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Décision
CRTC 96-313
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Ottawa, le 2 août 1996
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Radio Nord inc.
Saint-Jérôme et Saint-Jovite (Québec) - 950164400 - 950165100
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Nouvelles entreprises de programmation de radio FM à Saint-Jérôme et à Saint-Jovite - demandes refusées
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À la suite d'une audience publique tenue dans la région de la Capitale nationale à partir du 15 avril 1996, le Conseil refuse les demandes de licences de radiodiffusion, présentées par la Radio Nord inc. (Radio Nord), visant l'exploitation d'entreprises de programmation de radio FM de langue française à Saint-Jérôme et à Saint-Jovite, respectivement à la fréquence 103,9 MHz (canal 280A) et 96,3 MHz (canal 242A) et à la puissance apparente rayonnée de 767 watts et 3 200 watts.
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Radio Nord a expliqué que son projet visait essentiellement à redonner un service de radio local à ces deux collectivités à la suite de la fermeture, en 1994, de la station CJER Saint-Jérôme et de son émetteur CKSJ Saint-Jovite. La requérante proposait de diffuser 42 heures par semaine de programmation locale à Saint-Jérôme et 15 heures à Saint-Jovite. Le reste de la programmation serait parvenu de la station CJLA-FM Lachute (Québec), dont la titulaire est la Radio Fusion inc. et qui est la propriété de Radio Nord. Ces stations auraient été exploitées en réseau avec la station CHPR-FM-1 Hawkesbury (Ontario), également propriété de la requérante.
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Dans son avis public CRTC 1991-74 du 23 juillet 1991 intitulé "Politique relative aux marchés radiophoniques", le Conseil a exposé les procédures et les critères qu'il utilise, en général, dans le traitement des demandes d'exploitation de nouvelles stations AM et FM commerciales conventionnelles. Il a en outre fixé comme critère de base que l'implantation d'une station commerciale supplémentaire ne doit pas nuire indûment à la capacité des stations commerciales en place de s'acquitter de leurs responsabilités en matière de programmation.
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Le marché de Saint-Jérôme est présentement desservi par une station de radio commerciale, soit CIME-FM Sainte-Adèle. À cet égard, le Conseil fait remarquer qu'il a reçu des interventions défavorables aux demandes de Radio Nord de la part de Diffusion Laurentides, titulaire de la licence de CIME-FM, ainsi que des employés de cette station. Les intervenants soutiennent notamment qu'étant donné que la région des Laurentides est déjà fortement sollicitée par les stations de radio montréalaises et par une douzaine d'hebdomadaires régionaux, l'implantation de nouvelles stations dans la région pourrait porter atteinte à la survie même de CIME-FM.
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Radio Nord a soutenu pour sa part que sa proposition n'affecterait pas CIME-FM. Elle s'est appuyée en cela principalement sur le fait qu'il existerait dans le marché de Saint-Jérôme un important potentiel publicitaire radiophonique encore disponible et que le service qu'elle propose est différent de celui offert par CIME-FM. Pour estimer le potentiel publicitaire radiophonique disponible, la requérante s'est servie essentiellement d'une méthode basée sur l'importance des ventes au détail, en utilisant un barème valable à l'échelle provinciale. Dans sa requête initiale, Radio Nord avait estimé que le potentiel publicitaire du marché de Saint-Jérôme s'élevait à 1,5 million de dollars. Lors de l'audience publique, elle a révisé ce chiffre à 2,8 millions de dollars, d'après les plus récentes données à sa disposition. En ce qui a trait à la programmation proposée, la requérante a signalé l'orientation locale que prendrait celle-ci par rapport à celle de CIME-FM qui, selon elle, a une vocation plutôt suprarégionale en raison de son rayonnement élargi.
