ARCHIVÉ -  Décision CRTC 88-652

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Décision

Ottawa, le 19 septembre 1988
Décision CRTC 88-652
Legerbourg Inc.
Trois-Rivières (Québec) -880378500
A la suite d'une audience publique tenue à Trois-Rivières (Québec) le 5 juillet 1988, le Conseil refuse la demande en vue d'obtenir l'autorisation de transférer le contrôle effectif de Legerbourg Inc., titulaire de la licence de radiodiffusion de CIGB-FM Trois-Rivières, au moyen du transfert de 102 actions ordinaires avec droit de vote, représentant 51 % des actions émises et en circulation de cette société, de Guy Leblanc, Maurice Bourget, Jean-Louis Guillot et François Dufresne (25,5 actions ordinaires chacun) à COGECO Inc.
Les parties en cause
Par l'entremise de ses filiales, COGECO Inc. (Cogeco) exploite les stations de télévision CKTM-TV et CFKM-TV Trois-Rivières et CKSH-TV et CFKS-TV Sherbrooke, ainsi que les stations de radio CFGL-FM Laval, CJMF-FM Québec, CKBS et CFEI-FM Saint-Hyacinthe, CHLC et CKDO-FM Baie-Comeau et CFRP Forestville (Québec).
Cogeco détient également indirectement des intérêts importants en télédistribution dans le centre et l'est du Québec, notamment à Trois-Rivières, Shawinigan, Drummondville et Rimouski, lesquels représentent près de 140 000 abonnés et en font le troisième télédistributeur en importance au Québec. Cogeco détient aussi indirectement une participation minoritaire dans Premier Choix: TVEC Inc., qui est autorisé à exploiter le service de télévision payante de langue française Super Écran et le service d'émissions spécialisées Le Canal Famille, et est membre du Consortium de télévision Québec-Canada qui est autorisé à exploiter le service d'émissions spécialisées de télévision de langue fran çaise TV5. Cogeco détient également des intérêts dans Les Productions SDA Ltée, une société privée de production d'émissions.
D'autre part, le Conseil a autorisé Legerbourg Inc. à exploiter CIGB-FM le 5 mars 1979 (la décision CRTC 79-198). Cette station est la seule station MF locale à desservir Trois-Rivières et est exploitée selon une formule musicale correspondant au Groupe I. Depuis 1984, CIGB-FM connaît une forte croissance de ses recettes totales et elle affichait un taux de rendement se situant parmi les plus élevés des stations MF du Québec à la fin de l'exercice financier qui s'est terminé le 31 août 1987. Selon les sondages BBM de l'automne 1987, cette station occupait le troisième rang de l'écoute radiophonique dans le marché central de Trois-Rivières avec une part des heures d'écoute de 18 % et une portée de 31 %. Elle était précédée par les deux stations MA locales, CHLN affiliée au réseau Télémédia et CJTR affiliée au réseau Radiomutuel.
Les quatre actionnaires qui détiennent globalement 51 % des actions de la titulaire ont déclaré à l'audience qu'ils avaient décidé de se départir de leur participation parce qu'ils ne partageaient plus les mêmes intérêts et les mêmes objectifs et que, pour des motifs personnels ou professionnels, ils avaient décidé soit de se retirer progressivement de leur milieu de travail respectif, soit de réorienter leurs activités et leurs investissements vers d'autres secteurs. Ils ont expliqué leur choix de Cogeco notamment par la relation de confiance qui s'est établie avec l'acquéreur, par les racines trifluviennes profondes de Cogeco et par la garantie de continuité dans la vocation locale de CIGB-FM. Le Conseil note que la balance (49 %) des actions de Legerbourg Inc. continuerait d'être détenue par Radiomutuel Inc.
