ARCHIVÉ - Décision de télécom CRTC 2006-7

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Décision de télécom CRTC 2006-7

  Ottawa, le 7 février 2006
 

Quebecor Média inc. - Demande de révision et de modification de la décision de télécom CRTC 2005-6

  Référence : 8662-Q15-200509193
  Le Conseil rejette une demande présentée par Quebecor Média inc. en vue de faire réviser et modifier la conclusion qu'il a tirée dans la décision Services de réseau numérique propres aux concurrents, Décision de télécom CRTC 2005-6, 3 février 2005, afin que les concurrents dotés d'installations soient compensés pour les pertes de revenus découlant de l'introduction des services de réseau numérique propre aux concurrents et d'accès au réseau numérique propre aux concurrents, de la même façon et pour la même période que les entreprises de services locaux titulaires.
 

La demande

1.

Le 29 juillet 2005, Quebecor Média inc. (QMI), au nom de sa filiale Vidéotron Télécom ltée (VTL), a déposé une demande en vertu de l'article 62 de la Loi sur les télécommunications (la Loi) en vue d'obtenir du Conseil qu'il révise et modifie la conclusion qu'il a tirée dans la décision Services de réseau numérique propres aux concurrents, Décision de télécom CRTC 2005-6, 3 février 2005 (la décision 2005-6), lorsqu'il a rejeté une demande visant à compenser les concurrents dotés d'installations pour les pertes de revenus découlant de l'introduction des services de réseau numérique propre aux concurrents (RNC) et d'accès au réseau numérique propre aux concurrents (ARNC). QMI a demandé que les concurrents dotés d'installations soient compensés de la même façon et pour la même période que les entreprises de services locaux titulaires (ESLT), et que cette compensation soit prélevée sur les comptes de report des ESLT.

2.

QMI a fait valoir quatre raisons pour affirmer qu'il existait un doute réel quant à la rectitude de la conclusion qu'a tirée le Conseil dans la décision 2005-6 lorsqu'il a décidé de compenser les ESLT mais non les concurrents dotés d'installations qui offrent des services en concurrence avec les services RNC des ESLT. Ainsi, selon QMI :
 

(i) la conclusion du Conseil nuit à la concurrence fondée sur les installations;

 

(ii) les tarifs RNC ne sont pas justes et raisonnables, et ils contreviennent au paragraphe 27(1) de la Loi;

 

(iii) les tarifs RNC et le régime de compensation des ESLT qui ont été établis dans la décision 2005-6 accordent une préférence indue aux ESLT et font subir aux concurrents un désavantage indu, ce qui contrevient au paragraphe 27(2) de la Loi;

 

(iv) la conclusion du Conseil selon laquelle les installations de fibre des concurrents qui servent à fournir des services d'accès au réseau numérique (ARN) peuvent également servir à tirer des revenus d'autres services a été tirée sans éléments de preuve à l'appui et est, par conséquent, entachée de nullité.

 

Processus

3.

Bell Canada et MTS Allstream Inc. ont toutes deux déposé des observations le 29 août 2005. TELUS Communications Inc. (TCI) a déposé des observations le 30 août 2005.

4.

QMI a déposé des observations en réplique le 9 septembre 2005.
 

Historique

5.

Dans la décision Cadre de réglementation applicable à la deuxième période de plafonnement des prix, Décision de télécom CRTC 2002-34, 30 mai 2002 (la décision 2002-34), le Conseil a conclu que pour promouvoir la concurrence fondée sur les installations, les ESLT devaient créer un service ARNC à titre de Service des concurrents, et il a approuvé les tarifs provisoires de ce service en se fondant sur les tarifs du service ARN de détail des ESLT. Par la suite, dans la décision Service provisoire d'accès au réseau numérique propre aux concurrents, Décision de télécom CRTC 2002-78, 23 décembre 2002, le Conseil a approuvé des tarifs provisoires révisés pour les composantes du service ARNC en se fondant sur les coûts de la Phase II, majorés d'un supplément de 15 p. 100.

6.

