Le bien commun par un réseau à large bande public : Réseau de fibre optique de la Ville de Calgary
Auteur : Katelyn Maureen Anderson
Université d’attache : Département des communications, des médias et des productions cinématographiques, Université de Calgary
Niveau d’études : Maîtrise ès arts – Études des communications et des médias
Résumé : Au cours des deux dernières décennies, la Ville de Calgary a mis en place un réseau municipal de fibre optique à large bande qui lui a permis d’économiser jusqu’à 20 millions de dollars par année et d’offrir davantage de choix aux organismes et aux entreprises de la communauté pour des services Internet. Ce projet de recherche considère que le réseau à large bande de Calgary est un exemple d’une solution de rechange à la structure dominante de la prestation de services Internet privés au Canada qui tient compte des biens publics associés au réseau public. Plutôt que de s’en remettre aux fournisseurs de services Internet titulaires, la Ville de Calgary exploite son propre réseau à large bande pour faciliter la prestation de services municipaux. De plus, la Ville loue la capacité excédentaire de son réseau, ce qui procure des avantages à l’écosystème local des télécommunications tout en générant des revenus pour la municipalité. Bien que l’accès à des services d’accès haute vitesse à large bande ait été nommé comme un service de base par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes à la fin de 2016 (CRTC, 2016), de nombreux Canadiens n’ont toujours pas accès à des services Internet, et ne peuvent donc pas participer aux aspects sociaux, économiques et politiques de la vie qui se déplacent de plus en plus en ligne. Dans un contexte où les politiciens, les régulateurs et les citoyens cherchent des façons de mettre en place un service Internet universel qui est abordable et de haute qualité, je présente l’infrastructure publique comme une voie potentielle pour améliorer l’accès. Cette étude de cas examine comment la Ville de Calgary a conceptualisé le réseau municipal le plus important au pays, l’a construit et l’exploite.
Mots clés : service Internet; fossés numériques; réseaux alternatifs; réseau à large bande municipal; infrastructure à large bande; Ville de Calgary
Introduction
Avec l’arrivée saluée de la technologie 5G – cette technologie sans fil de prochaine génération qui promet de relier les biens de consommation à Internet, qu’il s’agisse de voitures à conduite autonome ou de réfrigérateurs qui peuvent eux-mêmes commander du lait – il peut être facile d’oublier que beaucoup de gens n’ont même pas un accès de base à Internet. En 2020, « la moitié du monde n’était pas en ligne » (Commission sur le large bande des Nations Unies, 2020), ce qui signifie que 3,6 milliards de personnes n’ont toujours pas de connexion (Union internationale des télécommunications, 2020). Au Canada, seulement 39 % des habitants des régions rurales ont accès à une connexion Internet haute vitesse, par rapport à 96 % des habitants des centres urbains (Bureau du vérificateur général du Canada, 2018). Toutefois, le « fossé numérique » n’est pas seulement un problème de géographie. En effet, même quand l’infrastructure physique est en place, il existe encore des obstacles à l’accès, principalement en raison des coûts élevés de service, ce qui a un impact sur les communautés déjà marginalisées (CRTC, 2020a). Le fossé numérique, tant sur le plan géographique que sur celui de l’abordabilité, signifie que même si de nombreux Canadiens ont internalisé l’accès à une connectivité constante, à un tel point qu’une « désintoxication numérique » serait signe de richesse – car « il n’y a pas de déconnexion sans connexion » (Hesselberth, 2018) – des communautés vulnérables ont encore de la difficulté à avoir une connexion de base. En l’absence de l’accès à un service Internet abordable et fiable, bon nombre de personnes sont privées des occasions offertes par la connexion, et sont encore plus pénalisées puisqu’elles ne sont pas en mesure de s’acquitter de leurs obligations par le biais de services en ligne, même à une époque où les options de service en personne sont en train de disparaître.
La crise de la COVID-19 a exacerbé l’effet de ces fossés numériques, car les Canadiens ont de plus en plus transféré des aspects de leur vie en ligne. La réduction brutale des capacités à interagir « dans la vie réelle » a été dévastatrice pour beaucoup, mais les personnes et les familles sans Internet n’ont pas pu profiter de ce qui a été une bouée de sauvetage pour ceux qui y avaient accès. Les personnes déconnectées numériquement risquent de perdre des responsabilités et des occasions professionnelles et éducatives, d’avoir plus de difficulté à avoir accès à des soins de santé et à de l’information, ainsi qu’à des services gouvernementaux et sociaux, en plus d’être exposées à un risque accru d’isolement, car Internet est devenu la façon principale de rester en contact avec ses amis, sa famille et ses pairs pendant cette période sans précédent. Ne pas pouvoir accéder à Internet peut avoir un effet débilitant sur la vie économique, éducative, sociale et politique d’une personne (Blanton, 2013; Haight et coll., 2014).
Cette recherche explore une voie pour réduire les fossés numériques : des municipalités qui construisent et exploitent leur propre infrastructure Internet. Je me concentre sur un modèle alternatif de service Internet dans l’un des plus grands centres urbains du Canada, la Ville de Calgary. Le projet ConnectTO de la Ville de Toronto, approuvé par son conseil municipal en février 2021, témoigne d’un regain d’intérêt pour le rôle que les gouvernements locaux peuvent jouer dans la fourniture d’un service universel. Le réseau « aidera à garantir que des Torontois ne sont pas laissés pour compte en raison du prix élevé d’un service Internet fiable… Combler ce fossé numérique croissant aide les résidents les plus vulnérables et les plus marginalisés de Toronto à accéder aux ressources et aux services essentiels » (Ville de Toronto, 2021). La décision de Toronto d’élargir son réseau interne et d’offrir les services de gros fait écho au réseau municipal de fibre optique que la Ville de Calgary a construit au cours des deux dernières décennies, et qui est le sujet du présent document. Les conseillers municipaux de Toronto ont fait part de leur motivation à mettre en place un réseau municipal pour accroître l’accès Internet au sein de leur municipalité, ce qui offre un contexte favorable à l’examen de ce qui a été réalisé à Calgary, et à l’étude de la manière dont le réseau albertain pourrait être utilisé à l’avenir.
