Une autre station de radio qui mord la poussière? La transition de CHRY 105,5 FM à VIBE 105
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- Par Daniela Mastrocola, Étudiante au doctorat
- Université York et Université Ryerson | Communications et culture
Le 30 avril 2015, la direction de CHRY Community Radio Inc., la station de radio de campus et communautaire hébergée par l’Université York, a annoncé que CHRY 105,5 FM cessait ses activités, après 28 ans d’existence. Les collaborateurs bénévoles – dont certains assuraient la programmation de la station depuis ses tout débuts – ont appris qu’aucun de leurs contrats ne serait renouvelé pour l’exercice financier suivant. Le 1er mai 2015, on a lancé un nouveau cycle de programmation sous la bannière VIBE 105 (ci-après appelée « VIBE »), la nouvelle division de radiodiffusion de CHRY Community Radio Inc.
La direction avait informé le personnel de ce changement un mois auparavant, au cours d’une réunion à huis clos, en insistant sur le fait qu’un changement radical était nécessaire pour assurer la viabilité financière à long terme de la station, compte tenu de l’évolution du paysage médiatique. Les membres de la direction ont présenté les cinq objectifs interreliés qui, selon eux, ne pouvaient être atteints que sous un nouvel indicatif de station : a) des attentes plus importantes quant à l’amélioration de la qualité générale des services offerts par les radiodiffuseurs, dans le but de b) contrer la perception d’infériorité associée aux stations de radio « amatrices » de campus et communautaires (et cesser d’utiliser le titre « radio de campus et communautaire » dans les communications externes, mesure qui était alors déjà en cours). Ils espéraient ainsi c) augmenter les recettes publicitaires et le nombre de commanditaires, entre autres afin de d) réduire la dépendance à l’égard des cotisations versées par les étudiants de l’Université York et des collectes de fonds, de moins en moins fructueuses; et e) assurer la durabilité financière d’une station dont les activités dépendaient d’un budget incertain depuis des années. Ils ont affirmé qu’ils ne modifieraient pas l’engagement de longue date de la station de proposer un contenu différent de celui des stations grand public et d’offrir une initiation gratuite aux médias et à la production radiophonique à l’ensemble de la collectivité, malgré le nouveau style « urbain alternatif » de la station.
Le présent mémoire de recherche situe la fermeture de CHRY et sa réouverture sous le nom de VIBE dans le contexte politique et économique plus large de la réglementation de la radiodiffusion au Canada, dans le but de comprendre a) pourquoi les personnes qui ont effectué ce changement radical l’ont jugé nécessaire, et b) ce que ce changement signifie pour l’avenir de cette station de radio de campus et communautaire. L’auteure pose quatre questions interreliées. Quels défis CHRY a-t-elle dû affronter au quotidien pour assurer sa survie dans un environnement radiophonique (celui de Toronto) où la concurrence se faisait de plus en plus vive, et dans un environnement réglementaire (national, CRTC) qui ne lui offrait aucun soutien? En quoi l’élaboration d’une réglementation visant les radiodiffuseurs tant privés (commerciaux) que communautaires par le CRTC et l’apparition des médias en ligne ont-elles modifié les défis auxquels CHRY faisait face? Quelles sont les conséquences démontrées et prévisibles de la restructuration de CHRY, devenue VIBE, sur les valeurs de service communautaire qui étaient au cœur des activités de CHRY? Enfin, quelles mesures aurait-on pu prendre – ou pourrait-on éventuellement prendre – pour protéger le secteur des services communautaires de la radiodiffusion canadienne?
Le présent mémoire donne d’abord un bref aperçu du cadre théorique politico-économique qui a orienté cette recherche. Il présente également les méthodes de recherche utilisées, l’une fondée sur des données autoethnographiques et l’autre sur l’étude de documents d’archives. Cette section est suivie d’une analyse de l’historique réglementaire de la radio de campus et de la radio communautaire qui met particulièrement l’accent sur la fusion des règlements s’appliquant à ces deux secteurs, par le CRTC, en 2010. Il sera aussi brièvement question des augmentations parallèles de la concentration de la propriété des médias, de façon générale et plus particulièrement à Toronto, ce qui donnera une idée des forces contextuelles qui ont permis la transition entre CHRY et VIBE. Suivront un examen de l’histoire et de l’évolution de CHRY, puis une analyse du manque de ressources qui a accablé la station, surtout entre 2012 et 2015, et tout particulièrement des ressources nécessaires pour se procurer du matériel de radiodiffusion, gérer les bénévoles et embaucher du personnel. L’analyse critique des changements qui ont pavé la voie à VIBE, ainsi que de ses débuts, donne à penser que la priorité accordée au « professionnalisme » a donné lieu à une imitation des pratiques qui ont cours dans les entreprises et à l’abandon progressif du caractère distinctif de la radio de campus et communautaire, très marqué au sein de CHRY. Au nombre de ces changements, mentionnons la diminution de l’accessibilité, le resserrement des normes de production et la diffusion d’un contenu de plus en plus « grand public ». Le résumé des constatations de l’auteure est suivi de recommandations susceptibles d’empêcher que de tels événements se produisent à nouveau au Canada.
L’économie politique de la communication
L’économie politique de la communication s’intéresse aux structures et aux processus politiques et économiques qui permettent et/ou restreignent les pratiques de communication et celles des médias (Mosco, 2009). Ancré dans ce cadre théorique, le présent mémoire vise à « montrer de quelle manière des microcontextes particuliers sont modelés par la dynamique économique générale et par les structures plus larges qu’ils soutiennent » [traduction] (Golding et Murdock, 1996, p. 18). Cette démonstration mettra en lumière la logique de marchandisation pernicieuse qui s’est répandue dans le secteur de la radiodiffusion. Dans le cas présent, la marchandisation de CHRY/VIBE – un produit culturel tenu de servir l’intérêt commun des membres du campus et de la collectivité où la station diffuse ses émissions –, c’est-à-dire sa transformation en un « bien produit dans le but d’être échangé contre un certain prix » [traduction] (p. 20), semble s’être produite sous couvert de « professionnalisation », dans le but d’atteindre la viabilité financière. Le contexte de production est un terrain d’étude privilégié, bien que le type de produits conçus par la nouvelle station VIBE soulève des discussions, dans la mesure où il démontre la pénétration de la logique commerciale au sein d’une station qui demeure, selon sa désignation réglementaire, une station de radio de campus et communautaire.
Méthode
Pour opérationnaliser les questions de recherche susmentionnées, j’ai combiné divers éléments de recherche autoethnographique et de recherche archivistique. J’ai travaillé à la station, à titre de coordonnatrice des informations et du contenu parlé, pendant la plus grande partie des trois années qui ont précédé la transition et quelques mois après cette dernière. Mes propres expériences ont servi de base à la présente recherche, ce qui présente pour le lecteur le grand avantage de pouvoir être informé d’événements courants qui autrement ne seraient pas documentés ou qui seraient ensevelis dans des rapports officiels (comme je le montrerai ci-après). En complément à l’« information privilégiée » dont je disposais, j’ai effectué des recherches dans les dossiers d’archives des 29 dernières années, y compris dans certains dossiers détenus par le CRTC et ceux mis à ma disposition par la direction de la station.