Dans la décision 2002-34, le Conseil a fait remarquer que la création du service ARNC entraînerait une baisse des revenus que les ESLT généraient à partir de leur service ARN de détail. Étant donné que ces réductions tarifaires découlaient de considérations de politique par opposition à des réductions de coûts, le Conseil a estimé que les ESLT devaient être compensées pour cette baisse de revenus au moyen de prélèvements sur leurs comptes de report. Le Conseil a estimé que cette façon de faire permettait de concilier les intérêts des trois principaux intervenants dans les marchés des télécommunications, c'est-à-dire les clients, les concurrents et les ESLT.

7.

Dans la décision 2005-6, le Conseil a conclu que dans le cadre du service RNC, les ESLT devraient fournir à leurs concurrents : des accès DS-0 et DS-1, y compris les liaisons connexes (composantes de catégorie I), de même que des accès DS-3, OC-3 et OC-12, y compris les liaisons connexes; des installations ARN intracirconscriptions; des installations de multiplexage de central; ainsi que des installations intercirconscriptions métropolitaines ne faisant pas l'objet d'une abstention (composantes de catégorie II).

8.

Dans la décision 2005-6, le Conseil a approuvé les tarifs des composantes de catégorie I du service RNC, fondés sur les coûts de la Phase II et majorés d'un supplément de 15 p. 100, de même que les tarifs des composantes de catégorie II du service, qui comprennent des suppléments de plus de 15 p. 100.

9.

Dans la décision 2005-6, et conformément à la conclusion qu'il a tirée dans la décision 2002-34 en vue de compenser les ESLT pour les pertes de revenus liées à l'introduction du service ARNC, le Conseil a approuvé, pour toutes les ESLT à l'exception de Saskatchewan Telecommunications, une compensation :
 

(i) pour la migration de la demande à l'ARNC, à compter du 1er juin 2002, calculée en fonction de la différence entre les tarifs d'accès et de liaison du service RNC qui ont été approuvés dans la décision 2005-6 et les tarifs d'accès et de liaison ARN de détail correspondants;

 

(ii) pour la migration de la demande au RNC, à compter du 3 février 2005, calculée en fonction de la différence entre les tarifs RNC qui ont été approuvés dans la décision 2005-6 et les tarifs de détail correspondants.

10.

Dans la décision 2005-6, le Conseil a également rejeté une demande présentée par LondonConnect Inc. visant à compenser les nouveaux venus dotés d'installations pour les pertes de revenus découlant de l'introduction des services ARNC et RNC.
 

Questions

11.

Dans la présente décision, le Conseil traite les points soulevés par QMI dans l'ordre suivant :
 

A - Discrimination injuste

 

B - Tarifs justes et raisonnables

 

C - Concurrence fondée sur les installations

 

D - Absence d'éléments de preuve

 

A - Discrimination injuste

 

Positions des parties

12.

QMI a qualifié de subvention la compensation accordée aux ESLT dans la décision 2005-6, et elle a fait valoir que puisque le Conseil a refusé d'accorder aux concurrents dotés d'installations la compensation qu'il a approuvée pour les ESLT, le régime de compensation accordait aux ESLT une préférence indue qui contrevenait au paragraphe 27(2) de la Loi. QMI a également fait valoir qu'une fois qu'il est démontré qu'une discrimination, une préférence ou un avantage ont été accordés, cette discrimination, cette préférence ou cet avantage seraient considérés comme injustes à moins qu'une justification soit fournie. De l'avis de QMI, le Conseil n'a mentionné dans la décision 2005-6 aucune politique ou autre justification à l'appui de la compensation qu'il a accordée aux ESLT et refusée aux concurrents dotés d'installations. QMI a soutenu que les ESLT étaient dans une situation financière plus solide que les concurrents et que, par conséquent, elles étaient autant, et même mieux, en mesure de remplacer par des revenus tirés d'autres services les pertes de revenus associées aux tarifs RNC.

13.

Bell Canada a fait valoir que l'arrangement visant à compenser les pertes financières liées à l'introduction des services RNC ne lui accordait aucun avantage concurrentiel et ne constituait pas un traitement préférentiel.