Bourse d’études sur la large bande municipale
Une grande partie de la bourse d’études actuelle sur la large bande municipale met en évidence les avantages sociaux et économiques dont jouissent les communautés qui ont un accès à haute vitesse fiable et abordable. L’accès universel à Internet est considéré presque partout dans le monde comme étant une infrastructure civile essentielle, et de plus en plus de municipalités démontrent qu’il est à la fois possible et rentable de déployer une infrastructure de télécommunication comme un service public. Dans le but de garantir un accès universel, certaines communautés se sont tournées vers des modèles publics, plutôt que de se contenter d’attendre que des fournisseurs de services Internet privés existants viennent à la rescousse. Les communautés qui souhaitent construire un réseau public utilisent souvent un cadre de biens publics, en faisant valoir qu’un service à large bande abordable et à haute vitesse devrait être considéré comme un service public de base (McLeod, 2020; Liem, 2014). Les municipalités qui ont réussi à mettre en place et à exploiter des réseaux à large bande soulignent l’impact positif sur l’économie, ainsi que des améliorations en ce qui concerne l’éducation, la prestation de soins de santé et le renforcement de la communauté locale (Crawford et Mohr, 2013; Lobo, 2015; Talbot, 2017). Les réseaux municipaux posent un défi direct au modèle à but lucratif existant, qui est dominé par quelques fournisseurs de services de télécommunication titulaires dans la plupart des régions. Étant donné que les municipalités déploient et exploitent déjà de grands projets d’infrastructure, y compris les réseaux d’eaux pluviales ou d’eaux usées, les réseaux électriques, les systèmes de transport en commun et les routes, elles sont bien positionnées pour mettre à profit tant leur expérience que leurs infrastructures existantes pour construire et exploiter leurs propres réseaux de télécommunication (Sadowski et coll., 2009). Les gouvernements urbains sont dans une position unique pour bénéficier grandement des économies de gamme en devenant davantage intégrés verticalement, comme ils peuvent tirer parti de leurs frais généraux fixes pour construire l’infrastructure à large bande. Pour que les opérateurs de réseau privé puissent construire des installations, ils doivent avoir d’importants capitaux, et être en mesure de prendre des risques, en raison des coûts irrécupérables et fixes considérables déjà assumés par les municipalités, et qui agissent comme obstacle à l’entrée pour les petits fournisseurs ainsi que les titulaires qui cherchent à élargir ou à améliorer leur réseau.
Alors que les personnes qui vivent dans les zones rurales sont plus susceptibles de se trouver du mauvais côté du fossé numérique géographique, l’abordabilité peut être un obstacle important à l’accès même dans les endroits où l’infrastructure est techniquement disponible ((Blanton, 2013; Haight et coll., 2014). Le discours sur l’accès universel a eu tendance à se concentrer sur le « dernier kilomètre », et les régulateurs ont supposé que les « problèmes de connectivité à large bande sont principalement une préoccupation rurale, car les " forces du marché " devraient être suffisantes pour offrir des services de qualité acceptable dans les régions urbaines. Toutefois, même dans les grandes villes où les coûts sont faibles et les revenus sont élevés, les mesures incitatives aux fournisseurs d’investir dans des améliorations de capacité et dans des réseaux de fibre optique évolutifs peuvent être limitées » (Rajabiun et McKelvey, 2019). Bien qu’on y trouve de plus fortes densités, qu’on associe souvent à la pénétration de la large bande, les résidents dans les centres-villes (Koch, 2018) ou les résidents urbains à faible revenu (CRTC, 2019) sont souvent confrontés à des inégalités quant à l’accès au service à large bande. Les personnes à faible revenu ont tendance à consacrer un pourcentage plus élevé de leurs revenus aux services à large bande (Hudson, 2010; Gonzales, 2016; CRTC, 2019).
La plupart des articles récents portent sur des études de cas de municipalités qui ont construit leur propre réseau à large bande ou leur propre réseau Wi-Fi (Crawford et Mohr, 2013; Hudson, 2010; Morisson et Bevilacqua, 2018; Middleton et Crow, 2008; Sadowski et coll., 2009). La ville de Chattanooga, une ville de taille moyenne du Tennessee, a été le premier fournisseur de services Internet du pays à lancer un réseau résidentiel d’un gigabit par seconde lors de sa mise en œuvre en 2010 (Morisson et Bevilacqua, 2018). On a attribué à l’infrastructure, gérée par le fournisseur électrique municipal, le mérite d’avoir injecté de la vie dans la communauté, et d’avoir entraîné une économie du savoir florissante (Wyatt, 2014; Rushe, 2014), une augmentation importante de la population (United States Census Bureau, 2020) et une croissance économique (Pare, 2018). Dans de nombreuses communautés américaines qui ont réussi à mettre en place et à exploiter des réseaux municipaux, une caractéristique quasi omniprésente est que l’initiative a été menée par un service public d’électricité existant (Mitchell, 2012). Les municipalités sont en mesure « de tirer parti des économies d’échelle et de gamme réalisées à l’interne en reliant différents sites d’institutions semi-publiques et en exigeant seulement des investissements supplémentaires pour élargir la prestation de services à l’externe » (Sadowski et coll., 2009). Les municipalités peuvent tirer parti de leur expérience en matière d’exploitation de projets d’infrastructure à grande échelle d’une façon qui ne serait pas possible pour d’autres concurrents éventuels aux fournisseurs de services de télécommunication titulaires. De plus, une grande partie des coûts fixes nécessaires inhérents à la fourniture de services civiques, ainsi que les servitudes existantes, peuvent servir de levier pour favoriser des économies qui ne pourraient pas être égalées par des sociétés privées (Bar et Park, 2006; Koch, 2018).