Cogeco projetait de se porter acquéreur de 51 % des actions ordinaires de la titulaire pour une somme de 1 690 000 $. Elle a déclaré lors de l'audience qu'elle assumait également des obligations financières existantes de la titulaire ne dépassant pas 97 100 $. Le Conseil a pris note de la déclaration faite à l'audience selon laquelle "le groupe Cogeco et ses actionnaires se portent garants de l'aspect financier de la transaction". Il note également qu'une lettre bancaire lui a été soumise attestant de la disponibilité d'une somme de 6 125 000 $ aux fins, entre autres, de la présente transaction et il n'avait donc aucune préoccupation quant à la disponibilité et à la suffisance du financement requis.
Considérations relatives à la politique en matière de propriété
Tel que déclaré dans un certain nombre de décisions portant sur des demandes d'autorisation du transfert de la propriété ou du contrôle effectif d'entreprises de radiodiffusion, et parce que le Conseil ne sollicite pas de demandes de ce type, c'est à la requérante qu'il incombe de prouver au Conseil que la demande soumise représente la meilleure proposition possible dans les circonstances, considérant les préoccupations d'ordre général du Conseil relativement à des transactions de ce genre.
Le Conseil réaffirme que le premier critère que toute requérante doit remplir est de démontrer que le transfert proposé de propriété ou de contrôle entraîne des avantages significatifs et sans équivoque pour les collectivités desservies par les entreprises de radiodiffusion et pour le système de la radiodiffusion canadienne dans son ensemble et qu'il sert l'intérêt public.
En particulier, le Conseil doit être convaincu que les avantages, tant ceux qu'il est possible de quantifier du point de vue financier que les autres qui peuvent être difficilement mesurables monétairement, correspondent à l'ampleur de la transaction et aux responsabilités à assumer, aux caractéristiques et à la viabilité des entreprises de radiodiffusion en cause et au niveau des ressources dont l'acheteur peut disposer aux chapitres de la programmation, de la gestion, des finances et des techniques.
Une fois qu'il est convaincu qu'on a satisfait au premier critère relatif aux avantages découlant de la transaction proposée, le Conseil doit se pencher sur les autres aspects pouvant faire problème, comme dans le cas de la présente demande, des questions de la concentration de la propriété et de la propriété mixte résultant de la propriété ultime par Cogeco d'entreprises de télédistribution, de télédiffusion et de radiodiffusion dans le même marché de Trois-Rivières.
A cet égard, comme il l'a déclaré dans un bon nombre de décisions antérieures, le Conseil désire réitérer que la concentration de la propriété au sein du système de la radiodiffusion ne le préoccupe pas nécessairement en elle-même, pourvu qu'il continue d'exister un degré réel de diversité de propriété et de sources d'émissions de nature à s'assurer que les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion soient atteints. Compte tenu du milieu fortement concurrentiel qui existe actuellement dans tous les marchés du secteur des communications, ainsi que des frais et des risques élevés en cause, la structure de la propriété doit sans aucun doute se composer d'entreprises de radiodiffusion de tailles diverses, y compris de grandes entreprises qui sont dotées de ressources importantes, qui sont suffisamment fortes pour concurrencer les entreprises étrangères et qui ont la capacité de produire des émissions canadiennes de qualité concurrentielle.
De plus, le Conseil doit être convaincu que l'acheteur a prouvé que les avantages d'une telle concentration l'emportent nettement sur tout inconvénient possible et que la transaction sert l'intérêt public.
Dans le cas de demandes mettant en cause la propriété mixte des médias, la principale préoccupation du Conseil est d'assurer que, dans toute région donnée, il continue d'exister une diversité d'opinions et de sources d'information et de radiodiffusion qui permette d'offrir aux collectivités desservies des vues différentes sur des sujets qui préoccupent le public. Cette préoccupation fondamentale à l'égard de la diversité de l'information constitue un élément essentiel de la structure et de la programmation du système de la radiodiffusion de toute société démocratique. C'est pourquoi, encore une fois, il incombe à l'acheteur de prouver que des mesures convenables ont été prises pour protéger cette diversité indispensable.