14.

Bell Canada a fait valoir qu'elle devrait éventuellement réduire ses tarifs ARN de détail pour demeurer concurrentielle par rapport aux services de détail offerts par les concurrents qui ont accès aux services RNC à des tarifs réduits. Bell Canada a ajouté qu'avec l'accroissement de la demande pour les services RNC, elle perdrait des revenus qu'elle aurait tirés de ces services supplémentaires si les tarifs ARN de détail demeuraient inchangés. Selon Bell Canada, ni la décision 2002-34, ni la décision 2005-6 ne lui permettaient de recouvrer ces pertes de revenus additionnelles au moyen de prélèvements sur son compte de report. Bell Canada a soutenu qu'à cet égard, le Conseil avait traité VTL et Bell Canada de façon identique.

15.

TCI a fait valoir que QMI a mal interprété le paragraphe 27(2) de la Loi. TCI s'est fondée sur des documents juridiques déposés auprès du Conseil dans le cadre d'instances précédentes pour soutenir que le Conseil n'avait exercé aucune discrimination au sens de l'article 27 de la Loi parce que tous les clients admissibles au service RNC recevaient le même service et étaient traités de la même manière.

16.

TCI a précisé que QMI ne prétendait pas subir de discrimination injuste de la part du Conseil en tant que cliente du service RNC d'une ESLT, mais bien en tant que concurrente d'une ESLT. TCI a soutenu que le paragraphe 27(2) de la Loine portait pas sur la discrimination exercée par le Conseil à l'endroit des concurrents.

17.

Dans ses observations en réplique, QMI a fait valoir que les observations de Bell Canada ne répondaient pas directement à l'argument de QMI. QMI a ajouté que l'affirmation de TCI était fondée sur une interprétation indûment étroite et dépassée du paragraphe 27(2) de la Loi et qu'il était non seulement pertinent mais aussi nécessaire que le Conseil prenne en considération les questions de concurrence lorsqu'il décide si l'application d'un tarif constitue une discrimination injuste ou confère une préférence indue.
 

Analyse du Conseil

18.

Le Conseil est d'accord avec QMI quand elle affirme que l'interprétation qu'a faite TCI du paragraphe 27(2) de la Loi est indûment étroite et que cette disposition ne s'applique pas exclusivement aux instances relatives aux différences dans le traitement réservé à des clients de services identiques ou quasi identiques.

19.

Le Conseil fait remarquer que les cadres de réglementation qui s'appliquent aux entreprises non dominantes et aux entreprises de services locaux concurrentes (ESLC) sont énoncés dans la décision Abstention - Services fournis par des entreprises canadiennes non dominantes, Décision Télécom CRTC 95-19, 8 septembre 1995, et dans la décision Concurrence locale, Décision Télécom CRTC 97-8, 1er mai 1997 (la décision 97-8), respectivement. Aux termes de ces cadres de réglementation, les entreprises canadiennes non dominantes, y compris les ESLC comme VTL, peuvent en général offrir leurs services de façon non réglementée. Par conséquent, ces entreprises peuvent entrer dans les marchés de leur choix et établir leurs prix en fonction de ce que le marché soutiendra, sans soumettre leurs tarifs à l'approbation du Conseil. Le Conseil fait également remarquer que ces concurrents sont libres de cibler les marchés ou les régions géographiques où les marges de profit des ESLT sont les plus attrayantes. Le Conseil note également que ces cadres de réglementation n'offrent aucune garantie aux concurrents non dominants quant à leurs plans d'affaires et à leurs marges de profit ou à la possibilité que les ESLT baissent leurs tarifs.

20.

Le Conseil fait remarquer que le cadre de réglementation qui s'applique aux ESLT est très différent de ceux qui s'appliquent aux entreprises non dominantes, y compris les ESLC. Dans le cas des services des ESLT ne faisant pas l'objet d'une abstention, tels les services ARN de détail et RNC, avant de fournir ces services, les ESLT doivent demander au Conseil d'approuver les tarifs, les modalités et les conditions qui s'y appliquent.

21.

