Décision de télécom CRTC 2011-72

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Ottawa, le 8 février 2011

Bell Aliant Communications régionales, société en commandite, et Bell Canada – Demande de révision et de modification de la décision de télécom 2010-387 concernant l’application des directives à l’égard du service 9-1-1 VoIP

Numéro de dossier : 8662-B54-201014597

Dans la présente décision, le Conseil rejette la demande de Bell Aliant et Bell Canada en vue de faire réviser et modifier la décision de télécom 2010-387. Il ordonne également à toutes les entreprises canadiennes qui offrent des services de communication vocale par protocole Internet mobiles et fixes/non propres à une circonscription, de mettre en œuvre les directives énoncées dans cette décision.

Introduction

1.      Le 13 septembre 2010, Bell Aliant Communications régionales, société en commandite, et Bell Canada (collectivement les compagnies Bell) ont déposé une demande réclamant que le Conseil révise et modifie certains éléments de la décision de télécom 2010-387.

2.      Dans cette décision, le Conseil, voulant que les clients des services de communication vocale par protocole Internet (VoIP) mobiles et fixes/non propres à une circonscription obtiennent un meilleur service 9-1-1, a ordonné à toutes les entreprises canadiennes offrant ces services de mettre en œuvre les mesures suivantes : 1) communiquer avec les clients chaque fois qu’ils changent leur adresse de facturation afin de confirmer l’adresse municipale à laquelle il est le plus probable qu’ils se trouvent en cas d’urgence et 2) s’assurer que les clients sont en mesure de mettre à jour en ligne leur adresse municipale la plus probable (les directives).

3.      Dans leur demande, les compagnies Bell ont demandé au Conseil de confirmer que les directives ne s’appliquent pas aux clients du service d’affaires. Elles ont également demandé au Conseil soit 1) de préciser que les directives s’appliquent uniquement aux fournisseurs de services VoIP qui disposent d’une fonction d’affichage automatique du numéro (AAN) pour les téléphonistes du service d’appels d’urgence[1] ou 2) d’exiger que tous les fournisseurs de services offrant des services VoIP mobiles et fixes/non propres à une circonscription se dotent d’une fonction d’AAN pour les téléphonistes du service d’appels d’urgence. À défaut de quoi, les compagnies Bell ont réclamé que le Conseil annule les directives.

4.      L’Ontario 9-1-1 Advisory Board (OAB) a déposé des éléments de preuve révélant une hausse des appels 9-1-1 en provenance des clients des services VoIP au cours des trois dernières années. L’OAB a fait remarquer que les risques qui se posent lorsque l’on utilise des renseignements non vérifiés sur l’emplacement de l’utilisateur pour répondre à une urgence, mais il n’a pas pris position sur la demande des compagnies Bell.

5.      La Société TELUS Communications (STC), MTS Allstream Inc. (MTS Allstream) et Quebecor Média inc., au nom de sa filiale Vidéotron ltée (Vidéotron), ont déposé des observations en faveur de la demande des compagnies Bell. Quant à Northern911, entreprise qui offre des services de téléphonistes pour les appels 9-1-1 aux fournisseurs de services VoIP, elle a déposé des observations défavorables à la demande.

6.      On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 25 octobre 2010. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques, ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

7.      Dans la présente décision, le Conseil estime qu’il devra se prononcer sur les questions suivantes :

I.       Les directives s’appliquent-elles aux clients du service d’affaires?

II.    La fonction d’AAN est-elle essentielle pour que les directives soient valables?

I.    Les directives s’appliquent-elles aux clients du service d’affaires?

8.      Dans l’avis public de télécom 98-6, le Conseil a établi les critères qu’il utilise pour examiner les demandes de révision et de modification qui lui sont présentées en vertu de l’article 62 de la Loi sur les télécommunications. Plus précisément, le Conseil a indiqué qu’il incombe au demandeur de prouver qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale pour une ou plusieurs des raisons suivantes : i) une erreur de droit ou de fait; ii) une modification fondamentale des circonstances ou des faits depuis la décision; iii) le défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans la procédure initiale ou iv) un nouveau principe découlant de la décision.

9.      Les compagnies Bell ont indiqué que, conformément à l’avis public de télécom 98-6, il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision de télécom 2010-387 en ce qui concerne les clients du service d’affaires puisque le Conseil n’a pas vérifié si les améliorations qu’il proposait s’appliquaient à ces clients ni si elles avaient une incidence sur eux.

