Décision de télécom CRTC 2018-194

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Ottawa, le 1 juin 2018

Dossier public :8638-T66-201607433

TELUS Communications Inc. – Demande de révision et de modification de la décision de télécom 2016-171

Le Conseil détermine que la demande de TELUS Communications Inc. (TCI) est considérée à juste titre comme une demande de révision et de modification de la décision de télécom 2016-171. Étant donné que TCI n’a pas soulevé un doute réel quant au bien-fondé de cette décision, le Conseil rejette la demande de TCI. TCI disposera de quatre mois à partir de la date de la présente décision pour appliquer les exigences de la décision de télécom 2016-171 à tous ses contrats.

Contexte

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2013-271, le Conseil a mis en place le Code sur les services sans fil, un code de conduite obligatoire visant les fournisseurs de services vocaux et de données sans fil mobiles de détail (services sans fil). Dans le Code sur les services sans fil, le Conseil a interdit l’utilisation de conditions contractuelles qui exigent que les clients donnent un préavis d’au moins 30 jours à leur fournisseur de services sans fil avant d’annuler leurs services sans fil postpayés.
  2. Dans la politique réglementaire de radiodiffusion et de télécom 2014-576 (politique d’annulation de 30 jours), le Conseil a étendu l’interdiction des politiques d’annulation de 30 jours aux services vocaux locaux et Internet de détailNote de bas de page 1.
  3. Par conséquent, les clients de tous ces types de services peuvent résilier leur contrat en tout temps en envoyant un avis à leur fournisseur de services, et la résiliation prend effet le jour où le fournisseur de services reçoit l’avis de résiliation.
  4. Dans la décision de télécom 2016-171, le Conseil a déterminé que, conformément à l’interdiction des politiques d’annulation de 30 jours, les fournisseurs de services ne doivent pas facturer un service qui n’est pas fourni – et ne peut l’être – après son annulation. En pratique, cela signifie que tous les fournisseurs de services doivent effectuer des remboursements à l’égard des services sans fil, des services vocaux locaux et des services Internet de détail lorsque de tels services sont annulés et que les frais mensuels applicables sont facturés à l’avance, en partie ou en totalité. Les remboursements doivent être calculés au prorata en fonction du nombre de jours restants dans le dernier cycle mensuel de facturation après l’annulation du service.
  5. Dans la politique réglementaire de télécom 2017-200 (intitulée Examen du Code sur les services sans fil), le Conseil a répété l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata qui a été énoncée dans la décision de télécom 2016-171Note de bas de page 2.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de TELUS Communications Inc. (TCI)Note de bas de page 3, datée du 4 juillet 2016, dans laquelle la compagnie demandait au Conseil de rendre une ordonnance pour fournir i) des directives et des conseils sur la question de savoir si la décision de télécom 2016-171 exige que la compagnie rembourse au prorata les frais de service mensuels facturés à l’avance dans certains cas d’annulation des services par les clients; et ii) de lui accorder un délai afin de faciliter la mise en œuvre de la décision de télécom 2016-171.
  2. Plus précisément, TCI a demandé au Conseil de déterminer que des remboursements au prorata ne sont pas requis pour les services suivants :
    • la portion des frais des services sans fil liée à la subvention de l’appareil;
    • les services que TCI appelle des « services facturables à l’utilisation »;
    • les services vocaux locaux régis par les modalités de service énoncées dans le Tarif général de la compagnie.
  3. TCI a également demandé au Conseil de déterminer que, avant la publication de la décision de télécom 2016-171, la compagnie n’était pas tenue d’effectuer des remboursements au prorata. Enfin, TCI a demandé un délai de six mois à partir de la date de la décision du Conseil concernant la présente demande pour s’acquitter de l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata et a demandé au Conseil de déterminer que cette obligation ne s’applique qu’aux nouveaux contrats qui seront signés après ce délai.
  4. En présentant sa demande, TCI a soutenu que la décision de télécom 2016-171 i) n’est pas conforme au Code sur les services sans fil; ii) ne tient pas compte de plusieurs des arguments soulevés dans le cadre de l’instance ayant mené à cette décision, notamment de l’argument selon lequel le concept des remboursements au prorata ne devrait pas être appliqué aux « services facturables à l’utilisation », et que cette décision a été rendue en se fondant sur des éléments de preuve insuffisants; et iii) que la décision ne concorde pas avec le tarif approuvé pour les services vocaux locaux de la compagnie.
  5. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande de TCI de la part de Bell Canada; du Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP); du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC); de Québecor Média inc., au nom de Vidéotron ltéeNote de bas de page 4; et de trois particuliers.
  6. La présente instance comprenait une ronde de demandes de renseignements du personnel du Conseil, ainsi qu’une ronde supplémentaire d’observations concernant la question de savoir si la demande devrait être considérée comme une demande de révision et de modification de la décision de télécom 2016-171 et, le cas échéant, si TCI a soulevé un doute réel quant au bien-fondé de cette décision.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • La demande de TCI devrait-elle être considérée comme une demande de révision et de modification de la décision de télécom 2016-171?
    • Dans l’affirmative, TCI a-t-elle démontré l’existence d’un doute réel quant au bien-fondé de la décision de télécom 2016-171, de sorte qu’il serait approprié d’accepter la demande de révision et de modification?
    • Quelle est, le cas échéant, la mesure de recours ou de redressement appropriée à la suite de la demande de TCI?

