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Ottawa, le 19 décembre 1984
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Décision Télécom CRTC 84-28
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Bell Canada - Majoration tarifaire générale
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Majoration tarifaire provisoire
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Le 4 septembre 1984, Bell Canada (Bell, la compagnie) a informé le Conseil de son intention de déposer une requête en majoration tarifaire générale le 4 juin 1985, en prévision d'une audience devant avoir lieu en septembre 1985 concernant des tarifs devant entrer en vigueur le 1er janvier 1986. En même temps, la compagnie a demandé au Conseil des majorations tarifaires provisoires devant prendre effet le 1er janvier 1985.
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Selon le projet de majorations provisoires de la compagnie, les tarifs applicables à divers services y compris le service local résidentiel et d'affaires et le service interurbain ainsi que la plupart des frais de service seraient majorés de 3,6 %. La compagnie prévoyait que les hausses provisoires proposées généreraient des recettes additionnelles de 117,6 millions de dollars du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1985, soit 2,2 % plus de revenus qu'elle pourrait espérer sans les augmentations proposées.
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Un avis envoyé aux abonnés conformément aux exigences des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications invitait les parties intéressées à formuler des observations sur les majorations tarifaires provisoires proposées, devant être recues par le Conseil le 19 octobre 1984 au plus tard et la réplique de Bell, le 26 octobre 1984 au plus tard. En réponse à cet avis, le Conseil a reçu 185 interventions de parties intéressées dont la Canadian Business Telecommunications Alliance, l'Association of Competitive Telecommunications Suppliers et de l'Association canadienne des fabricants d'équipement de bureau (collectivement appelées la CBTA et autres); la Fédération canadienne des travailleurs en communications (la FCTC); l'Association des consommateurs du Canada (l'ACC); la ville de Toronto (Toronto); les Télécommunications CNCP (le CNCP); le gouvernement de l'Ontario (l'Ontario); le gouvernement du Québec (le Québec); et l'Organisation nationale d'anti-pauvreté, Consumers Fight Back, l'Inuit Tapirisat du Canada, la Taqramiut Nipingat Inc. et la Wa-Wa-Ta Native Communications Society (collectivement appelés l'ONAP et autres).
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Position de Bell
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Dans sa requête, Bell a déclaré qu'elle désire non pas améliorer le taux de rendement de l'avoir moyen des détenteurs d'actions ordinaires (RAO), aux fins de la réglementation, mais bien obtenir des majorations provisoires afin d'améliorer suffisamment sa situation financière pour être en mesure d'obtenir, à des coûts raisonnables, les fonds requis pour remplir ses obligations de service jusqu'à l'audition de sa requête en majoration tarifaire générale. La compagnie a fait savoir que sans ces majorations provisoires, sa situation financière se détériorerait sensiblement en raison de retards inhabituels dans le traitement de sa requête en majoration tarifaire générale.
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La companie a déclaré qu'au cours de la période de récession, la baisse de la demande avait entraîné le ralentissement de ses activités. De plus, elle a indiqué que le programme de restrictions budgétaires du gouvernement fédéral limitait ses augmentations de prix, mais non celles des coûts, même si elle avait encore de considérables obligations de service à remplir. Bell a affirmé qu'elle avait donc dû instituer des mesures draconniennes de compression des coûts.
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Selon Bell, la demande a augmenté en 1983 et 1984, mais sans hausse correspondante des recettes contrairement à la pratique habituelle, et ce en grande partie à cause des effets de la concurrence. La compagnie a déclaré qu'en 1984 et 1985, elle s'attend à des gains nets pour ses services d'accès au réseau et à un résultat déficitaire au chapitre du nombre total de téléphones.
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Sans les majorations tarifaires, Bell prévoyait des recettes d'exploitation en 1985 de 5,3 milliards de dollars, soit 4,2 % de plus qu'en 1984.
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Elle estimait que les dépenses d'exploitation totales atteindraient 3,9 milliards de dollars en 1985, soit une hausse de 6,2 % par rapport à 1984, et ce, en se basant en partie sur un facteur d'inflation de 6 %.
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Bell prévoyait des dépenses en immobilisations de 1,5 milliard de dollars en 1985 lesquelles, avec sa dette qui doit venir à échéance au cours de cette période, révélaient la nécessité de mobiliser plus de 500 millions de dollars en 1985, par voie de financement externe, dont 50 % iront au remboursement de la dette qui vient à échéance.