10.  Les compagnies Bell ont indiqué que, pour ce qui est des clients du service d’affaires, les directives ne sont pas applicables et ne permettront pas d’améliorer la sécurité publique. Elles ont soutenu que, dans le cas d’un client du service d’affaires comptant de multiples adresses, les changements apportés à l’adresse de facturation sont rarement liés aux changements apportés à l’adresse municipale. Les compagnies Bell ont d’ailleurs ajouté que les gros clients du service d’affaires possèdent leurs propres autocommutateurs privés IP (PBX) et ont l’habitude d’assigner les numéros de téléphone à leurs employés et aux adresses correspondantes sans en aviser leur fournisseur de services VoIP.

11.  Les compagnies Bell ont également indiqué que le client du service d’affaires qui demande une amélioration de la sécurité publique a la possibilité d’acheter, à titre d’option, le service d’affichage automatique d’adresses (AAA), ce qui lui permettrait d’emmagasiner les renseignements sur les adresses municipales actuelles et d’effectuer l’acheminement automatique des appels 9-1-1 à partir de ces renseignements.

12.  La STC, MTS Allstream et Vidéotron ont chacune indiqué que les directives offrent très peu d’avantages aux clients du service d’affaires. MTS Allstream a ajouté qu’il est peu probable qu’un client du service d’affaires utilise un service VoIP mobile et fixe/non propre à une circonscription pour effectuer un appel 9-1-1.

13.  Pour sa part, Northern911 a indiqué que les directives permettraient d’améliorer la sécurité publique des clients VoIP dans le contexte du service 9-1-1 parce qu’elles contribueraient à la tenue à jour des renseignements sur les adresses municipales des clients résidentiels et des clients du service d’affaires.

Résultats de l’analyse du Conseil

14.  Le Conseil fait remarquer que, conformément aux directives énoncées dans la décision de télécom 2010-387, les clients des services VoIP mobiles et fixes/non propres à une circonscription disposent de deux moyens pour mettre à jour les renseignements relatifs à leur adresse municipale la plus probable, soit le faire en ligne, ou le faire lorsque le fournisseur de services VoIP communique avec eux.

15.  En ce qui concerne les clients du service d’affaires en particulier, le Conseil fait remarquer que ces clients, petits et gros, connaissent l’adresse municipale associée à chacun de leurs numéros de téléphone VoIP et qu’ils gèrent ces renseignements. Par conséquent, le Conseil estime que ces clients sont les mieux en mesure de communiquer ces renseignements au fournisseur de services VoIP.

16.  Le Conseil fait remarquer que, conformément aux directives, les fournisseurs de services VoIP mobiles et fixes/non propres à une circonscription sont tenus de recueillir en temps opportun les adresses à jour de leurs clients; cependant, il estime qu’il appartient aux clients de s’assurer de l’exactitude des renseignements qu’ils fournissent. Par conséquent, le Conseil estime qu’il n’est pas impossible, pour les clients du service d’affaires, de mettre en œuvre les directives. Il estime également qu’une fois les directives mises en œuvre, elles permettront d’améliorer la sécurité publique.

17.  En outre, le Conseil fait remarquer que rien n’empêche les fournisseurs de services VoIP d’offrir des améliorations supplémentaires à leurs clients, comme l’acheminement des appels d’urgence à partir des données AAA, à titre d’option ou de service à valeur ajoutée.

18.  Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que les compagnies Bell n’ont pas soulevé un doute réel quant au bien-fondé des directives à l’endroit des clients du service d’affaires. Par conséquent, le Conseil confirme que les directives énoncées dans la décision de télécom 2010-387 s’appliquent aux fournisseurs de services VoIP offrant des services VoIP mobiles et fixes/non propres à une circonscription sur le plan résidentiel ou d’affaires.

II.   La fonction d’AAN est-elle essentielle pour que les directives soient valables?

19.  Les compagnies Bell ont indiqué que, conformément à l’avis public de télécom 98-6, il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision de télécom 2010-387, car le Conseil a commis une erreur de fait en présumant, au moins de manière implicite, que les fournisseurs de services VoIP sont obligés de se doter d’une fonction d’AAN pour les téléphonistes du service d’appels d’urgence.

20.  Les compagnies Bell ont fait remarquer que d’après les directives du Conseil, les fournisseurs de services VoIP doivent disposer d’une base de données renfermant les renseignements sur l’adresse municipale actuelle de leurs clients. Les compagnies Bell ont ajouté que, pour qu’il soit utile, en matière de sécurité publique, de disposer de ces renseignements, il faut que le téléphoniste responsable des appels d’urgence dispose de la fonction d’AAN et, par conséquent, qu’il puisse automatiquement avoir accès à l’information et acheminer les appels au bon centre d’appels de la sécurité publique (CASP).