La radio de campus et communautaire : une place fragile au sein du secteur canadien de la radiodiffusion
Le CRTC a commencé à attribuer des licences de radiodiffusion FM à des stations gérées par des étudiants en 1975. Cette décision reflétait des valeurs de service public, le CRTC reconnaissant que « plusieurs des secteurs de la vie sociale n’ont pas de place dans la programmation des sociétés qui offrent un service public national ou des entreprises commerciales privées » [traduction] (CRTC 75–247 cité dans Fauteux, 2013, p. 139). Malgré la résistance opposée par les stations privées, qui craignaient la concurrence indue que les stations communautaires risquaient de leur faireNote de bas de page 1, la radio communautaire a officiellement obtenu le statut de secteur au sein du système de radiodiffusion canadien. Ce secteur se caractérisait par sa structure sans but lucratif et la participation de la collectivité puisqu’il « permet aux membres de la collectivité en général d’être actionnaires et de participer à la gestion, à l’exploitation et à la programmation » (CRTC 1985-194). Le Conseil a également reconnu « que la qualité est nécessaire dans la production d’émissions radiophoniques. Néanmoins, les normes de production ne devaient pas être établies à un niveau tel que seuls les professionnels et les bénévoles les plus compétents puissent atteindre ».
La Loi sur la radiodiffusion de 1991 a confirmé la place de la radio communautaire au sein du cadre réglementaire. En effet, à l’alinéa 3(1)b), ce secteur est cité comme l’un des trois secteurs qui composent le système de radiodiffusion canadien, ce qui semble le placer sur un pied d’égalité avec le secteur privé et le secteur public. Fait à noter, à l’alinéa 3(1)g), dans une disposition apparemment anodine au sujet de la qualité de la radiodiffusion, le législateur n’établit pas de normes de qualité distinctes pour l’obtention d’une licence de station de radio communautaire. Il énonce simplement que « la programmation offerte par les entreprises de radiodiffusion devrait être de haute qualité ». Ce genre d’omission est symptomatique de la tendance du CRTC à s’intéresser principalement au secteur de la radiodiffusion privé, en fonction duquel les médias communautaires sont évalués par défaut. Néanmoins, un an plus tard, le Conseil déterminait que les stations de campus étaient des filiales des radios communautaires (CRTC 1992-38). Depuis, ce secteur est connu et reconnu pour diffuser des points de vue, des produits culturels et des sons qui reflètent la collectivité immédiate et qui sont souvent tenus à l’écart par les radiodiffuseurs commerciaux (Hackett et Zhao, 1998).
En 2010, le CRTC a constitué une catégorie hybride, celle des stations de radio de campus et communautaires, regroupant les stations de radio de campus et les stations de radio communautaires (CRTC 2010-499)Note de bas de page 2. En ce qui concerne la question qui nous occupe, trois éléments de la politique de 2010 sont particulièrement importants. Tout d’abord, le CRTC a encouragé les stations de campus et communautaires à continuer à proposer « des émissions en langues tierces aux groupes ethnoculturels de leurs zones de desserte ». Ensuite, le Conseil a affirmé qu’il s’attendait à ce que les stations de radio de campus continuent d’« offrir une formation à leurs bénévoles. (...) appelés à travailler dans des stations commerciales ». Enfin, il a reconnu que les nouveaux médias constituaient un élément essentiel de la programmation des stations de campus et communautaires FM et que leur importance irait en s’accentuant, mais il est resté silencieux au sujet des demandes de financement. En fait, il est demeuré silencieux sur cette question tout en reconnaissant que « le financement est le principal souci » des stations de campus et communautaires, puisqu’il n’existe aucun « financement de base stable » et que les radios doivent recourir à un système de financement diversifié et à des subventions généralement liées à des projets et provenant principalement du Fonds canadien de la radio communautaire (FCRC). Pour saisir les conséquences de ces trois déterminations pour CHRY (analysées ci-après), il est utile d’examiner brièvement les changements survenus en parallèle dans la réglementation et la propriété des entreprises de radiodiffusion privées.
Le processus de « déréglementation »Note de bas de page 3 amorcé pendant les années 1980 a donné lieu à une forte concentration dans l’environnement de radiodiffusion. Selon le Rapport de surveillance publié par le CRTC en 2015, plus de 75 % des stations de radio canadiennes sont des stations de radio commerciale privées. On compte donc un peu moins de 720 stations privées, par rapport à 48 stations communautaires (p. 54). Cinq conglomérats médiatiques se partagent 282 de ces 720 stations privées (soit 39 %). En 2014, les revenus de ces entreprises s’élevaient à 1,1 milliard de dollars, soit environ 69 % de la totalité des revenus générés par le secteur de la radiodiffusion au Canada (1,6 milliard de dollars) (p. 76)Note de bas de page 4.Cette réalité est plus prononcée dans les « marchés majeurs », comme celui de Toronto, où les revenus des radios privées atteignaient 541 millions de dollars en 2014 (p. 45).
De fait, en 2010, Toronto constituait le plus vaste marché radiophonique au Canada, c’est-à-dire celui qui générait le plus de revenus (CRTC 2012-485). Cette année-là, les 28 stations commerciales de la ville ont empoché des revenus de 272 millions de dollars. Se fondant sur ces données, le CRTC a déterminé que le marché radiophonique de Toronto était sain, dans son ensemble, et il a approuvé l’attribution d’une nouvelle licence commerciale. Selon cette logique, les radios communautaires sans but lucratif sont évidemment exclues des catégories de marchés établies en fonction du statut financier. Par conséquent, le Conseil n’en tient pas compte lorsqu’il détermine l’incidence de l’attribution de nouvelles licences sur un marché géographique donné. À l’heure actuelle, sept des stations de radio commerciale FM qui desservent Toronto appartiennent à quatre des cinq principaux conglomérats médiatiques canadiens (Rogers, BCE, Corus et Newcap), deux autres appartiennent à CHIN et trois à CBC. Voilà quel était l’état du marché dans lequel la transition de CHRY à VIBE s’est déroulée.
