Décision de télécom CRTC 2016-306

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Ottawa, le 2 août 2016

Numéro de dossier : 8663-B2-201513036

Bell Canada – Demande d'élargissement des conclusions énoncées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 concernant le cadre des lignes locales dégroupées et les tarifs de certains services de gros traditionnels

Le Conseil rejette la demande de Bell Canada d'élargir certaines conclusions énoncées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 au motif que Bell Canada n'a pas fourni des preuves suffisantes pour justifier l'approbation de sa demande.

Contexte

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a tiré un certain nombre de conclusions concernant le cadre réglementaire régissant les services filaires de gros. Dans cette décision, le Conseil a énoncé des conclusions sur les services de gros traditionnels. Le Conseil a déterminé, par exemple, que a) la prestation de lignes locales dégroupées (LLD)Retour à la référence de la note de bas de page 1 ne serait plus obligatoire et serait progressivement éliminée (ci-après appelé « cadre des LLD ») et b) les tarifs de certains services de gros traditionnelsRetour à la référence de la note de bas de page 2 fournis par les entreprises titulaires seraient gelés aux niveaux des tarifs actuels.
  2. Les conclusions du Conseil pour déterminer si les services filaires de gros devraient ou non être obligatoires ont été fondées sur le critère des services essentiels (ci-après appelé « évaluation du caractère essentiel »)Retour à la référence de la note de bas de page 3 et sur un ensemble de considérations stratégiques permettant au Conseil de tenir compte de facteurs autres que l'évaluation du caractère essentiel. En outre, le Conseil a gelé les tarifs de certains services de gros traditionnels fournis par les entreprises titulaires de façon à alléger le fardeau réglementaire lié au dépôt d'études de coûts sans pour autant restreindre la capacité du Conseil à trouver des tarifs justes et raisonnables.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de Bell Canada, datée du 23 novembre 2015, dans laquelle l'entreprise demandait au Conseil d'élargir certaines conclusions tirées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. Plus particulièrement, Bell Canada a demandé que le cadre des LLD soit élargi en vue d'inclure deux autres services de gros : liaisons de raccordement des LLDRetour à la référence de la note de bas de page 4 et service de partage de lignesRetour à la référence de la note de bas de page 5. Bell Canada a également demandé que les tarifs pour les trois services de gros soient gelés aux tarifs actuels, à l'instar de la conclusion du Conseil pour certains autres services de gros traditionnels.
  2. Le Conseil a reçu des interventions au début de décembre 2015 au sujet de la demande de Bell Canada de la part du Centre pour la défense de l'intérêt public (CDIP) et du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC). Les deux parties ont soutenu que la demande de Bell Canada devrait être considérée comme une demande de révision et de modification de la politique réglementaire de télécom 2015-326 et que l'entreprise devrait être tenue de signifier sa demande à tous les intervenants à l'instance ayant mené à la politique réglementaire de télécom 2015-326.
  3. Après avoir reçu ces interventions, le personnel du Conseil a publié une lettre de procédure à l'intention de Bell Canada, datée du 11 décembre 2015, exigeant que l'entreprise a) étoffe sa demande afin de démontrer qu'elle répond aux critères relatifs à la demande de révision et de modification, tels qu'énoncés dans le bulletin d'information de télécom 2011-214 et b) signifie une copie de sa demande étoffée à tous les intervenants à l'instance ayant mené à la politique réglementaire de télécom 2015-326.
  4. Bell Canada a déposé sa demande étoffée le 8 janvier 2016. Le Conseil a reçu des interventions au sujet de la demande étoffée de Bell Canada de la part d'Allstream Inc. (Allstream), du CORC, de Managed Network Systems, Inc. (MNSi), de la Société TELUS Communications (STC) et de Vaxination Informatique (Vaxination).
  5. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l'instance, lequel a été fermé le 18 février 2016. On peut y accéder à l'adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Questions

  1. Le Conseil a établi qu'il devait se prononcer sur les questions suivantes dans la présente décision :
    • La demande de Bell Canada devrait-elle être considérée comme une nouvelle demande ou comme une demande de révision et de modification?
    • L'élargissement proposé de certaines conclusions tirées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 devrait-il être approuvé?

La demande de Bell Canada devrait-elle être considérée comme une nouvelle demande ou comme une demande de révision et de modification?

