Décision de télécom CRTC 2019-286

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Ottawa, le 9 août 2019

Dossier public : 1011-NOC2017-0049

Groupe de travail Plan de travail CDCI – Litige concernant l’inclusion de comparaisons entre le rendement des fournisseurs de services d’accès haute vitesse de détail et celui des fournisseurs de services d’accès haute vitesse de gros pour certains indicateurs de qualité du service comme un élément ne faisant pas consensus dans un rapport

Le Conseil confirme que le prochain rapport du Groupe de travail Plan de travail pour le formulaire d’identification de tâche 102, qui doit être déposé au plus tard le 8 octobre 2019, ne doit pas inclure une exigence relative aux comparaisons entre les indicateurs de qualité des services de détail et des services de gros. L’inclusion de ces comparaisons est une question de politique et ne relève donc pas du mandat du Comité directeur du CRTC sur l’interconnexion (CDCI) et de ses groupes de travail. Le Conseil rappelle aux parties que le CDCI n’est pas le forum approprié pour les questions de politique.

Introduction

  1. Dans l’Examen du régime de qualité du service aux concurrents, Politique réglementaire de télécom CRTC 2018-123, 13 avril 2018 (politique réglementaire de télécom 2018-123), le Conseil a ordonné aux fournisseurs de services d’accès haute vitesse (AHV) de gros de fournir des renseignements sur certains indicateurs de qualité du service (QS) aux concurrents tous les trois mois. Le Conseil a fait remarquer que certains indicateurs et délais sur lesquels les fournisseurs de services AHV de gros doivent établir des rapports exigeaient un processus de suivi.
  2. Le Conseil a demandé que ce processus de suivi soit mené par le Comité directeur du CRTC sur l’interconnexion (CDCI)Note de bas de page 1, qui, à son tour, a confié cette tâche au Groupe de travail Plan de travail (GTPT)Note de bas de page 2. Ce dernier a créé le formulaire d’identification de tâche 102 (FIT 102) pour faire le suivi de ses activités de travail, qui sont effectuées par l’un de ses sous-groupes de travail.
  3. Certaines des compagnies qui comptent sur les services AHV de gros veulent que des indicateurs de QS de détail soient inclus dans les rapports sur la QS pour permettre au Conseil de déterminer si les fournisseurs de services AHV font preuve de discrimination envers leurs concurrents relativement aux services qu’ils fournissent à leurs propres clients. Les fournisseurs de services AHV de gros ne sont pas d’accord.
  4. Le président du sous-groupe de travail a déclaré que la question d’inclure des indicateurs de QS de détail est une question de politique qui ne fait pas partie de la portée des travaux des membres du CDCI et qui pourrait être soumise comme une demande distincte au Conseil par les personnes intéressées. C’est pourquoi le président a demandé que cette question soit abordée dans une section distincte du rapport FIT 102, à l’instar de l’approche adoptée par d’autres groupes de travail. Le personnel du Conseil a également précisé au sous-groupe de travail que le Conseil n’avait pas demandé au CDCI de lui fournir des renseignements sur la QS de détail.

Litige

  1. Le 11 avril 2019, le Conseil a reçu un formulaire d’information sur le litigeNote de bas de page 3 soumis par le Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens inc. (CORC), dans lequel il a soutenu que des références au besoin de faire des comparaisons entre le rendement des fournisseurs de services AHV de détail et celui des fournisseurs de services AHV de gros pour certains indicateurs de QS devraient être incluses dans le rapport FIT 102 comme un élément ne faisant pas consensus pour permettre au Conseil de rendre une décision.