Méthodologie
Pour ce projet de recherche, j’ai choisi d’effectuer une analyse qualitative, ou plus précisément, une étude de cas non expérimentale. Bien que les études de cas ne permettent pas d’établir des relations directes de cause à effet, elles peuvent permettre une compréhension détaillée des événements ou des projets précis (Seale, 2012). Dans le cadre de l’établissement d’un cadre pour explorer mes questions de recherche centrales – « Le réseau à large bande de Calgary est-il une solution de rechange possible à la structure dominante de prestation de services Internet privés » et « Quel bien public, le cas échéant, découle du réseau public » – je me suis concentrée sur quelques grands thèmes pour analyser les entrevues et les documents primaires : Comment le réseau a-t-il été imaginé ou créé? Quels sont les problèmes du cadre existant? Quel soutien est apporté par l’état, ou quel usage fait-on de l’infrastructure ou des fonds publics existants? Y a-t-il un partage de connaissances entre les communautés? Quelle utilisation fait-on du réseau, et quel est l’impact du réseau?
Pour commencer, je me suis appuyée sur des documents primaires pour éclairer cette recherche, y compris des renseignements commerciaux, des procès-verbaux de réunion, et des documents de politique de la municipalité, ainsi que des renseignements provinciaux et fédéraux supplémentaires. La plus grande source primaire d’information prise en compte pour ce projet était la stratégie d’infrastructure de fibre optique de la Ville de Calgary. La stratégie décrit clairement l’état de l’infrastructure de fibre optique appartenant à la Ville, comprend une analyse détaillée pour expliquer comment et pourquoi les municipalités ont un rôle à jouer dans l’infrastructure des télécommunications ainsi qu’une étude des politiques connexes, et formule des recommandations à adopter par la Ville. Pour compléter la recherche effectuée à partir des documents primaires, j’ai également mené une entrevue semi-structurée avec une personne qui a joué un rôle clé dans la création et l’exploitation continue de l’infrastructure municipale au cours des deux dernières décennies, le planificateur principal du réseau de fibre optique de la Ville de Calgary. Les entrevues permettent de se faire une idée des attitudes, des comportements, des opinions, des sentiments et des connaissances des personnes concernées (Wengraf, 2001). Bien que ses idées aient été grandement bénéfiques et qu’elles ont mené à des conclusions inattendues, la portée de cette étude est limitée par le fait qu’elle ne s’appuie que sur les expériences d’une seule personne interrogée. Un projet de recherche élargi gagnerait à mobiliser des membres de la communauté, afin de comprendre comment l’infrastructure est utilisée tant au sein de la municipalité que dans la communauté au sens large, et d’évaluer l’impact qu’elle a sur les citoyens.
Étude de cas : Réseau de la Ville de Calgary
La Ville de Calgary offre une étude de cas convaincante, à la fois en raison de l’infrastructure de télécommunication existante et de la promotion réglementaire de la municipalité aux échelles nationale et provinciale quant au chevauchement croissant des infrastructures de télécommunication et des infrastructures municipales. Certains constructeurs de réseaux ruraux indiquent être motivés par un manque d’options de services abordables de qualité (McLeod, 2020; Liem, 2014), mais on met moins l’accent sur la volonté de contrôler sa propre infrastructure et ses propres données (Valleau, 2019; Internet Society, 2020), ou sur l’inspiration à décentraliser le Web (NYC Mesh, 2020). Les études de cas des réseaux urbains, comme celui de la Ville de Calgary, font la lumière sur l’abordabilité, le contrôle de l’infrastructure et les conflits de compétence qui existent entre la politique fédérale et les réalités locales.
À l’échelle du pays, les Canadiens qui font partie des 20 % des ménages ayant les revenus les plus faibles dépensent près de 10 % de leurs revenus pour les services de communication (CRTC, 2019a). Bien que les données sur les dépenses en communication propres à Calgary ne soient pas disponibles, en janvier 2020, la municipalité avait le troisième taux de chômage le plus élevé parmi les villes canadiennes, un chiffre qui s’est amélioré après avoir été le deuxième plus élevé en 2018, et le plus élevé en 2017 et en 2016 (Statistique Canada, 2020), alors que la ville peine à se remettre d’une récession provinciale qui a commencé en 2014 (Lucas et Tombe, 2019). Selon l’organisme sans but lucratif Vibrant Communities Calgary, plus de 120 000 Calgariens vivent dans la pauvreté (2019). Des groupes déjà marginalisés sont surreprésentés dans les données démographiques sur la pauvreté dans la ville, y compris les personnes qui se définissent comme des immigrants, les femmes, les ménages monoparentaux, les personnes âgées, les personnes vivant avec un handicap et les Autochtones (Eremenko, 2018). Un autre défi à l’abordabilité dans la ville est que, selon le CRTC, les Albertains urbains dépensent plus d’argent pour les services de communication que leurs homologues partout ailleurs au pays ((2019a, infographie 1.6).
La Ville de Calgary repousse les limites du rôle que les municipalités urbaines peuvent jouer dans le domaine des infrastructures de télécommunication, principalement en construisant son propre réseau de fibre optique. La portée de la prestation de services de la corporation municipale est vaste, et comprend la gestion de l’approvisionnement en eau de Calgary, le contrôle des feux de circulation et des horaires de train, la prestation de services d’intervention d’urgence (y compris les services de police et d’incendie), ainsi que l’évaluation et la perception des impôts fonciers, qui s’accompagnent tous de besoins importants en matière de connectivité. Bien que certaines villes disposent d’une partie de leur propre infrastructure de télécommunication, la majorité des municipalités comptent principalement sur des services de location offerts par de gros fournisseurs de services Internet pour fournir les services municipaux et soutenir leurs activités. En possédant et en exploitant son propre réseau de fibre optique, Calgary agit comme son propre fournisseur de services, ce qui permet de réduire les coûts et de simplifier les activités d’exploitation. En plus de l’utilisation interne, Calgary exploite la capacité supplémentaire du réseau, en louant la « fibre noire » non utilisée par la Ville aux tiers, y compris les entreprises, les partenaires civiques et les organismes sans but lucratif (Ville de Calgary, 2020b). Cet accès de gros est offert aux organisations qui ont l’équipement et l’expertise d’utiliser l’infrastructure de fibre optique, plutôt que de payer la Ville pour qu’elle fournisse le service – la Ville loue les torons de fibre plutôt que d’agir comme fournisseur de services Internet.