21.  La STC, MTS Allstream et Vidéotron ont chacune signalé que les directives ne sont pas valables si les fournisseurs ne sont pas dotés de la fonction d’AAN.

22.  Northern911 a indiqué que les directives permettraient d’améliorer la sécurité publique une fois qu’elles seraient mises en œuvre. Northern911 a également ajouté que la fonction d’AAN permettrait d’améliorer davantage la sécurité publique, si bien qu’il faudrait en favoriser la mise en place.

Résultats de l’analyse du Conseil

23.  Dans la décision de télécom 2005-21, le Conseil a déterminé que dans le cas des clients des services VoIP mobiles et fixes/non propres à une circonscription, la méthode de base que doit utiliser le téléphoniste pour obtenir l’adresse municipale de l’appelant est de la demander à l’appelant. Dans cette décision, le Conseil a affirmé que le téléphoniste doit utiliser les renseignements disponibles sur l’adresse pour acheminer l’appel au bon CASP uniquement lorsque la vérification verbale n’est pas possible ou qu’elle échoue.

24.  Dans la décision de télécom 2005-21, le Conseil fait remarquer qu’il n’a pas exigé que les téléphonistes responsables des appels 9-1-1 disposent de la fonction d’AAN. De plus, le Conseil fait observer que dans la décision de télécom 2010-387, il n’a pas exigé la fonction d’AAN à titre de condition préalable à l’application des directives.

25.  Le Conseil note l’argument voulant que le fait de disposer des renseignements sur l’adresse municipale des clients des services VoIP mobiles et fixes/non propres à une circonscription ne contribuerait pas à améliorer de manière significative la sécurité publique à moins que le téléphoniste dispose également de la fonction d’AAN. Toutefois, le Conseil estime que le téléphoniste responsable des appels d’urgence qui ne dispose pas de la fonction d’AAN peut tout de même obtenir verbalement des renseignements partiels, tels que le nom de l’appelant, son numéro de téléphone ou son numéro de compte. Autrement, le téléphoniste peut contacter le fournisseur de services VoIP pour localiser l’appel et obtenir le numéro de téléphone ou d’autres renseignements concernant l’appelant. Par conséquent, le Conseil estime que les téléphonistes des services d’appels d’urgence qui ne disposent pas de la fonction d’AAN peuvent utiliser les renseignements que leur donne l’appelant ou ceux qu’ils obtiennent du fournisseur de services VoIP pour vérifier les renseignements dont ils disposent sur l’adresse municipale et localiser l’endroit d’où provient l’appel.

26.  Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu’il n’a pas commis une erreur de fait et qu’il n’a pas présumé que les fournisseurs de services VoIP compteraient sur la fonction d’AAN lorsqu’il a décidé d’imposer les directives. Par conséquent, le Conseil confirme que la fonction d’AAN n’est pas une condition préalable à l’application des directives formulées dans la décision de télécom 2010-387.

Conclusion

27.  Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil conclut que les compagnies Bell n’ont pas réussi à prouver qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé des conclusions qu’il a tirées dans la décision de télécom 2010-387. Par conséquent, le Conseil rejette la demande des compagnies Bell en vue de faire réviser et modifier la décision 2010-387 et il ordonne à toutes les entreprises canadiennes qui offrent des services VoIP mobiles et fixes/non propres à une circonscription de mettre en œuvre, dans les 30 jours de la présente décision, les directives formulées dans la décision 2010-387.

Autres mesures

28.  Le Conseil fait remarquer que toutes les parties s’entendent pour dire que la fonction d’AAN contribuerait à améliorer davantage la sécurité publique, mais que les entreprises canadiennes offrant des services VoIP mobiles et fixes/non propres à une circonscription ne disposent pas toutes de cette fonction. Par conséquent, le Conseil amorcera l’avis de consultation de télécom 2011-73 parallèlement à la publication de la présente décision, et ce, afin de vérifier s’il conviendrait d’exiger que ces entreprises disposent de la fonction d’AAN pour les téléphonistes du service d’appels d’urgence.

Secrétaire général

Documents connexes



Note de bas de page :

[1]    La fonction d’AAN permet au téléphoniste du service d’appels d’urgence d’obtenir le numéro de l’appelant au moment de l’appel et d’utiliser cette information pour acheminer adéquatement l’appel.

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