Positions des parties

  1. Allstream Business Inc. (Allstream), Primus Telecommunications Canada Inc., and TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy) ont appuyé la position du CORC.
  2. Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink, Cogeco Communications Inc., Rogers Communications Canada Inc., Shaw Cablesystems Limited et Videotron Ltée (anciennement Vidéotron s.e.n.c.) [collectivement les entreprises de câblodistribution], ainsi que Bell Canada, Saskatchewan Telecommunications (SaskTel), et TELUS Communications Inc. (TCI) se sont opposées à la position du CORC et ont soutenu que ces références ne faisaient pas partie de la portée du rapport FIT 102.
  3. Le CORC et TekSavvy ont fait remarquer que le Conseil avait indiqué dans la politique réglementaire de télécom 2018-123 qu’il s’inquiétait de l’existence de discrimination dans la prestation des services AHV de gros.
  4. Allstream et le CORC ont fait valoir que le Conseil avait besoin d’un accès à des données sur la QS de détail pour déterminer si les fournisseurs de services AHV de gros faisaient indûment preuve de discrimination envers leurs concurrents. Le CORC a fait remarquer que dans l’instance qui a donné lieu à la politique réglementaire de télécom 2018-123, les fournisseurs de services AHV de gros avaient tenté d’utiliser leurs propres données pour démontrer que leur prestation de services AHV de gros était comparable à celle de services AHV à leurs propres utilisateurs finals de services de détail.
  5. Le CORC a soutenu que cette allégation avait fait entrer à juste titre la question des comparaisons dans la portée de la politique réglementaire de télécom 2018-123 et du rapport FIT 102, et que le Conseil devait rendre une décision à l’égard des comparaisons conformément aux exigences législatives, en particulier l’article 52(1) de la Loi sur les télécommunications, qui prévoit que seul le Conseil peut trancher une question de droit. Le CORC a ajouté que la seule façon dont le Conseil pouvait rendre une telle décision est si la question lui était présentée comme un élément ne faisant pas consensus.
  6. Le CORC a également soutenu qu’étant donné que le Conseil n’avait pas exclu expressément une discussion sur les indicateurs de QS de détail dans la politique réglementaire de télécom 2018-123, des références au besoin de faire des comparaisons devraient être incluses dans le rapport FIT 102. TekSavvy a appuyé ce point de vue. Le CORC a soutenu que si les fournisseurs de services AHV estimaient que l’inclusion de telles références était inappropriée, ce désaccord devrait donner lieu à un élément ne faisant pas consensus plutôt qu’à la suppression des références du rapport.
  7. Allstream a fait remarquer que l’objectif du CDCI était d’aider le Conseil à élaborer des documents d’information, des procédures et des lignes directrices à l’appui de ses activités de réglementation. La compagnie a indiqué que les produits des groupes de travail du CDCI devraient refléter les positions de tous les membres. Par conséquent, le rapport FIT 102 devrait inclure les positions ne faisant pas consensus relatives aux comparaisons.
  8. Les entreprises de câblodistribution ont signalé que l’absence de directives du Conseil sur les comparaisons dans la politique réglementaire de télécom 2018-123 ne signifiait pas qu’elles devraient être incluses dans le rapport FIT 102, et que leur inclusion comme un élément ne faisant pas consensus exigerait que le Conseil rende une décision connexe. Elles ont soutenu qu’étant donné que la question est une question de politique qui ne fait pas partie de la portée du rapport FIT 102, elle ne devrait pas faire l’objet d’une décision ne faisant pas consensus pour le Conseil.
  9. TCI, appuyée par SaskTel, a fait remarquer que : i) la portée de la tâche du CDCI était établie dans la politique réglementaire de télécom 2018-123, laquelle ne comprend pas la fourniture de données sur les services de détail; ii) l’inclusion de ces données dans le rapport FIT 102 serait effectivement contraire aux conclusions du Conseil dans cette décision. TCI a indiqué que le Conseil aurait pu créer un régime de QS aux concurrents fondé sur les comparaisons, mais qu’il ne l’a pas fait; par conséquent, la question ne peut pas être contestée dans le cadre du processus du CDCI. TCI a soutenu qu’en demandant de présenter la question comme un élément ne faisant pas consensus, le CORC cherche à utiliser le processus du CDCI pour apporter une modification à la politique qui irait à l’encontre du mandat du CDCI.
  10. TCI a aussi fait remarquer que, dans un mémoire présenté en 2018 dans le cadre de l’étude de marché sur les services à large bande du Bureau de la concurrenceNote de bas de page 4, le CORC avait clairement exprimé son point de vue selon lequel, dans la politique réglementaire de télécom 2018-123, le Conseil n’avait pas ordonné des comparaisons des services de détail.
