La diversité pour tous? L’évolution des objectifs de diversité dans la radiodiffusion lors de l’instance Parlons télé du CRTC

Auteur : Sylvia Blake

Université d’attache : School of Communication, Simon Fraser University

Niveau d’études : Candidat doctorat

1.1. Introduction

En juin 2013, lors du lancement de l’instance Parlons télé du CRTC, le président Jean-Pierre Blais a affirmé la nécessité d’offrir à la télévision un maximum de choix et du contenu varié dans un monde sans frontières (Blais et CRTC, 2014). Les commentaires de M. Blais ont mis en lumière des défis stratégiques émergents de taille : 1) Même si de nouvelles technologies et un système des médias à portée mondiale, décrits comme offrant une « abondance communicative », donnent aux consommateurs accès à plus de contenu que jamais (Keane, 1999), on continue de se préoccuper des meilleurs moyens de garantir la diversité dans les sources de médias, le contenu et la présentation (Napoli, 1999). 2) Bien que la diversité demeure une priorité de la radiodiffusion, les décideurs ne savent pas exactement comment la définir et l’appuyer dans le nouvel environnement.

La diversité dans la radiodiffusion découle d’un historique politique faisant suite à l’échec des politiques assimilationnistes et commençant à l’époque où on a pris les premières mesures d’adaptation pour les peuples autochtones, les immigrants et les Québécois. Depuis, la diversité est devenue une partie vitale de la « marque Canada » et s’est transformée en une complexe hiérarchie des droits, que le CRTC et d’autres décideurs doivent traduire en objectifs concrets. La diversité est polysémique, controversée, souple et habituellement définie dans un contexte institutionnel. Bien qu’une multitude de parties prenantes semblent d’accord que la diversité est un objectif louable, ils s’entendent rarement sur sa définition précise ou sur le rôle que devraient jouer les politiques pour mieux l’appuyer. Ainsi, la diversité est vulnérable à des efforts de mobilisation visant des objectifs sociaux et politiques conflictuels.

À la lumière de ce problème complexe, la présente enquête porte sur la façon dont le CRTC a compris la notion de la diversité durant les audiences Parlons télé tenues entre 2013 et 2016. Dans le cadre de l’enquête, les questions suivantes sont posées :

La consultation Parlons télé est la première enquête majeure sur la radiodiffusion depuis celle du groupe de travail Sauvageau Caplan sur la politique de radiodiffusion dans les années 1980 et donc la première à l’ère numérique. Elle a été conçue pour maximiser la participation des parties prenantes et a permis de recueillir des milliers de commentaires au cours de ses trois phases. Après les audiences publiques, le Conseil a dévoilé au moins 27 décisions stratégiques distinctes, allant de vastes décisions très publicisées (telles que les changements aux modèles de regroupement des chaînes du câble) jusqu’aux petites modifications aux politiques en place (comme les crédits pour le contenu canadien applicables aux émissions doublées).

Mon analyse est fondée sur la théorie institutionnelle discursive, une forme de néoinstitutionnalisme misant sur le rôle des idées et des processus discursifs interactifs dans la sphère des politiques (Schmidt, 2015). Selon cette théorie, les idées et les exposés influencent et changent la dynamique institutionnelle, qui à son tour est institutionnalisée dans les pratiques sociales et influe sur les résultats sociaux (Arts et Buizer, 2009). J’ai effectué une analyse documentaire pour faire le suivi du processus Parlons télé, des points de vue des parties prenantes, de la couverture médiatique et des décisions du CRTC. Au total, j’ai consulté 56 documents du CRTC, 380 documents d’intervention organisationnelle soumis par 127 parties prenantes organisationnelles et 263 articles tirés de divers quotidiens canadiens et représentant toutes les nouvelles citant explicitement Parlons télé accessibles à partir de la base de données Canadian Newsstream. J’ai utilisé l’outil NVIVO pour coder des documents sources en fonction des décisions stratégiques et des sujets sur la diversité pertinents et j’ai ensuite exécuté une série de requêtes pour cerner les tendances liées aux problèmes de diversité et aux décisions réglementaires.

Le présent rapport commence par une présentation du problème stratégique que pose la diversité dans la radiodiffusion canadienne, suivie d’une explication des audiences Parlons télé. Ensuite, je présente mon évaluation des résultats de ces audiences en ce qui concerne leurs répercussions prévues et imprévues sur trois sujets touchant la diversité : favoriser la souveraineté du consommateur, représenter et appuyer les groupes cherchant l’équité et favoriser la diversité chez les propriétaires du secteur privé. J’estime que la tendance de Parlons télé consistant à prioriser les objectifs liés à la souveraineté du consommateur entraînent quelques répercussions inattendues sur les résultats concernant l’appui aux groupes cherchant l’équité et la diversité de la propriété.

1.2. Que signifie la diversité dans la radiodiffusion?

Au fil des ans, le Conseil a interprété l’espace stratégique complexe entourant la diversité selon plusieurs thèmes généraux : A) variété culturelle et égalité libérale, qui englobe les politiques visant à assurer l’unité, la sécurité et la cohésion sociale à l’échelle du pays; B) choix du consommateur, qui rappelle les objectifs de radiodiffusion de type américain, et qui vise à donner au consommateur la possibilité de choisir les émissions d’information et de divertissement qui l’intéressent; et C) diversité sectorielle, qui comprend les débats sur le degré approprié de diversité chez les propriétaires d’entreprises de radiodiffusion privée ainsi que sur le type et la portée des modes de soutien appropriés pour les secteurs de radiodiffusion publique et communautaire. Chacun de ces thèmes peut être à nouveau divisé en plusieurs sujets : Footnote 1