CHRY-FM (1987-2015) : D’un club de campus à une station de radio étudiante et communautaire
Fondé en 1968, Radio York était au tout début un service radiophonique à circuit fermé transmis par câble et exploité dans le sous-sol d’un collège du campus Keele de l’Université York, à Toronto, Ontario. En 1987, le CRTC accordait à la station une licence de radiodiffusion de catégorie B, à la fréquence 105,5 MHz sur la bande FM (CRTC 87‑240). Grâce à cette licence, la station pouvait exploiter une antenne de faible puissance de transmission (50 watts), pour atteindre essentiellement la collectivité Jane‑Finch de Toronto. Avec deux autres stations étudiantes exploitées à Toronto à ce moment-là, le CRTC a fait remarquer qu’il accordait une licence à CHRY en partie parce que [traduction]« ce serait la seule station dans son périmètre de rayonnement qui consacrerait une quantité appréciable de sa programmation musicale à la musique noire et folklorique provenant de différentes parties du monde » (CRTC 87-240). Cette même année, la radio communautaire CHRY a obtenu le statut officiel d’organisme de bienfaisance responsable des opérations de radiodiffusion de CHRY-FM.
Une description des premières activités de CHRY et de ses éléments constituants a été incluse dans la demande de renouvellement de la licence de radiodiffusion de la station (« Demande », 1994)Note de bas de page 5. À ce moment-là, le nombre de personnes travaillant à la station était assez élevé, comprenant trois employés à temps plein, onze employés à temps partiel, six représentants commerciaux rémunérés à la commission et 150 bénévoles non rémunérés. Dans son explication concernant la contribution des bénévoles, la demande reflétait la décision prise en 1985 par le CRTC selon laquelle les normes de production devraient exclure les bénévoles les moins qualifiés (CRTC 1985‑194) : [traduction] « Bien que les programmeurs en ondes soient encouragés à offrir un service aussi professionnel que possible, ce ne sont pas seulement les connaissances techniques des bénévoles qui les rendent précieux pour la station ». À cette fin, il est mentionné dans la demande que [traduction] « L’accès communautaire est l’un des aspects les plus importants de CHRY », faisant écho à l’esprit d’accessibilité qui est devenu le leitmotiv de la radio étudiante et communautaire.
À propos de la programmation, on propose dans la demande qu’une approche axée sur la justice sociale oriente le service des nouvelles : [traduction] « Le service des nouvelles de CHRY se consacre à briser les barrières qui existent dans le monde de l’information... Dans bien des cas, cela signifie qu’il faut regarder ce qui se cache ‘derrière’ les nouvelles » (« Demande », 1994). Se distinguant des « médias grand public », les auteurs de la demande décrivent la manière dont le service a rejeté certaines idées dominantes touchant l’« objectivité » et les « Caucasiens » pour présenter plutôt des gens de couleur, forts de leurs expériences personnelles sur un sujet donné, afin que soit entendue « la voix des communautés locales ». Cette approche concorde avec l’inclusion des principes de l’Association nationale des radios étudiantes et communautaires dans le Code de déontologie de 1994 de la station, lesquels sont également inclus dans la demande : [traduction] « La radiodiffusion communautaire répond aux besoins de groupes désavantagés de nos sociétés sur les plans politique, culturel, économique et social ».
Enfin, CHRY a fait valoir que sa situation financière stable était une indication de sa pertinence pour la « communauté noire » plus particulièrement :
Fonctionnant avec aussi peu que cinquante watts, CHRY a réussi à récolter 15 000 $ de plus que son objectif de 49 000 $, soit l’impressionnante somme de 64 000 $, du jamais vu... Les émissions qui s’adressent à la communauté noire et les émissions de musique de danse réunies sont à l’origine de près de 75 % du montant total recueilli.
En fait, le début des années 1990 a peut-être été la période la plus rentable pour la station sur le plan financier. En 1994, la station a recueilli environ 193 000 $ et 52 000 $ en subventions et en revenues publicitaires respectivement, par rapport à 106 000 $ et 13 000 $ en 1989. Ce succès n’est pas surprenant compte tenu du contexte technologique : la radio a connu un temps fort dans les années 1990. À ce moment-là, l’accès à la fréquence FM et la représentation sur cette fréquence sont à l’origine de nouvelles et fructueuses possibilités en matière de financement.
Au début des années 2000, CHRY a commencé à subir les contrecoups d’un marché de la radio de plus en plus compétitif. La station a demandé au CRTC de bonifier sa licence non protégée de faible puissance de classe B, en grande partie dans le but d’accroître ses revenus. On espérait qu’un signal plus fort et plus clair atteindrait un auditoire plus large et un plus grand nombre d’annonceurs potentiels, offrant une plateforme plus attrayante, à la fois sur le plan de la qualité sonore et pour la légitimité qu’elle confère à la radiodiffusion. Dans sa demande, la station devait démontrer qu’elle pouvait effectuer des collectes de fonds fructueuses (un facteur clé permettant au CRTC de déterminer le degré d’appréciation des stations de radio étudiante et communautaire à l’échelle locale) et que la licence de classe supérieure lui permettrait d’atteindre ses objectifs en matière de service public. Elle avait prévu une augmentation de ses revenus, qui passeraient de 384 000 $ la première année d’exploitation avec une licence de classe supérieure à 425 000 $ en 2011. En 2006, le CRTC a accordé une licence communautaire de classe A à CHRY, assortie d’une « pleine protection » et d’une augmentation de sa puissance apparente rayonnée de 50 watts à 158 watts, avec une « puissance apparente rayonnée maximale de 250 watts/hauteur de l’antenne à 63,5 mètres » (CRTC 2006-196).
Les chiffres dans leur contexte
Les projections incluses dans la demande de CHRY de 2006 se sont pour l’essentiel révélées exactes : les bénéfices bruts de la station ont augmenté, passant de 399 051 $ en 2006 à 424 134 $ en 2011. Il faut néanmoins mentionner que les variations dans les dépenses totales reflétaient le profit brut de ces années et des années qui ont suivi (voir l’annexe A). En d’autres mots, les revenus qui semblent avoir permis de couvrir les dépenses annuelles furent le résultat d’une planification prudente et bien réfléchie. Ici, la définition de la viabilité de Skinner est un standard utile permettant de mesurer les opérations de CHRY : [traduction] « La viabilité, c’est avoir les ressources nécessaires pour recruter du personnel, faire appel aux technologies de production et trouver des canaux de distribution » (2012, p. 26). À l’encontre de cette définition, nous pensons que la station a été exploitée dans le respect des paramètres financiers lui permettant de poursuivre ses activités, mais qu’elle n’était pas viable. Ce dont ne tiennent pas compte les états financiers vérifiés, ce sont les nombreux achats non effectués et les occasions manquées, ainsi que les sacrifices consentis par les bénévoles et le personnel pour rester dans les limites du budget. Cette réalité a fait surface dans les opérations quotidiennes de la station; vous trouverez ci-dessous un aperçu de ces lacunes opérationnelles.