La demande de TCI devrait-elle être considérée comme une demande de révision et de modification de la décision de télécom 2016-171?

Positions des parties

  1. TCI a soutenu qu’elle a présenté sa demande en vertu de l’article 58 de la Loi sur les télécommunications (Loi), qui confère au Conseil le pouvoir de formuler des directives non contraignantes sur toute question relevant de sa compétence, et non en vertu de l’article 62 de la Loi, qui confère au Conseil le pouvoir de réviser et de modifier ses décisions. Cependant, TCI a argué que si le Conseil devait considérer sa demande comme une demande de révision et de modification de la décision de télécom 2016-171, l’existence d’un doute réel quant au bien-fondé de cette décision doit être signalée.
  2. Le CDIP et Vidéotron ont fait valoir que la demande de TCI est qualifiée à juste titre de demande de révision et de modification, affirmant que la demande conteste le bien-fondé de la décision de télécom 2016-171 en alléguant l’existence d’erreurs et le défaut de tenir compte des principes de base invoqués dans le cadre de l’instance initiale. Bell Canada a indiqué qu’il pourrait être justifié que le Conseil considère la demande comme une demande de révision et de modification ou comme une demande de directives supplémentaires.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. L’article 62 de la Loi prévoit que le Conseil peut, sur demande ou de sa propre initiative, réviser, annuler ou modifier ses décisions. Dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, le Conseil a établi des lignes directrices générales permettant d’établir la distinction entre les nouvelles demandes et les demandes de révision et de modification.
  2. Dans ce bulletin d’information, le Conseil a déclaré que si une demande soulève un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale au moment où celle-ci a été rendue, elle sera généralement considérée comme une demande de révision et de modification. Toutefois, si la demande porte essentiellement sur le bien-fondé continu d’une décision, elle sera généralement considérée comme une nouvelle demande. Le Conseil a ensuite énuméré cinq facteurs non exhaustifs qu’il prend généralement en considération lorsqu’il établit la distinction entre les demandes et a fait remarquer que le poids à accorder à chacun de ces facteurs dépendra des circonstances de chaque cas. Ces facteurs sont :
    • la question de savoir si la demande soulève une erreur de droit, de compétence ou de fait;
    • la mesure dans laquelle les questions soulevées dans la demande étaient au cœur de la décision initiale;
    • la mesure dans laquelle les circonstances ou les faits invoqués dans la demande étaient également invoqués dans la décision initiale;
    • le temps écoulé depuis la décision initiale;
    • la question de savoir si la décision qui en découlerait remplacerait la décision initiale de manière prospective plutôt que de corriger une erreur de manière rétrospective.
  3. TCI a constamment soutenu que sa demande n’est pas une demande de révision et de modification, mais a allégué que le Conseil a commis de nombreuses erreurs lorsqu’il a rendu la décision de télécom 2016-171. Tout d’abord, TCI a notamment argué que la décision de télécom 2016-171 va directement à l’encontre du Code sur les services sans fil et des tarifs approuvés par le Conseil qu’utilise la compagnie. Si elles sont corroborées par les éléments de preuve, ces allégations constitueraient des erreurs de droit.
  4. Les autres arguments soulevés par TCI dans le cadre de la présente instance portaient notamment sur l’incompatibilité fondamentale supposée entre les remboursements au prorata en fonction du nombre de jours restants dans un cycle de facturation et les services facturés selon l’utilisation. TCI a fait également référence à la correspondance qu’elle a eue avec un cadre du Conseil au sujet des remboursements au prorata avant l’instance ayant mené à la décision de télécom 2016-171.
  5. Puisque la compagnie a soulevé ces deux points dans le cadre de l’instance ayant mené à la décision de télécom 2016-171, TCI soutient, en effet, que ces points n’ont pas été traités de façon adéquate dans cette décision. Encore une fois, si cette allégation était corroborée, cela constituerait une erreur de droit, car le Conseil doit examiner le dossier dont il dispose dans le cadre d’une instance et fournir les motifs qui justifient ses conclusions compte tenu de ce dossier. De plus, cela démontre que TCI a invoqué dans sa nouvelle demande une partie des circonstances qui ont également été invoquées dans l’instance ayant mené à la décision de télécom 2016-171.
