ARCHIVÉ -  Décision CRTC 87-596

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Décision

Ottawa, le 6 août 1987
Décision CRTC 87-596
La Coopérative des Montagnes Ltée
Edmundston, Grand-Sault et Kedgwick (Nouveau-Brunswick) - 870570900 - 870571700 - 870572500
Lors d'une audience publique tenue à Bathurst (Nouveau-Brunswick) le 12 mai 1987, le Conseil a étudié les demandes présentées par La Coopérative des Montagnes Ltée (la Coopérative) relatives à l'exploitation de stations radiophoniques MF communautaires de langue française selon une formule musicale correspondant au groupe IV. Ce projet se veut un concept régional pour desservir la population francophone du nord-ouest du Nouveau-Brunswick à partir des collectivités d'Edmundston, Grand-Sault et Kedgwick.
La région proposée regroupe trois zones qui engloberont principalement les municipalités suivantes: Edmundston, Saint-François-de-Madawaska, Clair, Baker Brook, Saint-Hilaire, Verret, Saint-Jacques, Saint-Basile, Rivière-Verte et Sainte-Anne-deMadawaska; Grand-Sault, Saint-Léonard, Saint-André et Drummond; ainsi que Kedgwick et Saint-Quentin.
Le nord-ouest du Nouveau-Brunswick possède l'une des plus importantes concentrations de francophones hors Québec. D'après les demandes, la population du marché principal de la station proposée à Edmundston se chiffre à 44 477 dont 96 % sont francophones, celle de Grand-Sault à 18 144 avec 67 % de francophones et celle de Kedgwick et Saint-Quentin à 8 568 avec 98 % de francophones.
Un total de 17 stations radiophoniques peuvent être reçues en direct et leurs périmètres de rayonnement recoupent entièrement ou partiellement la région. Sept de ces stations sont canadiennes alors que les dix autres proviennent de l'état du Maine aux ÉtatsUnis. Selon les demandes, seulement deux stations de langue française offrent un signal fiable à l'ensemble du territoire, soit CJEM Edmundston et son réémetteur CKMV Grand-Sault, ainsi que CBAF Moncton et ses réémetteurs.
Examen des demandes
Tel que souligné par le Conseil dans des décisions antérieures, toute demande est évaluée en fonction de plusieurs critères lesquels, dans leur ensemble, veulent assurer la viabilité et la qualité des services de radiodiffusion proposés et existants dans le marché visé. Parmi les éléments essentiels dont le Conseil tient compte, on retrouve la capacité du marché d'absorber des nouveaux services de radiodiffusion sans menacer l'existence des services déjà offerts, la viabilité des propositions qui ont été soumises ainsi que le projet de programmation par rapport aux objectifs généraux énoncés dans ses politiques en matière de radio et de radio communautaire. Il tient également compte de la mesure dans laquelle les services proposés ajouteraient à la diversité et à la qualité des services radiophoniques offert dans un marché donné.
a)Le marché
La Coopérative a déposé une étude de marché préparée par la firme CEGIR à l'appui de ses demandes. Cette étude portait sur la disponibilité d'un marché pour une radio locale MF francophone dans la région d'Edmundston/ Grand-Sault. Le profil démographique établi par l'étude a démontré qu'entre 1971 et 1981, il y a eu un accroissement soutenu de la population totale des comtés de Madawaska et Victoria de l'ordre de 4,5 % et de la population de langue maternelle française de 5 %.
La requérante a aussi fourni les résultats des sondages du Bureau of Broadcast Measurement (BBM) de 1985, lesquels ont démontré que, pour le comté de Madawaska (Edmundston), la station locale CJEM Edmundston et son réémetteur CKMV Grand-Sault obtiennent au total 78 % des cotes d'écoute, le reste allant surtout aux stations américaines WDHP-FM et WSJR Madawaska (Maine). Certaines stations francophones telles CION-FM Rivière-du-Loup (Québec) et CBAF-28-FM Edmundston (CBAF Moncton) ne réussissent à accaparer qu'une partie infime de l'auditoire.
Quant au comté de Victoria (Grand-Sault), ces mêmes sondages révèlent que les trois stations américaines WDHP-FM et WEGP Presqu'Ile et WFST Caribou accaparent 47 % de l'auditoire alors que, des stations francophones canadiennes, seules CJEM Edmundston (CKMV Grand-Sault) et CBAF-28-FM Edmundston (CBAF Moncton) obtiennent respectivement 14 % et 2 % des cotes d'écoute.