Le Conseil fait remarquer que contrairement aux concurrents non dominants dotés d'installations, les ESLT sont assujetties au régime de plafonnement des prix. Le Conseil fait également remarquer que le régime de plafonnement des prix prévoit que les ESLT seront compensées pour les pertes de revenus qui découlent d'un événement exogène, à savoir un événement de nature administrative, qui vise expressément l'industrie des télécommunications, qui a une incidence financière importante sur les ESLT et qui est indépendant de la volonté des ESLT. De l'avis du Conseil, l'obligation qu'il impose aux ESLT de mettre leurs installations ARN à la disposition des concurrents à des tarifs réduits est un événement exogène à l'égard duquel le régime de plafonnement des prix prévoit une compensation. Le Conseil fait remarquer que si les ESLT n'avaient pas de comptes de report sur lesquels elles pouvaient effectuer des prélèvements au titre de cette compensation, elles auraient eu le droit, aux termes du régime de plafonnement des prix, d'augmenter les tarifs de leurs autres services tarifés afin de compenser pour les pertes de revenus subies relativement à l'ARN.

22.

Compte tenu des différences importantes qui existent entre le cadre de réglementation qui s'applique aux ESLT et celui qui s'applique aux concurrents non dominants, le Conseil conclut que le régime de compensation des ESLT ne contrevient pas au paragraphe 27(2) de la Loi.
 

B - Tarifs justes et raisonnables

 

Positions des parties

23.

QMI a fait valoir que les tarifs des services RNC ne pouvaient pas être justes et raisonnables aux termes du paragraphe 27(1) de la Loi parce que, contrairement aux concurrents dotés d'installations, les ESLT pouvaient être compensées pour leurs pertes financières associées à l'introduction des services RNC au moyen de prélèvements sur leurs comptes de report. Selon QMI, il ne peut être juste et raisonnable de subventionner le tarif d'un service offert de façon concurrentielle comme le service RNC à moins de subventionner tous les fournisseurs de services concurrents. À l'appui de sa position, QMI a fait référence à la politique adoptée dans la décision 97-8 selon laquelle les subventions tarifaires applicables aux services locaux avaient été offertes aux ESLT et aux ESLC.

24.

TCI s'est reportée à l'arrêt Northwestern Utilities v. City of Edmonton, [1929]R.C.S. 186 (l'arrêt Northwestern Utilities)pour soutenir que les considérations sur lesquelles QMI s'est fondée n'étaient pas pertinentes lorsqu'il s'agit de déterminer si un tarif est juste et raisonnable. TCI a fait valoir que selon cet arrêt, en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi, le Conseil doit se contenter de déterminer si les tarifs d'un service que fournit une ESLT à un client sont justes et raisonnables et faire abstraction de l'incidence que ces tarifs ont sur les concurrents.

25.

Dans ses observations en réplique, QMI a fait valoir que l'arrêt Northwestern Utilities n'est pas pertinent parce que le cadre législatif et les circonstances dans lesquelles il a été rendu étaient différents.
 

Analyse du Conseil

26.

Le Conseil estime que l'interprétation que fait TCI du paragraphe 27(1) de la Loiest indûment étroite. De l'avis du Conseil, pour tirer une conclusion sur la nature juste et raisonnable des tarifs conformément à la Loi, il faut prendre en compte les intérêts de tous les intervenants, qui comprennent non seulement les ESLT et les clients, mais également les concurrents.

27.

En ce qui concerne le fait que QMI se fonde sur l'approche que le Conseil a privilégiée dans la décision 97-8, le Conseil estime que le contexte était alors très différent de celui de la décision 2005-6. Dans la décision 97-8, le Conseil a conclu que pour que les tarifs des services de résidence demeurent abordables dans les zones de desserte à coût élevé, il fallait maintenir ces tarifs à des niveaux inférieurs aux coûts et subventionner explicitement toutes les entreprises de services locaux (ESL) qui fournissent des services de résidence dans ces zones.

28.

