Décision de Conformité et Enquêtes CRTC 2020-319

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Ottawa, le 1 septembre 2020

Numéro de dossier : EPR 9174-2504

Devonshire Realty Inc., exerçant ses activités sous le nom de Maxwell Devonshire Realty – Violations des Règles sur les télécommunications non sollicitées

Le Conseil conclut que le procès-verbal de violation adressé à Devonshire Realty Inc., exerçant ses activités sous le nom de Maxwell Devonshire Realty, n’a pas été émis dans le délai de prescription de deux ans prévu par la Loi sur les télécommunications et refuse donc d’imposer une sanction administrative pécuniaire.

Introduction

  1. Entre le 1er janvier 2015 et le 3 février 2018, le Conseil a reçu des plaintes concernant des appels de télémarketing liés à des services immobiliers.
  2. À la suite de ces plaintes, le personnel d’enquête du Conseil a amorcé une enquête sur 1 Touch Solutions Inc. (1 Touch Solutions), une société de télémarketing spécialisée dans le repérage de clients potentiels pour ses clients dans les secteurs de l’immobilier, du crédit hypothécaire et de l’assurance.
  3. Le personnel d’enquête du Conseil a constaté que M. Kelly Grant, un agent immobilier de Devonshire Realty Inc., exerçant ses activités sous le nom de Maxwell Devonshire Realty (Maxwell Devonshire Realty), était l’un des clients de 1 Touch Solutions.
  4. Le 4 septembre 2019, un agent désigné par le ConseilNote de bas de page 1 a émis un procès-verbal de violationNote de bas de page 2 à Maxwell Devonshire Realty en vertu de la Loi sur les télécommunications (Loi). Le procès-verbal informait Maxwell Devonshire Realty que les appels de télémarketing faits en son nom entre le 10 juillet 2015 et le 30 juin 2016 avaient mené à 
    • une violation de l’article 4 de la partie II des Règles sur les télécommunications non sollicitées (Règles), qui exige que les clients des télévendeurs prennent toutes les mesures raisonnables pour faire en sorte que les télévendeurs n’effectuent pas de télécommunications de télémarketing en leur nom à des consommateurs dont les numéros sont inscrits sur la Liste nationale de numéros de télécommunication exclus (LNNTE), à moins que les consommateurs n’aient expressément consenti à recevoir ce genre de télécommunication de leur part;
    • 59 violations de l’article 7 de la partie II des Règles, qui interdit à tout télévendeur d’effectuer des télécommunications de télémarketing au nom d’un client à moins que ce client soit abonné à la LNNTE et qu’il ait payé les frais d’abonnement à l’administrateur de la LNNTE;
    • 59 violations de l’article 3 de la partie III des Règles, qui interdit à tout télévendeur d’effectuer des télécommunications de télémarketing au nom d’un client qui n’est pas inscrit auprès de l’administrateur de la LNNTE.
  5. Le procès-verbal de violation prévoyait une sanction administrative pécuniaire (pénalité) pour 119 violations, à raison de 50,42 $ par violation, et une pénalité totale de 6 000 $.
  6. Le procès-verbal de violation était conforme aux exigences de la Loi en matière de contenuNote de bas de page 3.
  7. Maxwell Devonshire Realty avait 30 jours pour payer la pénalité prévue dans le procès-verbal de violation ou pour présenter ses observations au Conseil.
  8. Le Conseil a reçu des observations de Maxwell Devonshire Realty le 17 septembre 2019.
  9. Dans ses observations, Maxwell Devonshire Realty a soutenu que l’instance avait été amorcée trop tard, car l’agent désigné avait émis le procès-verbal de violation plus de deux ans après la date à laquelle le Conseil a eu connaissance des éléments constitutifs des violations. En outre, Maxwell Devonshire Realty a fait valoir qu’elle ne s’est jamais livrée à des activités de télémarketing et a contesté qu’elle puisse être tenue indirectement responsableNote de bas de page 4 des violations mentionnées dans le procès-verbal de violation.