En ce qui a trait aux recettes publicitaires actuelles et potentielles dans la région d'Edmundston/ Grand-Sault, la CEGIR a noté qu'il y a eu une croissance récente marquée au niveau des ventes au détail et a conclu que:
Le comté de Madawaska semble avoir une activité économique très dynamique, ses ventes au détail ayant sensiblement augmentées depuis cinq ans ... D'un point de vue économique, il semble a priori qu'il y aurait une place pour une nouvelle station de radio locale sans que cela n'affecte de façon importante les services actuels, puisque le marché n'est pas développé à son plein potentiel.
L'étude de la CEGIR a estimé "que le marché publicitaire local pourrait supporter...une activité accrue [qui] pourrait se chiffrer entre 150 000 $ et 250 000 $".
Lors de l'audience, la requérante a confirmé qu'elle prévoyait les revenus publicitaires approximatifs suivants au cours de la première année d'exploitation: 92 000 $ à Edmundston, 50 000 $ à Grand-Sault et 25 000 $ à Kedgwick et Saint-Quentin.
Après l'analyse de la preuve soumise, le Conseil a conclu que ces prévisions sont réalistes. De plus, il estime qu'un projet du genre pourrait permettre de rapatrier les auditeurs francophones qui écoutent davantage des stations radiophoniques de langue anglaise, en particulier les stations américaines.
Toutefois, il constate que la station MF communautaire proposée à Edmundston serait une station de type B, qui ne pourrait diffuser qu'une moyenne de 4 minutes de publicité par heure par jour et un maximum de 6 minutes de publicité par heure, en vertu de la politique sur la radio communautaire. Par contre, les stations de Grand-Sault et Kedgwick seraient des stations communautaires de type A, car il n'existe pas d'autres stations de même langue desservant ce marché, et pourraient donc diffuser jusqu'à concurrence de 250 minutes par jour de publicité. Cependant, lorsque certaines émissions seraient diffusées simultanément par les trois stations, celles-ci seraient assujetties aux restrictions affectant la station d'Edmundston à l'égard de la publicité.
b) Le financement
La Coopérative a indiqué au départ que les coûts d'implantation des trois stations se chiffreraient à 1 025 000 $ qui proviendraient d'une campagne de financement (25 %) et de subventions des gouvernements provincial (25 %) et fédéral (50 %). Lors de l'audience, il a cependant été établi qu'elle n'a pu obtenir une confirmation selon laquelle les subventions provinciales ou fédérales seraient accordées. Afin d'obtenir les sommes nécessaires à l'implantation du projet, la Coopérative a demandé un emprunt bancaire de 1 025 000 $ à la Caisse Populaire Notre-Dame des Sept-Douleurs Ltée d'Edmundston (la Caisse populaire) et a déposé auprès du Conseil une lettre permettant de conclure que la Caisse populaire était disposée à financer cet emprunt.
Cependant, lorsque questionné à l'audience, M. Jacques G. Michaud, au nom de la Caisse populaire, a déclaré que le conseil d'administration de celle-ci n'avait pas encore complété son étude de la demande de prêt car "on n'a pas eu les documents et tout le projet au complet" et que le montant total de l'emprunt devrait être partagé entre "plusieurs caisses qui font partie du nord-ouest".
Lors de l'audience et afin de remédier aux lacunes dans son financement, la requérante a expliqué qu'elle pourrait réduire ses besoins en liquidités car "nous croyons que nous pouvons faire des aménagements en utilisant des travaux communautaires... nous pouvons remettre à une deuxième phase, l'implantation d'un studio d'enregistrement", la salle de nouvelles à GrandSault a été reportée à une deuxième phase d'implantation, "la création d'un atelier de technique mobile et d'un studio mobile ont été reportés... on a réduit le nombre de liens studios émetteurs". Elle estime avoir ainsi fait passer ses besoins en liquidités de 1 million de dollars à 718 295 $.
En ce qui a trait aux coûts d'exploitation annuels projetés, la Coopérative a expliqué qu'elle espère obtenir les revenus nécessaires de subventions du gouvernement fédéral (Emploi et Immigration Canada) et des recettes publicitaires, de façon à ce que ces dernières constituent sa principale source de revenus vers la cinquième année d'exploitation.