  1. Bell Canada a indiqué que sa demande devrait être considérée comme une nouvelle demande, soutenant qu'elle ne remettait en question aucune des conclusions tirées ou directives prises par le Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. Plus particulièrement, l'entreprise a soutenu ne pas chercher à apporter une modification au régime à l'égard des LLD, ni de remettre en question le gel des tarifs imposé par le Conseil sur certains services de gros traditionnels. De son point de vue, sa demande ne vise que l'élargissement des conclusions du Conseil à d'autres services semblables.
  2. Le CDIP, le CORC et MNSi ont estimé que la demande de Bell Canada devrait être considérée comme une demande de révision et de modification, et qu'elle devrait être rejetée pour les motifs suivants : a) elle ne répond pas aux critères de révision et de modification tels qu'énoncés dans le bulletin d'information de télécom 2011-214 et b) elle n'a pas été déposée dans les délais appropriés pour de telles demandesRetour à la référence de la note de bas de page 6.
  3. Le CORC est d'avis que le Conseil, dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, s'est déjà prononcé sur plusieurs des questions soulevées par Bell Canada dans sa demande. Le CORC a indiqué que tous les services auxquels Bell Canada a fait référence dans sa demande étaient inclus dans la réponse de Bell Canada à une demande de renseignements du Conseil durant l'instance ayant mené à la politique réglementaire de télécom 2015-326, et le Conseil a finalement décidé que les parties à cette instance n'avaient pas fourni de preuves suffisantes pour justifier un changement au statut réglementaire en ce qui a trait à tous les services en question.
Résultats de l'analyse du Conseil
  1. L'instance ayant mené à la politique réglementaire de télécom 2015-326 n'a pas été une instance dans laquelle le Conseil a examiné le statut réglementaire de chaque service de gros fourni par les ESLT. Finalement, le Conseil a établi qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour rendre une décision sur les services auxquels Bell Canada a fait référence dans sa demande.
  2. Dans le bulletin d'information de télécom 2011-214, le Conseil a cerné cinq facteurs pour l'aider à déterminer si une demande soulève un problème quant au a) bien-fondé initial de la décision du Conseil ou b) bien-fondé continu de la décision et, par conséquent, si la demande devrait être traitée comme une demande de révision et de modification ou comme une nouvelle demandeRetour à la référence de la note de bas de page 7. À cet égard, la demande de Bell Canada ne remet pas en cause le bien-fondé initial de la décision et ne
    • soulève aucune erreur de droit, de compétence ou de fait;
    • soulève aucune question qui était au cœur des décisions initiales, et pertinentes, prises dans la politique réglementaire de télécom 2015-326;
    • conteste pas les circonstances ou les faits invoqués par le Conseil dans ses conclusions, telles qu'énoncées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326.
  3. En outre, Bell Canada demande un redressement de manière prospective et non rétrospective.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que la demande de Bell Canada ne devrait pas être considérée comme une demande qui lui est présentée dans le but de faire réviser et modifier les conclusions qu'il a énoncées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, mais plutôt comme une nouvelle demande.

L'élargissement proposé de certaines conclusions tirées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 devrait-il être approuvé?

  1. Bell Canada a demandé ce qui suit :
    • que le cadre des LLD soit élargi en vue inclure également les liaisons de raccordement des LLD et le service de partage de lignes;
    • que les tarifs pour a) les boucles sèches fournies à l'appui du service d'accès par passerelle et du service d'accès haute vitesse traditionnels, b) les liaisons de raccordement DS-1 et c) les liaisons du central au réseau numérique propre aux concurrents (RNC) DS-1 soient gelés conformément à la conclusion tirée par le Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 de geler les tarifs de certains autres services de gros traditionnelsRetour à la référence de la note de bas de page 8.
  2. Bell Canada a indiqué que les services en question sont, sur les plans fonctionnels ou technologiques, semblables aux services pour lesquels le Conseil a publié les conclusions énoncées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. Bell Canada a en outre indiqué que certains des services demandés sont, en se fondant selon sur leur similitude, assujettis à la même dynamique du marché que les services cernés dans cette décision.
  3. La STC a appuyé la demande de Bell Canada, soutenant que les services demandés étaient semblables aux services pertinents cernés dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. La STC a également demandé un traitement semblable pour ses services comparables.
  4. Le CORC et MNSi ont indiqué que le Conseil ne devrait pas accorder le redressement demandé par Bell Canada compte tenu de l'absence de preuves à l'appui. MNSi a estimé qu'il incombait à Bell Canada de démontrer que le redressement demandé était justifié et approprié aux termes de l'évaluation du caractère essentiel.
  5. Le CORC a fait valoir qu'il serait erroné de présumer que tous les services offerts par fil de cuivre se trouvent dans le même marché de produits et sont assujettis aux mêmes conditions de marché. Il est d'avis que chaque service demandé constitue un marché de produits distinct et que le Conseil ne devrait rendre une décision sur le fond même de la demande de redressement de Bell Canada qu'une fois qu'il disposera de preuves irréfutables des conditions de marché pour les services demandés.
  6. Vaxination a indiqué que, si Bell Canada fournit des preuves que les liaisons de raccordement des LLD et le service de partage de lignes sont indispensables et exclusifs aux LLD, elle ne s'opposerait pas à ce que ces services soient traités de la même manière que les LLD.
  7. Bell Canada a répliqué que les intervenants n'avaient fourni aucune preuve permettant d'invalider son allégation selon laquelle les liaisons de raccordement des LLD, le service de partage de lignes et les LLD sont intimement liés. L'entreprise a ainsi précisé que le Conseil devrait lui accorder le redressement proposé et déterminer que les services demandés devraient être traités de façon identique du point de vue de la réglementation.
Résultats de l'analyse du Conseil
  1. Bien que Bell Canada ait soutenu que les intervenants n'avaient pas fourni de preuves invalidant son allégation, il incombe au demandeur de fournir des preuves suffisantes pour justifier le redressement demandéRetour à la référence de la note de bas de page 9.
  2. Contrairement à son intervention initiale et à ses réponses aux demandes de renseignements dans l'instance ayant mené à la politique réglementaire de télécom 2015-326, Bell Canada n'a fourni aucune preuve convaincante dans sa demande et sa réplique finale à l'appui de ses demandes.
  3. L'examen des demandes de Bell Canada devrait être aussi approfondi que celui effectué par le Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. Il incombe à Bell Canada de présenter les preuves suffisantes pour justifier l'approbation de ses demandes. Dans le cas de la première demande, Bell Canada devrait fournir suffisamment de preuves pour établir que les services demandés ne devraient pas être obligatoires en se fondant sur l'évaluation du caractère essentiel, tel que corroboré par les considérations stratégiques énoncées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. De même, pour être en mesure d'approuver la seconde demande de Bell Canada, l'entreprise devrait démontrer que les conditions du marché sont telles qu'un gel des tarifs permettrait d'alléger le fardeau réglementaire tout en maintenant des tarifs justes et raisonnables.
  4. Pour chacune de ces demandes, l'information fournie par Bell Canada dans la présente instance s'est limitée à une brève description de chaque service, en plus d'une allégation que les services se comparent aux services pertinents évalués dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. Bien que Bell Canada ait soutenu que les services sont semblables et justifient le même traitement, l'entreprise n'a pas présenté au Conseil de preuves l'incitant à évaluer si les services en question devraient continuer d'être obligatoires ou non. Sans, par exemple, de détails sur les caractéristiques du marché, la demande des clients et le marché des produits en aval à l'égard de ces services, le Conseil manque de preuves pour déterminer s'il devrait ou non accorder à Bell Canada le redressement demandé.
  5. Le Conseil ne dispose pas de preuves suffisantes dans le dossier de la présente instance pour modifier le statu quo réglementaire en s'appuyant uniquement sur l'affirmation de Bell Canada selon laquelle les services en question sont semblables.