  1. Variété et égalité culturelles
    1. Appuyer l’expression culturelle canadienne
    2. Appuyer le bilinguisme et le biculturalisme dans le système de radiodiffusion
    3. Créer un espace pour l’expression de la culture autochtone
    4. Représenter et appuyer les groupes cherchant l’équité
  2. Choix du consommateur
    • v. Favoriser la souveraineté du consommateur dans la sélection des options de radiodiffusion
    • vi. Garantir que le système offre une diversité de genres et d’émissions
  3. Diversité sectorielle
    • vii. Soutenir la diversité de la propriété dans le secteur privé
    • viii. Soutenir la radiodiffusion locale et communautaire
    • ix. Définir le mandat et le modèle de financement appropriés pour la radiodiffusion publique

Ce paysage stratégique complexe juxtapose les intérêts d’un vaste éventail de parties prenantes, y compris des citoyens et des sociétés de médias à but lucratif et sans but lucratif canadiennes et étrangères, des défenseurs de l’innovation numérique et une gamme d’organisations protégeant les intérêts du public, des secteurs et des groupes cherchant l’équité. Bien que la plupart des parties prenantes semblent d’accord sur le fait qu’il est important d’appuyer la diversité, elles ne s’entendent pas sur la définition de la diversité, ou sur le rôle approprié des politiques pour l’atteindre. Souvent, les parties prenantes se préoccupant de sujets de diversité particuliers ne s’entendent pas avec d’autres s’intéressant à des sujets différentsFootnote 2, et celles qui s’intéressent aux mêmes sujets ont une opinion souvent entièrement opposée sur la manière d’atteindre la diversitéFootnote 3 (Blake, 2011).

Pour équilibrer la portée tout en tenant compte de diverses questions de diversité, j’ai choisi trois sujets précis à explorer en profondeur relativement aux audiences Parlons télé : souveraineté du consommateur (sous-sujet du choix du consommateur), appui des groupes cherchant l’équité (sous-sujet de la variété et l’égalité culturelles) et diversité de la propriété (sous-sujet de la diversité sectorielle). J’ai choisi chaque sujet pour sa pertinence quant à Parlons télé dans son domaine thématique respectif. Je les définis de la manière suivante :

  1. Souveraineté du consommateur : Ces politiques et pratiques visent à maximiser les choix pour les consommateurs selon l’hypothèse implicite que le libre jeu du marché est le meilleur moyen de répondre à leurs besoins. Historiquement, le Canada n’a pas eu tendance à adopter des approches purement axées sur le marché quant à la radiodiffusion par peur que la commercialisation n’entraîne l’américanisation de l’ensemble du système (Massey, 1951). Cependant, la politique de radiodiffusion est lentement en train de se tourner vers des objectifs fondés sur le marché depuis la publication du rapport Applebaum au début des années 1980 (Applebaum, 1982).
  2. Appui aux groupes cherchant l’équité : Le multiculturalisme et la tolérance sont des éléments essentiels à l’identité canadienne, et l’intégration des droits des groupes cherchant à être représentés (minorités visibles, femmes, communauté LGTBQ+, personnes handicapées, etc.) dans la politique de radiodiffusion est exigée par la Charte des droits et libertés du Canada (1982) et la Loi sur le multiculturalisme canadien (1988). Le sous-alinéa 3d)(iii) de la Loi sur la radiodiffusion établit l’attente d’une représentation juste en exigeant que le système de radiodiffusion reflète « la condition et les aspirations » des Canadiens, y compris « le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ». Cette attente est présente dans les diverses politiques de radiodiffusion du CRTC, notamment la Politique relative à la radiodiffusion à caractère ethnique. Malgré ces dispositions, les peuples autochtones continuent d’être sous-représentés dans les postes de gestion de la radiodiffusion et de journaliste (Cukier, Yap, Miller et Bindhani, 2010), ce qui peut causer un préjugé eurocentrique dans les nouvelles et le divertissement (Fleras, 2011).
  3. Diversité de la propriété : L’intégration verticale et horizontale de la propriété dans les industries des médias canadiennes a considérablement augmenté depuis le début des années 1990 et a atteint un sommet en 2014, lorsque les cinq principales sociétés de médias du Canada (Bell, Shaw/Corus, Rogers, Quebecor et Telus) comptaient pour 87 pour cent de tous les revenus de la télévision (CMCRP, 2017)Footnote 4. L’amplitude de la consolidation de l’industrie a lancé un débat politique assez animé et était au cœur des discussions dans les audiences de 2007 du CRTC sur la diversité des voix (CRTC, 2008) et les audiences sur l’intégration verticale (CRTC, 2011). Les partisans de la consolidation de l’industrie estiment qu’il est crucial pour les entreprises canadiennes de regrouper un public de plus en plus fragmenté (Bell, 2009) et soutiennent qu’un nombre croissant de chaînes à diffusion ciblée prouvent que des entreprises solides et stables exploitent leur emprise sur le marché pour répondre aux besoins des consommateurs (Thierer et Eskelsen, 2008). Les détracteurs, qui associent la concentration des médias à des inquiétudes quant à la diversité des points de vue, sont préoccupés par l’incidence directe et indirecte des propriétaires de médias sur les nouvelles et le contenu éditorial (Skinner et Gasher, 2005) et soulèvent les risques liés à une industrie ayant à sa tête un petit nombre de grandes entreprises instables affichant d’énormes dettes (Winseck, 2010).