Dans chaque cas, toutefois, avant même que le Conseil soit disposé à étudier des préoccupations précises telles les répercussions possibles de la concentration ou de la propriété mixte des médias, il doit d'abord être convaincu que l'acheteur a rempli le premier critère et a prouvé que la transaction entraînera des avantages clairs, significatifs et sans équivoque pour le système de la radiodiffusion canadienne dans son ensemble et pour les localités desservies en particulier.
Compte tenu de ces principes et de la dominance manifeste qu'exercerait Cogeco dans le marché de Trois-Rivières, notamment au niveau de l'information locale, il lui incombait de démontrer à la satisfaction du Conseil que cette transaction servirait l'intérêt public.
Les avantages découlant de la transaction
En ce qui a trait aux avantages non quantifiables découlant de la demande en instance, Cogeco a fait état des liens étroits qui l'unissent à cette région et de l'apport important qu'il en résultera au plan des ressources humaines, de la programmation et du marketing, dû à l'association de la station CIGB-FM à un groupe de communications de plus grande envergure et de l'effet de synergie qui s'ensuivrait. Cogeco a, de plus, fait valoir que le maintien du personnel de la station permettrait d'assurer la continuité, et elle s'est en outre engagée à respecter la Promesse de réalisation ainsi que les engagements pris par la titulaire dans le cadre de sa demande de renouvellement de licence, qui était aussi inscrite à la même audience publique.
Au chapitre des avantages plus tangibles, Cogeco a proposé d'ajouter trois bulletins de nouvelles de trois minutes et demi par jour diffusés après 18 h du lundi au vendredi, pour un total de 52 minutes et demi, ce qui porterait les nouvelles de 4 heures et 45 minutes à 5 heures et 37 minutes et demi par semaine. Elle a également proposé d'ajouter 6 heures d'émissions de formule premier plan provenant de la station CFGL-FM Laval, en sus des 16 heures et 25 minutes contenues dans la Promesse de réalisation présentement en vigueur. Le Conseil a également pris note de ses projets en vue de mettre à la disposition de la salle de nouvelles de CIGB-FM les ressources de la salle de nouvelles de CKTM-TV, d'abonner la station au service MF du réseau Nouvelles Télé-Radio et d'offrir à des étudiants en communication un stage conjoint en radio-télévision à CIGB-FM et à CKTM-TV.
En ce qui a trait aux avantages tangibles proposés qui sont quantifiables en dollars, Cogeco a proposé d'ajouter un animateur recherchiste à temps complet, représentant un investissement net sur cinq ans de 100 000 $ par rapport à la somme de 125 000 $ réclamée initialement, étant donné que ce nouvel animateur remplacera un opérateur représentant un coût de 5 000 $ par année, ainsi que d'embaucher un collaborateur chargé de préparer et de présenter en ondes des chroniques quotidiennes sur les arts et la culture dans la région, soit une dépense de 40 000 $ sur cinq ans. Au niveau de l'information, elle a proposé de doter la station d'un car de reportage muni d'un téléphone cellulaire, pour une somme de 65 000 $ sur cinq ans et d'ajouter un deuxième journaliste à temps plein à la salle de nouvelles, représentant 125 000 $ sur cinq ans. Au chapitre de l'encouragement des artistes canadiens, Cogeco s'est engagée à contribuer une somme de 1 000 $ par année à Musicaction et à parrainer au moins deux artistes locaux lors de concours de musique à l'échelle provinciale, représentant une somme globale de 65 000 $ sur cinq ans. Le Conseil a également noté l'investissement proposé en nouvelles immobilisations équivalant à une somme de 40 000 $ sur cinq ans, comportant notamment l'acquisition d'une génératrice de secours pour les studios, l'informatisation de la salle de nouvelles et l'achat de lecteurs de disques au laser. Le Conseil a rejeté une somme de 15 000 $ à ce titre pour l'achat de disques, qu'il considère comme une dépense courante.
