ARCHIVÉ -Décision de télécom CRTC 2011-733
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Ottawa, le 28 novembre 2011
L’ACTQ, l’OTA et CityWest – Demande de révision et de modification de la politique réglementaire de télécom 2011-291 concernant des conclusions qui touchent les petites entreprises de services locaux titulaires
Numéro de dossier : 8662-A5-201110270
Dans la présente décision, le Conseil rejette la demande présentée par l’ACTQ, l’OTA et CityWest en vue de faire réviser et modifier la politique réglementaire de télécom 2011-291 en ce qui concerne certains aspects de l’obligation de servir, du régime de subvention du service local ainsi que des cadres régissant la concurrence locale et la transférabilité des numéros de services sans fil qui s’appliquent aux petites entreprises de services locaux titulaires. L’opinion minoritaire de la conseillère Suzanne Lamarre est jointe à la présente.
Introduction
1. Le Conseil a reçu une demande présentée par l’Association des Compagnies de téléphone du Québec inc., l’Ontario Telecommunications Association et CityWest Telephone Corporation (collectivement l’ACTQ, l’OTA et CityWest), datée du 14 juillet 2011, au nom de 30 petites entreprises de services locaux titulaires (petites ESLT)[1], en vue de faire réviser et modifier certaines conclusions formulées dans la politique réglementaire de télécom 2011-291.
2. Dans la politique réglementaire de télécom 2011-291, le Conseil a notamment présenté ses conclusions sur l’obligation de servir des petites ESLT et le régime de subvention du service local[2]. Le Conseil s’est également prononcé sur les cadres régissant la concurrence locale et la transférabilité des numéros de services sans fil (collectivement la concurrence locale) qui s’appliquent dans les territoires des petites ESLT. La réaffirmation du Conseil que la concurrence locale doit être autorisée dans les territoires des petites ESLT constitue un élément fondamental des conclusions qu’il a tirées. Cependant, le Conseil a retenu certaines considérations particulières à l’endroit des petites ESLT pour réduire l’incidence financière liée à la mise en œuvre de la concurrence locale.
3. Dans leur demande, l’ACTQ, l’OTA et CityWest ont fait valoir qu’il existait un doute réel quant au bien-fondé de la politique réglementaire de télécom 2011-291 et que le Conseil avait commis une erreur de droit ou de fait dans les conclusions qu’il avait tirées à l’égard des petites ESLT. Essentiellement, l’ACTQ, l’OTA et CityWest soutenaient que les considérations particulières retenues par le Conseil étaient inappropriées parce qu’elles n’atténuaient pas suffisamment l’incidence financière de l’introduction de la concurrence locale.
4. Par conséquent, l’ACTQ, l’OTA et CityWest ont proposé des modifications à apporter à la politique réglementaire de télécom 2011-291. Plus précisément, elles ont proposé a) que les petites ESLT ne soient pas assujetties à l’application de tarifs supérieurs pour le service local de base (SLB) de résidence aux fins du calcul de la subvention; b) qu’elles continuent de recevoir une subvention fixe plutôt que d’être assujetties à une subvention par service d’accès au réseau (SAR)[3]; c) qu’elles soient remboursées par les concurrents pour tous les coûts d’établissement de la concurrence locale qu’elles engagent et d) qu’elles puissent recouvrer tous les coûts permanents de la concurrence locale à même le fonds de subvention du service local.
5. Le Conseil a reçu des interventions au sujet de la demande de l’ACTQ, de l’OTA et de CityWest de la part de Bell Canada, de Bragg Communications Inc., de Cogeco Cable Inc., de Rogers Communications Partnership et de la Société TELUS Communications (collectivement les intervenants). On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 18 août 2011. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques, ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.
Questions
6. Le Conseil estime qu’il doit aborder les questions suivantes dans la présente décision pour déterminer s’il existe un doute réel quant au bien‑fondé de la politique réglementaire de télécom 2011-291 :
I) Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit en n’accordant pas aux entreprises de télécommunication ayant l’obligation de servir un dédommagement juste et raisonnable?
II) Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait en ne tenant pas compte des coûts d’exploitation des petites ESLT en imposant un mécanisme de subvention par SAR?
III) Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait et de droit en adoptant un seuil de 3 000 SAR pour déterminer qu’une petite ESLT devrait être responsable de ses propres coûts d’établissement de la concurrence locale?
IV) Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait et de droit en adoptant pour les petites ESLT un mécanisme de recouvrement des coûts permanents liés à la concurrence locale qui ne permet pas forcément un recouvrement intégral?
V) Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait en retenant pour les petites ESLT des considérations particulières qui n’atténuent pas l’incidence financière négative des coûts d’établissement de la concurrence locale?
I) Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit en n’accordant pas aux entreprises de télécommunication ayant l’obligation de servir un dédommagement juste et raisonnable?
7. Dans la politique réglementaire de télécom 2011-291, le Conseil a conclu qu’il maintiendrait l’obligation de servir pour les petites et les grandes ESLT (collectivement les ESLT), et ce, dans toutes les circonscriptions. Le Conseil maintient, pour les ESLT, l’obligation de fournir un SLB de résidence autonome[4] dans les circonscriptions non réglementées, sous réserve d’un prix plafond modifié de 30 $.
8. De plus, le Conseil a apporté certaines modifications au mécanisme de subvention. Il a notamment conclu que pour les ESLT qui reçoivent une subvention et dont les tarifs mensuels du SLB de résidence sont inférieurs à 30 $, ces tarifs pourraient être majorés de façon transitoire jusqu’à concurrence de 30 $ ou du montant nécessaire pour éliminer la subvention[5], le montant le moins élevé s’appliquant. Aux fins du calcul de la subvention, le Conseil appliquerait les hausses tarifaires maximales permises, peu importe que les ESLT majorent leurs tarifs ou non, ce qui entraînerait une réduction globale de la subvention des ESLT.
9. L’ACTQ, l’OTA et CityWest ont fait valoir que la mise en application des conclusions de la politique réglementaire de télécom 2011-291 ne permettrait pas à leurs membres d’obtenir un taux de rendement équitable pour ce qui est de l’obligation de servir.
10. L’ACTQ, l’OTA et CityWest ont soutenu, par exemple, que les petites ESLT ne pourraient pas augmenter leurs tarifs du SLB de résidence à 30 $ à cause du risque de l’entrée en concurrence. Par conséquent, la subvention des petites ESLT serait réduite sans même que celles-ci ne puissent compenser cette perte par des hausses de tarifs. Selon l’ACTQ, l’OTA et CityWest, ces pertes compromettraient la capacité de leurs membres de respecter l’obligation d’offrir des services dans leurs territoires de desserte respectifs.
11. L’ACTQ, l’OTA et CityWest ont donc proposé que les petites ESLT ne soient pas tenues d’appliquer le tarif du SLB de résidence cible de 30 $. L’ACTQ, l’OTA et CityWest ont proposé que les tarifs du SLB de résidence des petites ESLT demeurent au niveau actuel, si bien qu’il n’y aurait aucune réduction correspondante de la subvention.
12. Les intervenants ont fait valoir qu’aucun principe réglementaire ni motif ne justifie que l’on n’applique pas aux petites ESLT des tarifs du SLB de résidence pouvant atteindre jusqu’à 30 $ puisque la même mesure a été imposée à toutes les ESLT qui reçoivent une subvention.
13. Les intervenants ont souligné que les petites ESLT sont en mesure de majorer leurs tarifs du SLB de résidence. Ils ont également ajouté que la plupart des petites ESLT pourraient tirer avantage de ces majorations de tarif et d’autres sources de revenus (c’est-à-dire d’autres services) pour obtenir un taux de rendement équitable. Par conséquent, les intervenants estiment que les petites ESLT ne devraient pas faire l’objet de considérations particulières.
Résultats de l’analyse du Conseil
14. Le Conseil souligne que le régime de subvention du service local a été établi afin de maintenir le service téléphonique de résidence de base à un tarif abordable dans les régions rurales et éloignées (c’est-à-dire dans les zones de desserte à coût élevé), où le coût de fourniture du service excède ce tarif. Grâce au régime de subvention du service local, les ESLT sont dédommagées en partie pour remplir leur obligation de servir les zones de desserte à coût élevé réglementées. Le calcul de la subvention du service local comprend la composante de tarif du SLB de résidence, celle de coûts connexes et celle de contribution implicite[6].