A cet égard, elle a déclaré lors de l'audience:
Nous croyons qu'en utilisant une diversification de nos sources de revenus, à savoir en utilisant non seulement la publicité comme moyen mais également, dans un premier temps, des programmes fédéraux pour nous donner le coup de pouce nécessaire pour nous implanter et ensuite en utilisant les activités bénéfices, les campagnes de levées de fonds populaires et les autres moyens de financement communautaire, il existe effectivement les ressources dans le milieu pour maintenir notre projet.
La requérante a ajouté que 15 des 17 municipalités visées par le projet appuyaient le "projet financièrement, à la fois pour les coûts d'implantation et pour une participation financière aux coûts d'opération pour les cinq premières années d'opération". Toutefois, elle a reconnu qu'aucune somme ou documentation n'a été reçue pour confirmer la subvention du gouvernement fédéral.
De plus, la Coopérative a ajouté que, jusqu'à présent, elle a obtenu 20 000 $ en contributions et un certain nombre d'engagements à fournir des contributions totalisant 80 000 $ alors que son objectif se situait à 250 000 $.
c) Programmation projetée
Chaque station diffuserait 122 heures par semaine: 64 heures à partir de studios à Edmundston, 45 heures à Grand-Sault et 25 heures à Kedgwick. La plupart de ces émissions seraient diffusées en même temps par les trois stations, chaque station diffuserait toutefois certaines émissions qui lui sont propres.
La formule musicale proposée correspondrait au groupe IV et serait distincte de celle de la station MOR locale CJEM Edmundston. La Coopérative prévoit consacrer un budget annuel de 5 000 $ à l'égard des talents canadiens qui servirait à produire une émission hebdomadaire d'une demi-heure et à couvrir des spectacles enregistrés lors de festivals tenus à l'intérieur de la région desservie.
Le Conseil a noté que la Coopérative propose de diffuser 40 % d'émissions de formules combinées premier plan/mosaïque mais seulement 14 % d'émissions de formules premier plan et 8,2 % de matériel d'enrichissement. Elle ne propose en outre que 20,9 % de créations orales à Edmundston ce qui est en deça de l'objectif de 35 % établi par le Conseil dans le cadre de son examen de la radio communautaire (avis public CRTC 1985-194) pour les stations radiophoniques de type B.
Le Conseil a noté que 7 heures par semaine de temps d'antenne libre de publicité ou commandite serait mis à la disposition de groupes communautaires ou de particuliers. La Coopérative prévoit affecter sept employés à temps plein à la programmation dont un directeur de la programmation et un directeur de l'information, le reste étant des demi-postes assumés par des annonceurs et des reporters. Ces employés seraient chargés de coordonner la programmation diffusée le jour alors que la programmation diffusée en soirée et la fin de semaine serait produite par des bénévoles. A cet égard, le Conseil a également noté qu'environ 96 % des émissions seraient réalisées à l'aide de bénévoles et que la requérante propose de mettre en place un programme de formation des bénévoles.
Les interventions
De nombreuses interventions ont été reçues à l'appui du projet de la part d'organismes communautaires et d'individus. Parmi ceux-ci, la Fédération des Francophones Hors-Québec Inc., la Fédération des jeunes Canadiensfrançais Inc., la Société nationale des acadiens, la Société des acadiens du Nouveau-Brunswick, la Société historique du Madawaska, l'Association culturelle du Haut St-Jean, le Conseil du travail d'Edmundston, la Fédération des agriculteurs et agricultrices francophones du Nouveau-Brunswick et Activités-jeunesse (1980) Inc. ont comparu à l'audience pour souligner leur appui au projet. Ces intervenantes estiment que les stations vont "combler un vide existant dans le domaine des différents services offerts à la communauté", freiner l'assimilation des jeunes et l'américanisation des ondes. La plupart d'entres elles entendent participer à l'exploitation des stations par la production d'émissions ou par la participation à des levées de fonds relatives à l'exploitation des stations communautaires.