Considérant l'ensemble des avantages tangibles et intangibles découlant de la transaction, et notamment les avantages tangibles acceptés par le Conseil, lesquels représentent globalement des dépenses d'exploitation de 395 000 $ et des dépenses en immobilisations de 40 000 $ sur cinq ans, le Conseil estime que la proposition en instance remplit le premier critère susmentionné et que les bénéfices proposés constituent des avantages significatifs et sans équivoque qui correspondent à l'ampleur de la transaction.
Toutefois, tel que souligné précédemment, il incombait en outre à Cogeco de démontrer au Conseil que les avantages qui découlent de la transaction, combinés aux mesures proposées et à ses autres engagements, l'emportent de façon manifeste sur tout désavantage possible pouvant résulter de la concentration accrue de la propriété d'entreprises de radiodiffusion à Trois-Rivières, et que l'approbation de la demande dans ces circonstances servirait l'intérêt public.
Préoccupations relatives à la concentration de la propriété
Comme il est indiqué au début de la présente décision, Cogeco, par l'entremise de filiales, est autorisée à exploiter deux stations de télévision à Trois-Rivières, soit CKTM-TV, affiliée au réseau français de Radio-Canada, et CFKM-TV, affiliée au réseau Quatre Saisons. Ces deux stations sont aussi autorisées à diffuser des émissions produites localement, CFKM-TV l'ayant été tout récemment le 28 juin 1988 (la décision CRTC 88-437), et cette programmation comprend en particulier des émissions d'information d'intérêt local et régional. Le Conseil note également que ces deux stations de télévision partagent la même salle de nouvelles et le même directeur de l'information. Selon les sondages BBM de l'automne 1987, CKTM-TV et CFKM-TV accaparaient conjointement 40% des heures d'écoute totales de la télévision à Trois-Rivières et elles affichaient respectivement une portée de 89 % et de 69 % de l'auditoire.
D'autre part, par l'entremise d'une autre de ses filiales, soit La Belle Vision Inc., Cogeco exploite des entreprises de télédistribution à Trois-Rivières et à Shawinigan. Ces deux entreprises exploitent un canal communautaire dynamique dont la programmation reflète la scène locale et régionale. En 1987, ces deux entreprises regroupaient plus des deux tiers des abonnés et accaparaient plus des deux tiers des recettes totales des entreprises de télédistribution de la région.
L'ajout de CIGB-FM au groupe d'entreprises de radiodiffusion sous le contrôle de Cogeco accentuerait encore davantage sa présence et son influence dans le marché de Trois-Rivières.
Lors de son exposé préliminaire à l'audience publique, Cogeco s'est dite convaincue qu'il "continuera d'exister à Trois-Rivières, suite à l'acquisition de CIGB-FM par Cogeco, un degré réel de diversité de propriété et de sources d'émissions". Elle s'est appuyée en cela sur l'ensemble des signaux de radio et de télévision qui peuvent être captés dans cette région et elle a souligné que tous les grands de la radio et de la télévision sont présents à Trois-Rivières, que ce soit Radio-Canada, Télé-Métropole, Quatre Saisons, Télémédia, Radiomutuel et les signaux américains ABC, NBC et CBS, et que ceux-ci continueront à être présents suite à l'acquisition proposée.
Quant à la question de savoir s'il continuerait d'y exister une diversité d'opinions et de sources d'information et de radiodiffusion qui permette d'offrir à la collectivité desservie des vues différentes sur des sujets qui préoccupent le public, Cogeco a déclaré que "au point de vue informations nationales et internationales, nous croyons que la question ne se pose même pas". Elle a noté à cet égard la présence des principaux médias susmentionnés, l'arrivée prévue de TV5 sur le câble ainsi que l'accès à la presse écrite.