Le procès-verbal de violation a-t-il été émis dans le délai de prescription prévu?

  1. Le paragraphe 72.12(1) de la Loi prévoit que toute instance relative à une violation doit être amorcée dans un délai de prescription prévu.
  2. Pour les raisons qui suivent, le Conseil conclut que l’agent désigné n’a pas émis le procès-verbal de violation dans le délai de prescription prévu, et que le procès-verbal est donc hors délai.
  3. L’émission d’un procès-verbal de violation dans le délai de prescription prévu est un élément fondamental d’une instance liée à une violation, qui fait en sorte que le Conseil exerce ses pouvoirs légalement et n’agit pas en dehors des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi.
  4. Les délais de prescription visent à assurer l’équité dans le traitement des auteurs présumés des violations et à leur permettre de présenter une défense complète. Leur capacité à présenter une défense complète peut être compromise par le passage du temps ou un retard indu dans la prise de mesures. Par conséquent, le délai de prescription prévu au paragraphe 72.12(1) de la Loi exige une interprétation entraînant un traitement équitable des auteurs présumés des violations tout en accordant au Conseil un délai approprié pour mener ses enquêtes.
  5. La version française du paragraphe 72.12(1) de la Loi prévoit ce qui suit :
  6. Les procédures en violation se prescrivent par deux ans à compter de la date où le Conseil a eu connaissance des éléments constitutifs de la violation. (Non souligné dans l’original.)

  7. La version anglaise de ce paragraphe est la suivante :
  8. No proceedings in respect of a violation may be commenced later than two years after the day on which the subject-matter of the proceedings became known to the Commission. (Non souligné dans l’original.)