Les débuts du réseau
La première installation de fibre optique de la Ville a été effectuée par l’unité opérationnelle Water Services à la fin des années 1990. Plutôt que d’envisager un réseau global, ou inspiré par des visions de service au public, la construction répondait aux propres besoins de l’unité. Ce type d’approche qui consiste à utiliser des bouts de fibre à des fins précises est courant dans les villes canadiennes. L’expérience de la Ville en matière d’infrastructure appartenant à la municipalité et exploitée par elle est également liée à un autre service public : l’électricité. Le marché de l’énergie de l’Alberta est inhabituel au Canada, car on y trouve un marché de l’électricité concurrentiel dominé par un mélange de services appartenant à des investisseurs et de services publics municipaux, y compris Enmax (Hale et Bartlett, 2019; p. 264). Les nuances de l’histoire de la réglementation de l’énergie en Alberta dépassent la portée du présent document, mais il suffit de noter que pendant la vague de déréglementation dans la province au milieu des années 1990, l’industrie des services d’électricité de l’Alberta a subi une restructuration majeure dans le but de réduire considérablement les coûts et de simplifier les tâches administratives (Low, 2009), ce qui a entraîné la création d’Enmax et a eu des conséquences sur l’infrastructure de fibre optique de la ville. En 1995, « la Electric Utilities Act a créé un ensemble de production électrique concurrentiel d’accès ouvert pour échanger l’électricité comme marchandise [ce qui a permis aux Albertains] de choisir auprès de qui ils achètent leur électricité » (Enmax, 2020). Le conseil municipal de Calgary a approuvé peu après la création d’Enmax, une filiale en propriété exclusive de la municipalité (Ville de Calgary, 2015a; Enmax, 2020). Lors de la création d’Enmax en janvier 1998, les actifs de fibre optique de la Ville ont été transférés à la nouvelle entreprise pour 750 000 $ (Ville de Calgary, 2015a). Dans le cadre de l’entente, la Fibre Optics Agreement with Respect to Ownership and Rights of Use, la Ville a obtenu la garantie d’un accès gratuit jusqu’en 2003, après quoi Enmax louerait les fibres à la Ville à la « juste valeur du marché » (Ville de Calgary, 2015a, p. 7). La division des communications d’Enmax, qui exploitait cette fibre, s’appelait Envision. Le fournisseur n’offrait aucun service résidentiel, mais vendait plutôt de la connectivité directement aux entreprises, proposant des services Intranet à haute vitesse, des réseaux privés virtuels et des services d’interaction. Envision, encore une filiale appartenant à la Ville, a été vendue à Shaw en 2013.
En 2002, un comité directeur a été formé pour jeter les bases du réseau de fibre optique actuel de Calgary (Basto, 2020). Le comité directeur Fibre Cable Duct and Wireless (FCDW) a été créé pour « assurer la gouvernance des besoins en infrastructure immédiats et à long terme de la Ville de façon coordonnée » (Ville de Calgary, 2015a, p. 7). Le comité était une réponse partielle à une opinion que la Ville payait trop cher la fibre optique, et l’idée de créer un réseau municipal a fait son chemin (Basto, 2020). Dans un document de 2015 qui décrit la stratégie actuelle pour l’infrastructure de fibre optique de Calgary, la création initiale du comité a été décrite comme un « geste audacieux en présence d’Enmax Envision » (p. 8) qui continuait également à bâtir un réseau de fibre optique dans la ville. Toutefois, « la stratégie a été rapidement validée, car les demandes de fibre optique ont augmenté peu de temps après et l’évitement des coûts a été considérable » (2015a, p. 8). Le comité comprenait des directeurs des services de transport, des routes, de l’infrastructure de transport, des services d’eau et des technologies de l’information (Ville de Calgary, 2015a; p. 7), ainsi que David Basto qui deviendrait rapidement le planificateur principal du réseau de fibre optique de la Ville, un rôle qu’il occupe encore. J’ai interviewé M. Basto pour ce projet de recherche en octobre 2020. Il attribue la vision à John Hubbell, qui était alors le directeur des services de transport, et compare la création d’un réseau de télécommunications aux réseaux existants : « La fibre optique, c’est comme l’infrastructure de transport, mais pour l’information » (2020). Pour financer le projet au départ, le comité disposait des 750 000 $ provenant de la vente de la fibre optique de la Ville à Enmax, qui seraient utilisés pour « démarrer l’installation de fibre optique de la Ville » (Ville de Calgary, 2015a, p. 8). Dans un document de notes d’une réunion du comité de janvier 2003 (leur quatrième réunion, la plus ancienne que j’ai pu trouver avec l’aide de M. Basto), le comité discutait de la planification du remplacement de toutes les fibres optiques louées à Enmax (2003, article 14.1), créait une carte pour les « besoins futurs en matière de fibre optique des unités opérationnelles de la ville » (2003) et réfléchissait à un nom et à un logo pour le « réseau communautaire » (2003, articles 14.5 et 14.6). En 2005, une équipe chargée de la fibre optique, composée d’environ 10 personnes, a commencé à planifier un réseau repensé. Après cinq ans, en 2010, les travaux de construction du réseau ont commencé.
L’avantage albertain?