Au niveau de l'information locale et régionale, d'autre part, Cogeco a déclaré que "l'acquisition de CIGB-FM par Cogeco ne diminuera en rien cette diversité, au contraire, elle l'accentuera". A cet effet, elle a fait état notamment du fait que les avantages significatifs qu'elle proposait sont tous destinés à mettre l'accent sur le caractère local de la station et à renforcer sa capacité de mieux desservir la population trifluvienne. Elle a aussi mentionné les efforts des stations de radio et de télévision concurrentes en matière d'information locale et la présence d'une presse écrite locale et régionale dynamique et agressive. Cogeco a conclu son exposé à ce sujet en déclarant:
Nous croyons donc ... que notre acquisition ne comporte aucun inconvénient et, au contraire, serait porteur (sic) de plusieurs avantages pour la région desservie.
L'évolution rapide du secteur de la radiodiffusion au Canada, la concurrence de plus en plus vive qui s'y exerce et l'ouverture vers les marchés extérieurs devenue davantage nécessaire ont fait qu'au cours des dernières années, des entreprises de radiodiffusion canadiennes ont senti le besoin de regrouper leurs forces et de raffermir leur position dans le marché par le biais de fusions, de prises de contrôle ou d'acquisitions d'actif. Ce mouvement est peut-être plus perceptible au Québec étant donné le nombre relativement restreint de grandes entreprises de radiodiffusion, les limitations propre au marché francophone sur le continent nord-américain et l'attrait de plus en plus vif qu'exerce l'important marché de la francophonie européenne.
Cette tendance vers le regroupement des ressources en radiodiffusion comporte indéniablement des avantages, notamment sur le plan de la capacité de produire des émissions canadiennes en plus grand nombre et de meilleure qualité, non seulement pour le plus grand avantage des auditoires immédiats mais aussi pour permettre à certaines de ces émissions de faire leur marque sur le plan national et international. Le Conseil estime toutefois que la formation d'entités corporatives de plus en plus importantes, dont l'influence s'exerce dans tous les secteurs de la radiodiffusion, entraîne des responsabilités plus grandes dont ces entreprises doivent prendre conscience et qu'elles doivent être prêtes à assumer, à titre de mandataires d'un bien public.
Lorsqu'il doit juger du bien-fondé et des répercussions possibles d'une proposition qui a pour conséquence directe une augmentation du degré de la concentration de la propriété ou de la propriété mixte des médias dans un même marché, et que cette proposition est faite par une entreprise qui souhaite jouer un rôle de premier plan au sein du système de la radiodiffusion, que ce soit au niveau national, provincial ou régional, le Conseil s'attend, en retour, à ce que celle-ci soit en mesure de lui proposer d'elle-même et au préalable des mesures de contrôle, des garanties ou des politiques claires portant sur la façon dont elle entend contrer toute répercussion néfaste pouvant découler de sa proposition. De plus, étant donné les responsabilités plus grandes qu'elle désire assumer, le Conseil s'attend à ce que l'entreprise en question soit disposée à aller au delà des exigences minimales et des normes réglementaires strictes afin de répondre aux craintes que pourrait susciter sa proposition, qu'elles soient réelles ou appréhendées. Ceci est d'autant plus important lorsque la qualité et l'impartialité de l'information diffusée dans une région donnée pourrait être remise en cause, que ce soit dans les faits ou sur le plan de la perception de l'auditoire.
Le Conseil remarque tout d'abord qu'aucune mesure de contrôle n'a été proposée dans la demande de transfert du contrôle de CIGB-FM à Cogeco. Ce n'est que lors de son exposé à l'audience publique ainsi qu'en réponse aux questions du Conseil que Cogeco a fait état de certaines propositions à cet égard, notamment celle consistant à assurer l'étanchéité entre les salles de nouvelles de CIGB-FM et de CKTM-TV, si le Conseil jugeait à propos de l'exiger, tout en soulignant qu'elle ne croyait pas que ce serait dans l'intérêt des auditeurs de CIGB-FM de le faire.