  6. Les questions soulevées dans la demande de TCI, à savoir si des remboursements au prorata doivent être effectués à l’égard d’une très grande partie de ses services (y compris les services sans fil, les services vocaux locaux et les services Internet filaires facturables à l’utilisation), étaient au cœur de la décision de télécom 2016-171. L’objectif principal de cette décision était d’énoncer explicitement l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata.
  7. Pour ce qui est de savoir si le redressement demandé par TCI serait appliqué de manière rétrospective ou seulement de manière prospective, le Conseil estime que la compagnie lui demande de rendre une décision qui ne serait pas seulement appliquée de manière prospective. TCI demande, en partie, que le redressement demandé soit uniquement appliqué aux nouveaux contrats qui seront signés après une période de transition. Toutefois, cela aurait nécessairement un effet rétrospectif sur les contrats existants et expirés depuis la publication de la décision de télécom 2016-171. Selon la décision demandée par TCI, aucun de ces contrats ne serait admissible à des remboursements au prorata.
  8. Le Conseil fait remarquer que TCI a présenté sa demande dans les 60 jours suivant la publication de la décision de télécom 2016-171. En général, plus il se sera écoulé de temps depuis la décision initiale, plus il est probable qu’une demande soulèvera un doute réel quant au bien-fondé continu de cette décision, au lieu du bien-fondé de la décision initiale.
  9. Après avoir évalué tous ces facteurs, le Conseil estime que, par sa demande, TCI souhaite soulever un doute réel quant au bien-fondé de la décision de télécom 2016-171 au moment où celle-ci a été rendue.
  10. Pour démontrer que sa demande ne devraitpas être considérée comme une demande de révision et de modification, TCI a signalé que sa demande devrait plutôt être considérée comme une demande de directives en vertu de l’article 58 de la Loi. Cependant, cette disposition indique expressément que le Conseil n’est pas lié par les directives qu’il formule en vertu de celle-ci.
  11. L’objectif prétendu de la compagnie étant d’obtenir de plus amples précisions et d’acquérir une meilleure certitude quant à ses obligations réglementaires, le Conseil estime que la simple formulation de directives non contraignantes concernant ces obligations ne serait pas une réponse suffisante. Si, comme le présume TCI, le Conseil a commis des erreurs en rendant la décision de télécom 2016-171, une décision exécutoire devrait être rendue à la suite d’une analyse de révision et de modification.
  12. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil conclut qu’il serait plus approprié de considérer la demande de TCI comme une demande de révision et de modification de la décision de télécom 2016-171.

TCI a-t-elle démontré l’existence d’un doute réel quant au bien-fondé de la décision de télécom 2016-171, de sorte qu’il serait approprié d’accepter la demande de révision et de modification?

Introduction

  1. Le Conseil a le pouvoir discrétionnaire de réviser, d’annuler ou de modifier ses décisions antérieures. Dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, le Conseil a établi des directives en ce qui concerne la manière dont il exerce généralement ce pouvoir discrétionnaire.
  2. En général, le Conseil exige que les demandeurs démontrent qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale. Ce doute peut être établi en démontrant par exemple l’existence :
    • d’une erreur de droit ou de fait;
    • d’un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision;
    • d’un défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans l’instance initiale;
    • d’un nouveau principe découlant de la décision.
  3. Les motifs pour lesquels TCI souhaite démontrer qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision de télécom 2016-171, qui sont énoncés au paragraphe 9 ci-dessus, sont présentés plus en détail ci-après.