  9. Le Conseil estime qu’à première vue, il semble y avoir une divergence entre les versions française et anglaise du paragraphe 72.12(1) pouvant donner lieu à de l’ambiguïté. La version anglaise fait référence à la connaissance de « the subject-matter of the proceedings » (l’objet de l’instance), tandis que la version française de la disposition fait référence aux « éléments constitutifs de la violation ».
  10. En vertu de la règle d’égale autorité, les versions française et anglaise du paragraphe 72.12(1) sont pareillement authentiques et ont également force de loi. Toute interprétation de ce paragraphe doit donc s’appuyer sur les deux versions pour éliminer toute divergence et dégager un sens commun entre les deux versions.
  11. Le Conseil a appliqué les principes d’interprétation des lois bilingues pour concilier les versions française et anglaise du paragraphe 72.12(1) de la Loi et en déterminer le sens commun. Le sens commun favorisera la version qui est claire et non ambiguë. Lorsqu’une version est plus générale que l’autre, le sens commun favorise également le sens plus restreint ou limité.
  12. Le Conseil estime que la formulation utilisée dans la version anglaise est générale et crée une ambiguïté, tandis que la version française est claire et sans équivoque, étant donné qu’elle fait référence aux « éléments constitutifs de la violation » par opposition à « the subject-matter of the proceedings » (l’objet de l’instance). Par conséquent, le Conseil interprète « the subject-matter of the proceedings » (l’objet de l’instance) comme signifiant les « éléments constitutifs de la violation ».
  13. Le Conseil estime en outre que pour établir le moment où le Conseil a eu connaissance des éléments constitutifs de la violation, il faut déterminer
    1. qui, au Conseil, devait prendre connaissance des éléments constitutifs de la violation;
    2. le moment où cette personne a eu connaissance de ces éléments.
  14. Selon le Conseil, la connaissance des agents désignés par le Conseil comme inspecteurs pour faire appliquer la Loi constitue la connaissance du Conseil aux fins du délai de prescription prévu par la LoiNote de bas de page 5.
  15. Le Conseil estime que le délai de prescription de deux ans commence à courir lorsqu’un inspecteur du Conseil dispose de renseignements suffisants et crédibles pour avoir des motifs raisonnables de croire que i) des violations spécifiques ont été commises, et que ii) ces violations ont été commises par un individu ou un groupe identifiable. Ces deux éléments doivent être présents pour que le délai de prescription de deux ans commence à courirNote de bas de page 6.
  16. Le Conseil estime que le degré de connaissance requis pour que le délai de prescription commence à courir ne doit pas être confondu avec les renseignements et les éléments de preuve qui doivent être communiqués au moment de l’émission d’un procès-verbal de violation. Il est donc possible que, lorsque l’inspecteur prend connaissance des éléments constitutifs nécessaires pour que le délai de prescription commence à courir, l’agent désigné ne dispose pas encore de tous les renseignements nécessaires pour émettre un procès-verbal de violation. Par conséquent, l’inspecteur dispose de deux ans pour obtenir des renseignements complémentaires afin de satisfaire aux obligations et à la norme de preuve requises par la Loi pour émettre un procès-verbal de violationNote de bas de page 7.
  17. Le Conseil fait remarquer que, contrairement à certains autres régimes légaux dans lesquels les délais de prescription commencent à courir le jour où la violation a été commise, la Loi prévoit un délai plus long entre la commission de la violation et le début du délai de prescription. Ce délai plus long est à l’avantage de l’inspecteur du Conseil. Comme les délais de prescription sont des dispositions restrictives, en tant que principe général de droit, ils doivent être interprétés strictement et, toute ambiguïté doit être résolue en faveur de la partie dont les droits sont concernés. Pour cette raison, le Conseil estime qu’il appartient à l’inspecteur du Conseil et à l’agent désigné en vertu de la Loi pour émettre les procès-verbaux de violation de démontrer à quel moment l’inspecteur a pris connaissance des éléments constitutifs des violations présuméesNote de bas de page 8.
  18. L’inspecteur du Conseil a déclaré dans le rapport d’enquête que les éléments constitutifs des violations ont été connus le 15 septembre 2017, lorsque 1 Touch Solutions lui a fourni une copie d’un contrat signé entre 1 Touch Solutions et M. Grant. L’inspecteur du Conseil a affirmé que c’est le 15 septembre 2017 ou peu après cette date que des renseignements suffisants confirmant concrètement les violations des Règles ont été reçus ou générés.
  19. Dans ses observations, Maxwell Devonshire Realty a contesté la position de l’agent désigné quant au moment où le délai de prescription a commencé à courir et a argué que l’instance avait été amorcée trop tard.
  20. Maxwell Devonshire Realty a fait remarquer que selon le rapport d’enquête, le 26 juillet ou le 1er août 2016, 1 Touch Solutions a fourni à l’inspecteur du Conseil 59 pistes de clients potentiels découlant d’appels de télémarketing, que 1 Touch Solutions avait précédemment envoyées à M. Grant de Maxwell Devonshire Realty. Compte tenu de ces renseignements, Maxwell Devonshire Realty a fait valoir que le Conseil avait connaissance de l’objet de l’instance au plus tard le 1er août 2016, soit trois ans et un mois avant l’émission du procès-verbal de violation.
  21. Selon les documents à l’appui du procès-verbal de violation, 1 Touch Solutions a fourni à l’inspecteur du Conseil la liste des clients le 26 juillet 2016, ainsi que les 59 pistes de clients potentiels et une copie d’une facture adressée à M. Grant le 1er août 2016.
  22. La liste des clients désignait M. Grant comme un client de 1 Touch Solutions, désignait la société comme Realty Executives-Devonshire, et montrait le volume des appels prévus et effectués en son nom.
  23. Les 59 pistes de clients potentiels désignaient M. Grant comme un client de 1 Touch Solutions et fournissaient le nom, le numéro de téléphone et l’adresse de la personne contactée, la date de l’appel, des détails sur la propriété de la personne et les intentions de la personne de vendre ou d’acheter une propriété dans un avenir proche. En outre, la facture était adressée à M. Grant à l’adresse commerciale de Maxwell Devonshire Realty et montrait que le montant facturé concernait des services de télémarketing de sortie.
  24. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que la liste de clients, les pistes de clients potentiels et la facture ont permis d’établir avec précision les principaux éléments constitutifs des violations et les dates auxquelles les violations présumées se seraient produites. Le 1er août 2016, l’inspecteur connaissait également l’identité de l’auteur présumé des violations, soit M. Grant, et avait connaissance d’une relation de mandant-mandataire entre M. Grant et Maxwell Devonshire Realty.
  25. Le Conseil estime que l’inspecteur pouvait facilement obtenir les éléments de preuve concernant les autres éléments des violations. L’inspecteur avait les moyens de vérifier, le 1er août 2016 ou peu après, si un numéro de téléphone inscrit sur la LNNTE avait été composé. Le Conseil estime en outre qu’il aurait été raisonnable que l’inspecteur vérifie le statut d’inscription et d’abonnement de Maxwell Devonshire Realty le 1er août 2016 ou peu aprèsNote de bas de page 9.
  26. Selon le Conseil, le contrat entre 1 Touch Solutions et M. Grant ne fournit pas de renseignements supplémentaires quant à la responsabilité indirecte de Maxwell Devonshire Realty pour les violations présumées. En outre, le contrat n’était pas nécessaire pour que l’inspecteur du Conseil croie que M. Grant avait commis des violations des Règles, étant donné les renseignements déjà connus depuis le 1er août 2016 ou peu après.
  27. Le Conseil estime que la confirmation de la responsabilité indirecte de Maxwell Devonshire Realty pour la commission des violations par M. Grant faisait partie des mesures que l’inspecteur du Conseil devait prendre après avoir été informé de l’identité de l’auteur des violations pour satisfaire aux obligations et à la norme de preuve nécessaires en vertu de la Loi pour émettre un procès-verbal de violation.
  28. Le Conseil conclut donc que le délai de prescription a commencé à courir le 1er août 2016, car c’est à cette date que l’inspecteur du Conseil a disposé de suffisamment de renseignements crédibles et convaincants pour avoir des motifs raisonnables de croire que des violations spécifiques avaient été commises, et que ces violations avaient été commises par M. Grant de Maxwell Devonshire Realty. Par conséquent, le procès-verbal de violation pour les violations présumées liées aux appels de télémarketing à partir desquels les 59 pistes de clients potentiels ont été générées devait être émis au plus tard le 1er août 2018. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, il a été émis le 4 septembre 2019.