Composante de tarif
15. Le Conseil fait remarquer qu’il a établi la composante de tarif cible à 30 $ pour le calcul de la subvention en s’appuyant sur les deux principes suivants : premièrement, l’application du tarif cible de 30 $ ne donnerait pas lieu à des tarifs des services locaux de résidence supérieurs à des taux justes et raisonnables; deuxièmement, l’utilisation du tarif cible de 30 $ permettrait une répartition plus équitable et plus efficace de la subvention, puisqu’une ESLT ne recevrait pas une subvention supérieure ou inférieure à celle d’une autre ESLT simplement en raison des écarts tarifaires.
16. Le Conseil estime que la proposition de l’ACTQ, de l’OTA et de CityWest d’exonérer les petites ESLT du tarif cible de 30 $ ne serait pas conforme au second principe énoncé précédemment parce qu’elle entraînerait une répartition inéquitable de la subvention par rapport aux grandes ESLT.
17. Le Conseil estime également que les petites ESLT ont le loisir de majorer leurs tarifs du SLB de résidence selon leur situation, et qu’il n’est pas impossible qu’un bon nombre d’entre elles le fassent pour compenser les réductions de la subvention découlant de l’application du tarif cible de 30 $. Par conséquent, le Conseil estime que ses conclusions visant la composante de tarif pour le calcul de la subvention demeurent raisonnables.
Composante de coût
18. Le Conseil fait remarquer que, depuis 2001, les composantes de coût du SLB de résidence utilisées pour le calcul du montant des subventions des petites ESLT sont des coûts de remplacement basés sur les coûts qu’engageaient les grandes ESLT à ce moment-là. Il ajoute que les coûts des grandes ESLT ont été rajustés au fil du temps. Nonobstant ces modifications, les petites ESLT ont décidé de conserver le modèle des coûts de remplacement de 2001.
19. Le Conseil souligne que, si les petites ESLT estiment que les coûts utilisés pour calculer leur subvention ne tiennent pas compte des coûts relatifs à l’obligation de servir, celles-ci ont la possibilité de présenter une demande de révision de leurs composantes de coût du SLB de résidence, comme il est expliqué dans la politique réglementaire de télécom 2011-291. À cet égard, le Conseil souligne que dans la décision 2001-756, il a indiqué que la seule façon d’obtenir les coûts réels du SLB de résidence des petites ESLT aux fins du calcul de la subvention est d’effectuer des études des coûts de la Phase II propres à l’entreprise.
20. Par conséquent, le Conseil détermine qu’aucune modification de la composante de coût aux fins du calcul de la subvention ne s’impose pour l’instant. Toutefois, les petites ESLT peuvent présenter une demande fondée sur les études des coûts de la Phase II propres à l’entreprise, ou sur toute autre méthode d’établissement de coûts raisonnable, afin de démontrer qu’il y a lieu de rajuster la composante de coût aux fins du calcul de la subvention.
Conclusion
21. À la lumière de ce qui précède, le Conseil détermine que les entreprises de télécommunication ayant l’obligation de servir reçoivent un dédommagement raisonnable et équitable et que, par conséquent, il n’a commis aucune erreur de droit.
II) Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait en ne tenant pas compte des coûts d’exploitation des petites ESLT en imposant un mécanisme de subvention par SAR?
22. Par le passé, la subvention touchée par les petites ESLT correspondait à une somme annuelle fixe divisée en versements mensuels. Depuis 2006, la subvention annuelle touchée par les petites ESLT est établie en fonction de leurs données sur les SAR publiées en 2005. Dans la politique réglementaire de télécom 2011-291, le Conseil a cependant jugé qu’il serait approprié que la subvention des petites ESLT soit calculée et versée mensuellement en fonction du nombre de SAR de résidence desservis. En conséquence, le Conseil a adopté pour les petites ESLT un mécanisme de subvention par SAR semblable au mécanisme utilisé pour les grandes ESLT, lequel sera en vigueur à compter du 1er janvier 2012.
