ARCHIVÉ -  Décision Télécom CRTC 91-10

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Décision Télécom

Ottawa, le 26 juin 1991
Décision Télécom CRTC 91-10
TÉLÉGLOBE CANADA INC. - REVENTE DE SERVICES TRANSFRONTALIERS
I LA REQUÊTE
Le 4 avril 1990, Téléglobe Canada Inc. (Téléglobe) a déposé une requête auprès du Conseil concernant l'utilisation des services transfrontaliers Canada-É.-U. offerts par Bell Canada (Bell), la Compagnie de téléphone de la Colombie-Britannique (la B.C. Tel) et Unitel Communications Inc. (Unitel) (les intimées).
La requête de Téléglobe vise le détournement des appels Canada-outre-mer par l'utilisation de lignes directes Canada-É.-U. louées par les revendeurs auprès de transporteurs nationaux et interconnectées aux installations outre-mer de transporteurs américains (évitement outre-mer). Téléglobe a demandé que les tarifs généraux des intimées soient modifiées de manière qu'il y soit stipulé qu'il est interdit aux revendeurs d'utiliser des services transfrontaliers pour acheminer le trafic téléphonique interconnecté en provenance et à destination d'endroits situés outre-mer au moyen de l'interconnexion avec les installations de transporteurs aux États-Unis.
Téléglobe a déclaré qu'elle est tenue en vertu de sa loi constituante de fournir des services de télécommunications publics entre le Canada et des endroits situés à l'extérieur du pays. À l'appui de sa requête, elle a également cité les diverses décisions du Conseil relatives à des accords d'interconnexion entre des transporteurs canadiens et américains, ainsi que des énoncés de politique du gouvernement du Canada en faveur de l'acheminement du trafic canadien par des installations canadiennes. Bell, la B.C. Tel et Unitel ont répondu à la requête les 4, 1er et 4 mai 1990 respectivement. Téléglobe a déposé ses observations en réplique le 14 mai 1990.
II L'INSTANCE
Le 4 septembre 1990, le Conseil a publié l'avis public Télécom CRTC 1990-79 (l'avis public 1990-79) dans lequel il étendait la portée de l'instance amorcée par la requête de Téléglobe de manière à inclure l'étude de l'acheminement du trafic Canada-Canada par le biais des États-Unis, et d'autres questions. Plus particulièrement, il a invité les parties intéressées à se prononcer sur la requête ainsi que sur les questions suivantes:
(1) si les arguments de Téléglobe à l'appui de sa requête s'appliquent au trafic de données, au
trafic non interconnecté et au trafic acheminé par des réseaux privés;
(2) si les préoccupations soulevées par Téléglobe relativement au trafic Canada-outre-mer
acheminé par le biais des É.-U. sont également pertinentes au trafic Canada-Canada
acheminé par le biais des É.-U.;
(3) si les restrictions à l'utilisation des lignes directes Canada-É.-U. peuvent être efficacement et
uniformément appliquées;
(4) si la possibilité d'acheminement du trafic Canada-outre-mer et Canada-Canada par le biais
des É.-U. est importante pour ce qui est du volume de trafic et de la perte de revenus pour
les transporteurs canadiens; et
(5) s'il existe des démarches autres que celle qui est demandée par Téléglobe, permettant de
traiter l'acheminement du trafic Canada-outre-mer et Canada-Canada par le biais des É.-U.
Le Conseil a également joint comme parties à l'instance The Island Telephone Company Limited, la Maritime Telegraph and Telephone Company Limited, The New Brunswick Telephone Company Limited (la NBTel), la Newfoundland Telephone Company Limited (la Newfoundland Tel), la Norouestel Inc. et Télésat Canada (Télésat). Ces compagnies et les intimées sont appelées ci-après "les transporteurs".