La décision de télécom 2016-171 est-elle incompatible avec le Code sur les services sans fil?

Positions des parties
  1. TCI a soutenu que, en vertu du Code sur les services sans fil, les fournisseurs de services sans fil peuvent recouvrer la valeur totale de la subvention liée à tout appareil mobile fourni dans le cadre d’un contrat de services sans fil. Selon la compagnie, la décision de télécom 2016-171, qui exige que des remboursements au prorata soient versés au cours du mois de la résiliation du contrat, l’empêcherait de recouvrer la partie de la subvention qui aurait été payée pendant le mois de la résiliation. Étant donné que la décision de télécom 2016-171 ne traite pas de cette contradiction apparente ou n’essaie pas de la résoudre, TCI a soutenu qu’il en résulte une erreur de droit.
  2. De manière générale, les fournisseurs de services qui ont présenté des interventions à l’égard de ce point étaient d’accord avec l’affirmation de TCI selon laquelle la valeur de la subvention de l’appareil mobile ne devrait pas être comprise dans le remboursement au prorata. Le CDIP a argué que TCI n’a pas démontré l’erreur alléguée.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. L’interprétation de cette question par TCI ne repose pas sur une interprétation franche du Code sur les services sans fil. Le Code sur les services sans fil traite spécifiquement de la question des frais de résiliation anticipée, que les fournisseurs de services sans fil peuvent recouvrer lorsqu’un client résilie son contrat. Ces frais sont calculés en tenant compte de la valeur de la subvention d’un appareil mobile lorsque le contrat d’un client inclut un appareil subventionné. Pour ces clients, les frais de résiliation anticipée correspondent à la valeur de la subvention de l’appareil et doivent être réduits par un montant égal chaque mois pendant une période d’au plus 24 mois. Lors de la résiliation d’un contrat, les fournisseurs de services peuvent exiger que les clients paient les frais de résiliation anticipée restants. Toutefois, le Code sur les services sans fil indique également que pour calculer les frais de résiliation anticipée, « un mois partiellement écoulé au moment de la résiliation du contrat est considéré comme un mois complètement écoulé Note de bas de page 5 ».Par conséquent, l’obligation de rembourser une partie de la valeur de la subvention de l’appareil au cours du mois de la résiliation du contrat ne va pas à l’encontre du Code sur les services sans fil, car rien dans le Code n’exige que les frais de résiliation anticipée incluent cette partie de la subvention.
  2. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que la décision de télécom 2016-171 ne va pas à l’encontre du Code sur les services sans fil et que, par conséquent, TCI n’a pas démontré l’existence d’une erreur à cet égard.

Le Conseil a-t-il omis de tenir compte de plusieurs des arguments soulevés dans le cadre de l’instance ayant mené à la décision de télécom 2016-171 et cette décision repose-t-elle sur des éléments de preuve suffisants?