23. L’ACTQ, l’OTA et CityWest ont indiqué que le Conseil avait imposé à tort le mécanisme de subvention des grandes ESLT aux petites ESLT. Ces parties ont soutenu que les coûts des petites ESLT étaient essentiellement des coûts fixes et que, par conséquent, la perte de subvention attribuable à la perte de SAR, ce qui se produirait aux termes du mécanisme de subvention par SAR, serait inappropriée.
24. Ainsi, l’ACTQ, l’OTA et CityWest ont proposé que le Conseil maintienne le régime de subvention fixe qui existait avant la publication de la politique réglementaire de télécom 2011-291.
25. Les intervenants se sont opposés à la proposition de l’ACTQ, de l’OTA et de CityWest en faveur d’un retour au régime de subvention fixe. Certains intervenants ont fait valoir que l’adoption d’un mécanisme de subvention par SAR créerait une réglementation symétrique entre les grandes et les petites ESLT, surtout qu’il n’existe aucune preuve démontrant que leurs coûts d’exploitation diffèrent de façon marquée.
Résultats de l’analyse du Conseil
26. Le Conseil souligne que depuis la publication de la décision 2001-756, il maintient que les petites ESLT devraient généralement passer à un mécanisme de subvention qui serait essentiellement le même que celui établi pour les grandes ESLT.
27. Le Conseil reconnaît que les ESLT investissent toutes massivement dans l’équipement, les technologies et l’infrastructure de réseau, ce qui se traduit par des coûts fixes élevés pour elles. Le Conseil fait cependant remarquer que les petites ESLT n’ont présenté aucune preuve démontrant que leurs structures de coûts étaient substantiellement différentes de celles des grandes ESLT, lesquelles sont assujetties au mécanisme de subvention par SAR.
28. Le Conseil estime que les ESLT ne devraient être subventionnées que pour les SAR qu’elles fournissent, comme le prévoit le mécanisme de subvention par SAR. Le Conseil estime de plus que pour les petites ESLT, y compris celles qui ne font pas face à la concurrence locale, il serait plus approprié d’utiliser des données récentes que des données publiées il y a six ans, et que ceci permettrait d’assurer une répartition plus efficace de la subvention du service local.
29. Nonobstant ce qui précède, le Conseil reconnaît que les petites ESLT auraient probablement besoin d’une période de transition pour s’adapter au nouveau mécanisme de subvention par SAR. Par conséquent, dans le cadre de la politique réglementaire de télécom 2011-291[7], le Conseil a prévu une période de transition de trois ans pour la mise en œuvre du mécanisme de subvention par SAR dans le cas des petites ESLT.
30. À la lumière de ce qui précède, le Conseil détermine qu’il n’a pas commis d’erreur de fait étant donné qu’il a pris en compte les coûts d’exploitation des petites ESLT en leur imposant un mécanisme de subvention par SAR.
III) Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait et de droit en adoptant un seuil de 3 000 SAR pour déterminer qu’une petite ESLT devrait être responsable de ses propres coûts d’établissement de la concurrence locale?
31. Dans la politique réglementaire de télécom 2011-291, le Conseil s’est dit d’avis que, puisque les coûts d’établissement de la concurrence locale constituent un fardeau démesuré pour les très petites ESLT, il conviendrait d’établir un seuil pour déterminer si une petite ESLT devrait faire l’objet de considérations particulières pour le recouvrement de ses coûts d’établissement de la mise en œuvre de la concurrence locale. Par conséquent, le Conseil a établi que les petites ESLT comptant au plus 3 000 SAR se feront rembourser leurs coûts d’établissement de la concurrence locale par les nouvelles venues, et ce, en trois ans.