Le Conseil a reçu des mémoires de chacun des transporteurs et d'un certain nombre d'intervenants, y compris: la Call-Net Telecommunications Ltd. (la Call-Net), la Cam-Net Communications Ltd. (la Cam-Net), l'Alliance canadienne des télécommunications de l'entreprise (l'ACTE), la Communications Competition Coalition, la Competitive Telecommunications Association (la CTA), la firme Comtois & Carignan, l'Association des consommateurs du Canada (l'ACC), la Fonorola Inc. (la Fonorola), le gouvernement de l'Ontario (l'Ontario), IBM Canada Ltée (IBM), l'Association canadienne de la technologie informatique (l'ACTI), le Syndicat des travailleurs en télécommunications (le STT), l'Association des banquiers canadiens (l'ABC) et la Banque Royale du Canada (la Banque Royale).
III HISTORIQUE
Dans son document de 1987 intitulé Une politique des télécommunications pour le Canada, le ministère des Communications (le MDC) a déclaré qu'un objectif de politique serait de favoriser l'utilisation efficace des infrastructures de réseaux des entreprises existantes exploitant des installations de télécommunications en assurant l'acheminement du trafic canadien de télécommunications au moyen des installations canadiennes. Le MDC a également déclaré dans son Énoncé de politique des télécommunications relatives à Téléglobe Canada de novembre 1986, qu'il est dans l'intérêt du Canada que les services de télécommunications entre divers emplacements du Canada et entre le Canada et d'autres pays soient, dans toute la mesure du possible, fournis au moyen d'installations de propriété canadienne.
Dans son énoncé de politique relatif à Téléglobe, le MDC a aussi indiqué qu'il compterait sur les mécanismes de réglementation habituels, plus particulièrement sur le pouvoir du CRTC d'approuver des ententes de raccordement entre les télécommunicateurs afin de s'assurer que, conformément à la politique longtemps établie du gouvernement favorisant le transport des services de télécommunications canadiens au moyen d'installations canadiennes, que l'acheminement du trafic outre-mer à destination et en provenance du Canada se fasse au moyen des installations de Téléglobe.
Les dispositions visant à limiter l'évitement national et outre-mer sont incluses dans les accords d'interconnexion approuvés par le Conseil entre des membres de Telecom Canada et l'AT&T, la MCI et la U.S. Sprint, entre Unitel et divers transporteurs américains, et dans des ententes intervenues entre Télésat Canada et divers fournisseurs de services américains.
IV POSITIONS DES PARTIES
A. Positions des transporteurs - Aperçu
Les transporteurs appuyaient la politique d'acheminement du trafic canadien au moyen d'installations canadiennes. Ils ont précisé qu'à long terme, l'approche la plus efficace pour mettre en oeuvre la politique consiste à réduire ou à éliminer les incitatifs à l'évitement. Le moyen le plus sûr d'y arriver à leur avis est d'établir des prix pour les services intercirconscriptions canadiens qui s'alignent sur ceux des services américains.
Les transporteurs estimaient que, jusqu'à ce qu'on réussisse à réduire l'incitatif économique à l'évitement, et malgré les difficultés d'application, il faudrait s'efforcer de décourager l'utilisation d'installations de ligne directe qui est contraire à la politique du gouvernement concernant l'acheminement du trafic canadien au moyen d'installations canadiennes. À cette fin, ils ont pour la plupart favorisé comme solution à court terme, la requête de Téléglobe visant des modifications tarifaires.
Bell a noté que l'article 3000 de son Tarif général stipule depuis de nombreuses années que les services et voies intercirconscriptions entre le territoire de Bell et les États-Unis ne sont "fournis que pour les communications entre un ou plusieurs points du Canada et un ou plusieurs points des États-Unis". Elle a fait savoir que, même si le tarif interdit déjà l'évitement, il devrait être modifié de manière à ne laisser aucun doute quant aux restrictions qui s'appliquent à l'utilisation des services trans- frontaliers. À cette fin, Bell a également proposé des modifications explicatives de l'article 3000.