Ressources insuffisantes en radiodiffusion. D’abord, les ressources nécessaires à la radiodiffusion sur la bande FM faisaient invariablement défaut. Les bénévoles devaient se démener pour emprunter des écouteurs et des adaptateurs avant leurs émissions, étant donné que la station ne pouvait se permettre d’en avoir en nombre suffisant pour les périodes de pointe. Dans certains cas, des bénévoles et des stagiaires, qui donnaient entre deux heures et douze heures de leur temps par semaine, ont décidé d’acheter ces articles afin de pouvoir s’acquitter de leurs responsabilités. Même constat pour les enregistreurs portables utilisés à l’extérieur (lors d’événements musicaux, d’entrevues dans la rue, etc.); ces appareils sont essentiels à la présence d’une station de radio étudiante et communautaire « sur le terrain » pour l’enregistrement audio des membres des collectivités qu’elle veut desservir. Plus d’une fois, ces appareils n’ont pas été mis à la disposition des bénévoles qui en auraient eu besoin. Les ressources technologiques et humaines nécessaires aux émissions extérieures en direct faisaient également défaut; la station ne réalisait tout au plus que trois émissions de ce type par année.
La majorité des ordinateurs de bureau de la station étaient des appareils usagés avec une mémoire interne limitée et des logiciels et du matériel périmés. Ces ordinateurs tombaient souvent en panne ou figeaient lorsque les bénévoles tentaient de mettre en forme ou de baladodiffuser d’importants fichiers audio. Le temps requis pour mettre en forme des fichiers audio était ainsi prolongé inutilement, exerçant du coup plus de pression encore sur les bénévolesNote de bas de page 6. L’ordinateur principal consacré exclusivement à l’enregistrement continu d’émissions en direct était également sujet à des difficultés techniques. Certaines émissions en direct n’ont jamais été enregistrées et n’ont donc pu être archivées ou partagées en ligne. Cela a miné la légitimité de la station aux yeux des invités interrogés qui ne pouvaient pas obtenir une copie de leurs entrevues, ainsi qu’aux yeux des auditeurs qui appelaient pour obtenir une copie de l’enregistrement audio. Il en a été de même pour l’unique studio de production de la station qui a dû être calibré pour recevoir tous les utilisateurs potentiels, et qui ne permettait donc pas d’effectuer certains enregistrements audio (p. ex. des entrevues par téléphone ou en personne, des concerts, des publicités, etc.). Le processus de réservation du studio selon la disponibilité et les horaires des bénévoles et de leurs invités a été une source de problèmes constants et a contribué du coup à l’apparente illégitimité de la station.
Comme il a été mentionné au tout début, la direction espérait que la transition à VIBE permettrait à la station d’accroître les normes de qualité attendues des bénévoles et de mettre ainsi fin au sentiment d’infériorité associé aux radios étudiantes et communautaires. Nous aborderons plus en détail cette question, mais ce qui importe pour le moment c’est que les bénévoles ayant produit un contenu « insuffisant » à bien des égards (par rapport aux normes en vigueur dans l’industrie) ont été limités par le manque de ressources disponibles. Le fait de licencier ces bénévoles dans le but de changer la manière dont la station était perçue revenait à jeter le blâme sur des personnes alors qu’il s’agissait plutôt de problèmes structurels liés à la marginalisation financière de ce secteur. Lorsque les dés sont pipés par rapport aux ressources humaines et technologiques mises à la disposition des stations privées, il est presque inévitable que la qualité du son ne soit pas au rendez-vous. Le problème, donc, est de déterminer si une station étudiante ou communautaire peut survivre dans de telles circonstances; ce que semble démontrer le cas de CHRY, c’est que ce n’est pas possible.
Gestion des bénévoles. Durant sa période la plus prospère, CHRY affirmait travailler avec plus de 300 bénévoles (y compris les stagiaires non rémunérés). La formation de ces bénévoles et l’engagement de leur part avec un budget aussi limité ont été excessivement ardus. D’abord, la station ne pouvait se permettre de verser des honoraires ou des allocations aux bénévoles ou aux stagiairesNote de bas de page 7. Elle ne pouvait pas non plus assumer les frais de transport en commun des bénévoles qui en avaient besoin. Dans les faits, la station n’était pas accessible aux personnes qui ne pouvaient assumer les dépenses pour leur transport ou la perte de revenus résultant du temps qu’elles consacraient à la station.
Dans un effort pour atténuer ces lacunes, le personnel s’efforçait de fournir gratuitement une formation à tout le moins comparable à la formation offerte dans le cadre des programmes de radiodiffusion au niveau collégial. Ces séances de formation duraient environ deux heures chacune, et deux ou trois séances différentes étaient offertes sur une base hebdomadaire. Les bénévoles suivaient en général six heures de formation et bénéficiaient de trois à quatre heures d’introduction à la réglementation de la radiodiffusion et aux politiques applicables à la station. Inévitablement, certains bénévoles ont commencé les séances de formation sans les terminer ou ils ont terminé la formation, mais n’ont pu assumer les responsabilités du poste qu’ils devaient occuper. Cela signifie que la station n’a obtenu aucun rendement pour le capital investi dans la formation offerte à ces participants. Bien qu’il puisse sembler grossier de parler d’investissements et de rendement du capital investi quand il s’agit de former des étudiants et des membres de la communauté – d’autant plus que le CRTC s’attend tout naturellement à ce que cette formation soit fournie par les stations de radio étudiantes et communautaires en échange de leur licence (CRTC 2010-499) –, telle a été la dure réalité de l’exploitation d’une station de radio avec un budget insuffisant. Par ailleurs, la formation accordée à des participants en vue de carrières dans le domaine de la radiodiffusion (ainsi que le stipule le CRTC) accaparait du temps et des ressources qui ne pouvaient pas être consacrés à l’initiation aux médias. Bien que ces deux domaines ne s’excluent pas mutuellement, lorsqu’il fallait réduire la formation, les activités axées sur les compétences de nature critique dans le secteur des médias (p. ex. les séminaires sur la lutte contre l’oppression, sur les décisions par voie de consensus, etc.) étaient les premières à être supprimées, afin que plus de temps soit consacré à une formation axée sur les « compétences commercialisables » et sur la radiodiffusion de « haute qualité ».
Les participants ayant terminé leur formation ou leurs stages n’ont dans bien des cas bénéficié d’aucun suivi qui aurait pu contribuer à leur propre développement. Par exemple, entre 50 et 75 bénévoles et stagiaires travaillaient à mon service à un moment ou à un autre; le fait de travailler 24 heures rémunérées par semaine ne permettait tout simplement pas de donner à chaque participant l’attention et la rétroaction qu’il aurait souvent aimé recevoir. Bien sûr, c’était une situation sans issue du fait de la corrélation positive entre les heures consacrées au travail, la cohérence de la rétroaction, le travail réalisé et l’engagement soutenu à long terme des bénévoles. En fait, le défaut d’assurer un suivi et de la reconnaissance augmentait le risque de désistement et, donc, les coûts associés au remplacement des bénévoles.