32. L’ACTQ, l’OTA et CityWest ont fait valoir que le seuil de 3 000 SAR établit une discrimination injuste envers les petites ESLT de plus grande envergure, car ces dernières devraient payer les coûts d’établissement de la concurrence locale alors que les toutes petites ESLT n’en paieraient pas. L’ACTQ, l’OTA et CityWest ont également fait valoir que le seuil de 3 000 SAR a été établi de façon arbitraire et que les petites ESLT ne seraient en mesure ni de recouvrer les coûts d’établissement auprès de leurs abonnés ni de les absorber. Ces parties ont proposé que le seuil de SAR soit éliminé et que le Conseil exige des nouvelles venues qu’elles paient la totalité des coûts d’établissement de la concurrence locale pendant l’année suivant sa mise en œuvre, et ce, indépendamment de la taille de l’ESLT.
33. Les intervenants ont souligné qu’auparavant les ESLT et les entreprises de services locaux concurrentes (ESLC) étaient responsables de leurs propres coûts d’établissement de la concurrence locale. Les intervenants ont généralement fait valoir que le Conseil avait fixé un seuil raisonnable pour exempter les toutes petites ESLT, plus vulnérables, de payer ces coûts. Les intervenants ont par ailleurs ajouté qu’il ne serait donc pas approprié de rajuster le seuil de 3 000 SAR établi par le Conseil, précisant que demander aux ESLC d’assumer des coûts d’établissement supplémentaires pourrait retarder ou même empêcher la mise en œuvre de la concurrence locale dans les marchés des petites ESLT.
Résultats de l’analyse du Conseil
34. Le Conseil indique qu’il a déjà établi les seuils en fonction de l’ampleur des activités de l’entreprise pour déterminer si une entreprise en particulier devait être assujettie à un traitement réglementaire distinct. Par exemple, les ESLC ne sont pas tenues de remplir certaines obligations si le nombre d’abonnés qu’elles desservent est inférieur à 10 000, et les fournisseurs de services de télécommunication sont tenus de contribuer au fonds de subvention du service local uniquement si leurs revenus annuels provenant des services de télécommunication canadiens dépassent 10 millions de dollars[8].
35. Le Conseil fait valoir qu’au cours de l’instance qui a mené à la politique réglementaire de télécom 2011-291, le concept du seuil de SAR a été instauré afin de déterminer si certaines petites ESLT devaient être assujetties à la concurrence locale[9]. Compte tenu de sa décision de continuer d’introduire la concurrence locale dans les territoires des petites ESLT, et conscient des difficultés que doivent surmonter les très petites ESLT, le Conseil a adapté le concept du seuil de SAR pour déterminer qui devait payer les coûts d’établissement de la concurrence locale.
36. Lorsqu’il a établi le seuil de 3 000 SAR, le Conseil a pris en compte plusieurs facteurs, qui ont été présentés et notés au cours de l’instance. Parmi ces facteurs, il y avait notamment l’ampleur et la diversité des activités des petites ESLT et les répercussions que les coûts d’établissement de la concurrence locale peuvent avoir sur les tarifs des abonnés. Le Conseil demeure d’avis que les petites ESLT dont le nombre d’abonnés du SAR est supérieur à 3 000 seront plus en mesure de composer avec les coûts d’établissement de la mise en œuvre de la concurrence locale que les ESLT dont le nombre d’abonnés du SAR est inférieur à ce chiffre.
37. Le Conseil indique en outre que bon nombre d’ESLC ont déjà engagé des dépenses pour livrer concurrence dans les circonscriptions des petites ESLT. Le Conseil estime qu’exiger des ESLC qu’elles paient en plus tous les coûts d’établissement de la concurrence locale, comme le proposent l’ACTQ, l’OTA et CityWest, ne ferait que retarder davantage, voire empêcher, l’introduction de la concurrence locale dans les territoires des petites ESLT.
38. Pour les raisons susmentionnées, le Conseil détermine qu’il n’a commis aucune erreur de fait et de droit en adoptant un seuil de 3 000 SAR pour déterminer si une petite ESLT devrait être responsable de ses propres coûts d’établissement de la concurrence locale.
IV) Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait et de droit en adoptant pour les petites ESLT un mécanisme de recouvrement des coûts permanents liés à la concurrence locale qui ne permet pas forcément un recouvrement intégral?