Positions des parties
  1. TCI a soutenu que la décision de télécom 2016-171 expose un principe concernant les remboursements à verser aux clients, mais qu’elle n’explique pas suffisamment comment ce principe s’appliquerait à ce que la compagnie qualifie de « services facturables à l’utilisation » (c.-à-d. les services assortis de limites, comme la presque totalité des services Internet sans fil et filaires). Plus précisément, TCI a soutenu que bien qu’il puisse être logique que les « services facturables autrement qu’à l’utilisation » (comme les services offerts sur une base illimitée) soient remboursés au prorata selon le nombre de jours restants dans un cycle de facturation, il n’est pas logique que les services facturables à l’utilisation ou les services groupés comprenant des services facturables à l’utilisation fournis selon une structure tarifaire commune soient remboursés au prorata.
  2. Pour étayer sa position, TCI a donné l’exemple hypothétique d’un client auquel des frais de 30 $ sont facturés pour l’utilisation d’une quantité maximale de données de 300 gigaoctets par mois. Si ce client utilise la totalité de sa quantité de données permise et annule son service au milieu de son cycle de facturation, il aura tout de même droit à un remboursement selon la décision de télécom 2016-171. De plus, TCI a argué que l’obligation d’effectuer des remboursements à l’égard de tels services pourrait également nuire à l’application des principes acceptés de l’économie des réseaux et être contraire aux pratiques globales de l’industrie.
  3. TCI a également mentionné un échange de courriels entre l’un de ses cadres responsables des affaires réglementaires et un cadre du Conseil qui a eu lieu en 2014 (correspondance de 2014), échange au cours duquel il a été indiqué que la politique réglementaire de radiodiffusion et de télécom 2014-576 n’exigeait pas le versement de remboursements au prorata. La compagnie a soutenu qu’elle s’est appuyée sur la correspondance de 2014 à son propre détriment.
  4. TCI a signalé que ces mêmes motifs ont été, en grande partie, présentés au Conseil pendant l’instance ayant mené à la décision de télécom 2016-171, mais qu’ils n’ont pas été examinés par le Conseil dans ses motifs, ce qui constitue une erreur de droit. De plus, la compagnie a soutenu que la preuve soumise au Conseil dans l’instance ayant mené à la décision de télécom 2016-171 n’était pas suffisante pour justifier une conclusion selon laquelle des remboursements au prorata sont nécessaires.
  5. Bell Canada était d’accord avec l’affirmation de TCI selon laquelle la question de l’incompatibilité entre l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata et les services facturables à l’utilisation a été soulevée pendant l’instance ayant mené à la décision de télécom 2016-171, mais qu’elle n’a pas été traitée dans cette décision.
  6. Le CDIP et Vidéotron ont fait remarquer que la décision de télécom 2016-171 faisait, en fait, référence aux arguments soulevés par TCI. Ces intervenants n’étaient pas d’accord avec l’affirmation selon laquelle la décision de télécom 2016-171 n’est pas conforme aux pratiques globales et aux principes de l’économie des réseaux et ont indiqué que cette décision est appuyée par une preuve suffisante. Vidéotron a ajouté que la correspondance de 2014 n’a eu aucune incidence sur la décision de télécom 2016-171. Le CDIP a soutenu que, si le Conseil décide de réexaminer les arguments de TCI dans le cadre de la présente instance, les inconvénients de l’exemption des services facturables à l’utilisation de l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata l’emporteraient largement sur les avantages qu’elle comporte.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Les arguments de TCI à propos des services facturables à l’utilisation et de la correspondance de 2014 ont été soulevés pendant l’instance ayant mené à la décision de télécom 2016-171. En fait, comme l’ont signalé certains intervenants, cette décision fait référence à ces argumentsNote de bas de page 6.
  2. La décision de télécom 2016-171 précise les circonstances du cas, présente les principales questions examinées, et note explicitement les objectifs de la politique pertinents, conformément à l’obligation du Conseil en vertu de l’article 47 de la Loi d’exercer ses pouvoirs de manière à réaliser ces objectifs. La décision rendue est décrite dans les motifs, où il est également expliqué comment cette décision permettra de réaliser les objectifs pertinents compte tenu des circonstances particulières et de l’historique du cas.