Le Conseil fait remarquer qu'en revanche, dans la décision 2005-6, les tarifs des composantes du service RNC qu'il a approuvés étaient fondés sur les coûts de la Phase II, majorés d'un supplément de 15 p. 100 ou plus. Par conséquent, le Conseil fait remarquer que contrairement aux tarifs des services de résidence dans les zones de desserte à coût élevé, les tarifs RNC recouvrent les coûts connexes. De plus, de l'avis du Conseil, les tarifs RNC sont suffisamment majorés pour permettre aux concurrents de faire concurrence aux ESLT dans le marché de gros. Le Conseil fait remarquer que dans la décision 2005-6, pour établir les suppléments applicables aux services d'accès DS-3, OC-3, OC-12 et intracirconscriptions, il a évalué la nécessité, pour les concurrents, d'établir une clientèle pour justifier le coût de la construction d'installations, par rapport à la nécessité de leur imposer des suppléments suffisamment élevés pour les encourager à construire des installations ARN. Le Conseil souligne également que dans cette décision, il a fait remarquer que les tarifs approuvés pour les composantes intercirconscriptions comportaient des suppléments suffisants pour encourager les entreprises à construire des installations intercirconscriptions sur des routes ne faisant pas l'objet d'une abstention.

29.

Compte tenu de ce qui précède, QMI n'a pas convaincu le Conseil que l'absence d'un régime de compensation similaire à celui du régime de subventions transférables qui a été établi dans la décision 97-8 permettait de conclure que les tarifs RNC ne sont pas justes et raisonnables. De plus, à la lumière de la conclusion que la Conseil a tirée dans la partie précédente et selon laquelle le régime de compensation des ESLT établi dans les décisions 2002-34 et 2005-6 n'accorde aucune préférence indue aux ESLT, le Conseil n'est pas d'accord avec QMI quand elle affirme que les tarifs RNC ne peuvent être justes et raisonnables.
 

C - Concurrence fondée sur les installations

 

Positions des parties

30.

QMI a fait valoir que la décision du Conseil visant à permettre aux ESLT et non aux concurrents dotés d'installations de recevoir une compensation nuisait au développement de la concurrence fondée sur les installations puisqu'elle favorisait les ESLT au détriment des concurrents, et ce, en dépit du fait que les concurrents avaient de plus grands défis à relever dans le marché et qu'ils avaient donc, selon QMI, un plus grand besoin d'être compensés que les ESLT.

31.

Bell Canada a fait valoir que, bien qu'elle ne soit pas en désaccord avec l'affirmation de QMI selon laquelle la décision 2005-6 nuirait au développement de la concurrence fondée sur les installations, la solution que proposait QMI était fondée sur une mauvaise compréhension des questions de politique publique que cette décision soulevait.

32.

TCI a soutenu que dans les décisions 2002-34 et 2005-6, les conclusions que le Conseil a tirées dans le but de compenser les ESLT pour les diminutions des revenus qu'elles tirent du service ARN et qui sont attribuables à l'introduction des services ARNC et RNC découlaient de considérations de politique, et qu'à ce titre, les compensations n'étaient pas des subventions. TCI a également fait remarquer qu'en matière de réglementation des revenus, les ESLT se trouvaient dans la même situation que celle qui prévalait avant la décision 2005-6.

33.

Des ses observations en réplique, QMI a fait valoir que ni Bell Canada ni TCI n'avaient fait la preuve que le mécanisme de compensation établi dans la décision 2005-6 ne nuisait pas à la concurrence fondée sur les installations.
 

Analyse du Conseil

34.

Le Conseil estime que lorsqu'elles prennent des décisions d'affaires concernant la fourniture de services dans le marché des services ARN de gros, la question de la compensation n'est qu'un des nombreux facteurs dont les entreprises non dominantes tiennent compte. Il estime également que parmi les autres facteurs tout aussi importants, ou même plus importants, on compte : le prix et la marge de profits associés aux services dans ce marché; les éventuels services de remplacement; le degré de concurrence; les coûts de la fourniture des services, y compris ceux du déploiement des installations; la possibilité d'établir une clientèle suffisante pour justifier les coûts de construction des installations; ainsi que les revenus totaux que les entreprises prévoient tirer de la fourniture de ces services.