Bell s'est reportée à la décision Télécom CRTC 90-19 du 4 septembre 1990 intitulée Requêtes de la Fonorola Inc. et de l'ACC Long Distance Ltd. (la décision 90-19), qui permettait l'accès au réseau interurbain à communications tarifées outre-mer de Téléglobe au moyen de lignes directes des transporteurs nationaux. Elle a également fait remarquer que, dans cette décision, le Conseil a confirmé que les revendeurs qui louent des services auprès de transporteurs sont assujettis aux conditions dont les tarifs des transporteurs sont assortis et aux accords d'interconnexion sous-jacents entre transporteurs. Elle a aussi soutenu que la politique du gouvernement s'applique clairement à l'utilisation que fait un abonné du service de la compagnie.
Unitel a soutenu que, depuis que Téléglobe a déposé sa requête, le Conseil a beaucoup progressé en ce qui concerne l'incitatif économique à l'évitement (dans la décision 90-19 ainsi que dans la décision Télécom CRTC 90-22 du 3 octobre 1990 et la lettre-décision Télécom CRTC 90-15 du 24 octobre 1990, restructurant les tarifs applicables aux services réseau concurrentiels de Bell, de la B.C. Tel et d'Unitel). Toutefois, parce que l'intégrité financière des réseaux canadiens dépend d'une politique anti-évitement ferme, Unitel a fait savoir qu'en plus de modifier les tarifs des transporteurs, le Conseil devrait modifier les règles régissant la revente et le partage de manière à interdire l'utilisation des installations revendues pour fins d'évitement.
Télésat a déclaré que la requête de Téléglobe est limitée aux services offerts par des stations terriennes, et que celle-ci ne lui avait pas demandé de modifier ses tarifs afin de régler la question de l'évitement. Télésat a déclaré qu'elle limiterait ses observations aux services offerts par satellite.
Télésat a fait remarquer que le service fixe transfrontalier par satellite est régi par l'Échange de lettres de 1972 entre les gouvernements canadien et américain et par l'Addenda de 1982 à ces lettres. À la suite de l'Addenda de 1982, elle a noté avoir reçu une lettre du ministre des Communications l'accusant d'avoir conclu des ententes avec des fournisseurs américains reconnus de services transfrontaliers. Elle a souligné que ces arrangements visent à garantir [TRADUCTION] "une utilisation équitable" des installations canadiennes de segment spatial (par rapport aux installations américaines), ainsi que [TRADUCTION] "le partage proportionnel des revenus" entre elle et des fournisseurs américains reconnus.
Télésat a déclaré que les exigences d'utilisation équitable et de partage proportionnel des revenus sont censées réduire la menace de l'évitement. Toutefois, depuis 1982, les forces du marché et les progrès technologiques ont augmenté la demande et la possibilité d'évitement. Parmi les exemples que Télésat a donnés de forces du marché à l'oeuvre, elle a cité l'extension des réseaux par satellite américains au Canada et le mouvement des bases de données canadiennes aux États-Unis.
Télésat fait également savoir que l'Accord de libre-échange de 1988 entre le Canada et les États-Unis (ALE) a exercé une pression sur la politique relative aux services fixes par satellite, transfrontaliers, même si les services de télécommunications de base ne font pas partie de l'ALE.
B. Positions des intervenants - Aperçu
Les intervenants, à l'exception de l'ACTI et de l'Ontario, étaient opposés à la requête de Téléglobe. Si un certain nombre d'entre eux, y compris la Call-Net, l'ABC, IBM et la Fonorola, appuyaient généralement la politique d'acheminement du trafic canadien au moyen d'installations canadiennes, ils avaient des préoccupations particulières à l'égard de la requête.
Les intervenants étaient d'accord que le moyen le plus efficace d'encourager l'utilisation d'installations de Téléglobe est de fournir aux utilisateurs la souplesse et les incitatifs de prix appropriés pour utiliser ces installations, qu'elles proviennent de revendeurs d'installations de Téléglobe ou de Téléglobe directement.
L'ACTI, comme d'autres intervenants, a fait savoir que les prix des télécommunications canadiennes devraient pouvoir être alignés sur ceux des marchés internationaux. Elle estimait toutefois que la requête de Téléglobe devrait être agréée pour rappeler aux abonnés l'intention de la politique fédérale. L'Ontario a appuyé la requête de Téléglobe, mais il a fait observer qu'une interdiction tarifaire à l'égard de l'évitement a sans doute une efficacité limitée, compte tenu des incitatifs économiques qui peuvent résulter des disparités tarifaires.