  11. TCI a soutenu que la demande du CORC, si elle était acceptée, poserait des problèmes importants sur le plan de l’équité procédurale pour les fournisseurs de services AHV de gros, y compris TCI. Elle a fait remarquer que les groupes d’entreprises de gros participaient au processus du CDCI, alors que les groupes de services de détail n’y participaient pas. TCI a également fait remarquer qu’étant donné que le Conseil ne réglemente pas les services Internet de détail, aucun rapport réglementé ne peut être simplement transmis aux concurrents. Elle a signalé que, si le Conseil exigeait des résultats de la QS Internet de détail, les fournisseurs de services AHV de gros devraient faire appel à des équipes entièrement différentes. On ne sait pas exactement quelles répercussions cela aurait sur le moment et les coûts de la conformité avec la politique réglementaire de télécom 2018-123.
  12. Bell Canada a fait remarquer que la référence du Conseil à une discrimination possible dans la politique réglementaire de télécom 2018-123, prise dans son contexte, concerne une discrimination possible entre les clients de gros et non pas entre les clients de gros et les clients de détail.
  13. Les entreprises de câblodistribution ont soutenu que la position du CORC remettait en question le rôle et l’efficacité du CDCI dans la prestation de solutions et le règlement de litiges, ce qui établit un précédent qui encourage les positions rigides et la mauvaise utilisation des ressources du CDCI.
  14. Toutes les parties opposées ont fait remarquer qu’il revenait au CORC de proposer des modifications à la politique réglementaire de télécom 2018-123 en déposant une demande distincte auprès du Conseil.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Dans l’instance qui a donné lieu à la politique réglementaire de télécom 2018-123, le CORC, appuyé par TekSavvy, a proposé des indicateurs à l’échelle de l’entreprise qui permettraient au Conseil de surveiller le rendement des services d’un concurrent d’un fournisseur de services AHV de gros par rapport au rendement de ses services de détail. Dans cette décision, le Conseil a estimé que les indicateurs proposés par le CORC imposeraient un fardeau trop lourd pour les fournisseurs de services AHV de gros, compte tenu des éléments de preuve incohérents concernant les enjeux possibles liés aux services AHV de gros. Par conséquent, le Conseil n’a pas demandé de comparaisons entre les services AHV de détail et les services AHV de gros.
  2. L’exigence du Conseil selon laquelle les fournisseurs de services AHV de gros doivent recueillir leurs propres mesures de rendement des services de détail en plus des mesures de rendement des services de gros serait clairement une question de politique, car le Conseil imposerait une nouvelle obligation réglementaire aux fournisseurs de services AHV de gros.
  3. Les lignes directrices administratives du CDCI approuvées par le Conseil prévoient que le CDCI doit « s’assurer de ne pas prendre une décision finale à la place du Conseil ». Par conséquent, les procédures du CDCI ne sont pas prévues ni conçues pour les débats politiques, et les questions de politique ne doivent pas être incluses dans les recommandations du CDCI.
  4. Le Conseil estime que la demande du CORC d’inclure des références au besoin de faire des comparaisons dans le rapport FIT 102 exigerait qu’il rende une décision sur une question de politique. Ces références ne devraient donc pas être incluses dans le rapport. Toutefois, le CORC peut déposer une demande distincte auprès du Conseil concernant sa demande.
  5. Par conséquent, le Conseil confirme que les comparaisons sont une question de politique et ne font pas partie de la portée de ses directives à l’intention du CDCI qui figurent dans la politique réglementaire de télécom 2018-123. Des références au besoin de faire des comparaisons ne devraient donc pas être incluses dans le prochain rapport FIT 102 comme un élément ne faisant pas consensus et nécessitant une décision du Conseil.
  6. Le Conseil rappelle aux participants au processus du CDCI que le CDCI n’est pas le forum approprié pour les questions de politique. Il rappelle aussi aux participants au processus du CDCI que le processus de consensus et de règlement des litiges du CDCI repose sur le fait que les parties évitent les positions rigides et demeurent ouvertes aux discussions avec les autres membres ainsi qu’aux conseils ou aux avis formulés par le personnel du Conseil.
  7. Le Conseil demande que le CDCI dépose le rapport FIT 102 au plus tard le 8 octobre 2019.

Secrétaire général

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