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La compagnie a indiqué que, sans les majorations tarifaires provisoires, le rendement financier qu'elle prévoyait pour 1985 s'en trouverait sensiblement réduit. Notamment, son RAO et son coefficient de couverture de l'intérêt baisseraient à 12,6 % et 3,5 respectivement et son ratio d'endettement passerait à 47,5 %. En revanche, avec l'approbation des hausses sollicitées de 3,6 %, son RAO serait de 1,0 %, son coefficient de couverture de l'intérêt à 3,9 et son ratio d'endettement de 46,6 %, chiffres qui se rapprochent plus des résultats prévus pour 1984. La compagnie a affirmé que, compte tenu des examens effectués par les organismes de notation des obligations et des discussions avec ses preneurs fermes au Canada et aux États-Unis, sans les majorations provisoires actuellement demandées, il serait fort possible qu'il y ait abaissement de la cote.
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Bell a indiqué que Moody, un organisme américain de notation des obligations, avait abaissé sa cote de Aa1 à Aa2 à compter du 13 février 1984. Les éléments de preuve de Bell ont révélé en outre que, d'après un examen du rendement financier de Bell effectué par Moody, son rendement financier a été inférieur aux prévisions au cours des dernières années et que son amélioration graduelle plus récente ne sera pas suffisamment forte pour mériter la cote Aa1 d'autrefois.
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L'un des conseillers financiers externes de Bell, M. Robert H. Hanson de Merrill Lynch, Pierce, Fenner & Smith Incorporated, New York, a affirmé que, parce que les cotes des organismes américains de notation des obligations sont importantes aux yeux des investisseurs européens et américains, il est essentiel que Bell maintienne une cote financière forte pour lui ouvrir tous les marchés de capitaux. M. Hanson a fait valoir que, comme important consommateur de capitaux, Bell ne devrait pas dépendre exclusivement des marchés de capitaux canadiens pour satisfaire ses besoins et qu'une cote double A lui donnerait le genre d'accès aux capitaux dans les marchés mondiaux qu'une cote d'un seul A ne lui donnerait pas. De l'avis de M. Hanson, la cote double A serait considérablement menacée en l'absence des majorations tarifaires provisoires demandées et il a maintenu que la compagnie devrait atteindre un coefficient minimum de couverture de l'intérêt de 4,0 ou risquer un abaissement de sa cote par les organismes de notation des obligations.
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Bell a conclu que, sans les majorations tarifaires, la détérioration de ses indicateurs clés qui en résulterait, compromettrait grandement les projets de financement externes de la compagnie en 1985.
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Positions des intervenants
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Plusieurs intervenants ont fait valoir que Bell n'a pas réussi à prouver l'existence des circonstances spéciales énoncées dans la décision Télécom CRTC 80-7 du 25 avril 1980 intitulée Bell Canada, majoration tarifaire générale, Majoration tarifaire intérimaire (la décision 80-7) pour justifier l'approbation de majorations tarifaires provisoires. Plus particulièrement, Toronto a fait valoir que la compagnie n'a pas démontré que des majorations tarifaires provisoires sont nécessaires pour éviter une dégradation de sa cote de solvabilité nécessaire pour maintenir sa capacité d'attirer des capitaux. Affirmant que les majorations provisoires ne devraient être approuvées que s'il y a une nécessité économique urgente, la FCTC s'est dit ne pas être convaincue par la preuve d'une telle urgence. L'ACC a affirmé qu'on n'a nullement prouvé que l'absence de majorations provisoires imposerait un lourd fardeau aux actionnaires.
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Pour ce qui est du critère actuel du Conseil en particulier, l'ONAP et autres ont souligné que la compagnie n'avait ni affirmé que le critère est restrictif ni donné de raisons pour lesquelles ces restrictions devraient être assouplies.
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Nombre d'intervenants ont fait valoir que les majorations tarifaires provisoires ne devraient être approuvées que dans le cadre d'un processus public complet. L'ONAP et autres et l'ACC ont fait valoir l'importance d'une audience en bonne et due forme dans ce cas, plus précisément parce qu'il s'agit de la première requête en majoration tarifaire générale depuis la réorganisation de la compagnie. L'ACC a dit préférer ce genre d'audience pour permettre l'examen par le public des prévisions de Bell, notamment de ses dépenses en immobilisations. L'Ontario a recommandé que les majorations provisoires soient rejetées et que la date de l'audience concernant la demande en majoration tarifaire générale soit devancée au début de 1985. Si ces majorations provisoires étaient approuvées, cela signifierait, selon l'Ontario, approuver des tarifs définitifs puisqu'il est très difficile de faire des ajustements à des tarifs provisoires.