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette la demande de Bell Canada.

Secrétaire générale

Documents connexes

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Les LLD procurent des voies de transmission entre les locaux d'un utilisateur final et le central d'une entreprise de services locaux titulaire (ESLT) au moyen d'une installation d'accès par fil de cuivre. Les LLD peuvent être utilisées par les concurrents pour la prestation de services de téléphonie locale et d'accès Internet à des clients des services de résidence et d'affaires.

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Note de bas de page 2

Les LLD, les services de ligne d'abonné numérique (LAN) qui ne sont pas fournis par un réseau hybride fibre optique-cuivre de prochaine génération tels que la fibre optique jusqu'au nœud (c.-à-d. service de ligne numérique à paires asymétriques [LNPA] et service d'accès par passerelle) et les services d'accès par réseau numérique propre aux concurrents (RNC) basse vitesse (c.-à-d. accès RNC aux vitesses DS-0 et DS-1).

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Note de bas de page 3

Dans la décision de télécom 2008-17, le Conseil a établi de nouveaux critères pour déterminer si une installation, une fonction ou un service devait être considéré comme « essentiel ». Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a conclu que la définition et la structure existantes de l'évaluation du caractère essentiel demeuraient appropriées pour déterminer s'il devrait ordonner la fourniture d'un service de gros donné.

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Note de bas de page 4

Les liaisons de raccordement des LLD relient les installations de l'ESLT et les installations d'un concurrent au sein d'un central afin de permettre la prestation du service de LLD.

Retour à la référence de la note de bas de page 4

Note de bas de page 5

Le service de partage de lignes permet à un concurrent de fournir des services d'accès haute vitesse à ses utilisateurs finals alors que l'ESLT fournit des services vocaux au moyen des mêmes LLD.

Retour à la référence de la note de bas de page 5

Note de bas de page 6

Conformément au paragraphe 71(1) des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (Règles de procédure), une demande de révision, d'annulation ou de modification d'une décision du Conseil doit être déposée auprès de celui-ci dans les 90 jours suivant la date de la décision. Conformément au paragraphe 71(2) des Règles de procédure, le Conseil peut proroger le délai s'il est d'avis que cela est juste et équitable.

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Note de bas de page 7

Les cinq facteurs énoncés dans le bulletin d'information de télécom 2011-214 sont i) si la demande soulève une erreur de droit, de compétence ou de fait; ii) la mesure dans laquelle les questions soulevées dans la demande étaient au cœur de la décision initiale; iii) la mesure dans laquelle les circonstances ou les faits invoqués dans la demande étaient également invoqués dans la décision initiale; iv) le temps écoulé depuis la décision initiale; et v) si la décision qui en découlerait remplacerait la décision initiale de manière prospective plutôt que de corriger une erreur de manière rétrospective.

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Note de bas de page 8

Les LLD, les services LAN traditionnels et les services d'accès par RNC basse vitesse

Retour à la référence de la note de bas de page 8

Note de bas de page 9

Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006

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