Avec l’émergence d’Internet dans les foyers dans les années 1990, le gouvernement fédéral s’est interrogé sur la meilleure façon de tirer parti de l’explosion du World Wide Web, et a lancé plusieurs enquêtes fédérales, dont le Comité consultatif sur l’autoroute de l’information au milieu des années 1990 et le Groupe de travail national sur les services à large bande en 2001 (Gouvernement du Canada, 2004; Mitchell, 2003; Groupe de travail national sur les services à large bande, 2001). Les Albertains, toutefois, ne se sont pas contentés d’attendre que le gouvernement fédéral fasse quelque chose, et en 2000, la province a annoncé qu’elle construirait le SuperNet, un réseau Internet à fibre optique provincial d’accès ouvert (Gouvernement de l’Alberta; s.d.; Kozak, 2014). Quand il a été terminé en 2005, le SuperNet avait des points de présence dans 429 communautés, y compris 4 200 écoles, bibliothèques, hôpitaux et bureaux gouvernementaux (Taylor Warwick Consulting Limited, 2016). Ce que le SuperNet n’a pas fait, c’est s’étendre du point principal dans la communauté à chaque foyer. Ce que l’on appelle le « dernier kilomètre » devait être bâti par des fournisseurs de services Internet privés ou par les communautés elles-mêmes. Ce modèle commercial de dernière étape a permis une concurrence entre différentes entreprises – une solution commerciale qui était perçue par plusieurs comme étant avantageuse. En tant que partenariat public-privé, le réseau Internet de base appartenait à la province, mais était exploité par des entreprises privées (Service Alberta, 2020). Comme il s’agit du seul réseau Internet de base provincial au Canada, on pourrait s’attendre à trouver des prix plus bas pour les services Internet filaires en Alberta; toutefois, les prix sont semblables, ou même plus élevés, que dans des provinces comparables (CRTC, 2019a). Les taux de pénétration dans la province sont également semblables à ceux des autres provinces (CRTC, 2019a), et les données de mesure de la vitesse montrent que la province accuse un retard par rapport aux autres provinces, qui ont des niveaux de concurrence plus élevés dans le secteur à large bande (Rajabiun et McKelvey, 2019; CRTC, 2019a).
SuperNet dans la Ville
Malgré le fait que la Ville de Calgary soit dans la position unique d’être l’un des deux grands centres urbains capables de profiter de l’infrastructure de transit Internet, le SuperNet ne joue pas un rôle dans le réseau de la Ville et ne l’a jamais fait (Basto, 2020). Au milieu des années 2000, un débat a eu lieu pour savoir si et, le cas échéant, comment la Ville allait mettre en œuvre le SuperNet pour offrir des services, ou si elle allait construire son propre réseau. Une partie de l’incertitude liée à l’utilisation de SuperNet pour les activités municipales comprenait des éléments inconnus quant au type de réseau qu’il serait et sur sa performance – surtout qu’on envisageait de l’utiliser pour des opérations essentielles à la mission comme le réseau de train léger sur rail de la Ville – et quant à la façon dont les ententes sur les niveaux de service fonctionneraient de façon générale (Basto, 2020). Dans l’ensemble, bien que le SuperNet ait été une « grande vision » qui a eu des retombées positives pour la connectivité des établissements d’enseignement, il a été un « désastre d’un point de vue d’investissement », a dit M. Basto (2020). Le gouvernement de l’Alberta a investi un montant considérable dans le SuperNet, mais a cédé la majorité des droits de propriété sur l’infrastructure dans des contrats d’exploitation ultérieurs. Par conséquent, pour utiliser le réseau aujourd’hui, la province « paie des montants énormes – quelque chose qu’elle a déjà payé » (Basto, 2020). C’est une différence marquée par rapport à la stratégie de la Ville de Calgary : un principe de base dès le départ était que les premiers investissements seraient rentabilisés au fil du temps, ce qui permettrait à la Ville de ne plus jamais avoir à acheter sa propre fibre optique (Basto, 2020). La question de la propriété du réseau a été au cœur de la stratégie de Calgary : « Si vous voulez contrôler votre réseau, vous devriez en être le propriétaire » (Basto, 2020). La leçon concernant la propriété est une leçon que Calgary a déjà eue – à la fin des années 1990, avec la vente de ses actifs de fibre optique municipale à Envision, ce qui a eu pour conséquence pour la municipalité, notamment, la perte ses anciennes options de location de fibre optique.
Réseau 2.0
Au printemps 2013, une crue centenaire est survenue à Calgary, ce qui a forcé l’évacuation de près d’un dixième de ses résidents de leur maison (IBI Group, 2015). Au fur et à mesure que les eaux montaient, certaines parties du réseau interne de la Ville ont commencé à tomber en panne à cause de l’équipement endommagé, et il est devenu évident que l’ensemble du réseau serait bientôt hors service (Basto, 2020). L’équipe chargée de la fibre optique était en train de construire un réseau parallèle qu’elle avait planifié pendant des années, et en était aux dernières étapes. Elle venait de mettre en place tout le matériel du réseau et était sur le point d’entamer la phase de test, qui devait durer six mois selon ses prévisions. « Ensuite, les inondations sont survenues » (Basto, 2020). Cette nuit-là, confrontée à la montée des eaux et à un réseau hors service, avec peu d’autres options, l’équipe a décidé de faire la migration vers le réseau non testé. Bien que la Ville planifiait un nouveau réseau repensé depuis 2005, et a commencé sa construction en 2010 (Basto, 2020), il n’était pas prévu de déployer le réseau aussi rapidement. Toutefois, aux prises avec la catastrophe naturelle, le passage au tout nouveau réseau parallèle offrait une option à haut risque et à haut rendement qui a permis d’atténuer certaines des répercussions des inondations sur l’infrastructure de la ville en rétablissant le service de certains services municipaux essentiels. Étant donné que la Ville était propriétaire de l’infrastructure, elle avait la souplesse de configurer ses réseaux et de les remettre en ligne rapidement, ce qu’un réseau titulaire n’aurait pas été en mesure de faire (Basto, 2020). L’un des grands avantages d’une infrastructure de fibre optique municipale est la flexibilité qu’elle offre, ce qui favorise des temps de réponse rapide pour maintenir les réseaux d’urgence opérationnels pendant une catastrophe.
La mise en œuvre du réseau repensé en 2013 comprenait des anneaux MPLS, ou la commutation multiprotocole par étiquette, qui ajoutent de la redondance. En cas de panne d’un site, comme celle qu’a connue la ville lors des inondations de 2013, le réseau peut continuer à fonctionner. Alors que l’ancien réseau de la Ville avait un cœur situé à l’hôtel de ville, qui a été inondé, le nouveau réseau a plusieurs anneaux avec des cœurs à différents emplacements (Basto, 2020). En ayant un cadre global pour le réseau de la Ville, on peut bien gérer les efficacités du système.
