Décision de télécom CRTC 2019-243

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Ottawa, le 9 juillet 2019

Dossier public : 8640-B2-201810846

Bell Canada – Demande d’abstention de la réglementation des services analogiques de détail

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de Bell Canada, datée du 7 décembre 2018, dans laquelle l’entreprise cherchait à obtenir l’abstention de la réglementation, en vertu des paragraphes 34(1) et 34(2) de la Loi sur les télécommunications (la Loi), de tous les services analogiques qu’elle offre au détail.Note de bas de page 1 La demande couvre 74 articles tarifaires fournis par Bell Aliant, une division de Bell Canada; Bell Canada; Bell MTS Inc.; DMTS, une division de Bell Canada; Groupe Maskatel LP; KMTS, une division de Bell Canada; La Compagnie de téléphone de St-Victor; La Compagnie de téléphone Upton inc.; Le Téléphone de St-Éphrem inc.; NorthernTel, Limited Partnership; Ontera; et Télébec, Société en commandite (collectivement Bell Canada et autres).
  2. Bell Canada a décrit les services analogiques comme des services point à point ou point à multipoints permettant la transmission des données au moyen d’une étroite bande passante entre les emplacements des clients dans une circonscription ou entre des circonscriptions au moyen d’installations d’accès par câbles de cuivre ou par micro-ondes. Elle a indiqué que ces services s’appuient sur une transmission analogique (et non numérique ou par protocole Internet [IP]) et qu’ils sont généralement utilisés par des clients d’affaires. Elle a décrit quatre grands usages des services analogiques : i) surveiller l’équipement et aux fins de télémétrie, ii) appuyer les services d’alarme de détail des fournisseurs de services de sécurité commerciale, iii) compléter un abonnement à un service local de communication vocale préexistant et iv) transmettre des sons pour des applications relativement rudimentaires.
  3. Bell Canada a indiqué qu’il est de plus en plus difficile de réparer et d’entretenir des services analogiques et qu’elle souhaite les éliminer progressivement. À son avis, une abstention lui permettrait d’encourager la transition des services analogiques à des solutions de rechange IP. Elle a affirmé que les services analogiques ont été dénormalisés dans le territoire d’exploitation de TELUS Communications Inc. depuis 2015 et qu’aucun service analogique intercirconscription n’est offert par Saskatchewan Telecommunications (SaskTel) depuis 2017.
  4. Bell Canada a proposé que le Conseil maintienne l’exigence, à titre de condition d’admissibilité à l’abstention, que Bell Canada et autres continuent de fournir les services pendant une période d’un an suivant l’abstention. Toutefois, elle a aussi indiqué qu’elle devrait être autorisée à modifier les tarifs des services pendant cette période.
  5. Le Conseil a reçu, de la part de SaskTel, une intervention en appui à la demande de Bell Canada. Cependant, SaskTel a fait remarquer que, même si elle a retiré certains services analogiques, elle continue d’en fournir d’autres. Par conséquent, elle a demandé que, si le Conseil accepte les arguments de Bell Canada selon lesquels l’abstention est pertinente dans toutes les provinces où Bell Canada est l’entreprise de services locaux titulaire (ESLT), le Conseil applique la même décision à l’ensemble des ESLT.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Pour déterminer si le cadre de la fourniture d’un service est suffisamment concurrentiel pour protéger les intérêts des usagers, le Conseil effectue habituellement une évaluation du pouvoir de marché en utilisant les critères établis dans Examen du cadre de réglementation,Décision de télécom CRTC 94-19, 16 septembre 1994 (décision de télécom 94-19). La première étape de l’évaluation du pouvoir de marché est de définir le marché pertinent, qui comporte deux composantes : i) le marché de produits pertinent et ii) le marché géographique pertinent. Le Conseil estime que la demande de Bell Canada ne contenait pas de définition claire de l’une ou l’autre de ces composantes. Par exemple, il n’était pas clair s’il y a un ou plusieurs marchés de produits pour les services analogiques en question.
  2. La deuxième étape de l’évaluation du pouvoir de marché est de déterminer s’il existe un pouvoir de marché. Dans la décision de télécom 94-19, le Conseil a défini le pouvoir de marché comme la capacité d’un fournisseur de porter ou de maintenir les prix au-delà du niveau qui aurait cours dans un marché concurrentiel. Le Conseil a déterminé trois facteurs qu’il faut évaluer pour établir le pouvoir de marché : i) la part de marché détenue par l’entreprise dominante, ii) les conditions de la demande qui influent sur les réactions des clients à un changement de prix et iii) les conditions de l’offre qui influent sur la capacité d’autres entreprises présentes dans le marché de réagir à un changement de prix du produit ou du service.
  3. Le Conseil estime que la demande ne contenait pas suffisamment de détails pour qu’il puisse déterminer si Bell Canada détient une part importante du marché. Par exemple, en ce qui concerne la part du marché, il n’y avait aucun renseignement sur le nombre total d’abonnés ou le nombre de nouveaux abonnés dans chacun des territoires d’exploitation des ESLT pour les services en question. En outre, bien que Bell Canada ait soumis certains renseignements sur les revenus totaux des services analogiques entre 2015 et 2017, des renseignements plus détaillés – par exemple, par entreprise et par service – fourniraient une meilleure base à l’analyse, et la présentation de données sur une plus longue durée permettrait d’avoir une meilleure idée des tendances à long terme.
  4. En ce qui concerne les conditions de la demande, Bell Canada n’a pas inclus suffisamment de renseignements sur les coûts de remplacement des services. En outre, elle n’a pas inclus de renseignements indiquant si des services visés par la demande sont des intrants essentiels dans le processus de production du client.
  5. En ce qui concerne les conditions de l’offre, Bell Canada n’a pas indiqué s’il y a des obstacles à l’accès au marché pertinent ni fourni une analyse pour savoir s’il y a des comportements concurrentiels dans le marché pertinent.
  6. Nonobstant le fait que Bell Canada satisferait à l’évaluation du pouvoir de marché aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi, le Conseil a également cherché à déterminer s’il conviendrait d’accorder l’abstention uniquement aux termes du paragraphe 34(1) de la Loi. Bell Canada a indiqué qu’une abstention selon le paragraphe 34(1) serait compatible avec la mise en œuvre de la politique de télécommunication énoncée à l’article 7 de la Loi, y compris les objectifs énoncés aux alinéas 7a), 7c), 7f) et 7g). Toutefois, étant donné que l’entreprise n’a pas défini adéquatement le marché de produits pertinent et le marché géographique pertinent ni lié clairement sa justification à chacun de ces objectifs, le Conseil n’a pas été en mesure de déterminer si les services doivent faire l’objet d’une abstention aux termes du paragraphe 34(1) de la Loi.
  7. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette la demande de Bell Canada. Il est rappelé à Bell Canada et aux autres parties, lorsqu’elles présentent des demandes d’abstention (incluant si Bell Canada choisit de déposer une nouvelle demande pour ses services de détail analogiques) ou des demandes de dénormalisation de services, selon le cas, d’inclure suffisamment de renseignements afin que le Conseil puisse analyser les demandes en profondeur.

Secrétaire général

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