1.3. Lancement de la consultation Parlons télé

L’ancien président du CRTC, Jean-Pierre Blais a présenté Parlons télé lors d’un discours à l’Université Laval en octobre 2013 (Blais et CRTC, 2013), et le Conseil a invité le public à y participer plus tard dans la journée (CRTC, 2013). M. Blais a justifié la consultation en disant solliciter les Canadiens pour « cerner des orientations sur la façon de concilier les intérêts des citoyens, des créateurs et des consommateurs au fur et à mesure de l’évolution de la télévision, tout en respectant les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion » (Blais et CRTC, 2013). Dans son invitation formelle, le Conseil a fourni d’autres explications pour délimiter les objectifs généraux liés aux politiques de télévision :

Les Canadiens ont droit à un système de télévision ouvert, diversifié et abordable qui soit réceptif et tourné vers l’avenir, un système qui nous présente tant le meilleur de ce que le Canada peut offrir que la crème du contenu international. Le CRTC tiendra une audience en septembre 2014 afin de s’assurer qu’à l’avenir, notre système de télévision atteigne cet objectif. (CRTC, 2013, p.2)

Les audiences ont eu lieu en trois phases, chacune ayant recours à des outils différents pour obtenir des réponses auprès des parties prenantes de l’industrie, des groupes de la société civile et du public général canadien. En bref, voici l’échéancier des phases :

1.3.1. Décisions politiques choisies aux fins d’analyse

La réponse exhaustive du CRTC à Parlons télé comprenait plus de 27 décisions stratégiques distinctes. Parmi celles-ci, j’en ai sélectionné sept à des fins d’examen en fonction des objectifs en matière de diversité :

  1. Changements aux permissions de substitution simultanée
  2. Changements aux mesures liées à la radiodiffusion ethnique et de langue tierce
  3. Changements aux modes de soutien au contenu canadien
  4. Changement aux règles de regroupement de chaînes du câble
  5. Élimination de l’exclusivité de genre
  6. Introduction d’une règle de regroupement de 1 pour 1
  7. Prolongation de l’exemption réglementaire pour les services de programmation comptant moins de 200 000 abonnés

Ces décisions incarnent toutes un changement clair à la politique existante qui pourrait influer sur l’environnement de radiodiffusion dans son ensembleFootnote 5, et chacune a abordé plusieurs questions de diversité de façons intéressantes. La plupart comptaient aussi parmi les décisions les plus publicisées et certaines ont considérablement suscité l’attention du public. Le reste de la section résume chacun de ces domaines stratégiquesFootnote 6.

I. Changements aux permissions de substitution simultanée

Documents de référence du CRTC : CRTC 2014-190, CRTC 2014-190-3, CRTC 2015-25, CRTC 2015-329, CRTC 2015-330, CRTC 2015-513, CRTC 2016-37, CRTC 2016-334, et CRTC 2016-335

Raison de la consultation : La substitution simultanée consiste pour un distributeur à remplacer temporairement le signal d’une chaîne de télévision éloignée (habituellement américaine) par celui d’une autre chaîne locale qui diffuse la même émission au même moment. Elle permet aux télédiffuseurs de maximiser les auditoires et les revenus publicitaires. En contrepartie, on s’attend à ce que ces télédiffuseurs réinvestissent un pourcentage de ces revenus dans les émissions canadiennes. On estime que la substitution simultanée ajoute un montant se situant entre 200 M$ et 450 M$ au système canadien (Bell Canada, 2014; CRTC, 2014a), et, bien que le CRTC soutienne que le montant réel n’est pas important, les partisans de la pratique indiquent qu’elle fournit un soutien vital dans un marché publicitaire de plus en plus fragmenté (Bell Canada, 2014). Elle peut aussi fournir des avantages indirects en permettant aux télédiffuseurs de promouvoir le contenu canadien pendant des diffusions simultanées et attirer d’importants auditoires vers des émissions canadiennes qui sont diffusées directement après une émission diffusée simultanément (Bell Canada, 2014). Enfin, la substitution simultanée garantit l’existence d’un marché des droits canadiens distincts, car autrement, les émissions seraient vendues selon une base territoriale États-Unis/Canada.

Bien que certains télédiffuseurs canadiens profitent de la substitution simultanée, la pratique peut devenir un irritant pour les consommateurs lorsque les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) ne remplacent pas adéquatement les signaux (coupant une partie de la diffusion originale) ou lorsque les téléspectateurs ne peuvent pas voir les publicités à gros budget américaines pendant le Super Bowl (CRTC, 2014c). De plus, la pratique peut nuire à la création de contenu canadien en encourageant les télédiffuseurs à se considérer comme des distributeurs de contenu étranger plutôt que des créateurs de contenu canadien (Berkowitz, 2016) et en reliant les calendriers de diffusion canadienne à ceux des télédiffuseurs américains (limitant le temps d’antenne de grande écoute pour les émissions canadiennes). Pour toutes ces raisons, le Conseil a demandé à ce que l’on modifie la pratique dans le système canadien ou que l’on y mette fin.

Résumé des décisions stratégiques :

II. Changements aux mesures liées à la radiodiffusion ethnique et de langue tierce

Documents de référence du CRTC : CRTC 2014-190, CRTC 2014-190-3, CRTC 2015-86, CRTC 2015-96

Raison de la consultation : Le Conseil cherchait à améliorer l’accessibilité et le caractère abordable des émissions ethniques et de langue tierce.

Résumé des décisions stratégiques :

III. Changements aux modes de soutien pour le contenu canadien

Documents de référence du CRTC : Faites votre choix, CRTC 2014-190, CRTC 2014-190-3, CRTC 2015-86

Raison de la consultation : Par le passé, le Conseil appuyait le contenu canadien en imposant des DEC à certains types de services de programmation, en imposant des exigences de contribution à la plupart des EDR, en établissant des exigences de diffusion de contenu canadien et en créant des incitatifs sous forme de crédits de temps et des conditions de licence pour faire la promotion d’émissions à coûts et à risques élevés (drame, documentaire longue durée, événement de musique ou de variété, remise de prix). Cependant, les Canadiens élargissent leurs habitudes de visionnement, qui englobent des services de contournement exemptés de ces mesures, et ce passage vers des plateformes de visionnement en ligne non linéaires touchera un jour le modèle de soutien et de financement actuellement en place. Le Conseil voulait cerner les meilleures façons de financer et de promouvoir les émissions canadiennes dans cet environnement émergent.