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Même s'il est généralement admis que les ventes au détail ont une influence importante sur le potentiel publicitaire d'un marché donné, le Conseil souligne que ce facteur ne constitue pas toujours l'unique variable à considérer. Ceci est d'autant plus vrai dans un marché limitrophe à une grande agglomération urbaine comme celui de Saint-Jérôme, où la plupart des stations de radio de Montréal peuvent y être captées en direct. Les conditions d'exploitation sont alors très différentes de celles qui prévalent dans les marchés plus éloignés où les stations locales peuvent plus facilement accaparer une part prépondérante de l'auditoire et donc, de l'assiette publicitaire disponible.
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Le Conseil a pu vérifier ce phénomène au cours des ans dans deux marchés voisins de Montréal, soit celui de Saint-Jérôme au nord et celui de Saint-Hyacinthe au sud de la région métropolitaine. La concurrence exercée dans ces deux marchés par les stations radiophoniques de Montréal, qui disposent de ressources sans commune mesure avec celles des petites stations périphériques, a fait en sorte que même lorsque deux stations locales furent exploitées pendant un certain temps dans ces deux marchés, la part des heures d'écoute locales accaparée par les stations de Montréal avoisinait les 80 % et plus.
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Le phénomène susmentionné a des conséquences importantes sur la viabilité des stations des marchés limitrophes. Étant donné l'attrait limité des stations locales, les annonceurs locaux qui, souvent, ne peuvent se permettre d'acheter des périodes publicitaires sur les ondes des stations de Montréal, ont tendance à consacrer des budgets publicitaires plus importants aux journaux locaux afin de rejoindre une plus grande partie de la population et ce, au détriment de la radio locale.
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Le Conseil reconnaît que l'ajout d'une nouvelle station FM à Saint-Jérôme aurait permis de récupérer un certain nombre des heures d'écoute locales qui vont présentement aux stations de Montréal et, partant, certains des revenus dont profitent principalement les autres médias locaux. Compte tenu toutefois de la force d'attraction des stations de Montréal dans ce marché, le Conseil estime que ces gains ne pourraient être que limités; dans ces conditions, la part des heures d'écoute monopolisées par les stations de Montréal continuerait probablement de se situer aux environs de 75 % à 80 %.
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Dans ce contexte, le Conseil a calculé qu'une estimation réaliste du potentiel publicitaire du marché de Saint-Jérôme serait d'environ 665 000 $, ce qui est considérablement en deçà des 1,5 ou 2,8 millions de dollars calculés par Radio Nord. Le Conseil estime qu'un marché avec un potentiel publicitaire de cet ordre ne peut à lui seul assurer la viabilité financière de deux stations commerciales locales, compte tenu des coûts associés à l'exploitation d'une station radiophonique.
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Considérant ce qui précède, le Conseil a conclu que le projet de Radio Nord, tel que présenté, aurait nécessairement affecté de façon négative la situation financière de CIME-FM. Quoique la survie de cette dernière n'aurait pas été nécessairement remise en question par le projet de la requérante, le Conseil estime que les pertes en recettes publicitaires de CIME-FM seraient suffisantes pour diminuer de façon significative sa capacité de s'acquitter de ses responsabilités en matière de programmation.
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Par ailleurs, même si le projet de Radio Nord avait augmenté la quantité d'émissions locales offertes à la population de Saint-Jérôme et de Saint-Jovite, le Conseil fait remarquer qu'une bonne partie de la programmation aurait quand même été de nature régionale, considérant la quantité d'émissions locales proposées pour ces deux collectivités. Dans les circonstances, le Conseil a conclu que les avantages qui auraient été associés au projet de Radio Nord ne l'emportent pas face à son impact négatif possible sur le service de radio local et régional qu'offre actuellement CIME-FM.
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Étant donné que la requérante a déclaré lors de l'audience publique que les demandes pour Saint-Jérôme et Saint-Jovite sont indissociables, le Conseil a refusé les deux demandes.
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Le Conseil fait état de l'intervention favorable qu'il a reçue à l'égard de la demande de Saint-Jérôme.
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Le Secrétaire général
Allan J. Darling
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