Les revendeurs se sont dits préoccupés par le fait que les restrictions proposées par Téléglobe mettent l'accent sur l'évitement par les revendeurs. À leur avis, ce serait discriminatoire, et ils ont déclaré qu'aucune preuve au dossier n'indique qu'ils sont les seuls à acheminer du trafic Canada-outre-mer via les États-Unis. De l'avis de la Call-Net, les gros utilisateurs ont tous les mêmes incitatifs économiques à acheminer ce trafic de cette façon.
La CTA a déclaré que le trafic Canada-outre-mer que certains de ses membres acheminent par les centres de transit américains constituent un léger supplément à leurs activités Canada-É.-U. Le trafic est ainsi acheminé en raison de la demande des abonnés pour des tarifs outre-mer moins élevés.
IBM a discuté de la conception des réseaux privés internationaux, mettant l'accent sur la pratique en vertu de laquelle le trafic à des endroits à plus faible volume est regroupé par un ou plusieurs noeuds dans d'autres pays. Elle a déclaré que les transporteurs ont toujours considéré le circuit comme se terminant au premier noeud en mode différé. Elle a exhorté le Conseil à réaffirmer les politiques actuelles des transporteurs relatives aux réseaux améliorés en mode différé de manière que le trafic à destination d'endroits à faible volume puisse continuer à être acheminé par d'autres pays.
La Banque Royale a soutenu qu'en vertu de la loi, de la réglementation et de la politique actuelles (y compris l'article 3000 du Tarif général de Bell), il n'est pas interdit aux abonnés des transporteurs, y compris les revendeurs, d'accéder aux services outre-mer au moyen des installations américaines, et qu'il n'y a pas lieu de modifier le tarif actuel de manière à inclure une telle restriction. Elle a fait savoir que l'article 3000 du Tarif de Bell et les dispositions anti-évitement des divers accords d'interconnexion visent à garantir que les intimées elles-mêmes ne contournent pas Téléglobe ou utilisent des installations américaines pour le trafic Canada-Canada, au lieu d'investir dans les infrastructures de réseau de Téléglobe ou les leurs. Elle a indiqué que rien ne prouve que le tarif a été conçu pour s'appliquer à l'utilisation, par les abonnés, du réseau de Bell ou à l'accès outre-mer.
La Banque Royale a soutenu que le gouvernement a permis à Téléglobe un monopole limité, restreint géographiquement (aux exploitants canadiens), par le temps (au moins cinq ans) et des installations (celles exigeant des licences de radio et de câble). Elle a ajouté que, parce que l'accès outre-mer auquel Téléglobe s'oppose n'est ni fourni au Canada ni fourni au moyen d'installations canadiennes (la liaison étant établie aux États-Unis au moyen d'installations américaines), Téléglobe cherche à faire modifier la politique du gouvernement.
La Banque Royale, appuyée par la Call-Net, a également soutenu que le Conseil n'est pas habilité à interdire l'accès outre-mer par les transporteurs américains parce que les abonnés, y compris les reven- deurs, ne sont pas des "compagnies" en vertu de la Loi sur les chemins de fer. Elle a ajouté que Téléglobe n'a pas fourni de preuve d'érosion des revenus et que, nonobstant la question de la compétence du Conseil en cette matière, celui-ci ne devrait pas agir sans cette preuve. L'ACTE était d'accord avec cette affirmation.
Le STT a fait savoir que les revendeurs sont tenus par la loi de déposer des tarifs de taxes et que, s'ils le faisaient, le Conseil pourrait effectivement mettre en oeuvre la politique du gouvernement fédéral en matière d'évitement.
Un certain nombre de parties à la présente instance ont noté que l'ALE permet la transmission aux États-Unis du trafic de données en provenance du Canada pour fins de traitement et d'amélioration et ensuite de transmission à une destination outre-mer ou de renvoi au Canada.