  3. Dans la décision de télécom 2016-171, le Conseil a expliqué que la justification générale de la décision était les conséquences des politiques d’annulation de 30 jours et la possibilité que les clients reçoivent une facture en double, et que cela entrave l’atteinte de certains objectifs de la politique énoncés dans la Loi.
  4. Bien que la décision de télécom 2016-171 n’explique pas précisément pourquoi les arguments de TCI concernant les services payables à l’utilisation et la correspondance de 2014 ont été rejetés, le Conseil n’est pas tenu d’énumérer tous les arguments présentés par chaque partie et d’y répondre dans les motifs de sa décision. Les motifs du Conseil doivent plutôt établir la justification de la décision ainsi que la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, et indiquer que la conclusion fait partie des issues possibles raisonnablesNote de bas de page 7.
  5. Le Conseil estime que TCI n’a pas démontré que les motifs de la décision de télécom 2016-171 étaient insuffisants dans les circonstances.
  6. Par conséquent, TCI n’a pas démontré l’existence d’une erreur de droit à cet égard. Dans la mesure où la décision de télécom 2016-171 aurait approfondi davantage les arguments invoqués par TCI, la présente instance constitue une occasion de les étayer.
  7. En ce qui concerne l’exemple hypothétique de mauvaise utilisation d’un service par un client soumis par TCI, il ne fournit aucune preuve concrète de l’étendue de cette question. Le Conseil estime que la simple possibilité qu’un client adopte ce type de comportement n’est pas suffisante pour remettre en question l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata.
  8. En outre, si les services assortis de limites d’utilisation étaient tous exemptés de l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata, cela inciterait les fournisseurs à augmenter au maximum le nombre de services à utilisation limitée offerts sur le marché. De même, cette exemption pourrait également dissuader les fournisseurs qui auraient été prêts à offrir des services sur une base illimitée.
  9. En ce qui concerne la correspondance de 2014, de nombreuses choses se sont passées depuis cette correspondance. Par exemple, dans le cadre de l’instance ayant mené à la décision de télécom 2016-171, le Conseil a demandé à TCI de donner son opinion sur la possibilité que la compagnie soit tenue d’effectuer des remboursements au prorata. Par conséquent, même si, pendant un certain temps, TCI comprenait mal ses obligations, cette mauvaise compréhension ne constitue actuellement pas une justification compte tenu du temps qui s’est écoulé et des événements qui se sont produits depuis.
  10. En ce qui concerne les arguments de TCI concernant les pratiques globales de l’industrie et l’économie des réseaux, le Conseil fait remarquer que les éléments de preuve à cet égard sont contradictoires, même ceux présentés par les fournisseurs de services. Le Conseil n’est pas convaincu que ces éléments de preuve démontrent l’existence de tendances claires ou pertinentes dans ces pratiques ou l’incidence qu’aurait une règle de remboursement au prorata, qui s’applique principalement aux services qui ne sont pas assujettis à une réglementation des tarifs, sur l’économie des réseaux. Quoi qu’il en soit, il n’a pas été établi que ces motifs constitueraient des raisons de contester l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata.
  11. Enfin, le Conseil estime que TCI n’a pas établi qu’une erreur a été commise en ce qui concerne la suffisance de la preuve sur laquelle la décision de télécom 2016-171 était fondée. Comme l’ont fait remarquer plusieurs intervenants, cette décision s’appuyait, en partie, sur les conclusions qu’a tirées le Conseil en exerçant son expertise en matière de politiques dans le cadre de plusieurs instances similaires récentes. De plus, le dossier de l’instance ayant mené à cette décision contenait les interventions de différentes entités intéressées, ainsi que les réponses à des demandes de renseignements pointus, dans lesquelles on demandait aux fournisseurs et aux groupes de défense des consommateurs comment une règle de résiliation révisée pourrait les concerner.
  12. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil est d’avis que TCI n’a pas établi l’existence d’une erreur de droit ou d’un défaut de tenir compte d’un principe invoqué dans l’instance initiale, selon les motifs allégués, qui permettrait de soulever un doute réel quant au bien-fondé de la décision de télécom 2016-171.