35.

De plus, tel que mentionné ci-dessus, le Conseil fait remarquer que des cadres de réglementation différents régissent les entreprises non dominantes et les ESLT, de sorte que les ESLT ont droit à une compensation dans certaines situations. Le Conseil est d'avis que, compte tenu de leur position dans le marché des services ARN, il est peu probable que les ESLT abandonnent ce marché. Le Conseil fait remarquer qu'en revanche, aux termes du cadre de réglementation qui régit leurs activités, rien n'empêche les entreprises non dominantes d'abandonner certains marchés, y compris celui des services ARN de gros.

36.

Par conséquent, le Conseil estime que si elles recevaient une compensation, les entreprises non dominantes ne continueraient pas nécessairement d'être présentes à long terme dans le marché des services ARN de gros.

37.

Le Conseil fait remarquer que dans la décision 2005-6, il a conclu, compte tenu d'un certain nombre de facteurs, y compris ceux relatifs à l'offre, que l'offre concurrentielle des composantes d'accès DS-0 et DS-1 et intracirconscriptions du service RNC est très limitée. Par conséquent, le Conseil a classé ces composantes du service RNC dans la catégorie I et de ce fait, il a établi les tarifs qui s'y appliquent en se fondant sur les coûts de la Phase II majorés d'un supplément de 15 p. 100. Le Conseil a estimé, entre autres, que le fait d'offrir les installations des ESLT aux tarifs des Services des concurrents de catégorie I aiderait tous les concurrents à établir une clientèle qui leur permettrait de construire leurs propres installations et favoriserait ainsi la concurrence fondée sur les installations. Le Conseil fait également remarquer que, tel qu'indiqué ci-dessus, les tarifs des services RNC, en particulier les tarifs des services d'accès DS-3, OC-3, OC-12 et des composantes intracirconscriptions et intercirconscriptions, ont été établis en tenant compte de suppléments suffisamment élevés pour inciter les concurrents à construire leurs propres installations ARN et, par conséquent, pour promouvoir la concurrence fondée sur les installations.

38.

Compte tenu de ce qui précède, l'argument de QMI n'a pas convaincu le Conseil que le régime de compensation des ESLT nuit à la concurrence fondée sur les installations.
 

D - Absence d'éléments de preuve

 

Positions des parties

39.

QMI a fait valoir que dans la décision 2005-6, le Conseil a conclu que les concurrents pourraient se servir de leurs installations pour tirer des revenus de services autres que les services RNC afin de compenser les pertes de revenus découlant de l'introduction du service RNC. De l'avis de QMI, le Conseil ne disposait d'aucun élément de preuve concernant les types de revenus que les concurrents pourraient tirer de ces autres services fournis au moyen de leurs installations de fibre et rien ne prouvait que ces revenus seraient suffisants pour remplacer les pertes de revenus découlant de l'obligation que le Conseil a faite aux ESLT de rendre leurs installations ARN disponibles aux concurrents à des tarifs réduits.

40.

QMI s'est fondée sur le jugement que la Cour d'appel fédérale a rendu dans l'arrêt TELUS Communications Inc. c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), 2004 CAF 365 (l'arrêt TELUS Communications) pour soutenir que la conclusion que le Conseil a tirée dans la décision 2005-6, selon laquelle les concurrents pourraient compenser les pertes de revenus découlant de l'introduction des services RNC, était entachée de nullité parce que cette conclusion a été tirée sans éléments de preuve.

41.

Bell Canada a fait valoir que l'argument de QMI selon lequel la décision 2005-6 a été rendue sans éléments de preuve était sans fondement. Bell Canada a soutenu que la décision 2005-6 avait fait suite à une instance publique complète et détaillée, à laquelle VTL avait participé activement en mettant de l'avant, entre autres, quelles seraient les conséquences si le Conseil décidait de tarifer le service RNC à titre de service de catégorie I.

42.