1997 | La Ville construit sa première infrastructure de fibre optique. L’unité opérationnelle Water Services construit un réseau interne. |
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1998 | La société Enmax, un service d’électricité, est établie comme filiale de la Ville de Calgary. La nouvelle entité achète la fibre existante de la ville, ce qui mène à la création d’Envision, la branche de communication des services publics. |
2001 | L’administration de la ville, dirigée par le directeur des services de transport de Calgary de l’époque, constitue un comité directeur pour discuter de l’infrastructure de fibre optique municipale. Le leadership est approprié : « La fibre optique, c’est comme l’infrastructure de transport, mais pour l’information » (Basto, 2020). |
2001 à ce jour | Mise à profit de projets d’immobilisations pour construire une infrastructure de fibre optique, en commençant par le déploiement de la fibre le long de la ligne de train léger sur rail en 2001. |
2010 | La construction commence pour Calgary City Net (CCN), le réseau repensé. |
2013 | La Ville met en œuvre le réseau repensé. L’architecture résiliente de commutation multiprotocole par étiquette (MPLS) comporte de multiples redondances pour éviter toute interruption des services municipaux essentiels. |
2013 | L’exploitant de fibre optique Envision, propriété de la Ville mais filiale à part entière, est vendu à Shaw. L’accord met fin aux possibilités de la Ville de louer de la fibre à Envision/SHAW. La Ville commence à planifier la construction de fibre supplémentaire sur tous les sites de la ville qui dépendent encore de la fibre Envision/SHAW. À ce moment, moins de 2 % des installations de la Ville dépendaient encore de la fibre Envision/Shaw. |
2014 | On lance le réseau de gros. La Ville loue la capacité excédentaire de son réseau de fibre à une organisation à l’extérieure de la ville pour la première fois. |
2015 | La stratégie pour l’infrastructure de fibre optique, le cadre pour la croissance et l’exploitation de l’infrastructure de fibre optique de la Ville, est approuvée par le conseil. Fait important, la stratégie s’accompagne d’un financement : une injonction de 18 millions de dollars en fonds d’immobilisations sur trois ans, de 2015 à 2018. Le document fondateur oriente la prise de décisions jusqu’à maintenant, et des mises à jour sont apportées tous les ans. |
2018 | Malgré le succès du projet à ce jour, des coupes budgétaires à l’échelle de la Ville entraînent une diminution considérable du budget d’immobilisations de l’équipe chargée de la fibre optique sur les trois années suivantes, de 2019 à 2022. Alors que le financement était initialement prévu à 4 millions de dollars pour la période, il est révisé à 8 millions de dollars . |
2019 | Les revenus gagnés de la location de la capacité excédentaire atteignent 1 million de dollars, bien au-delà des attentes établies en 2015. |
2020 | Les économies réalisées grâce au projet atteignent 20 millions de dollars par an. Le chiffre est calculé en fonction de la fibre que la Ville utilise aux taux qu’elle payait auparavant à Enmax. |
Source : Basto, 2020; Ville de Calgary, 2015, 2018, 2020b.
Le vaste réseau de fibre optique de la Ville de Calgary relie les différentes unités opérationnelles de la Ville, met en réseau les immeubles de bureaux appartenant à la Ville, dessert le réseau de feux de circulation et fournit l’accès Internet aux policiers pour les services traditionnels, ainsi que pour les applications plus récentes, comme la diffusion des séquences vidéo des caméras corporelles (Ville de Calgary, 2020b). À l’interne, la municipalité utilise l’infrastructure de fibre optique pour déployer 24 réseaux différents, dont « des réseaux essentiels à la mission, comme les services 911, le système d’acquisition et de contrôle des données (SCADA) de Water Services, les systèmes de transport intelligents ainsi que le réseau opérationnel essentiel qui transporte toutes les applications, les courriels, les lecteurs partagés et le trafic Internet de la Ville » (Ville de Calgary, 2015a). Ces réseaux sont d’une grande diversité; le réseau qui gère l’eau potable pour la ville a des exigences différentes de celles du réseau qui assure l’exploitation du système de train léger sur rail (Ville de Calgary, 2020b). Le Calgary City Net est le plus grand réseau de la Ville, et le plus résilient, qui fournit une bande passante élevée, de la redondance et de la sécurité pour les unités opérationnelles (Ville de Calgary, 2020b, p. 4). À la fin de 2019, le réseau desservait près de 700 installations et actifs (Ville de Calgary, 2020b), y compris des feux de circulation, des contrôleurs de transport en commun et des bureaux éloignés.
Réseau de fibre noire de gros de Calgary
La Ville de Calgary loue de l’espace sur son réseau de fibre (Ville de Calgary, 2020a). En s’appuyant sur un modèle de vente en gros, la Ville ne fournit pas elle-même de services Internet, mais vend la fibre aux organisations qui ont le savoir-faire technique et l’équipement pour utiliser la fibre de la ville pour accéder à Internet ou pour leurs propres réseaux internes. Sur les brins de fibre actifs de la ville, environ un dixième est loué à des tiers (Basto, 2020). Dans le cadre du déploiement de son réseau de transport par fibre optique pour les services municipaux, la Ville en a profité pour installer une capacité excédentaire, ce qui est relativement peu coûteux. Cette « fibre noire » – appelée ainsi, car les données sont transmises sur les câbles de fibre optique par des ondes lumineuses et que la fibre non utilisée est noire – peut ensuite être louée (Ville de Calgary, 2020a). Des organisations, y compris les bibliothèques publiques de Calgary, l’Université de Calgary et Cybera (le réseau de recherche et d’éducation de l’Alberta), ainsi que les conseils scolaires, les fournisseurs de soins de santé, les entreprises commerciales locatrices, et même des fournisseurs de services Internet existants utilisent les installations de la Ville. Il n’y a pas de discrimination basée sur qui utilise le réseau ou à quelles fins (Ville de Calgary, 2020a). À l’heure actuelle, l’objectif déclaré est de connecter toutes les communautés de Calgary, bien qu’il ne soit pas prévu de devenir un fournisseur de services ou d’installer la fibre optique jusqu’aux locaux des abonnés. Même sans la fourniture de services de détail, il y a un marché important pour les clients de gros. En offrant de la fibre de gros à prix abordable, la Ville peut stimuler l’économie en appuyant les entreprises locales tout en « récupérant les investissements initiaux de la construction et de l’installation » (Ville de Calgary, 2015a; p. 13).