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Un certain nombre d'intervenants se sont opposés au niveau de 14 % du RAO que produiraient des majorations tarifaires de 3,6 %, faisant valoir que le RAO approuvé de Bell a traditionnellement été inférieur à celui de la Compagnie de téléphone de la Colombie-Britannique (la B.C. Tel). Celle-ci, dans la décision Télécom CRTC 84-16 du 20 juin 1984 intitulée Compagnie de téléphone de la Colombie-Britannique - Majoration tarifaire générale, Majoration tarifaire provisoire, a été autorisée à atteindre un RAO de 13,43 % pour l'année témoin 1984. La CBTA et autres ont ajouté qu'un niveau de 14 % serait excessif compte tenu de l'effet de la réorganisation de Bell qui prévoyait le transfert de placements non intégrés de Bell à Entreprises Bell Canada Inc. (EBC), diminuant ainsi le risque que représente Bell dans l'esprit des investisseurs.
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Les intervenants estimaient les indicateurs financiers de Bell à des niveaux raisonnables sans les majorations tarifaires provisoires. L'ACC a soutenu que, sans majoration, la couverture de l'intérêt et le ratio d'endettement de Bell seraient sensiblement les mêmes que ceux que la compagnie a connus jusqu'ici. De l'avis de la CBTA et autres, tout changement important dans la cote de Bell, même sans les majorations tarifaires, est peu probable, et l'inquiétude de Bell concernant la notation des obligations n'était donc pas fondée.
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Pour ce qui est des prévisions de dépenses d'exploitation de Bell, la CBTA et autres ont fait savoir que le facteur d'inflation de 6 % utilisé par la compagnie pour préparer ses prévisions de dépenses est supérieur de 1 % à la moyenne des prévisions d'inflation de six autres financiers.
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Le CNCP estimait que Bell a justifié la nécessité de majorations tarifaires provisoires. En outre, le CNCP a précisé que Bell aurait pu demander une hausse de 4 % de ses services concurrentiels sans compromettre sa position concurrentielle.
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Réplique de Bell
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Pour ce qui est des observations des intervenants concernant les circonstances spéciales, Bell, affirmant que ses éléments de preuve démontrent la sérieuse détérioration financière qui résulterait en 1985 d'un report de l'application des majorations tarifaires jusqu'en 1986, a conclu que sa requête satisfait au critère actuel et démontre clairement la nécessité de majorations provisoires en 1985 afin de maintenir la confiance des investisseurs.
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En réplique aux arguments selon lesquels un processus public complet est nécessaire avant d'approuver des majorations tarifaires, Bell a fait remarquer que cela exclurait les majorations tarifaires en 1985 et a soutenu que cela n'était, ni de fait ni de droit, justifiable. Pour ce qui est de la recommandation de l'Ontario voulant que la requête en majoration tarifaire provisoire soit rejetée et que la tenue de l'audience portant sur une majoration tarifaire générale soit refixée au début de 1985, Bell a fait valoir que, compte tenu du présent calendrier des audiences du Conseil, cela était impossible, et que l'approbation de majorations tarifaires provisoires est donc à la fois justifiée et constitue la seule solution pratique.
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Pour ce qui est des objections au niveau prévu du RAO de 14 % pour 1985 si sa requête était approuvée, Bell a énoncé la position de ses conseillers financiers externes selon laquelle un niveau de 14 à 15 % lui semble raisonnable dans les circonstances actuelles. Bell a qualifié de non valables les arguments des intervenants concernant la comparaison du niveau du RAO de Bell avec celui de la B.C. Tel, soutenant que les deux requêtes avaient été déposées à des époques et dans des circonstances différentes.
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En réplique aux arguments selon lesquels, sans les majorations tarifaires, ses indicateurs financiers demeureraient à des niveaux raisonnables, entraînant le maintien de sa notation des obligations, Bell a réitéré la recommandation de ses conseillers financiers selon laquelle un coefficient minimum de couverture de l'intérêt de 4,0 est actuellement requis pour permettre à la compagnie d'obtenir des capitaux extérieurs à des coûts raisonnables. Soulignant que, en dépit de résultats meilleurs en 1983, sa notation des obligations avait baissé, Bell a soutenu que, sans les majorations tarifaires provisoires, elle pourrait s'attendre à ce qu'elle tombe en dessous du niveau de 1981. Selon Bell, en 1985, il ne serait pas sage de s'attendre à ce que les organismes de notation des obligations ne tiennent pas comptent de cette détérioration. De plus, la compagnie prévoyait que lesdits organismes réagiraient très négativement aux indicateurs financiers prévus pour 1985 sans les majorations tarifaires provisoires.