La décision de télécom 2016-171 est-elle contradictoire au tarif approuvé pour les services vocaux locaux de TCI?

Positions des parties
  1. TCI a soutenu que les modalités de service de son Tarif généralNote de bas de page 8, qui s’appliquent aux services vocaux locaux dans les circonscriptions réglementées, prévoient qu’aucun remboursement ne doit être effectué lorsqu’un client annule un service pendant la durée minimale du contrat d’un mois. Or, la décision de télécom 2016-171 semble exiger que des remboursements au prorata soient effectués dans ce type de cas. De plus, la décision de télécom 2016-171 ne traite pas spécifiquement de ces modalités de service. Par conséquent, TCI a fait valoir que la décision de télécom 2016-171 prétendait exiger des modifications des tarifs qui ne concordaient pas avec les tarifs approuvés par le Conseil qu’utilise la compagnie, ce qui est contraire au paragraphe 25(1) de la Loi. Selon TCI, cela constitue une erreur de droit.
  2. De façon générale, Bell Canada approuvait la position de TCI. Le CDIP et Vidéotron ont soutenu que, même si la décision de télécom 2016-171 ne mentionne pas séparément les services ou les tarifs réglementés, elle doit être interprétée conformément aux décisions antérieures, comme la politique réglementaire de radiodiffusion et de télécom 2014-576, dans laquelle le Conseil a ordonné aux entreprises canadiennes de modifier les modalités applicables aux services réglementés.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Les modalités de service actuelles approuvées par le Conseil qui sont énoncées dans le Tarif général de TCI prévoient une durée générale minimale du contrat d’un moisNote de bas de page 9. Cependant, dans la politique réglementaire de radiodiffusion et de télécom 2014-576, le Conseil a ordonné aux entreprises canadiennes de modifier les modalités précisées dans les tarifs pour les services afin d’interdire les annulations de 30 jours pour les services vocaux locaux dans les circonscriptions réglementées. TCI n’a pas indiqué dans le dossier de la présente instance qu’elle a publié des pages de tarif modifiées conformément à ce tarif à la suite de cette directive, et le Conseil est incapable de trouver quelconque document attestant que TCI a publié des pages de tarif modifiées.
  2. Le Conseil s’attend à ce que ce type de modification au tarif de la compagnie aurait dû indiquer que la disposition relative à la durée minimale du contrat ne s’applique pas aux services vocaux locaux, ce qui permettrait alors de résoudre toute contradiction perçue entre le tarif et la décision de télécom 2016-171.
  3. Dans la décision de télécom 2016-171, le Conseil indique que la décision s’applique aux services vocaux locaux, mais il ne fournit pas d’instructions distinctes concernant l’application de la décision aux circonscriptions réglementées et non réglementées, comme il le fait dans la politique réglementaire de radiodiffusion et de télécom 2014-576. Par conséquent, cette décision n’indique pas explicitement qu’il faut déposer des modifications du tarif conformément à l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata. Même si la décision de télécom 2016-171 aurait pu contenir de plus amples précisions à ce sujet, cela ne constitue pas une erreur qui nécessite une révision et une modification de cette décision.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que TCI n’a pas soulevé un doute réel quant au bien-fondé de la décision de télécom 2016-171 à cet égard.
  5. Toutefois, afin d’éviter tout malentendu permanent possible, le Conseil ordonne à TCI de déposer à l’avenir les modifications nécessaires à son Tarif général. Cette directive est décrite plus en détail dans la section suivante de la présente décision.

Conclusion

  1. Bien que TCI n’ait pas établi l’existence d’un doute réel quant au bien-fondé de la décision de télécom 2016-171, la compagnie a relevé certaines irrégularités à l’égard de cette décision qui justifieraient que le Conseil envisage d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder une partie du redressement demandé par TCI, comme il est indiqué dans la section ci-dessous.
  2. Enfin, même si le Conseil avait déterminé qu’il est approprié d’examiner la demande de TCI en vertu de l’article 58 de la Loi, il ne conclurait pas qu’il convient d’émettre la directive demandée par TCI. Dans les circonstances, les raisons pour lesquelles il n’est pas approprié de modifier la décision de télécom 2016-171 sont en grande partie les mêmes raisons pour lesquelles il ne serait pas approprié d’émettre une telle directive.

Quelle est, le cas échéant, la mesure de recours ou de redressement appropriée à la suite de la demande de TCI?