39. Dans la politique réglementaire de télécom 2011-291, le Conseil s’est dit d’avis qu’il convenait d’aider les petites ESLT à recouvrer leurs coûts permanents liés à la concurrence locale. Par conséquent, le Conseil a conclu que les petites ESLT devant assumer ces coûts seront autorisées à réduire la composante de tarif du SLB de résidence qu’elles utilisent pour le calcul de leur subvention, et ce, de 2 $ par SAR par mois ou du montant approuvé pour les coûts permanents, selon le montant le moins élevé des deux.
40. L’ACTQ, l’OTA et CityWest ont indiqué que le mécanisme de recouvrement des coûts permanents proposé par le Conseil comportait trop de restrictions. Plus précisément, elles dénonçaient le fait que les petites ESLT seraient incapables de recouvrer les coûts permanents après l’élimination de la subvention, que le recouvrement des coûts permanents serait réduit en raison de l’application du mécanisme de subvention par SAR et que le recouvrement des coûts permanents soit plafonné à 2 $ par SAR par mois.
41. Par conséquent, l’ACTQ, l’OTA et CityWest ont proposé que tous les coûts permanents liés à la concurrence locale soient recouvrés à même le fonds de subvention, sans imposition d’un montant précis, et que le recouvrement de ces coûts se poursuive indépendamment du montant de la subvention accordée à la petite ESLT et des conditions dans lesquelles s’exerce la concurrence.
42. Les intervenants ont indiqué qu’il n’était pas approprié que les petites ESLT recouvrent intégralement les coûts permanents liés à la concurrence locale à même le fonds de subvention. À leur avis, le Conseil a raisonnablement accommodé les petites ESLT en leur permettant de recouvrer une partie des coûts permanents liés à la concurrence locale.
Résultats de l’analyse du Conseil
43. Le Conseil souligne que, conformément à la politique réglementaire de télécom 2011-291, le mécanisme de recouvrement des coûts permanents des petites ESLT s’applique même lorsque les hausses tarifaires qui leur ont été attribuées ont grugé en totalité la subvention accordée dans leurs territoires de desserte. Le Conseil ajoute qu’une petite ESLT n’aurait plus accès au mécanisme de recouvrement des coûts permanents s’il approuvait une demande d’abstention touchant la circonscription de la petite ESLT et si les concurrents en exploitation dans cette circonscription étaient en mesure de desservir au moins 75 p. 100 des abonnés du SAR de résidence desservis par la petite ESLT.
44. Le Conseil a établi le mécanisme de recouvrement des coûts permanents liés à la concurrence locale dans le but d’atténuer l’incidence financière de l’introduction de la concurrence locale. Le Conseil estime que permettre aux petites ESLT d’avoir accès à ce mécanisme de recouvrement des coûts au-delà des seuils fixés dans la politique réglementaire de télécom 2011-291 occasionnerait probablement des distorsions du marché en conférant, dans des marchés concurrentiels, un avantage indu aux petites ESLT par rapport aux autres fournisseurs de services.
45. Par conséquent, le Conseil demeure d’avis qu’il serait approprié que le mécanisme de recouvrement des coûts permanents des petites ESLT prenne fin lorsque l’abstention est accordée et que le critère de présence de concurrents fixé à 75 p. 100 est respecté dans la circonscription de la petite ESLT en question. Le Conseil demeure également d’avis que la réduction de la composante de tarif aux fins de recouvrement des coûts permanents ne devrait pas dépasser 2 $ par SAR par mois.
46. À la lumière de qui précède, le Conseil détermine qu’il n’a commis aucune erreur de fait et de droit en adoptant un mécanisme de recouvrement des coûts permanents liés à la concurrence locale des petites ESLT qui ne permet pas forcément un recouvrement intégral.
V) Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait en retenant pour les petites ESLT des considérations particulières qui n’atténuent pas l’incidence financière négative des coûts d’établissement de la concurrence locale?
47. L’ACTQ, l’OTA et CityWest ont soutenu que les considérations particulières accordées par le Conseil n’atténuent pas suffisamment l’incidence financière de la mise en œuvre de la concurrence locale dans les territoires de leurs membres, compromettant ainsi l’accès à un service téléphonique de base fiable dans les marchés des petites ESLT. Ces parties ont ajouté que les modifications qu’elles proposent de faire apporter à la politique réglementaire de télécom 2011-291 dans leur demande atténueraient leurs préoccupations les plus urgentes concernant l’introduction de la concurrence locale.