Dotation. Au chapitre de la dotation, la plus importante dépense encourue par la station touchait les salaires des membres du personnel. Entre 2006 et 2015, les dépenses annuelles totales à ce chapitre variaient entre 219 000 $ et 272 000 $ pour une dizaine de membres du personnel en moyenne, dont trois étaient généralement employés à temps plein. Selon la plupart des normes applicables, la rémunération pour l’ensemble des postes était très peu élevée. Presque tous les membres du personnel occupaient un deuxième (et parfois un troisième) emploi. Pour beaucoup d’entre nous, la décision de travailler à CHRY était fondée sur un engagement envers les valeurs fondamentales de la station, soit le service communautaire et le développement culturel. Nous avons travaillé bien au-delà des heures qui nous étaient assignées afin de remplir les tâches quotidiennes et les projets spéciaux dans lesquels nous nous étions personnellement investis. En revanche, avec le temps, cette situation finit par avoir un impact sur les employés, et elle explique peut-être le roulement élevé du personnel. Cela, bien sûr, se traduit également par une dépense à long terme, compte tenu du temps et de l’argent qu’il faut consacrer à la formation des nouvelles personnes embauchées. En outre, tous les membres du personnel ont inévitablement assumé des tâches et réalisé des projets qui ne faisaient pas partie de leur description de travail et de leur domaine de connaissances. Mais surtout, en l’absence de budget pour la création d’un poste qui soit exclusivement consacré à la présence numérique de la station, bon nombre d’entre nous avons essayé de nous renseigner sur les technologies émergentes dans un effort pour élargir la portée numérique limitée de la station, ce qui a souvent donné des résultats mitigés.
Médias en constante évolution et réalités économiques. Dans le même bureau où tous ces problèmes étaient survenus, tout le monde bien sûr jouait à l’autruche pour éluder la question sur la pertinence de la radiodiffusion FM en 2015. En raison de problèmes financiers, CHRY a été incapable de maintenir des cotes d’écoute cohérentes, bien que les estimations approximatives indiquent une moyenne de 40 000 auditeurs par heure durant les périodes d’écoute faibles, et de 120 000 auditeurs en période de pointe. Toutefois, comme cela est indiqué dans le Rapport de surveillance des communications 2015 du CRTC, un nombre croissant d’auditeurs ont désormais recours à des sources audio en ligne plutôt qu’à la radio FM traditionnelle – changement contre lequel CHRY n’était pas à l’abri. Il est juste de supposer que les musiciens indépendants et les groupes sociaux radicaux auxquels la diffusion FM de CHRY servait de plateforme privilégiée dans les années 1990 peuvent désormais joindre leur public par l’intermédiaire de sites de médias sociaux, incitant ainsi les auditeurs à se servir des plateformes en ligne plutôt que de la station de radio. En retour, cela influe sur la capacité de la station à vendre de la publicité aux entreprises, pour qui la publicité en ligne peut être à la fois moins coûteuse et plus efficace parce qu’elle touche un public plus vaste, ou au moins un public mieux défini sur le plan démographique. Comme mentionné plus haut, le CRTC n’a pas donné suite aux demandes de soutien financier qui aurait permis aux stations de radio communautaire et de campus d’étendre leur présence en ligne. Comme en témoignent les chiffres qui figurent à l’annexe A, le budget limité de CHRY ne lui a pas permis d’utiliser une part de ses revenus pour établir sa présence en ligne, puisque la station luttait déjà pour maintenir sa radiodiffusion FM.
Se pose aussi la question du prélèvement auprès des étudiants. Ce montant a été relativement constant entre 2006 et 2015, soit une moyenne d’environ 195 000 $ par année. Les frais sont calculés ainsi : 0,15 $ par étudiant de premier cycle et de 1,12 $ à 1,50 $ par étudiant des cycles supérieurs à temps plein, donc augmentant ou diminuant selon le nombre d’inscriptions. Ce montant n’a pas été ajusté en fonction du taux d’inflation. Par exemple, l’équivalence du pouvoir d’achat du montant de 187 000 $ qu’a reçu CHRY en 2006 serait d’environ 219 000 $ en 2015. Cependant, CHRY n’a reçu que 195 000 $ en 2015. En outre, durant les années où j’étais à l’emploi de la station (2012-2015), l’on estimait qu’il ne fallait pas supposer que cette source de revenus serait toujours disponible. L’on s’inquiétait que la remise en question continue de la pertinence d’une radiodiffusion FM dans le contexte des nouveaux médias, en particulier pour les jeunes universitaires, pourrait éventuellement dégénérer en une réduction substantielle, voire une élimination complète, du prélèvement. Que ces préoccupations aient été exagérées ou qu’elles aient été pertinentes est un sujet de débat qui va au-delà de la portée de la présente analyse.
Les dons et les subventions de l’extérieur sont de loin la source de revenus la moins stable. Ce type de financement, y compris celui qui est acheminé par l’intermédiaire du Fonds canadien de la radio communautaire (FCRC), est alloué de façon disparate et généralement pour des projets spéciaux. Ce financement n’a pas aidé la station à améliorer l’ensemble de ses opérations au moyen de projets à long terme. Il y avait aussi la question du temps et des ressources considérables qu’il fallait consacrer pour remplir une demande qui, en cas de succès, ne rapportait habituellement qu’un montant de moins de 5 000 $. Le fait de présenter une demande de financement ou de subventions était aussi une situation sans issue. CHRY fonctionnait dans les limites indiquées ci-dessus pour respecter son budget. Sur papier, la station semblait généralement en bonne santé et recevait des prélèvements importants des étudiants; par conséquent, elle n’avait pas besoin de financement (ou elle n’avait pas besoin d’autant de financement) que les autres stations de radio communautaire et de campus qui présentaient une demande pour les mêmes fonds, et qui pouvaient être en situation de déficit. Par ailleurs, ces facteurs ne tiennent pas compte de l’augmentation des coûts associés au maintien de la radiodiffusion sur le marché saturé des médias de Toronto.
Comme l’a demandé le CRTC, CHRY a aussi mesuré son importance pour la communauté à l’aide des revenus provenant de collectes de fonds qui, bien que stables dans l’ensemble, n’ont pas réussi non plus à se maintenir par rapport à l’inflation. En effet, les revenus provenant de la collecte de fonds annuelle au cours des exercices 2012-2013 et 2014-2015 ont été à peu près égaux à ceux des exercices 2006-2007 et 2007-2008. On peut, bien sûr, se demander dans quelle mesure les revenues provenant des collectes de fonds sont une mesure adéquate du nombre d’auditeurs communautaires et du rôle joué dans la communauté, en tenant compte de toutes les variables personnelles qui sont en jeu dans la décision d’une personne de faire un don, y compris durant les crises financières de 2001-2002 et de 2008-2009. En outre, des questions ont été soulevées au sujet du téléthon de financement, jugé de style archaïque, surtout si l’on tient compte du fait que l’on demande des dons à ce public chaque année depuis vingt-huit ans. C’est pour cette raison que la station s’est préparée à supprimer les campagnes annuelles de collecte de fonds des opérations de VIBE.