Positions des parties

  1. TCI a demandé que, sans égard à la façon dont le Conseil examinera finalement sa demande, le Conseil lui accorde un délai de six mois pour mettre en application la règle du remboursement au prorata (ou toute modification de l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata qui pourrait découler de sa demande). De plus, la compagnie a demandé que ses contrats existants soient exemptés de l’application de l’obligation afin de ne pas être tenue d’effectuer des remboursements au prorata s’ils sont résiliés.
  2. TCI a soutenu qu’elle devra apporter de nombreuses modifications à ses systèmes de facturation, à ses pratiques comptables et aux services offerts à ses clients si une règle de remboursement au prorata doit être appliquée. La compagnie a signalé qu’au moins quelques-unes de ces modifications seraient nécessaires selon ce qu’elle qualifie de « certitudes » dans la correspondance de 2014, à savoir que l’interdiction des politiques d’annulation de 30 jours ne prévoyait pas des remboursements au prorata. Elle a également ajouté que la modification de ses contrats existants avec les clients afin d’effectuer des remboursements au prorata créerait une incertitude réglementaire non souhaitée et qu’il n’est pas urgent de procéder à ce type d’intervention réglementaire.
  3. De façon générale, Bell Canada approuvait la position de TCI. Bell Canada et le CORC ont demandé que toute décision découlant de la demande de TCI soit appliquée à tous les fournisseurs de services.
  4. Le CDIP et Vidéotron se sont opposés aux demandes de TCI concernant l’obtention d’un délai et l’exemption de contrats existants de l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata, en affirmant que l’acceptation de ces demandes aurait une incidence néfaste indue sur les clients. À cet égard, Vidéotron a soutenu que TCI n’a pas justifié sa position selon laquelle un délai de six mois est nécessaire et qu’un tel délai serait loin d’entraîner une incertitude, mais permettrait plutôt d’accroître la certitude réglementaire si l’obligation était appliquée de la même façon à tous les clients de la compagnie.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. En vertu de l’article 50 de la Loi, le Conseil a le pouvoir discrétionnaire de proroger tout délai fixé, par exemple, par règlement ou dans une décision du Conseil. En vertu de l’article 60 de la Loi, le Conseil peut soit faire droit à une partie d’une demande de réparation, soit accorder une mesure de réparation de rechange comme si le demandeur en avait fait la demande.
  2. Le Conseil estime qu’il serait approprié d’exercer son pouvoir discrétionnaire dans la présente instance pour accorder un délai de quatre mois à TCI, à partir de la date de la présente décision, pour appliquer la règle du remboursement au prorata énoncée dans la décision de télécom 2016-171.
  3. En accordant ce délai, le Conseil reconnaîtrait les irrégularités relevées précédemment à l’égard de la décision de télécom 2016-171 ainsi que la nécessité pour TCI d’apporter certaines modifications internes pour pouvoir appliquer cette règle. Cependant, la compagnie n’a pas tout à fait justifié le délai de six mois qu’elle demandait, d’autant qu’il aurait dû lui être évident, selon les événements qui se sont produits depuis la correspondance de 2014, que de telles modifications deviendraient nécessaires. TCI n’a pas expliqué pourquoi elle n’aurait pas au moins pu commencer à prendre certaines mesures pour se préparer en conséquence.
  4. Le Conseil estime qu’il ne serait pas approprié que les contrats existants de TCI soient exemptés de l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata.
  5. Si les contrats existants seraient exemptés de l’obligation, les clients ayant signé ces contrats seraient désavantagés, car ils ne pourraient pas profiter des offres concurrentielles du marché, comparativement à d’autres clients se trouvant dans une situation similaire. Le Conseil estime que l’application d’une exigence uniforme à tous les contrats permettrait d’accroître la certitude et de réduire la confusion dans le marché. Il serait également plus facile d’appliquer ce type d’exigence. Plus particulièrement, l’exemption des contrats existants priverait ces clients d’une protection que le Conseil juge déjà nécessaire pour atteindre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi.
  6. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette la demande de TCI d’exempter les contrats existants de l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata. Par conséquent, l’obligation d’effectuer des remboursements calculés au prorata en fonction du nombre de jours restants dans un cycle de facturation s’appliquera à tous les contrats – existants et nouveaux – après l’expiration du délai de quatre mois accordé ci-dessus.
  7. Compte tenu des circonstances et du dossier dont dispose le Conseil dans le cas présent, ce dernier estime qu’il ne serait pas approprié d’appliquer le redressement demandé par TCI à d’autres compagnies.
  8. Afin d’éliminer tout risque potentiel futur d’ambiguïté concernant les services non réglementés, le Conseil ordonne à TCI de déposer et de faire approuver un avis de modification tarifaire qui modifierait les modalités de service de son Tarif général afin de mettre en application les règles de la politique d’annulation de 30 jours du Conseil, y compris l’obligation d’effectuer des remboursements au prorata, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision.
  9. En tenant compte des conclusions susmentionnées, le Conseil rappelle aux autres fournisseurs de services vocaux locaux non réglementés qu’ils sont eux aussi tenus d’appliquer ces règles, si ce n’est pas déjà fait, en suivant les procédures bien établies du Conseil en ce qui a trait aux tarifs.
  10. Enfin, le Conseil rappelle à tous les fournisseurs de services que, comme l’indiquent des décisions antérieures, les interdictions des politiques d’annulation de 30 jours du Conseil doivent être interprétées conformément les unes par rapport aux autres.

Secrétaire général

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