Résumé des décisions stratégiques

Changement des quotas de présentation canadienne :

Changement des exigences de dépenses en émissions canadiennes :

Création de deux projets pilotes sur le contenu canadien pour promouvoir des œuvres canadiennes populaires :

Lancement du Sommet de la découvrabilité :

IV. Changements aux règles de regroupement de chaînes de câble : dégroupement des services multiplex, services à la carte ou forfaits à la carte et petit service de base

Documents de référence du CRTC : CRTC 2013-563, décret du BCP 2013-1167, CRTC 2014-190, Faites votre choix, CRTC 2014-190-3, CRTC 2015-96, CRTC 2015-97, CRTC 2015-304 et CRTC 2015-514

Raison de la consultation : Le CRTC examine cette question depuis plusieurs années et l’a abordée entre autres lors des audiences de 2010 sur l’intégration verticale (CRTC, 2011). De plus, le gouvernement fédéral a émis un décret du BCP (2013-1167) exigeant que le Conseil examine le dégroupement en novembre 2013, peu après qu’il a lancé ses activités initiales de collecte d’information dans le cadre de Parlons télé. Plus tard au cours de ce mois, le ministre du Patrimoine canadien, M. James Moore, a demandé au CRTC d’explorer le modèle de distribution de services à la carte, et le discours du trône du gouvernement fédéral proposait l’exigence de dégroupement des chaînes du câble. On présume que ce regain d’intérêt pour l’examen du dégroupement découle de la frustration des consommateurs à l’égard des modèles de regroupement des chaînes et de leurs dépenses globales élevées en matière de services de communication.

Résumé des décisions stratégiques :

Dégroupement des services multiplex :

Options de services à la carte ou de forfaits à la carte et petit service de base

V. Élimination de l’exclusivité de genre

Documents de référence du CRTC : Commentaires de la phase 1, CRTC 2014-190, CRTC 2014-190-3, CRTC 2015-86, CRTC 2015-96, CRTC 2015-304, et CRTC 2015-514

Raison de la consultation : Auparavant, le Conseil n’accordait une licence qu’à un service payant de catégorie A ou spécialisé par genre. Il accordait une licence aux services de catégorie B et de catégorie C en concurrence avec d’autres services de catégorie B et de catégorie C, mais non aux services faisant concurrence à un autre service de catégorie A. Cette politique visait à garantir la viabilité des services de catégorie A et appuyer les services indépendants ou les genres « méritants ». Cependant, l’industrie de la télévision a évolué depuis l’imposition de l’exclusivité de genre, et le Conseil se demandait si les consommateurs bénéficieraient d’une concurrence accrue entre les genres traditionnellement offerts par les services de catégorie A.

Résumé des décisions stratégiques :

VI. Règle de regroupement de 1 pour 1

Documents de référence du CRTC : CRTC 2014-190-3, CRTC 2015-96, CRTC 2015-304 et CRTC 2015-514

Raison de la consultation : La règle du 1 pour 1 exige que les EDR intégrées verticalement distribuent au moins un service non intégré verticalement de la même langue que chacun des services leur appartenant qu’elles distribuent. L’objet de cette règle est de garantir l’équité dans les négociations entre les grandes EDR intégrées verticalement et les télédiffuseurs indépendants, particulièrement dans le contexte du dégroupement obligatoire des chaînes de câble.

Résumé des décisions stratégiques :

VII. Exemption réglementaire pour les services de programmation comptant moins de 200 000 abonnés

Documents de référence du CRTC : CRTC 2012-689, CRTC 2014-190, CRTC 2014-190-3, CRTC 2015-86, CRTC 2015-88

Raison de la consultation : Cette politique étoffe une exemption existante pour les services de langue tierce pour qu’elle inclue les services facultatifs comptant moins de 200 000 abonnés. L’objectif du Conseil était d’alléger le fardeau réglementaire et de faciliter le lancement de nouvelles chaînes facultatives.

Résumé des décisions stratégiques :

1.4. Répercussions des décisions stratégiques découlant de l’instance Parlons télé du CRTC

La présente section explore comment la somme des répercussions des décisions découlant de Parlons télé influe sur la souveraineté du consommateur, les services et la représentation des groupes cherchant l’équité et la diversité de la propriété. Chaque sujet comprend un sommaire des répercussions cumulatives de ces décisions et une analyse granulaire de décisions précises est résumée dans un tableau connexe.

1.4.1. Choix du consommateur : Améliorer la souveraineté du consommateur

L’instance Parlons télé était principalement axée sur l’amélioration de la souveraineté du consommateur, et cet objectif figurait au programme des audiences dès le départ. Dans son discours de lancement de Parlons télé, M. Blais a abordé l’insatisfaction du public quant au système en place, entre autres concernant les modèles de regroupement des chaînes, les modalités des contrats et les prix des services de câblodistribution (Blais et CRTC, 2013). Il n’est donc pas surprenant que l’amélioration du choix du consommateur et la réduction des coûts soient au cœur des décisions les plus importantes tenues durant l’instance Parlons télé, comme l’illustre le tableau 1.