Selon les déclarations de Cogeco à l'audience, la salle de nouvelles de CKTM-TV compte un personnel de huit personnes, auxquelles s'ajoutent deux journalistes à temps plein et un journaliste pigiste affectés à CFKM-TV, lesquels tel que noté précédemment, partagent la même salle de nouvelles et sont sous l'autorité du même directeur de l'information. D'autre part, la salle de nouvelles de CIGB-FM ne compte présentement qu'un journaliste à temps plein et un journaliste pigiste, auxquels s'ajouterait un journaliste à temps partiel selon la proposition faite par Legerbourg Inc. à l'audience dans le cadre de sa demande de renouvellement de licence de la station, et que Cogeco a entérinée.
Dans ce contexte, le Conseil a fait remarquer à Cogeco que sa proposition de permettre au personnel de la salle de nouvelles de CIGB-FM d'avoir accès aux ressources de la salle de nouvelles de CKTM-TV, tout en lui conservant sa propre autonomie du fait que toute démarche à cet effet découlerait de la propre initiative de CIGB-FM, pouvait comporter théoriquement certains avantages au plan de la mise en commun des ressources mais présentait également de graves inconvénients. Elle ouvre en effet la porte aux risques de réduction de la diversité des sources d'information locale puisqu'en raison de la disproportion des ressources en personnel entre les deux salles de nouvelles et de la concurrence qui s'exerce au niveau de l'information locale, le personnel limité de la salle de nouvelles de CIGB-FM pourrait être forcé éventuellement à s'en remettre quasi exclusivement à celui de CKTM-TV comme source d'information locale. En réponse, et afin d'empêcher le risque de concentration indue de l'information et d'offrir une plus grande autonomie à la salle de nouvelles de CIGB-FM, Cogeco a proposé lors de l'audience de doter la station de radio d'un deuxième journaliste à temps plein, tout en s'engageant, si le Conseil l'exigeait, à assurer une étanchéité totale entre les salles de nouvelles de CIGB-FM et de CKTM-TV.
Tout en reconnaissant qu'il s'agit là d'éléments positifs qui s'ajoutent aux propositions initiales de Cogeco, le Conseil constate que l'offre de cloisonnement de la salle de nouvelles de CIGB-FM face à celle de CKTM-TV demeure d'abord une mesure difficilement contrôlable. D'ailleurs, même si cette étanchéité non désirée par Cogeco était mise en place, la perception de l'influence du service des nouvelles des stations de télévision de Cogeco sur les effectifs réduits de la salle de nouvelles de CIGB-FM n'en continuerait pas moins d'exister pour ceux qui sont à la source des nouvelles et pour la population en général. Quant à l'ajout d'un deuxième journaliste à temps plein, le Conseil estime que cette proposition, couplée à celle de doter la station d'un car de reportage, constitue vraiment un niveau minimal pour qu'une station de radio puisse offrir un service d'information locale convenable dans un marché comme celui de Trois-Rivières et ne suffirait pas à elle seule à modifier la perception d'influence mentionnée plus haut, ou à créer une situation permettant clairement d'établir l'autonomie effective du service de nouvelles de CIGB-FM.