Conclusions

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil détermine que le procès-verbal de violation est hors délai, car il n’a pas été émis à Maxwell Devonshire Realty dans le délai de prescription de deux ans prévu par la Loi. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que le Conseil détermine, selon la prépondérance des probabilités, si les violations ont été commises. Le Conseil refuse donc d’imposer une pénalité.
  2. Comme l’exige le paragraphe 72.08(4) de la Loi, le Conseil avise par les présentes Maxwell Devonshire Realty qu’elle a le droit de demander au Conseil de réviser, d’annuler ou de modifier la présente décision. Toute demande de révision et de modification doit être présentée dans les 90 jours suivant la date de la présente décision, et le Conseil affichera toute la documentation connexe sur son site WebNote de bas de page 10 (voir l’article 62 de la Loi).
  3. Comme l’exige le paragraphe 72.08(4) de la Loi, le Conseil informe aussi Maxwell Devonshire Realty qu’elle peut également demander l’autorisation d’interjeter appel de la présente décision devant la Cour d’appel fédérale. La demande d’autorisation d’interjeter appel doit être présentée à la Cour d’appel fédérale dans les 30 jours suivant la date de la présente décision ou suivant un délai plus long, octroyé par un juge de la Cour dans des cas exceptionnels (voir l’article 64 de la Loi).

Secrétaire général

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