été soulevée. Cependant, étant donné la conclusion ci-dessus selon laquelle l’approbation de la demande de TCI ne mènerait pas à l’établissement de tarifs justes et raisonnables conformément au paragraphe 27(1) de la Loi, le Conseil estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question de la discrimination injuste à ce moment-ci.

Services non réglementés ou faisant l’objet d’une abstention

Positions des parties
  1. La coalition manitobaine a indiqué que le Conseil devrait tenir compte des répercussions plus vastes des frais de traitement des cartes de crédit visés par la présente demande et que le Conseil a l’occasion de protéger les intérêts des consommateurs contre les frais supplémentaires injustifiés et déraisonnables, dans l’esprit des prochaines Instructions. CDIP-FNR et la coalition manitobaine ont tous deux indiqué que le Conseil devrait refuser la demande d’approbation de TCI concernant les frais de traitement des cartes de crédit proposés et entamer une instance plus large pour traiter la question des frais liés aux cartes de crédit. De même, de nombreux particuliers ont exprimé leurs préoccupations concernant les frais de traitement des cartes de crédit dans leur ensemble.  
  2. TCI a indiqué qu’elle ne cherchait qu’à obtenir l’approbation du Conseil pour appliquer les frais proposés à ses services réglementés et que l’approbation du Conseil n’était pas nécessaire pour appliquer des frais de traitement des cartes de crédit à ses services non réglementés ou qui font l’objet d’une abstention. TCI a indiqué que la présente demande n’est pas le lieu pour aborder les frais de traitement des cartes de crédit en général, et que les intervenants qui poursuivent cet objectif devraient chercher à obtenir des modifications législatives ou faire part de leurs préoccupations à un organisme de réglementation bancaire ou financier.
Analyse du Conseil
  1. Bien que cette demande soit particulière aux services réglementés de TCI en Alberta et en Colombie-Britannique, qui sont généralement des services téléphoniques filaires fournis aux clients de services de résidence et aux petites entreprises, TCI a indiqué publiquement qu’elle appliquera les frais de traitement des cartes de crédit à tous les frais payés par carte de crédit. Plus précisément, outre les services téléphoniques filaires (dans les zones réglementées ou non), la redevance serait également appliquée aux services sans fil mobiles et Internet, qui échappent à la réglementation du Conseil ou ne sont pas réglementés (ce qui signifie que TCI n’a pas besoin de l’approbation du Conseil pour facturer ces frais comme dans le cas des services réglementés). TCI a envoyé des avis à ses clients pour les informer que ces frais seraient appliqués à ces services non réglementés ou qui font l’objet d’une abstention à partir du 17 octobre 2022.
  2. Étant donné que la distinction entre les services réglementés et les services non réglementés ou faisant l’objet d’une abstention n’est pas évidente pour la plupart des consommateurs, la plupart des interventions des particuliers canadiens ont exprimé des préoccupations quant à l’application des frais proposés aux services non réglementés, en particulier les services sans fil mobiles et Internet. En outre, CDIP-FNR et la coalition manitobaine ont tous deux indiqué que le Conseil devrait se pencher plus largement sur la question des frais de carte de crédit entourant les services de télécommunication.
  3. Le Conseil a analysé la demande de TCI en fonction des Instructions actuelles, comme il est expliqué plus loin dans la présente ordonnance. Cela dit, bien qu’elles ne soient pas encore entrées en vigueur, le Conseil fait remarquer que le gouvernement du Canada a proposé de nouvelles Instructions qui mettent fortement l’accent sur les objectifs suivants : i) assurer un accès abordable à des services de grande qualité dans toutes les régions du Canada, ii) améliorer et protéger les droits des consommateurs, y compris les droits relatifs à l’accessibilité, et iii) favoriser l’abordabilité et la baisse des prix, particulièrement lorsque les FST exercent un pouvoir de marché. L’application de frais de traitement des cartes de crédit serait en contradiction avec ces objectifs et, selon le Conseil, de tels frais sont inacceptables et aurait une incidence négative sur les services de télécommunication.
  4. Bien que le Conseil ait précédemment déterminé qu’il était approprié de s’abstenir de certains pouvoirs réglementaires en ce qui concerne les services non réglementés, si la pratique en vue de facturer des frais de traitement des cartes de crédit se poursuit, ou si elle devient une pratique dans l’industrie des services de télécommunication, le Conseil est prêt à explorer toutes les options réglementaires disponibles dans un avenir rapproché.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil refuse la demande de TCI en vue d’introduire des frais de traitement des cartes de crédit pour ses services réglementés en Alberta et en Colombie-Britannique.
  2. Le Conseil fait remarquer que, si la pratique en vue de facturer des frais supplémentaires pour le traitement des paiements par carte de crédit devait se poursuivre ou être étendue à des services non réglementés, que ce soit par TCI ou par d’autres FST, le Conseil est prêt à explorer toutes les options réglementaires disponibles dans un avenir proche.

Instructions

  1. Les Instructions de 2019 précisent que le Conseil devrait examiner comment ses décisions peuvent promouvoir la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovationNote de bas de page 6.
  2. Le Conseil a examiné la demande de TCI en tenant compte des Instructions de 2019 et a étudié ses aspects dans la mesure nécessaire, en ayant recours à des mesures qui sont efficaces et proportionnelles à son objectif. Le Conseil estime que le refus de la demande de TCI d’introduire des frais de traitement des cartes de crédit est conforme aux Instructions de 2019, car il favorisera i) les intérêts des consommateurs, car les clients pourront continuer à utiliser une méthode de paiement établie, répandue et sûre sans payer de nouveaux frais; et ii) l’abordabilité, car les clients qui ne peuvent pratiquement pas utiliser d’autres méthodes de paiement ne devront pas payer de frais pour payer par carte de crédit.
  3. En outre, conformément au sous-alinéa 1b)(i) des Instructions de 2006Note de bas de page 7, l’approbation de la présente demande fait progresser l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7h) de la Loi.

Secrétaire général

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