Tableau 1  Souveraineté du consommateur

Sujet stratégique Pertinence quant à la souveraineté du consommateur
I. Changements aux permissions de substitution simultanée
  • En interdisant la substitution simultanée pendant le Super Bowl, on permet aux consommateurs de choisir s’ils veulent le regarder sur une chaîne canadienne ou américaine.
  • En 2013, le Conseil avait reçu 458 plaintes relatives à des erreurs de substitution simultanée et à l’incapacité de regarder les publicités du Super Bowl (CRTC, 2014a).
II. Changements aux mesures liées à la radiodiffusion ethnique et de langue tierce
  • Grâce à l’élimination de l’obligation d’abonnement préalable, les consommateurs ne sont plus tenus d’acheter une option canadienne avant de sélectionner du contenu étranger.
  • Les coûts sont ainsi réduits pour les consommateurs, car ces derniers et les EDR bénéficient de plus de souplesse au moment de choisir et de regrouper leurs services.
  • Les EDR doivent offrir une prépondérance d’options canadiennes, y compris au moins une option canadienne pour chaque option non canadienne fournie dans la même langue. Les consommateurs peuvent choisir laquelle acheter, le cas échéant.
III. Changements aux modes de soutien pour le contenu canadien
  • Le CRTC avait pour intention de faciliter la création d’un petit nombre d’émissions canadiennes de meilleure qualité, que les Canadiens pourraient alors choisir de regarder.
  • Il est possible que les Canadiens auront plus de facilité à découvrir du contenu canadien grâce à la nouvelle autorisation de consacrer jusqu’à 10 pour cent des DEC à la promotion des émissions canadiennes, quoique rien ne garantit que les télédiffuseurs augmenteront leurs dépenses de promotion.
  • Les télédiffuseurs soutiennent que les exigences de présentation canadienne moins strictes leur donnent plus de souplesse pour répondre à la demande des consommateurs.
  • Cependant, rien ne garantit que l’accent mis sur les dépenses entraînera la création d’émissions de qualité supérieure, car une telle création représente des risques pour les télédiffuseurs ainsi que des investissements en recherche et développement. Un tel modèle va à l’encontre de la tendance des télédiffuseurs de tirer profit principalement de la présentation de contenu étranger.
IV. Changement aux règles de regroupement des chaînes du câble
  • Les consommateurs peuvent choisir s’ils veulent continuer d’acheter des gros forfaits ou passer à un petit forfait de base ou à des services à la carte.
  • Les consommateurs ne sont plus tenus de payer pour des chaînes qu’ils ne regardent pas.
  • Certaines parties prenantes estiment que ces options ont le potentiel de réduire les coûts pour les abonnés. Cependant, en 2016, le CRTC a été contraint de lancer un examen des nouveaux regroupements de services à la suite de plaintes des consommateurs à propos de frais cachés et d’allégations selon lesquelles, au bout du compte, les nouvelles options étaient plus coûteuses que les anciens forfaits (Sagan, 2016).
V. Élimination de l’exclusivité de genre
  • En éliminant l’exclusivité de genre, on permet aux services de s’aligner plus naturellement sur les intérêts des consommateurs.
  • En l’absence d’une protection de genre, les services peuvent changer la nature de leur programmation d’une manière qui ne répond pas aux attentes des consommateurs.

Dans certains cas, le zèle dont le Conseil a fait preuve pour plaire au public a semblé transformer de simples petits irritants pour les consommateurs en grandes mesures populistesFootnote 8. Par exemple, le Conseil a justifié en partie sa décision d’éliminer la substitution simultanée lors du Super Bowl par la frustration des consommateurs. Toutefois, des 7,38 millions de téléspectateurs du Super Bowl pour cette année-là (Bell Média, 2016), seulement 92 se sont plaints de leur incapacité de regarder les publicités américaines (CRTC, 2014a), soit environ 0,001 pour cent des téléspectateurs. De plus, selon une étude demandée par le CRTC, la majorité des Canadiens appuient la substitution simultanée à titre de moyen de financer le système de radiodiffusion canadien (Hill+Knowlton Strategies, 2014). Pourtant, cette question figurait parmi les priorités du programme de Parlons télé et a attiré une attention considérable des médias.

De façon similaire, les options de regroupement de chaînes du câble sont devenues une question majeure à grande visibilité, même si l’étude demandée par le CRTC a comparé les offres canadiennes favorablement par rapport au système américain (Keeble, 2014) et s’il y avait peu de preuves démontrant que l’imposition du dégroupement entraînerait des économies chez les consommateurs. Ironiquement, le Conseil a reçu plus tard un déluge de plaintes des consommateurs qui étaient déçus que les nouvelles options n’étaient pas plus économiques que leurs services précédents, ce qui a mené à une enquête sur la mise en œuvre du modèle de services à la carte. M. Blais a aussi répliqué que le Conseil n’avait jamais promis que les services à la carte seraient moins chers (Ansari et Mudhar, 2015, p. A.1) et a suggéré que les consommateurs qui cherchent des bas prix pourraient obtenir ce qu’ils veulent en marchandant avec les fournisseurs (Bradshaw, 2016).

Ce n’est pas un problème en soi de miser énormément sur la satisfaction de la demande des consommateurs, quoiqu’il soit important de noter que cet objectif stratégique n’est pas prévu dans la Loi sur la radiodiffusion.Toutefois, comme le démontreront les deux prochaines sections, le Conseil a parfois mis trop d’efforts pour plaire à un ensemble de consommateurs non défini, peut-être en partie en réaction à la pression du gouvernement fédéral ou peut-être aussi par peur qu’une inaction à ce sujet risquerait de pousser les consommateurs à abandonner carrément le système de radiodiffusion traditionnel. Les principales décisions, comme le dégroupement des chaînes du câble ou les services à la carte et l’élimination de la substitution simultanée pendant le Super Bowl, ont été fondées sur des attentes de consommateurs non clairement définies et des preuves empiriques insuffisantes; il s’agit là d’une situation qui va à l’encontre de l’approche axée sur les données probantes qu’applique le Conseil pour élaborer des politiques.