Enfin, pendant que CHRY luttait pour relever de vieux défis dans le contexte des nouveaux médias, le CRTC approuvait l’existence d’une nouvelle catégorie de licences : les licences d’exploitation de stations de radio FM spécialisées à caractère ethnique. À Toronto, Intercity Broadcasting Network a obtenu une licence, en 2011, pour desservir les communautés locales d’origine caribéenne ou africaine, sous le nom de « G98.7 » (Décision de radiodiffusion CRTC 2011-369). Dans sa décision, le CRTC note que « ce service contribuera à la diversité culturelle et raciale et desservira les communautés caribéenne et africaine de Toronto avec sa programmation de créations orales et sa formule musicale », sans toutefois mentionner les objectifs similaires de CHRYNote de bas de page 8. En outre, « la puissance apparente rayonnée moyenne [accordée à G98.7] était de 446 watts (PAR maximale de 1 000 watts avec une hauteur effective d’antenne au-dessus du sol moyen de 276,8 mètres) », une puissance à peu près trois fois plus forte que la puissance du signal détenu par CHRY. Cela n’est pas tellement surprenant. Comme indiqué dans le rapport de 2010 du Conseil (ci-dessus), le CRTC rend ses décisions au sujet des incidences potentielles d’une nouvelle licence sur un marché donné en se fondant sur la « santé financière » des radiodiffuseurs privés. En tant que radiodiffuseur sans but lucratif, les incidences sur CHRY n’ont effectivement pas été prises en compte dans cette décisionNote de bas de page 9. En effet, la direction de CHRY a attribué la baisse marquée des recettes publicitaires en 2013 à la concurrence engendrée par la station FM G98.7.
Quelque chose dans l’air : événements qui ont donné lieu à la création de VIBE105 et les débuts de celle-ci
Comme mentionné dans les communications émises dans les jours qui ont suivi le lancement de VIBE, le principal objectif de la station est de « professionnaliser » la radiodiffusion afin de mieux l’harmoniser avec les « normes de l’industrie » et de parvenir à la viabilité financière :
l’équipe de gestion désignée travaillera en conformité avec l’actuel cadre de gouvernance de CHRY Community Radio Inc. en vue d’appliquer une approche de radiodiffusion plus rationalisée et orientée par des professionnels. (« Courriel envoyé aux programmeurs », 2015)
L’on reconnaît ici que certaines des pratiques utilisées alors que la fréquence était orientée selon les structures précédentes n’ont pas permis de concrétiser les attentes en matière de consommation de la radiodiffusion et des médias d’aujourd’hui. (« Protocole d’intervention », 2015)
La question est donc, pour ceux qui sont attachés aux valeurs de la radio communautaire que CHRY s’était efforcée – même imparfaitement – de maintenir pendant 28 ans, de savoir comment le fait de refaire l’image de marque sur la base du « professionnalisme » de VIBE permettra de respecter ces valeurs. Bien que VIBE en soit encore à ses débuts, je décrirai, dans ce qui suit, quelques-uns des événements qui ont eu lieu dans les années qui ont précédé la naissance de la station et durant ses premiers mois d’exploitationNote de bas de page 10. J’aimerais souligner trois changements qui suggèrent que les caractéristiques de la radio communautaire et de campus peuvent, dans une certaine mesure, être menacées par la transition à VIBE, et la logique sous-jacente à l’adoption de pratiques de type commercial pour assurer la viabilité financière.
Accessibilité amoindrie
En premier lieu, les possibilités de radiodiffusion ont été de plus en plus définies comme un privilège de spécialistes plutôt que comme un droit des membres de la communauté. En 2012, je me suis retrouvée dans un environnement qui, historiquement, utilisait une approche « Vous êtes tous invités » à l’égard des nouveaux bénévoles. Alors que l’on s’attendait à ce que ces bénévoles suivent une formation et reçoivent une orientation, très peu de mécanismes d’exclusion étaient en placeNote de bas de page 11. Au cours des trois années suivantes, un nouveau processus a pris forme. Après avoir assisté à une séance d’orientation générale présentant la station, les bénévoles passaient une entrevue qui était, en fait, un processus de sélection. À ma connaissance, aucune ligne directrice précise ne régissait leur acceptation, bien qu’en général, les bénévoles étaient évalués selon les compétences ou les connaissances qu’ils possédaient et qui pouvaient être facilement utilisées dans des rôles liés ou non liés à la diffusionNote de bas de page 12. Ces gens devaient également démontrer un certain degré de compétence sociale. Les normes d’acceptation étaient limitées par le bassin de candidats disponibles, puisque chacun des programmes et des services de la station nécessitait une masse critique de personnes pour soutenir les opérations; malgré l’importance de la disponibilité, cependant, la capacité d’attirer des bénévoles qualifiés était considérée comme cruciale. Cette forme de sélectivité peut faire en sorte que la station s’éloigne de ses engagements envers le service à la communauté et l’accessibilité, qui sont au cœur de la radiodiffusion communautaire. Bien que les obstacles à l’accès ne soient certainement pas aussi élevés que ceux des radiodiffuseurs privés, la tendance à imiter ces normes tend vers une méritocratie de style commercial. Ce processus peut également renforcer les structures sociales plus larges qui privilégient certaines populations par rapport à d’autres, dans la mesure où les personnes qui occupent des positions privilégiées (classe, niveau d’éducation, ethnicité, etc.) peuvent être plus susceptibles que les autres de posséder les compétences préalables. Par exemple, les membres de groupes privilégiés sont plus susceptibles d’avoir suivi des programmes collégiaux en radiodiffusion, d’avoir eu accès à de l’équipement de production, etc.
Normes de production accrues
De manière similaire, les normes de production ont été renforcées. Il convient de rappeler que dans les années 1990, CHRY s’enorgueillissait de travailler avec n’importe quel bénévole, indépendamment de ses compétences techniques (« Demande », 1994). Le mantra en vigueur après la transition de 2015, cependant, était que seul un contenu de haute qualité serait diffusé. Bien sûr, cela aussi était soumis à la disponibilité du contenu puisque, en fin de compte, on devait diffuser quelque choseNote de bas de page 13. Néanmoins, on a dit aux bénévoles de VIBE que rien ne garantissait que leur contenu serait diffusé ou qu’ils pourraient conserver leur rôle dans la radiodiffusion. Certains contributeurs ont prospéré dans cet environnement, mais d’autres ont exprimé leur frustration de ne pas pouvoir répondre aux attentes.