Pour leur part, le Syndicat des communications de la république de Madawaska, regroupant les employés de CJEM Edmundston, et Radio Edmundston Ltée, titulaire de CJEM, se sont opposés au projet car ils estiment "que la grande complexité de ce projet et le fardeau financier qu'il imposera à la région risquerait non seulement de le faire sombrer, mais pourrait entraîner pour le diffuseur actuellement en place une baisse de revenus qui l'obligerait, soit de réduire ses services, soit d'envisager même la faillite de l'entreprise".
En réponse aux préoccupations de ces deux intervenantes, la Coopérative s'est appuyée sur les résultats de l'étude CEGIR et se dit confiante "qu'il existe effectivement une part du marché qui est encore inexploitée".
La décision
Le Conseil est convaincu de l'opportunité d'établir d'un service radiophonique MF local de langue française dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, particulièrement dans les régions de Grand-Sault et de Kedgwick et SaintQuentin où il n'existe aucun service local. En outre, l'importance de ce service pour les auditeurs francophones de la région ainsi que leur intérêt manifeste envers un tel service ont été clairement démontrés par la Coopérative et par les nombreux intervenants lors de l'audience.
Toutefois, le Conseil est d'avis qu'il existe de sérieux doutes quant à la concrétisation du projet tel que déposé en raison notamment des faiblesses au chapitre du financement. En effet, lors de l'audience, la requérante a confirmé que, des 1 025 000 $ initialement requis pour implanter les stations, même si cette somme était ramenée à 718 295 $, il resterait encore environ 600 000 $ à combler.
Avant d'inscrire toute demande à une audience publique, le Conseil s'attend à recevoir une confirmation écrite attestant la disponibilité des sommes nécessaires au financement du projet. A cet égard, il a constaté lors de l'audience que les demandes en instance ne rencontraient pas cette exigence car les déclarations faites par M. Michaud de la Caisse populaire ont révélé que, contrairement à ce que les documents déjà déposés par la requérante laissaient supposer, celle-ci n'avait pas obtenu une confirmation écrite selon laquelle l'emprunt serait accordé par la Caisse populaire.
En ce qui a trait aux coûts d'exploitation annuels des stations, même si la Coopérative pouvait tirer des recettes publicitaires du marché visé, il n'en demeure pas moins qu'étant donné l'envergure du projet et ses coûts afférents, il lui faudrait obtenir des subventions et cotisations appréciables pour suppléer aux recettes publicitaires que la Coopérative pourrait normalement s'attendre à tirer du marché faute de quoi il lui faudrait livrer une plus forte concurrence aux radiodiffuseurs existants pour obtenir les revenus publicitaires nécessaires. Cette situation irait à l'encontre des déclarations faites par le Conseil dans son Examen de la radio communautaire selon lesquelles il "estime essentiel que ces titulaires continuent à chercher à financer leurs activités à partir de diverses sources provenant notamment de la collectivité...et d'atténuer l'effet de la publicité sur la programmation".
De plus, le Conseil estime que, même si les buts visés par la requête répondent au rôle et au mandat d'une radio communautaire, la proposition de la requérante indique que le type d'infrastructures proposé correspond davantage à une station commerciale. Il a en outre noté qu'en ce qui a trait à la programmation, certaines des propositions de la requérante ne lui semblent pas réalistes, notamment la réalisation d'environ 96 % des émissions à l'aide de bénévoles ainsi que les créations orales proposées limitées à seulement 20,9 %.
En conséquence et pour ces motifs, le Conseil a décidé de refuser les demandes déposées par la Coopérative des Montagnes Ltée en vue d'obtenir des licences visant l'exploitation de stations radiophoniques MF communautaires à Edmundston, Grand-Sault et Kedgwick. Par ailleurs, étant donné l'intérêt et la demande clairement exprimés pour le projet, le Conseil serait disposé à étudier toute demande qui serait déposée en vue de desservir la région susmentionnée et qui tiendrait compte des préoccupations énoncées dans la présente décision. Il invite donc la requérante et toutes les parties intéressées à se consulter et à examiner d'autres moyens de rationaliser leur approche quant à la prestation d'un service de radio de langue française adapté aux besoins des résidents du nord-ouest du Nouveau-Brunswick et aux ressources qui y sont disponibles, et qui tiendrait compte de l'impact que ce nouveau service pourrait avoir sur les services radiophoniques offerts par les titulaires en place.
Le Secrétaire général
Fernand Bélisle

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