Bell Canada a également fait valoir que dans les mémoires que VTL a déposés dans le cadre de l'instance qui a mené à la décision 2005-6, VTL avait reconnu que le Conseil était confronté aux positions divergentes de diverses parties. Selon Bell Canada, QMI ne pouvait pas maintenant soutenir que la décision 2005-6 avait été rendue sans éléments de preuve parce que le Conseil avait choisi des objectifs différents de ceux qu'avait proposés VTL.

43.

TCI a fait valoir que la preuve au dossier de l'instance qui a mené à la décision 2005-6, y compris la preuve fournie par VTL elle-même, contredisait l'argument de QMI selon lequel aucun élément de preuve n'avait appuyé la conclusion du Conseil selon laquelle les installations de fibre des concurrents pouvaient également être utilisées pour tirer des revenus d'autres services. TCI a fait valoir qu'en se fondant sur les observations finales que VTL a présentées au cours de cette instance, il était approprié que le Conseil conclue que VTL serait en mesure de tirer des revenus d'autres services étant donné que VTL avait déclaré être une entreprise dotée d'installations possédant un réseau de fibre optique et offrant une vaste gamme de services.

44.

Dans ses observations en réplique, QMI a fait valoir que Bell Canada et TCI avaient omis de trouver un quelconque élément de preuve contredisant ses affirmations. Plus précisément, QMI a fait valoir que les éléments de preuve que TCI invoque dans son mémoire ne portaient pas sur la capacité de VTL de convertir les installations de type RNC pour pouvoir offrir des services autres que RNC, sur le coût d'une telle conversion, sur la possibilité de générer des revenus de remplacement ou sur la question de savoir si les éventuels revenus de remplacement seraient suffisants.
 

Analyse du Conseil

45.

Comme question préliminaire, le Conseil fait remarquer que dans la décision 2005-6, et contrairement à ce que prétend QMI, il n'a pas exprimé d'avis quant à la question de savoir si les revenus que les concurrents dotés d'installations pourraient tirer de services autres que les services ARN seraient suffisants.

46.

Le Conseil fait remarquer que dans l'arrêt TELUS Communications, la Cour d'appel fédérale a conclu que la décision du Conseil visant à rétablir des tarifs de structures de soutènement approuvés précédemment n'était pas illégale, parce que la décision précédente du Conseil, qui avait eu pour effet d'approuver le retrait des tarifs, avait été rendue en l'absence d'éléments de preuve et était donc entachée de nullité. La Cour a conclu que dans les circonstances, la décision du Conseil visant à rétablir les tarifs précédents était légale et raisonnable, et qu'elle était nécessaire pour faire en sorte que les tarifs soient justes et raisonnables.

47.

Selon le Conseil, contrairement aux circonstances entourant l'arrêt TELUS Communications où aucun élément de preuve n'appuyait le retrait des tarifs de structures de soutènement, l'instance qui a mené à la décision 2005-6 comportait des éléments de preuve à l'appui de la conclusion du Conseil selon laquelle les concurrents dotés d'installations pourraient se servir de leurs installations de fibre pour tirer des revenus de services autres que les services ARN. Le Conseil fait remarquer que de nombreux éléments de preuve concernant la fourniture d'installations ARN par les concurrents ont été déposés au dossier de l'instance qui a mené à la décision 2005-6, y compris ceux présentés par VTL. Le Conseil précise qu'au cours de l'instance qui a mené à la décision 2005-6, VTL a affirmé qu'elle exploitait un réseau de fibre optique et qu'elle fournissait une gamme étendue de services. Compte tenu de ces éléments de preuve, le Conseil estime qu'à titre d'organisme expert, il était raisonnable et pertinent d'affirmer que les concurrents dotés d'installations pourraient se servir de leurs installations pour tirer des revenus de services autres que les services ARN.

48.

Par conséquent, le Conseil ne partage pas l'opinion de QMI quand elle affirme que la conclusion du Conseil selon laquelle les concurrents pourraient se servir de leurs installations de fibre pour générer des revenus de services autres que les services ARN a été tirée sans éléments de preuve et qu'elle est entachée de nullité.
 

Conclusion du Conseil

49.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette la demande de QMI.
  Secrétaire général
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Mise à jour : 2006-02-07

Date de modification :