Bien que la vente de fibre noire ne soit pas réglementée, la municipalité a décidé de s’inscrire auprès du CRTC en tant qu’entreprise non dominante (Ville de Calgary, 2015a, 2015b). La municipalité est ainsi classée comme un fournisseur de services doté d’installations, tout en ayant différentes obligations réglementaires que celles des fournisseurs de services Internet dominants classés comme entreprises de services locaux titulaires, entre autres. La Ville de Calgary considère notamment que les municipalités peuvent jouer un rôle en offrant un accès ouvert de gros à des tarifs équitables, tout en préconisant qu’elles ne doivent pas être soumises au même niveau de réglementation que leurs homologues privés (Ville de Calgary, 2015b). Elle fait valoir que le rôle principal des municipalités est de fournir des services municipaux, et que la construction d’un réseau a des retombées positives; par conséquent, le gouvernement, ou les vendeurs de gros de large bande non dominants sont pénalisés lorsqu’ils sont assujettis à des règlements conçus pour les entreprises de télécommunications titulaires. La classification d’entreprise non dominante ajoute du poids à l’engagement de la Ville quant à la politique des infrastructures de télécommunication au niveau fédéral. La municipalité a participé à l’audience de l’organisme national de réglementation sur l’examen des services de gros et des politiques connexes, remettant en question les politiques aux niveaux provincial et fédéral (Bendfeld, 2014; CRTC, 2014; Ville de Calgary, 2015b), et a soumis des recommandations sur l’avenir de la législation canadienne sur les communications (Ville de Calgary, 2019a), l’une des seules municipalités à le faire (Gouvernement du Canada, 2019). Selon les représentants de la Ville de Calgary, un des thèmes principaux de leur plaidoyer est d’apporter leur contribution à l’élaboration « des politiques qui ne sont pas seulement axées sur le marché, mais qui ont une perspective de bien public » (Basto, 2020) et de plaider pour une politique de télécommunications qui tient compte des besoins uniques et des enjeux de compétence des municipalités.
Politique de l’hôtel de ville en matière d’infrastructure de fibre optique
En septembre 2015, le conseil municipal a approuvé à l’unanimité la stratégie pour l’infrastructure de fibre optique, un document qui a orienté toutes les politiques successives de la Ville en ce qui concerne le réseau. Une mise à jour de la stratégie est présentée chaque année au conseil municipal aux fins d’approbation, mais les principes du document de la stratégie globale de 2015 demeurent intacts. Le document soulignait quatre principaux défis à relever : gérer les servitudes de la Ville, accroître les économies, protéger le droit de la Ville en matière d’autoapprovisionnement de services, et lutter contre les inégalités communautaires inévitables (Ville de Calgary, 2015a). Au moment de la rédaction de la stratégie en 2015, l’approche ponctuelle de la Ville avait déjà donné lieu à 450 kilomètres de fibre appartenant à la Ville, et le trafic du réseau doublait tous les deux ans (Ville de Calgary, 2015a).
Comme l’affirment les registres municipaux et les mémoires, « il est rentable et efficace pour les municipalités de construire des installations de transport par fibre optique en même temps qu’elles réalisent de grands projets d’infrastructure, comme des travaux routiers ou la construction d’installations de transport en commun » (Ville de Calgary, 2015a, p. 11). La pose des conduits dans le sol représente de 80 à 85 % des coûts d’installation de la fibre (Ville de Calgary, 2016); les coûts d’installation des câbles de fibre optique sont d’environ 200 $ le mètre quand il faut creuser les routes, mais quand on installe la fibre dans un conduit existant, les « coûts chutent considérablement à seulement 11 $ le mètre, comme le titulaire ne paie que pour le câble de fibre optique et les coûts de l’installation du câble de fibre optique dans le conduit existant » (Ville de Calgary, 2015b).
Bien que le programme ait connu un succès considérable, en générant des revenus pour la Ville et en relevant des secteurs de croissance clés comme la mise en œuvre d’une « technologie 5G/petites cellules et une collaboration possible avec Enmax pour la lecture automatisée des compteurs » (Ville de Calgary, 2018a), le budget d’immobilisations de l’équipe chargée de l’infrastructure de la fibre optique a été réduit, passant de 4 millions de dollars par an à 1 million de dollars par an dans le plan 2019-2022 de la Ville (Ville de Calgary, 2019b). Le réseau de fibre noire de Calgary a été mis en avant par les responsables de la Ville qui ne veulent pas que les rues soient continuellement creusées, mais il sert également à se rapprocher des objectifs d’accès universel en créant davantage de possibilités de concurrence dans le marché des télécommunications du Canada grâce à l’infrastructure supplémentaire disponible. La disponibilité de l’infrastructure filaire de base sera également importante pour les villes qui cherchent à tirer parti des possibilités de la technologie 5G. Alors que les promoteurs de la technologie 5G vantent les avantages de la prochaine génération de services sans fil qu’elle apportera, sa mise en œuvre dépend de la technologie filaire existante; en effet, il s’agit d’un « complément à la fibre, et non un substitut » (Crawford, 2018, p. 29).
Avantages pour les citoyens
Les avantages d’un réseau municipal peuvent souvent être invisibles dans la vie quotidienne des Calgariens, mais il rend les services essentiels plus fiables et réduit les coûts pour la Ville. Un cas d’utilisation à l’appui de la fibre municipale, et de l’option de ne pas la louer à des tiers, est la réduction des coûts pour le service de police de Calgary. Les caméras corporelles sont de plus en plus répandues, et il y a des coûts associés au transport de séquences vidéo en direct vers un endroit où elles peuvent être stockées. D’autres forces policières de l’Alberta qui utilisent des caméras corporelles et qui louent de la fibre, comme celles de la Ville d’Edmonton, ont vu leurs coûts d’utilisation de données monter en flèche, tandis que la Ville de Calgary a bénéficié de la bande passante fournie par le réseau municipal (Basto, 2020). Le même avantage est constaté dans d’autres réseaux de la Ville qui s’appuient sur la transmission de séquences vidéo en direct, y compris Calgary Transit pour son utilisation des caméras de transport en commun.