1.4.2. Libéralisme et égalité : appui aux groupes cherchant l’équité

Les décisions découlant de Parlons télé ciblant explicitement les groupes cherchant l’équité n’étaient limitées qu’aux décisions touchant les télédiffuseurs de langue tierce et l’accessibilité de la télévision pour les personnes atteintes de certaines formes de handicap. L’instance Parlons télé n’a pas abordé les questions entourant la représentation dans les médias de masse ni l’appui à la participation des femmes, de la communauté LGTBQ+, des minorités visibles ou des personnes handicapées. C’est un point intéressant, étant donné la décision du Conseil de mettre en suspens son examen de la politique sur la diversité culturelle et de le tenir ultérieurement « d’après le résultat de la consultation Parlons télé » (CRTC, 2014b. p. 4). La décision de mettre en suspens cet examen est importante pour deux raisons : 1) elle indique que le Conseil s’attendait à ce que l’instance Parlons télé influence les politiques et objectifs en matière de diversité culturelle; et 2) cela signifie que toute discussion à venir sur la diversité culturelle et la résolution de problèmes d’inégalité aura lieu selon le cadre des décisions de l’instance Parlons télé. Le tableau 2 résume les décisions qui touchent la programmation de langue tierce et les préoccupations liées à la représentation :

Tableau 2 Appui aux groupes cherchant l’équité

Sujet stratégique Pertinence quant à la souveraineté du consommateur
II. Changements aux mesures liées à la radiodiffusion ethnique et de langue tierce Appui aux communautés de langue tierce :
  • Les coûts pour les émissions étrangères de langue tierce pourraient diminuer en raison de l’élimination de l’obligation d’abonnement préalable.
  • Le dégroupement et l’élimination de l’obligation d’abonnement préalable pourraient entraîner une réduction des services canadiens de langue tierce (à la fois sur le plan du nombre de services et celui des montants investis dans les émissions canadiennes).
Appui aux autres groupes cherchant l’équité (minorités visibles, femmes, membres de la communauté LGBTQ+, personnes handicapées) :
  • La consultation Parlons télé n’a pas abordé les préoccupations concernant la représentation dans le contenu de radiodiffusion ou la gestion.
  • La consultation Parlons télé a traité de certaines mesures pour améliorer le service et l’accès pour les personnes handicapées (soit les changements aux exigences de vidéodescription).
III. Changements aux modes de soutien pour le contenu canadien
  • Les services de langue tierce ou autres qui étaient auparavant exemptés des exigences de DEC se verront imposer une exigence au renouvellement de licence.
  • D’autres changements aux modes de soutien au contenu canadien facilitent la création d’œuvres universellement populaire qui peuvent être vendues à l’échelle internationale. Ils ne prévoient aucun incitatif pour améliorer la représentation des groupes cherchant l’équité et peuvent même rendre l’environnement plus difficile pour les émissions ciblant les communautés minoritaires.
IV. Changements aux règles de regroupement des chaînes du câble
  • Les services attirant des petits auditoires s’inquiètent de la viabilité de leur modèle d’exploitation sans l’appui des gros regroupements de chaînes. Ils pourraient perdre des abonnés en raison de l’option de services à la carte et ont peur que les EDR puissent refuser d’offrir des services de langue tierce ou d’autres services de créneau dans les forfaits.
  • Le Conseil s’appuiera sur l’alinéa 9(1)h) de la Loi sur la radiodiffusion pour veiller à ce que certains groupes cherchant l’équité aient accès à des émissions représentatives.
V. Élimination de l’exclusivité de genre L’élimination de la protection de genre risque de créer une « ruée vers le centre » puisque les services voudront les émissions les plus payantes. Cela pourrait entraîner la dilution des émissions d’un genre particulier des services ciblant les communautés minoritaires.
VII. Prolongation de l’exemption réglementaire pour les services de programmation comptant moins de 200 000 abonnés Les chaînes de langue tierce profitaient déjà de cette exemption réglementaire avant les audiences Parlons télé. Cependant, cette prolongation pourrait faciliter le lancement de services ciblant d’autres communautés cherchant l’équité.

Répercussions probables sur les émissions de langue tierce

L’approche du Conseil en matière de radiodiffusion de langue tierce vise principalement la souveraineté du consommateur. Grâce au dégroupement obligatoire des chaînes du câble et à l’élimination de l’obligation de l’abonnement préalable aux services de langue tierce de catégorie A, les consommateurs ont plus de choix lorsqu’ils sélectionnent les options de radiodiffusion. Cette souplesse accrue faciliterait apparemment pour les consommateurs l’accès aux services canadiens de catégorie B et de langue tierce exemptés, ainsi qu’aux services étrangers. Étant donné que les groupes de services de langue tierce sont habituellement plus coûteux, le dégroupement obligatoire et l’élimination de l’abonnement préalable aux services de catégorie A pourraient aider les consommateurs à gérer les coûts, car ils choisiraient seulement les services qu’ils veulent. Cela crée également un environnement concurrentiel équitable pour les services de catégorie B et les services exemptés, qui étaient auparavant seulement accessibles aux consommateurs ayant d’abord acheté les chaînes de catégorie A obligatoires de la même langue.