Dans un autre ordre d'idées, l'audience a également fourni l'occasion d'examiner un autre élément résultant de la transaction proposée. Lorsqu'une proposition implique une augmentation de la propriété mixte de médias dans un même marché et que des entreprises de télédistribution sont en cause, le Conseil s'attend tout spécialement à ce qu'on établisse des mécanismes ou des politiques précis visant à protéger l'accès à ces entreprises de télédistribution pour les services autorisés qui désirent y être distribués, de façon à éviter que le refus de distribuer un service ne soit motivé par la protection accordée à une ou des stations de télévision dont la titulaire de l'entreprise de télédistribution est également la détentrice dans ce marché. Cette préoccupation justifiable lorsque la propriété mixte inclut une ou des stations de télévision et une entreprise de télédistribution dans le même marché, prend encore plus d'ampleur en raison du nombre d'entreprises de télédistribution que Cogeco détient -et donc de son pouvoir d'accorder ou non l'accès -et de l'influence grandissante d'entreprises diversifiées comme Cogeco qui, en plus de ses intérêts en radiodiffusion, en télédiffusion et en télédistribution, détient également une participation dans le service de télévision payante Super Ecran et dans les services d'émissions spécialisées Le Canal famille et TV5.
En réponse à cette préoccupation particulière du Conseil, Cogeco a d'abord fait remarquer qu'elle est propriétaire de La Belle Vision Inc. depuis 1972 et qu'il n'y a jamais eu de problème d'accès à cette entreprise ni aux autres entreprises de télédistribution sous le contrôle de Cogeco. De plus, afin de rassurer le Conseil, elle s'est dite disposée à former un comité local composé de trois personnes qui joueraient un rôle d'ombudsman et seraient chargées de traiter les plaintes relatives à l'accès et à faire rapport par la suite à Cogeco et au Conseil. En ce qui a trait à sa politique relative à l'accès des services d'émissions spécialisées, Cogeco a déclaré qu'à "partir du moment où un détenteur est réglementé, autorisé par le Conseil à fournir un service, bien, dans le passé on l'a fourni, et dans l'avenir, on va continuer à le fournir".
Tel que souligné lors de l'audience publique, les préoccupations du Conseil à l'égard de l'accès dans la cause en instance ne sont pas fondées sur les antécédents de Cogeco en cette matière mais visaient plutôt à savoir si celle-ci s'était dotée d'une politique claire pour l'avenir, étant donné ses responsabilités grandissantes. Sa politique d'accès, telle qu'énoncée à l'audience en réponse aux questions du Conseil, apparaît donc satisfaisante. Quant aux mécanismes pertinents destinés à garantir cet accès, Cogeco a suggéré la formation d'un comité de surveillance. A ce sujet, le Conseil note que l'expérience récente a démontré les limites de ce mécanisme lorsqu'il s'agit d'évaluer des questions complexes ou de rendre des décisions dans des délais restreints et ne croit donc pas qu'il s'agisse dans les présentes circonstances de mécanismes appropriés ou suffisants.
Conclusion
Après avoir passé en revue l'ensemble des éléments de preuve relatifs à la présente instance, le Conseil en est venu à la conclusion que la requérante n'a pas réussi à démontrer de façon satisfaisante que les avantages que comporte sa proposition, ajoutés aux mesures qu'elle a proposées lors de l'audience publique pour palier aux inconvénients pouvant résulter de la transaction, l'emportent de façon non équivoque sur les désavantages potentiels découlant de la transaction.
Tel qu'indiqué précédemment, le Conseil estime que les avantages entraînés par la présente demande auraient été suffisants en eux-mêmes pour satisfaire au premier critère n'eut été de ses implications en matière de concentration de la propriété et de la propriété mixte de médias de radiodiffusion. En particulier, l'analyse de la proposition de Cogeco au niveau des moyens limités qui seraient mis en oeuvre pour assurer l'autonomie de la salle de nouvelles de CIGB-FM n'arrive pas, de l'avis du Conseil, à dissiper les risques de réduction de la diversité des sources d'information locale et régionale dans un marché de la taille de celui de Trois-Rivières.
En conséquence, le Conseil a jugé que l'approbation de la demande telle que soumise en vue de transférer le contrôle de CIGB-FM à Cogeco ne servirait pas l'intérêt public.
Le Conseil a pris en considération l'intervention présentée lors de l'audience publique par Radiomutuel Inc.
Le Secrétaire général
Fernand Bélisle

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