La résilience des réseaux essentiels à la mission a des répercussions pour tous les résidents. Avant les inondations de 2013 et le lancement du réseau de commutation multiprotocole par étiquette (MPLS) repensé de la Ville, un incendie d’origine électrique en 2012 au siège social de Shaw Communication a perturbé les services 911 pour les résidents du centre-ville, notamment en mettant hors service une grande partie du système téléphonique de la Ville de Calgary et certaines casernes de pompiers (Massinon et coll., 2012). Étant donné que certains services de la Ville dépendent de l’utilisation de l’infrastructure de fibre optique et peuvent avoir une incidence sur la sécurité des personnes, le réseau de la Ville a été construit de manière à disposer de routes redondantes, ce qui améliore la fiabilité des services essentiels à la mission (Ville de Calgary, 2015a). Bien que l’amélioration ne soit pas de la même ampleur que pour le déploiement des services 911, la circulation dans la ville est également améliorée par la résilience du réseau municipal. Le service des routes utilise la fibre pour « surveiller et contrôler les feux de circulation à distance » et la fiabilité du réseau utilisé crée une meilleure expérience pour les Calgariens (Ville de Calgary, 2020, p. 4). Selon la Ville, « en 2015, le réseau ne fonctionnait que 65 % du temps, mais maintenant qu’une partie importante du réseau est en fibre optique, le réseau fonctionne 98 % du temps. La fibre de la Ville atteint plus de 340 contrôleurs de la circulation, ce qui mène à une augmentation de 50 % du temps de fonctionnement du service » (Ville de Calgary, 2020, p. 4). En plus des avantages pour les services de la Ville, tant sur le plan de la capacité à fournir des services de meilleure qualité et plus fiables que sur celui des économies à long terme, la Ville affirme que le réseau « préservera les actifs et l’infrastructure de la Ville et peut contribuer à la prospérité de l’industrie des télécommunications du secteur privé » (Ville de Calgary, 2015a, p. 8). Plus la Ville dispose de fibre optique à louer, plus il y a d’options, tant pour les titulaires que pour les petits fournisseurs, de connecter les actifs et les citoyens.
Le réseau a également eu des retombées positives pour le budget de la Ville, un avantage direct pour les contribuables. Quand la Ville a approuvé la stratégie pour l’infrastructure de fibre optique, on s’attendait à ce que l’évitement des coûts atteigne 1,2 million de dollars par année « au fur et à mesure de l’augmentation de la connectivité et de la bande passante » (Ville de Calgary, 2015a). À mesure que la Ville utilise plus de données, comme on s’attend à ce qu’elle continue à le faire, ces économies augmenteront. Selon le planificateur principal du réseau de fibre optique de la Ville, « avant de construire notre propre réseau de fibre, nous la louions à Enmax à un tarif de 2,50 $ par brin par année. Si nous prenons toute la fibre que nous utilisons aujourd’hui, et que nous appliquons ce tarif, nous arrivons à un évitement des coûts d’environ 20 millions de dollars par année » (Basto, 2020). Les avantages pour les bénéfices nets de la municipalité ne se limitent pas seulement aux économies réalisées grâce à la mise en place du réseau, mais comprennent également la nouvelle source de revenus qu’elle a créée en agissant comme fournisseur non dominant et en louant la capacité excédentaire. En 2019, la Ville a atteint l’étape importante d’un million de dollars en revenus, « un montant qui représente une augmentation de 180 % par rapport aux revenus de 2015 et qui est bien supérieur aux 180 000 $ initialement prévus » dans la stratégie pour l’infrastructure de fibre optique (Ville de Calgary, 2020b, p. 7).
Conclusion
Trois décennies après la naissance du World Wide Web, 15 ans après l’échéance pour le service universel du Groupe de travail national sur les services à large bande du Canada (Groupe de travail national sur les services à large bande, 2001), et au milieu d’une pandémie mondiale, il est difficile de nier qu’un service Internet à haute vitesse abordable est essentiel pour participer pleinement à la vie sociale, politique et économique. L’Internet est une infrastructure de base qui a une incidence sur nos moyens de subsistance, notre bien-être émotionnel et notre capacité à nous engager au sein de nos communautés. Les décideurs et les employés de la Ville de Calgary qui ont construit le réseau ont vu une communauté qui n’était pas desservie de manière adéquate par les cadres économiques et politiques existants et ont imaginé un moyen d’intervenir qui servait l’intérêt public. L’étude de cas du réseau de gros de Calgary permet de jeter un regard critique sur des mythes de communication largement acceptés, plus précisément celui selon lequel les forces du marché sont le meilleur et l’unique moyen de combler les fossés numériques existants. Cette recherche sur le réseau de fibre optique de la Ville de Calgary peut servir de cadre pour les villes canadiennes qui envisagent de développer leur propre infrastructure à large bande, et peut stimuler l’imagination quant au rôle des villes dans la création et la mise en œuvre d’une politique de télécommunications, notamment par la construction d’une infrastructure de communication appartenant aux citoyens.
Dans le contexte de l’annonce récente de ConnectTO – le réseau municipal proposé par la Ville de Toronto – l’analyse de la structure, des utilisations et des avantages du réseau de fibre optique de Calgary devient encore plus pertinente. Le plan de la Ville de Toronto utilisera la même structure que le réseau de fibre optique actuel de la Ville de Calgary, qui relie les unités opérationnelles municipales, et offre un accès de gros aux entreprises et aux fournisseurs de services. Selon la Ville de Toronto, la municipalité vendra l’accès en gros à des « fournisseurs de services qualifiés, à un prix équitable, afin de générer des revenus qui seront réinvestis dans les communautés pour élargir l’accès aux services Internet et aider à réduire les coûts » (Ville de Toronto, 2021). L’objectif déclaré de Toronto d’utiliser l’infrastructure municipale pour combler le fossé numérique va un peu plus loin que ce que Calgary a fait et a le potentiel d’offrir une voie claire sur la façon dont les deux villes, et d’autres municipalités canadiennes, peuvent jouer un rôle dans la fourniture d’un accès Internet abordable de qualité à tous ses citoyens.
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