C. Questions soulignées dans l'avis public 1990-79
1. Trafic téléphonique et de données non public
Les transporteurs et la plupart des intervenants étaient d'accord que les arguments de Téléglobe à l'appui de sa requête s'appliquent au trafic de données, au trafic non interconnecté et au trafic acheminé par des réseaux privés. Plusieurs ont fait observer que, compte tenu de l'utilisation croissante des services numériques, il est possible que les solutions permettant de distinguer le trafic téléphonique de celui des données ne soient pas significatives à long terme.
De l'avis d'IBM et de l'ACC, des règles restrictives ne sont pas nécessaires pour le trafic de données, le trafic non interconnecté et le trafic acheminé par des réseaux privés, étant donné que les incitatifs de prix et la faible base d'abonnés possible sont beaucoup moins attrayants pour les revendeurs dans ces secteurs qu'ils ne le sont pour le trafic téléphonique interconnecté. En désaccord, Bell a signalé qu'il existe encore des écarts de prix importants entre le Canada et les É.-U. et que, de toute façon, le niveau d'incitatif de prix n'a à voir ni avec le fait que la politique du gouvernement soit justifiée ni avec les ententes et tarifs pertinents.
2. Évitement Canada-Canada
D'après les transporteurs, les préoccupations soulevées par Téléglobe concernant le trafic Canada-outre-mer acheminé par les États-Unis se rapportent également au trafic Canada-Canada acheminé par les États-Unis (évitement Canada-Canada).
La Call-Net et la Cam-Net se sont opposées à ce que l'extension de la proposition de Téléglobe s'applique au trafic Canada-Canada. La première a fait valoir que, tant que les revendeurs ne seront pas en mesure de desservir toutes les régions du Canada au moyen d'installations canadiennes, il est injuste d'imposer une restriction sur l'utilisation d'installations américaines. Selon Bell, la question n'est pas la capacité de raccordement, étant donné que les revendeurs peuvent raccorder ce trafic au moyen du service interurbain à communications tarifées (SICT), mais plutôt les prix. Elle a ajouté que cette limite était reflétée dans la décision Télécom CRTC 90-3 du 1er mars 1990 intitulée Revente et partage de services téléphoniques de ligne directe dans laquelle, de déclarer la compagnie, le Conseil avait accordé aux revendeurs une réduction de contribution pour les lignes directes intercircons- criptions utilisées pour offrir des services du genre SICT.
La CTA a déclaré que le dossier de la présente instance ne renferme aucune preuve que les revendeurs se livrent à de l'évitement Canada-Canada. Il serait discriminatoire à son avis de refuser aux revendeurs des options ressemblant à celles qui s'offrent aux transporteurs, options qui permettent l'évitement pour des raisons de souplesse opérationnelle. En désaccord avec la CTA, Bell a fait valoir qu'il y a de nombreuses affirmations au sujet de l'existence de forts incitatifs à l'évitement. Elle s'est également reportée à l'instance annoncée dans l'avis public Télécom CRTC 1990-73 du 3 août 1990 visant à examiner les requêtes d'Unitel et de la B.C. Rail Telecommunications/Lightel Inc. (la BCRL) pour offrir des services téléphoniques publics vocaux interurbains. Elle a fait valoir que la BCRL a affirmé dans cette instance que la Lightel et la Call-Net (un membre de la CTA) se livraient à de l'évitement Canada-Canada et Canada-outre-mer. Bell s'est également opposée à l'affirmation de la CTA selon laquelle les revendeurs devraient avoir les mêmes options que les transporteurs d'utiliser des installations américaines à des fins de souplesse opérationnelle, faisant remarquer que les transporteurs canadiens offrent des options de diversité et de surviabilité.
3. Application des restrictions d'évitement
Comme il est noté ci-dessus, les transporteurs s'accordaient généralement pour dire qu'à long terme, la solution la plus efficace à l'évitement est l'établissement, dans la plus grande mesure possible, de la parité entre les tarifs intercirconscriptions canadiens et américains. La plupart des intervenants ont appuyé cette affirmation. Aucune partie n'a fait valoir que les restrictions relatives à l'évitement pourraient être d'une entière efficacité.