Par contre, tous les services canadiens pourraient subir une baisse d’abonnements à la suite du dégroupement. Les marchés des émissions de langue tierce sont naturellement restreints et les services de langue tierce sont moins susceptibles que d’autres services ciblant des créneaux ou des groupes cherchant l’équité à être inclus dans les gros groupes de chaînes télévisées de « valeur »Footnote 9. De plus, bien que le Conseil exige que les EDR offrent au moins un service canadien pour chaque service étranger qu’elle offre dans la même langue (si disponible), les consommateurs ne seront pas obligés d’acheter une prépondérance de services canadiens, et certains consommateurs peuvent choisir d’acheter seulement des chaînes étrangèresFootnote 10. Les télédiffuseurs de langue tierce canadiens se retrouvent donc en concurrence avec les services étrangers, qui profitent d’économies d’échelle auprès de leurs marchés nationaux, tout en devant respecter leurs obligations en matière de présentation canadienne et de DEC. Certains services peuvent subir un manque de budget nuisible pour la qualité des émissions ou devoir cesser d’exister.

 Répercussions probables sur la programmation visant d’autres facteurs fondés sur l’équité

Les services de catégorie B et exemptés assurant une représentation culturelle et sous-culturelle en anglais et en français seront probablement confrontés à des difficultés similaires à celles vécues par les télédiffuseurs de langue tierce en raison du dégroupement : si une masse critique de consommateurs s’abonne à des chaînes à la carte, certaines chaînes verront une baisse dans l’ensemble des abonnements.

Il est aussi intéressant d’évaluer la manière dont le nouveau système de valeur du Conseil touchant le contenu canadien (notamment, les incitatifs pour produire moins d’œuvres à gros budget, universellement populaires) pourrait influer sur la longévité du matériel produit – et peut-être la volonté d’un télédiffuseur de prendre un risque avec du contenu sous-culturel ciblant ou représentant des communautés cherchant l’équité. Historiquement, les télédiffuseurs commandaient du contenu canadien à petit budget, en s’attendant ainsi à respecter les exigences de licence sans faire forcément d’argent (Shtern et Blake, 2014). Bien que cette attitude défaitiste soit problématique, elle ouvre tout de même la voie à la prise de risques à l’égard de projets créatifs. Par moment, cela a permis de créer des émissions uniques ciblant des créneaux à la fois culturels et régionaux, comme la pièce de théâtre réinventée de Trey Anthony, Da Kink in My Hair (racontant l’histoire d’un salon de coiffure de Toronto dont les employés sont originaires des Caraïbes) diffusée par Global. Dans un environnement où les télédiffuseurs sentent une forte pression de vendre leur matériel à l’étranger, reste-t-il de la place pour des émissions qui ciblent sans complexe les petits marchés canadiens culturels et régionaux? Il est déjà assez rare de trouver des exemples d’émissions propres à une région et une culture, outre les quelques créations commandées par le télédiffuseur public dans les dernières années, comme Kim’s Convenience, Arctic Air, et Little Mosque on the Prairie. Toutefois, puisque les télédiffuseurs s’appuient de plus en plus sur les coproductions internationales et subissent une pression accrue de vendre les productions canadiennes à l’étranger, la production d’œuvres de ce type pourrait diminuer.

1.4.3. Diversité sectorielle : Diversité de propriété

La gestion de la consolidation de l’industrie n’a pas été un thème majeur lors des audiences Parlons télé, quoique l’ensemble des décisions stratégiques pourrait se répercuter sur toute l’industrie. Ces répercussions figurent au tableau 3.

Tableau 3 Diversité de propriété

Sujet stratégique Pertinence quant à la souveraineté du consommateur
I. Changements aux permissions de substitution simultanée La substitution simultanée est seulement permise pour les télédiffuseurs traditionnels, qui appartiennent à d’importantes sociétés intégrées verticalement.
IV. Changements aux règles de regroupement des chaînes du câble
  • Les sociétés qui dépendent énormément de leurs actifs télévisés feront face à de plus grands défis financiers si le taux d’abonnement à leurs services chute en raison de l’option de services à la carte, car elles ne peuvent pas recouvrer les coûts dans d’autres unités d’affaires.
  • Les distributeurs verticalement intégrés ont un pouvoir considérable quant à la découvrabilité des services, et des incitatifs les encouragent à promouvoir leurs propres services plutôt que les services indépendants.
V. Élimination de l’exclusivité de genre
  • Les petites sociétés ont peur que les sociétés verticalement intégrées prennent d’assaut les genres les plus payants et sortent du marché les services indépendants.
  • En pratique, la plupart des chaînes de catégorie A appartiennent à d’importantes sociétés titulaires (la majorité par Bell Media ou Corus), alors que les chaînes de catégorie B appartiennent souvent à des petites sociétés.
VI. Introduction d’une règle d’assemblage du 1 pour 1
  • Cette mesure vise à appuyer les services indépendants, qui offrent souvent des émissions ciblées.
  • La règle contrebalance le conflit d’intérêts inhérent où une société verticalement intégrée est encouragée à accorder la priorité à ses propres services.
VII. Prolongation de l’exemption réglementaire pour les services de programmation comptant moins de 200 000 abonnés Grâce à l’allègement du fardeau réglementaire pour les petits télédiffuseurs, il sera probablement plus facile de créer et de lancer des services indépendants.