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Conclusions
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La politique du Conseil en matière de majorations tarifaires provisoires, énoncée dans la décision 80-7, est la suivante:
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Le Conseil estime que, en principe, les majorations tarifaires générales ne devraient être
accordées qu'à la suite du processus public complet envisagé à la partie III de ses Règles de
procédure en matière de télécommunications. En l'absence d'un tel processus, les majorations
tarifaires générales ne devraient pas, selon le Conseil, être accordées même de façon
intérimaire sauf si le requérant peut démontrer qu'il s'agit de circonstances spéciales. Ce
pourrait être le cas, par exemple, si de longs délais dans le traitement d'une requête
entrainaient une dégradation sérieuse de la situation financière d'un requérant à moins d'une
majoration tarifaire intérimaire.
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Lorsqu'il a étudié le bien-fondé de la présente requête, le Conseil a tenu compte du fait qu'un an s'écoulera entre la date proposée d'entrée en vigueur du 1er janvier 1985 pour les majorations provisoires et celle qui est proposée, soit le 1er janvier 1986, pour tout changement tarifaire qui peut résulter de son étude de la requête en majoration tarifaire générale laquelle, en raison des contraintes de calendrier du Conseil, ne peut être entendue avant l'automne 1985. Le Conseil a aussi étudié l'effet de ce long retard sur les indicateurs financiers de la compagnie, en particulier sa couverture de l'intérêt et le niveau du RAO, dont la détérioration pourrait entraîner un autre abaissement de la notation des obligations de Bell par les organismes américains de notation des obligations, limitant ainsi l'accès de la compagnie à des marchés de capitaux étrangers.
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D'après les éléments de preuve produits à cette instance, le Conseil a conclu que, en l'absence de majorations tarifaires provisoires, Bell pourrait subir une sérieuse dégradation financière. Le Conseil estime donc que les circonstances spéciales décrites dans le critère énoncé dans la décison 80-7 existent et que des majorations tarifaires provisoires sont pertinentes.
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Le Conseil estime que, en principe, les majorations tarifaires générales ne devraient être
accordées qu'à la suite du processus public complet envisagé à la partie III de ses Règles de
procédure en matière de télécommunications. En l'absence d'un tel processus, les majorations
tarifaires générales ne devraient pas, selon le Conseil, être accordées même de façon
intérimaire sauf si le requérant peut démontrer qu'il s'agit de circonstances spéciales. Ce
pourrait être le cas, par exemple, si de longs délais dans le traitement d'une requête
entrainaient une dégradation sérieuse de la situation financière d'un requérant à moins d'une
majoration tarifaire intérimaire.
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Lorsqu'il a étudié le bien-fondé de la présente requête, le Conseil a tenu compte du fait qu'un an s'écoulera entre la date proposée d'entrée en vigueur du 1er janvier 1985 pour les majorations provisoires et celle qui est proposée, soit le 1er janvier 1986, pour tout changement tarifaire qui peut résulter de son étude de la requête en majoration tarifaire générale laquelle, en raison des contraintes de calendrier du Conseil, ne peut être entendue avant l'automne 1985. Le Conseil a aussi étudié l'effet de ce long retard sur les indicateurs financiers de la compagnie, en particulier sa couverture de l'intérêt et le niveau du RAO, dont la détérioration pourrait entraîner un autre abaissement de la notation des obligations de Bell par les organismes américains de notation des obligations, limitant ainsi l'accès de la compagnie à des marchés de capitaux étrangers.
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D'après les éléments de preuve produits à cette instance, le Conseil a conclu que, en l'absence de majorations tarifaires provisoires, Bell pourrait subir une sérieuse dégradation financière. Le Conseil estime donc que les circonstances spéciales décrites dans le critère énoncé dans la décison 80-7 existent et que des majorations tarifaires provisoires sont pertinentes.
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Dépôts de tarifs
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Le Conseil ordonne à Bell de déposer sans tarder des tarifs révisés, devant entrer en vigueur le 1er janvier 1985, aux fins de la mise en vigueur des tarifs approuvés dans la présente décision.
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La conseillère madame M. Coupal est en désaccord avec la présente décision parce qu'elle aurait préféré que l'on n'accorde pas à Bell de majorations tarifaires provisoires.
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Secrétaire général
Fernand Bélisle
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