Bell a déclaré que, parce que l'évitement s'explique par des raisons autres que le prix pour l'évitement, une combinaison d'approches, ainsi que des prix appropriés devraient prévenir l'évitement de façon raisonnablement efficace et uniforme. Elle a indiqué qu'elle était à étudier des technologies de transmission de l'information, pour surveiller les circuits transfrontaliers.
Pour les transporteurs en général, ni le recours à des déclarations sous serment des abonnés ni le contrôle périodique de services ne convenaient. Selon la NBTel, le Conseil devrait compter sur la détermination des abonnés à se conformer aux restrictions tarifaires, et il devrait traiter tous les cas de non-conformité qu'il relève. De l'avis de la B.C. Tel, les dispositions anti-évitement incluses dans les accords d'interconnexion sont d'une efficacité douteuse.
Bell a déclaré que les restrictions existent pour donner effet à la politique du gouvernement, et que cette politique de base n'est déterminée ni par le coût ni par la difficulté d'application. Cependant, elle estime qu'il convient de tenir compte du coût et de l'efficacité des procédures spécifiques permettant de la mettre en oeuvre. Elle a fait remarquer que la plupart des programmes d'application des lois et des règlements n'ont pas pour objectif de prévenir toutes les infractions. Toutefois, affirmant qu'un niveau raisonnable de mise en oeuvre est nécessaire, elle a appuyé en principe l'opinion exprimée par la Newfoundland Tel selon laquelle [TRADUCTION] "l'objectif fondamental de la politique ... est suffisamment important à l'échelle nationale pour justifier l'adoption de procédures d'application raisonnables nécessaires à sa réalisation."
De l'avis général des intervenants, il serait très difficile d'appliquer efficacement et uniformément les restrictions à l'utilisation de lignes directes Canada-É.-U.
La Cam-Net a dit craindre que les restrictions proposées ne donnent lieu à une application sélective contre les revendeurs. La Fonorola a fait valoir que, comme le prouvent les documents soumis par Unitel au sujet du service Megacom de l'AT&T, les transporteurs ont été incapables de mettre en oeuvre les accords d'interconnexion actuellement en vigueur.
4. Importance de l'évitement
De nombreux transporteurs et intervenants ont parlé de la difficulté à déterminer le degré d'évitement. Ils estimaient que la possibilité d'évitement a augmenté au cours des dernières années et qu'elle continuera d'augmenter. Notant que les transporteurs n'avaient pas fourni de chiffres au sujet du volume de trafic et des revenus qui sont et qui seraient perdus au profit de l'évitement, un grand nombre d'intervenants ont pris la position que les transporteurs n'avaient pas établi qu'il se pratiquait beaucoup d'évitement.
Les transporteurs ont déclaré qu'il y a davantage d'incitatifs et de possibilités d'évitement, notamment un dollar canadien plus fort, la présence active de revendeurs dans le marché canadien, la capacité des fournisseurs de services et autres de bâtir des réseaux de fibres optiques pour lesquels il n'y a pas de contrainte de licence et l'arrivée au Canada de transporteurs américains comme l'AT&T. Selon Bell et Téléglobe, l'entrée des transporteurs américains dotés d'installations par l'intermédiaire de revendeurs canadiens affiliés pourrait influer considérablement sur le volume d'évitement. Téléglobe a déclaré que, contrai- rement à ces revendeurs, elle doit fixer des tarifs pour couvrir les coûts causaux à long terme, y compris une contribution appropriée aux coûts communs.
Certains transporteurs ont noté que, sans égard aux incitatifs de taux pour l'évitement, les revendeurs ou les utilisateurs privés peuvent juger plus efficace sur le plan opérationnel de faire acheminer tout le trafic par les États-Unis. De l'avis d'IBM, ces incitatifs à l'évitement s'appliquent également à l'acheminement du trafic américain par le Canada.