L’adoption de ce processus a coïncidé avec la directive émise par la direction en 2014, selon laquelle les programmeurs ne devaient pas, pendant les émissions, dire que CHRY était une station « de campus », mais plutôt opter simplement pour le mot « communautaire » ou éviter complètement ce genre d’étiquette. De l’avis du personnel des ventes, le fait qu’on percevait la radiodiffusion de « campus ou communautaire » comme étant de niveau inférieur avait une incidence négative sur sa capacité à attirer de nouveaux clients. Certains bénévoles n’ont pas bronché devant ces changements, et les ont même bien accueillis. Pour d’autres, en particulier ceux qui travaillaient à la programmation orientée sur la justice sociale et le militantisme, la perte de la partie « campus » menaçait de saper la légitimité de cette étiquette auprès des groupes d’activistes qui préféraient être interviewés par des stations de campus ou communautaires en raison de l’engagement envers des politiques progressistes que cette étiquette avait tendance à conférer.
Au moment de la transition à VIBE, l’utilisation des deux étiquettes s’est effectivement arrêtée. En effet, le communiqué de presse publié quelques jours après la transition laissait voir une image de la station différente de celle d’une station de campus et qui s’apparentait plutôt à une radiodiffusion de nature commerciale :
S’AGIT-IL D’UN CHANGEMENT VERS UNE PRATIQUE COMMERCIALE?
En quelque sorte, OUI. La fréquence sera guidée en fonction de plusieurs pratiques commercialement viables et un ensemble de logiciels et d’équipement professionnels utilisés couramment dans les émissions de pointe d’aujourd’hui. (« Protocole d’intervention », 2015)
Il semblerait donc que la perte de l’étiquette « campus ou communautaire » était beaucoup plus qu’une simple question de perception ou de sémantique; cela reflétait un environnement de radiodiffusion qui a été préparé, à l’interne et à l’externe, en vue de l’adoption de pratiques commerciales.
Le caractère grand public du contenu
Les changements dans la programmation sont vite devenus évidents, surtout après la transition à VIBE. À la fermeture de CHRY, tous les programmes que la station avait diffusés ont pris fin. Repeupler la grille de la radiodiffusion prendra du temps et, au moment où mon emploi a pris fin, seuls quelques programmes de création orale avaient été lancés. Le premier était un produit de nouvelles appelé « VIBE News Hits » (désormais « Hits »). Il s’agit de trois minutes et trente secondes de titres de l’actualité qui sont diffusés de manière intermittente tout au long de la journée, et dont les trames musicales sont conçues pour créer un rythme rapide et entraînant. Ce produit a été créé pour deux raisons. Premièrement, fournir aux nouveaux contributeurs la possibilité de créer des produits plus courts, développant ainsi l’ensemble de leurs compétences sans la pression qu’apporte une émission plus longue (comme moyen de respecter les normes de diffusion accrues décrites ci-dessus). Deuxièmement, ces produits se prêtent à des commandites commerciales. On espérait que les annonceurs seraient enclins à parrainer cette version marchandisée des nouvelles, et qu’on obtiendrait ainsi un nouveau flux de revenus. Dans leur exécution, les « Hits » ont tendance à imiter les « petites phrases d’actualité » qui sont caractéristiques des bulletins de nouvelles produits par les diffuseurs commerciaux. Pour des raisons d’efficacité de la part des contributeurs qui cherchent à respecter des normes de haute qualité, les sujets sont souvent tirés de titres de nouvelles commerciales, et la discussion sur ces sujets se limite à ce qui peut être inséré dans une séquence de 60 secondes. Même les contributeurs les plus chevronnés auraient du mal à contextualiser les manchettes de la manière qu’utilisent les émissions d’actualité de nature critique ou cherchant à combattre l’oppressionNote de bas de page 14. Même si de l’espace peut être encore offert aux activistes communautaires dans lequel ces derniers peuvent élaborer des programmes de longue durée visant à appuyer une analyse critique et en profondeur des questions, l’émergence de ce nouveau produit montre qu’il y a un changement vers un style de diffusion commercial, ce qui est source de préoccupation.
Un autre point de discorde qui a émergé après la transition à VIBE est l’effet du nouveau format « urbain alternatif » sur la programmation musicale de la station. Bien sûr, je nai eu qu’un contact sommaire avec les ’services musicaux de CHRY et de VIBE. Cependant, je peux offrir une observation clé en me fondant sur mes discussions avec la direction. Dans la pratique, le format « urbain alternatif » est une forme marchandisée de la culture urbaine. La direction a déploré la perte des publics qui appréciaient CHRY pour sa diffusion de musique et d’émission culturelles « authentiques » provenant des communautés caribéenne et africaine, ce qui incluait de la musique qui n’avait pas encore connu de succès commercial et qui n’en connaîtrait peut-être jamais. Elle a reconnu que ces publics seraient perdus, mais est allée de l’avant et a lancé le nouveau format en espérant qu’il permettrait d’augmenter la publicité et d’afficher des commandites. À cette fin, le processus d’acceptation des présentations musicales de nouveaux artistes a été modifié. De leur point de vue, le principe de mettre en valeur principalement des artistes nouveaux et émergents dont les sons étaient bruts s’est révélé financièrement non viable. Avec VIBE, on s’attend à ce que les artistes émergents utilisent des plateformes comme YouTube pour créer leur réseau d’admirateurs et atteindre la qualité du son nécessaire, avant d’obtenir du temps d’antenne. Ceci est conforme aux normes « professionnelles » qui valorisent une qualité sonore raffinée et un certain niveau de succès déjà établi. Même si on s’attend toujours à un certain degré d’audibilité, les nouvelles normes présentent un contraste frappant par rapport aux émissions originales de CHRY, qui incluaient [traduction]« la présentation hebdomadaire de maquettes d’audition... provenant de groupes de musiciens de la région de Toronto... ouvrant la voie au succès de leur carrière musicale » (« Demande », 1994).
Résumé des constatations et des recommandations
Considérés dans leur ensemble, les problèmes financiers continus, le manque de ressources, l’évolution rapide du secteur des médias et l’émergence de licences de services spécialisés ont soulevé un dilemme qui exigeait une solution si l’on voulait soutenir la radiodiffusion de 105,5 FM. Le fait d’avoir ignoré ou nié ces réalités changeantes peut bien avoir entraîné la fin de la radiodiffusion. En outre, le fait de fermer proactivement CHRY et de rouvrir la station en tant que VIBE visait à la positionner de manière à assurer sa viabilité financière, chose que ne pouvait pas faire l’ancienne station. Pour les défenseurs de la radio communautaire, la question est : à quel prix?