Le Conseil reconnaît que le dégroupement obligatoire toucherait certains services plus que d’autres, indiquant que « certains connaîtront des accrocs. Le succès ne sera pas l’affaire de tous. Certains vont prospérer, d’autres vont échouer. De nouveaux joueurs vont apparaître » (Blais et CRTC, 2015). Plus précisément, le dégroupement obligatoire touche principalement les services non intégrés verticalement qui ne peuvent pas amortir leurs pertes au sein d’autres unités d’affaires et qui souffrent d’un déséquilibre inhérent des pouvoirs dans le cadre duquel les EDR verticalement intégrées sont plutôt encouragées à mieux promouvoir leurs propres services. Le groupe de diffuseurs indépendants a présenté les graves répercussions que le dégroupement obligatoire et les changements aux exigences liées au contenu canadien pourraient avoir sur le secteur indépendant :

La portée potentielle des changements au système de radiodiffusion actuellement à l’étude entraînerait des défis de structure sans précédent au secteur indépendant. La combinaison des interventions réglementaires exigeant des groupes de chaînes plus petits et éliminant la protection ayant permis la présence même des émissions canadiennes et les choix quant à ces émissions – comme les règles et les droits d’accès veillant à la distribution prioritaire des émissions canadiennes – menace la survie des services indépendants canadiens (Le groupe de diffuseurs indépendants et Fortune, 2014, p. 1). [Traduction]

Le PDG de OUTtv, Brad Danks, est d’accord avec cet argument, et ajoute que le dégroupement obligatoire s’attaque aux mauvais problèmes : il s’agit d’une solution réglementaire à un problème de marché qui découle d’attitudes permissives de longue date à l’égard de l’intégration verticale (OUTtv et Danks, 2014). Les EDR verticalement intégrées jouissent d’un monopole ou d’un oligopole territorial et sont donc incitées de toutes parts à imposer des tarifs déraisonnables aux consommateurs. L’option obligatoire de services à la carte pourrait contribuer à la réduction des prix mais elle ne réglera pas le problème de l’intégration verticale. En fait, en obligeant certains types de groupes de chaînes, on peut nuire à des EDR indépendantes qui ne jouissent pas d’économies d’échelle et qui auront de la difficulté à différencier leurs services. Il est vrai que certaines mesures, comme la règle du 1 pour 1 et l’exemption réglementaire pour les télédiffuseurs comptant moins de 200 000 abonnés, appuient divers joueurs. Toutefois, dans l’ensemble, il est clair que la priorité du Conseil était de soutenir la souveraineté du consommateur, même si cela pouvait nuire disproportionnellement aux petits joueurs. En effet, les plus grands perdants dans ce système seront probablement les petites EDR et les services de radiodiffusion non intégrés verticalement et indépendantsFootnote 11.

1.5. Conclusion

L’amélioration de la souveraineté du consommateur était sans contredit l’objectif le plus important, non seulement de l’instance Parlons télé, mais aussi de M. Blais pendant son mandat de président du CRTC. Le ministère du Patrimoine canadien de l’époque avait rapidement exprimé cette attente au Conseil dans une lettre similaire à une lettre de mandat destinée à M. Blais, dans laquelle il demandait au Conseil d’aborder de manière exhaustive l’abordabilité pour les consommateurs et les plaintes en matière de service ainsi que d’assurer l’accès à un plus grand choix abordable tout en réglementant la radiodiffusion seulement dans la mesure nécessaire (Moore, 2012). Les efforts accentués du Conseil pour plaire aux consommateurs avaient plusieurs objectifs : satisfaire aux attentes du gouvernement, augmenter la confiance exceptionnellement faible du public à l’égard du CRTCFootnote 12 et inciter les Canadiens à continuer d’accéder au système de radiodiffusion réglementé et de regarder du contenu canadien dans notre environnement de médias en pleine évolution. Ils s’inscrivent également dans une approche de radiodiffusion visant des objectifs de diversité, qui varient parmi les institutions de différents domaines, comme le Conseil canadien des arts et Musées nationaux du Canada.

Les résultats de Parlons télé ont dressé un portrait intéressant de la façon dont un organisme d’orientation œuvrant un contexte stratégique, technologique et industriel particulier a subtilement modifié les objectifs stratégique culturels normatifs. Aucune des nouvelles dispositions n’atténue les problèmes actuels exacerbés par l’intégration verticale, et les nouvelles règles de dégroupement obligatoire et d’élimination de l’exclusivité de genre ainsi que les changements à la philosophie liée au soutien à l’égard du contenu canadien peuvent nuire aux objectifs de diversité autres que la souveraineté du consommateur. Ironiquement, de nombreuses dispositions ne représentent même pas un recours accru au libre jeu du marché : la mise en œuvre de l’option de services à la carte constitue un nouveau règlement visant à façonner le marché; les décisions qui remettent en question les services de créneau régionaux ou culturels peuvent entraîner un recours accentué aux politiques et ordonnances en vertu de l’alinéa 9(1)h) qui garantissent l’équité dans la relation entre les services indépendants et les EDR; et les changements aux mécanismes de soutien au contenu canadien constituent une réglementation supplémentaire en faveur du contenu à gros budget universellement populaire dont les créateurs sont incités de toutes parts à négliger le contenu propre à une région ou culture.

La tâche du CRTC était ardue : il devait trouver l’équilibre entre les objectifs sociaux de la radiodiffusion et la réalité d’un environnement numérique à contenu sur demande. À l’avenir, nous devons revoir sérieusement comment le système émergent se répercute sur les objectifs de diversité. Nous devrons nous poser de nombreuses questions : La souveraineté du consommateur est l’objectif prioritaire, l’emportant sur les autres objectifs normatifs, tels que l’appui aux groupes cherchant l’équité ou la diversité de propriété des médias? Est-il possible qu’un choix accru pour les consommateurs et un recours libre jeu du marché aient l’effet inattendu de diminuer la diversité des émissions et de nuire disproportionnellement aux petits joueurs du marché? Faisons-nous bon usage des fonds publics pour soutenir la création d’œuvres canadiennes de qualité supérieure si de telles œuvres sont dépouillées de toute spécificité culturelle en vue de joindre les auditoires internationaux? En cette ère d’abondance communicative, nous devons revoir systématiquement comment notre nouvelle approche à la radiodiffusion influe sur toutes les questions en matière de diversité.

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