Bell a déclaré que la possibilité d'acheminement par les États-Unis du trafic Canada-outre-mer semble grande, étant donné que toute la demande projetée par Téléglobe pour le service Globedirect qu'elle propose semble être basée sur la reprise du trafic qui contourne actuellement Téléglobe par les États-Unis.
La Newfoundland Tel estimait que, même si l'impact financier de l'évitement est un facteur, le fondement de la politique du gouvernement est plus étroitement lié aux questions de souveraineté nationale.
L'ACTE a noté que, même si la disparité entre les tarifs canadiens et américains pourrait donner un avantage important sur le plan des coûts à ceux qui ont accès aux installations américaines et aux taux américains, il y a aussi des désincitatifs importants à l'acheminement du trafic par les réseaux américains (par exemple, le coût d'accès à la frontière américaine et l'absence de contact avec les transporteurs américains pour régler une panne de réseau. À son avis, les utilisateurs connaissent les interdictions relatives à l'acheminement du trafic par les États-Unis et s'y conforment généralement.
Contrairement à la position de plusieurs transporteurs, certains intervenants ont soutenu que l'évitement deviendra non pas plus attrayant mais moins attrayant. Ils s'appuient sur le fait que le nouveau marché de la revente Canada-Canada fournira aux utilisateurs des solutions de rechange peu coûteuses, pour le trafic Canada-Canada et que l'accès raisonnable à Téléglobe par suite de la décision 90-19donnera de plus grandes possibilités de trafic Canada-outre-mer. L'ACTI a fait valoir que le phénomène de l'évitement n'est pas suffisamment répandu, actuellement ou éventuellement, pour constituer plus qu'un signal pour le Conseil que les prix canadiens ne sont pas alignés sur les solutions de rechange qui sont facilement accessibles ailleurs.
5. Autres approches
Les transporteurs et les intervenants s'entendaient généralement pour dire que des mesures tarifaires constituent la solution la plus efficace, quoique à long terme, de l'évitement.
Les transporteurs ont cerné et décrit plusieurs approches, y compris des solutions technologiques et de prix, des restrictions tarifaires et des accords d'interconnexion, l'interdiction de circuits transfrontaliers qui ont accès au réseau téléphonique public commuté, des déclarations sous serment fournies par les abonnés des transporteurs (y compris les revendeurs) et la politique du MDC relative à l'attribution de licences de transmission par micro-ondes.
Pour certains intervenants, les approches technologiques comprenant le contrôle des abonnés ne conviennent pas et compromettent le droit à la vie privée des abonnés. Ils ont également appuyé spécifiquement la position de la NBTel selon laquelle le Conseil devrait compter sur la détermination des abonnés à se conformer aux restrictions tarifaires, et qu'il devrait traiter tous les cas de non-conformité qu'il relève.
D. Réplique de Téléglobe
Téléglobe était d'accord avec Bell pour dire que les restrictions imposées à l'utilisation de lignes directes Canada-É.-U. existent pour donner effet à la politique du gouvernement. Elle a proposé que les transporteurs instituent un système de vérification au hasard, semblable à celui qui est employé pour certifier l'équipement fourni par l'abonné et administrer les frais de contribution se rapportant à la revente et au partage. Elle a demandé que les transporteurs soient tenus de déposer des procédures de mise en oeuvre des restrictions tarifaires qu'elle a sollicitées.
En réponse aux préoccupations des revendeurs concernant l'application sélective, Téléglobe a déclaré que sa proposition pourrait être appliquée sans discrimination, mais que la publicité que les revendeurs feraient de la disponibilité du service Canada-outre-mer via les États-Unis rendrait l'activité d'évitement facilement apparente et amènerait nécessairement les transporteurs à assurer la conformité aux tarifs.
Téléglobe a déclaré que les observations déposées dans la présente instance confirment pour une large part l'impact pratique des différences fondamentales entre le Canada et les États-Unis sur le plan de la politique publique et des approches de réglementation et de fiscalité. Elle a ajouté qu'un certain nombre de facteurs indépendants de sa volonté nuisent à sa capacité de restreindre l'évitement.