En 1997, Fairchild a affirmé que les stations de radio communautaire et de campus étaient mieux placées pour refléter les valeurs sociales en raison de leur attitude d’opposition envers les pratiques traditionnelles, contrairement aux médias publics qui avaient choisi « de rivaliser avec l’industrie commerciale plutôt que de la remettre en question » (p. 10). La transition de CHRY à VIBE, malheureusement, suggère que ce dernier processus a pris racine dans cette station de radio communautaire et de campus. Les normes accrues pour l’acceptation des bénévoles, la qualité de la diffusion, de même que le caractère plus conventionnel des nouvelles et de la programmation musicale, suggèrent que les pratiques des entreprises commerciales ont infiltré cette station sous le prétexte du « professionnalisme ». Dans un document de la fin des années 1990, Monk a fait valoir que « la radio FM est devenue, dans une large mesure, une radio commerciale, mais comportant un espace à la fin pour les chaînes publiques et communautaires » (1997, p. 57). Les résultats de la présente analyse suggèrent que cet espace seul ne suffit plus pour assurer la survie du contenu axé sur la communauté en tant que telle dans un marché de plus en plus privatisé.
Cette analyse n’a pas pour but de blâmer les personnes qui entreprennent cette transition à VIBE. Au contraire, un cadre politico-économique nous invite à prendre en considération l’environnement général dans lequel ces changements ont été jugés nécessaires – à savoir ces forces contextuelles qui favorisent et limitent les décisions et les actions. Il y a près de vingt ans, Fairchild a également fait valoir que « l’utilisation limitée de la publicité locale pour les entreprises axées sur la communauté, le financement public limité pour maintenir les opérations, et les dons individuels des auditeurs et des sympathisants » seraient suffisants pour soutenir une station de radio communautaire et de campus (1997, p. 384). Cela ne semble plus être le cas, au moins dans le marché de Toronto qui est devenu particulièrement saturé en raison du relâchement des règles du CRTC concernant le contenu et la propriété. Pourtant, cela vaut la peine d’envisager des mesures de rechange qui auraient pu être prises à CHRY – ou des mesures qui peuvent être prises par d’autres stations de radio communautaire et de campus face à une situation similaire.
Dans le cas des médias indépendants et alternatifs aux États-Unis, Skinner (2012) définit trois approches interdépendantes de la viabilité qui peuvent se révéler bénéfiques : l’éducation, l’organisation et la politique publique. Par exemple, plutôt que de contourner l’Association nationale des radios étudiantes et communautaires, la station aurait pu choisir de travailler plus étroitement avec l’Association et d’autres stations de radio communautaire et de campus pour informer les membres de la communauté des problèmes croissants auxquelles elle-même et les autres stations de radio communautaire et de campus sont confrontées, et leur permettre de mieux comprendre la valeur et le rôle des médias communautaires, en particulier dans un contexte de concentration, de convergence et déréglementation. Ces efforts peuvent servir à générer le type de pression publique nécessaire pour faire pression sur le CRTC en vue d’accroître le financement des stations de radio communautaire et de campus et d’apporter des changements dans la réglementation. Bien que je puisse témoigner des problèmes que cela aurait posés, comme le fait d’ajouter une autre initiative dans un environnement déjà tendu, de tels changements, à un certain moment, peuvent être la seule solution si les médias communautaires décident d’apporter des réformes positives à l’environnement réglementaire, plutôt que d’assurer leur survie en s’adaptant aux principes et aux modes de diffusion auxquels ils devaient s’opposer par leur existence même.
Du point de vue réglementaire, le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) de la France, comme indiqué dans la publication de l’UNESCO, Community Media: A Good Practice Handbook (2011), est particulièrement instructif : [traduction] « Les stations de radio et de télévision commerciales versent dans le FSER une taxe sur leurs revenus commerciaux », et « les stations de radio communautaire sont admissibles au financement provenant de ce fonds, pour un montant se situant à quelque 50 % de leur chiffre d’affaires » (p. 20). En 2007, cela équivalait à des revenus totaux de 36,6 millions de dollars américains, dont 80 % ont été versés à 588 services de radio communautaire (pour une moyenne d’environ 50 000 $ US chacune) (p. 21). Si cette pratique était adoptée au Canada, un tel financement pourrait être utilisé pour améliorer la qualité de l’équipement de radiodiffusion, augmenter le nombre d’employés, et leurs salaires, et fournir aux contributeurs des honoraires et des allocations pour ouvrir la station à un accès élargi, tout en offrant en même temps de la formation civique en matière de médias dans le cadre d’une démarche de perfectionnement professionnel.
La pratique du CRTC d’évaluer la santé financière des stations privées seulement avant d’émettre une nouvelle licence sur le marché (y compris les licences pour les services spécialisés) doit également être modifiée. Si les médias communautaires sont vraiment sur un pied d’égalité avec les radiodiffuseurs privés et publics, comme l’indique la Loi sur la radiodiffusion de 1991, ces stations doivent être prises en compte dans la prise de décision. À cette fin, le Conseil devrait fournir un financement aux représentants des stations communautaires afin que ces derniers participent à leurs délibérations, de sorte qu’ils puissent faire valoir leurs besoins sur la place publique.
Conclusions
Le présent article a pour but de situer la transition de CHRY à VIBE dans le contexte plus large de la déréglementation néolibérale de la radiodiffusion. Si nous revenons aux questions de recherche posées initialement, nous constatons que CHRY n’était pas viable et luttait quotidiennement pour sa survie en raison de ressources insuffisantes, manquait à ses obligations envers les bénévoles et les auditeurs, et allongeait le temps de travail du personnel. Si nous examinons les attentes prévues par la politique adoptée en 2010 par le CRTC concernant la fusion des stations de radio communautaire et de campus (programmation ethnoculturelle, formation orientée vers l’emploi et expansion vers les nouveaux médias [Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2010-499]), un paradoxe s’en dégage clairement : on s’attend à ce que les résultats des stations de radio communautaire et de campus dépassent ceux des diffuseurs privés, tout en les privant d’un financement stable et du soutien réglementaire nécessaire pour y arriver.
Il est trop tôt pour évaluer les résultats de la transition vers VIBE, car la station en est encore à l’étape de la mise en œuvre des changements opérationnels qui, espère-t-elle, devraient permettre d’augmenter les revenus. Parmi ces changements, notons le remplacement de CHRY Community Radio Inc., le radiodiffuseur sans but lucratif qui contrôle actuellement la radiodiffusion de VIBE, par VX3 Exchange. En termes purement rhétoriques, le nouveau nom du radiodiffuseur sans but lucratif reflète des valeurs qui pourraient rassurer dans une certaine mesure les défenseurs de la radio communautaire : une Voix peut inspirer, un Village uni peut habiliter, et un Véhicule est un moyen d’action (« VX3 Exchange » 2015). Cependant, dans la pratique, VIBE est actuellement positionnée pour atteindre la viabilité en imitant les pratiques des entreprises sous le prétexte de la « professionnalisation ». Bien que par désignation la radiodiffusion demeure « communautaire et de campus », il reste à voir (ou à entendre) si VIBE maintiendra les valeurs que sont l’accès, la participation communautaire et un contenu alternatif pour lesquelles la radio communautaire et de campus est reconnue. Les premiers jours de son exploitation sont source d’inquiétude.
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Annexe A
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