48. Les intervenants ont quant à eux indiqué que le Conseil avait apporté des modifications raisonnables à la politique réglementaire de télécom 2011-291 pour accommoder les petites ESLT et qu’ils estimaient que les consommateurs continueraient d’avoir accès à un service téléphonique de base fiable une fois la concurrence locale instaurée dans les marchés des petites ESLT.
Résultats de l’analyse du Conseil
49. Le Conseil estime que l’ACTQ, l’OTA et CityWest n’ont présenté aucun nouveau renseignement en ce qui a trait aux conclusions formulées dans la politique réglementaire de télécom 2011-291 au sujet de l’obligation de servir, du régime de subvention du service local et du cadre régissant la concurrence locale.
50. Le Conseil estime également que les considérations particulières adoptées pour les petites ESLT dans la politique réglementaire de télécom 2011-291 devraient atténuer l’incidence financière négative possible des coûts d’établissement de la concurrence locale, particulièrement en ce qui concerne les cadres de réglementation qui existaient avant que la décision soit rendue et par opposition au régime de réglementation qui s’applique aux grandes ESLT. En outre, le Conseil estime que, dans les marchés des petites ESLT où la concurrence est en plein essor, l’adoption de toute autre considération particulière pourrait fausser le marché.
51. Le Conseil estime que l’instauration de la concurrence locale dans les marchés des petites ESLT profitera aux consommateurs tout en garantissant le maintien d’un accès raisonnable à un service téléphonique de base fiable. Pour s’assurer que cet objectif continue d’être respecté, le Conseil entend surveiller la disponibilité de ces services de la part des petites ESLT et des fournisseurs concurrents qui entrent dans leurs marchés.
52. Par conséquent, le Conseil détermine qu’il n’a commis aucune erreur de fait en adoptant pour les petites ESLT les considérations particulières énoncées dans la politique réglementaire de télécom 2011-291, et que ces considérations permettront d’atténuer suffisamment toute incidence financière négative des coûts d’établissement de la concurrence locale.
Conclusion
53. À la lumière de ce qui précède, le Conseil détermine que l’ACTQ, l’OTA et CityWest n’ont pas prouvé l’existence d’un doute réel quant au bien‑fondé de la politique réglementaire de télécom 2011-291. Par conséquent, le Conseil rejette la demande présentée par l’ACTQ, l’OTA et CityWest.
54. L’opinion minoritaire de la conseillère Suzanne Lamarre est jointe à la présente.
Secrétaire général
Documents connexes
- Obligation de servir et autres questions, Politique réglementaire de télécom CRTC 2011-291, 3 mai 2011, modifiée par la Politique réglementaire de télécom CRTC 2011-291-1, 12 mai 2011
- Demande présentée par l’Association canadienne des télécommunications par câble, conformément à la partie VII, concernant le respect de quelques obligations des entreprises de services locaux concurrentes (ESLC) par certaines ESLC, Décision de télécom CRTC 2006-58, 18 septembre 2006
- Cadre de réglementation applicable aux petites compagnies de téléphone titulaires, Décision CRTC 2001-756, 14 décembre 2001
- Modifications au régime de contribution, Décision CRTC 2000-745, 30 novembre 2000
Annexe
Petites ESLT représentées par l’ACTQ, l’OTA et CityWest
Entreprises membres de l’ACTQ
CoopTel
La Cie de Téléphone de Courcelles Inc.
La Compagnie de Téléphone de Lambton Inc.
La Compagnie de Téléphone de St-Victor
La Compagnie de Téléphone Upton Inc.
Le Téléphone de St-Éphrem inc.
Sogetel inc.
Téléphone Guèvremont inc.
Téléphone Milot inc.
Entreprises membres de l’OTA
Brooke Telecom Co-operative Ltd.
Bruce Telecom
Cochrane Telecom Services
Dryden Municipal Telephone System
Execulink Telecom Inc.