E. Autres observations
Dans une autre observation datée du 5 février 1991, Bell s'est déclarée en désaccord avec l'affirmation de Téléglobe selon laquelle les transporteurs devraient être tenus de déposer des procédures de mise en application des interdictions relatives à l'évitement. Cela ne faisait pas partie à son avis de la requête initiale de Téléglobe et que c'est la responsabilité de Bell d'assurer la conformité à ses tarifs. Elle estime donc que le Conseil ne devrait pas tenir compte de l'affirmation de Téléglobe à ce sujet lorsqu'il se prononcera sur la requête.
V CONCLUSIONS
Les transporteurs et de nombreux intervenants dans la présente instance ont appuyé l'opinion voulant que le trafic en provenance ou à destination du Canada devrait faire une utilisation maximum des installations des transporteurs canadiens. Le Conseil est d'accord avec ce point de vue. De plus, il considère que cette opinion s'applique également au trafic de données, au trafic non interconnecté et au trafic acheminé par des lignes directes. Il considère en dernier lieu que les préoccupations soulevées par Téléglobe à l'égard du trafic Canada-outre-mer acheminé par les États-Unis se rapportent également au trafic Canada-Canada acheminé par les États-Unis.
De nombreux transporteurs et intervenants ont commenté la difficulté de déterminer le volume de trafic et les revenus que les transporteurs canadiens perdraient à cause de l'évitement. Le Conseil reconnaît la difficulté de cerner l'ampleur du problème de l'évitement. Toutefois, il appert à son avis que des incitatifs à l'évitement des installations canadiennes existent actuellement et que de plus en plus d'avenues en vue de répondre à ces incitatifs s'offrent aux utilisateurs de services de télécommunications.
Se reportant à l'ALE, un certain nombre de parties ont fait valoir qu'il permet la transmission du trafic de données aux États-Unis pour être traité et amélioré avant d'être soit transmis à une destination outre-mer soit renvoyé au Canada. De plus, l'ALE permet expressément au Canada et aux États-Unis de maintenir ou d'introduire des mesures visant à maximiser l'acheminement du trafic de base par leurs réseaux de télécommunications nationaux respectifs à l'intérieur de leur propres frontières nationales.
Des préoccupations ont également été exprimées dans la présente instance au sujet des dispositions tarifaires interdisant l'évitement. Presque tous ceux qui ont formulé des observations ont fait valoir qu'à long terme, la solution la plus efficace pour réduire l'évitement consiste à abaisser les taux canadiens. Le Conseil endosse ce point de vue. Toutefois, il estime que l'ajout d'interdictions spécifiques aux tarifs des transporteurs les aiderait à s'assurer que le trafic de base en provenance ou à destination du Canada utilise au maximum les installations canadiennes des transporteurs.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que les tarifs des transporteurs devraient être modifiés de manière à interdire l'acheminement par les abonnés du trafic du service de base via les États-Unis, lorsque ce trafic est à destination ou en provenance du Canada. De plus, il considère que la mise en oeuvre s'en trouverait facilitée si tous les contrats types applicables et les contrats futurs relatifs aux abonnés renfermaient dans leur libellé l'interdiction tarifaire. L'inclusion de l'interdiction dans les contrats des transporteurs garantirait que les abonnés en aient pleinement connaissance.
En dernier lieu, le Conseil ne considère pas approprié que les transporteurs soient tenus, comme Téléglobe le propose, de déposer des procédures d'application des interdictions tarifaires. Il s'accorde avec Bell pour dire qu'en premier lieu, il appartient aux transporteurs d'assurer la conformité à leurs tarifs.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil ordonne à chacun des transporteurs :
(1) de déposer, au plus tard le 26 juillet 1991, les révisions tarifaires proposées reflétant ce qui précède;
(2) de déposer pour fins d'approbation, dans les 30 jours de l'approbation de ces dispositions tarifaires, des versions révisées de tous les contrats types applicables; et
(3) d'inclure ces dispositions tarifaires dès leur approbation, dans tous les contrats pertinents se rapportant aux abonnés.
Le Secrétaire général
Allan J. Darling

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