Gosfield North Communications Co-operative Limited
Hay Communications Co-operative Limited
Huron Telecommunications Co-operative Limited
Lansdowne Rural Telephone Co. Ltd.
Mornington Communications Co-operative Limited
Nexicom Telecommunications Inc.
Nexicom Telephones Inc.
North Frontenac Telephone Corporation Ltd.
NRTC Communications
Ontera
Quadro Communications Co-operative Inc.
Roxborough Telephone Company Limited
Tuckersmith Communications Co-operative Limited
Wightman Telephone Ltd.
WTC Communications
CityWest Telephone Corporation
Opinion minoritaire de la conseillère Suzanne Lamarre
1. Dans la présente décision, le Conseil maintient celle qu’il avait prise le 3 mai 2011 alors qu’il adoptait un seuil de 3 000 SAR pour déterminer qu’une petite ESLT devrait être responsable de ses propres coûts d’établissement de la concurrence locale. Dans le cadre de la politique réglementaire de télécom 2011‑291, j’avais exprimé une opinion minoritaire à l’effet que cette décision était une erreur. Ni les faits ni les règles de droit applicables n’ont changé depuis. Cela étant, je suis donc d’avis que le Conseil n’a pas su saisir l’occasion que lui donnait la demande de révision et de modification des demandeurs de corriger son erreur initiale alors qu’il avait non seulement mal évalué la preuve qui lui était soumise mais aussi omis d’appliquer correctement toutes les règles de droit pertinentes.
2. Pour les mêmes motifs que j’avais exprimés dans la politique réglementaire de télécom 2011-291, je suis d’avis que le Conseil fait de nouveau fausse route.
Notes de bas de page :
[1] Voir l’annexe pour connaître les noms des petites ESLT représentées par l’ACTQ, l’OTA et CityWest.
[2] Aux termes de l’obligation de servir, l’entreprise titulaire est tenue de fournir le service téléphonique aux clients existants, aux nouveaux clients qui demandent le service là où l’entreprise titulaire a des installations et aux nouveaux clients qui demandent le service au-delà des limites à l’intérieur desquelles l’entreprise titulaire a des installations (les modalités relatives à une telle extension du service sont énoncées dans le Tarif général de l’entreprise titulaire). Le régime de subvention du service local est un mécanisme réglementaire visant à garantir que les entreprises sont dédommagées de façon adéquate pour la prestation de leurs services de résidence dans les zones de desserte à coût élevé, où le tarif du service local de résidence de base approuvé par le Conseil ne permet pas à l’entreprise de recouvrer les coûts liés à la fourniture du service.
[3] Le SAR est la ligne qui permet aux abonnés d’accéder au réseau téléphonique.
[4] Le SLB autonome s’entend des cas où le client s’abonne uniquement au SLB, c’est-à-dire à aucun autre service de télécommunication.
[5] Les majorations de tarifs seraient échelonnées sur trois ans et consisteraient en des augmentations annuelles égales.
[6] La contribution implicite des petites ESLT a été établie à 5 $ par mois par SAR de résidence dans la politique réglementaire de télécom 2011-291, soit la même que pour les grandes ESLT. Cette décision n’a pas été prise en compte dans la présente demande de révision et de modification.
[7] Le Conseil a conclu que durant les trois premières années suivant la mise en œuvre de la concurrence locale dans un territoire donné, la petite ESLT recevra le montant complet de la subvention pour tous les SAR de résidence qu’elle dessert dans cette circonscription ainsi que 50 % de la subvention pour chaque SAR de résidence qu’elle ne fournira plus dans cette circonscription (c’est-à-dire les SAR perdus). Une fois cette période de trois ans écoulée, la petite ESLT touchera la subvention seulement pour le nombre de SAR de résidence qu’elle fournira dans cette circonscription.
[8] Conformément à la décision de télécom 2006-58 et à la décision 2000-745, respectivement.
[9] À ce moment-là, la plupart des petites ESLT soutenaient que les entreprises desservant moins de 2 500 abonnés du SAR ne devaient pas être assujetties à la concurrence locale.
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