Décision de télécom CRTC 2021-38

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Ottawa, le 25 janvier 2021

Dossier public : 8662-B2-201912626

Bell Canada – Demande d’exemption de certaines obligations de déclaration en vertu de la politique réglementaire de télécom 2018-466

Le Conseil approuve la demande de Bell Canada en vue d’obtenir une exemption de l’obligation de déclaration visant à établir une distinction entre le service de relais par téléscripteur (SRT) de gros et le SRT de détail. Étant donné que l’infrastructure de réseau de l’entreprise n’est pas en mesure de faire la distinction entre les deux types de clients, les mesures du Conseil visant à protéger contre la discrimination sont superflues. Bell Canada continuera d’être soumise à toutes les autres exigences de déclaration en vertu de la politique réglementaire de télécom 2018-466.

Le Conseil ordonne  également à Bell Canada d’indiquer dans son rapport annuel si son infrastructure de réseau a changé d’une manière qui lui permettrait de faire la distinction entre le trafic du SRT de gros et celui du SRT de détail.

Contexte

  1. Dans la politique Examen du cadre réglementaire régissant les services de relais téléphonique fondés sur le texte, Politique réglementaire de télécom CRTC 2018-466, 14 décembre 2018 (politique réglementaire de télécom 2018-466), le Conseil a rendu un certain nombre de conclusions concernant le cadre réglementaire régissant les services de relais téléphonique fondés sur le texte. Ces conclusions visaient à i) faire en sorte que les Canadiens ayant une déficience auditive ou un trouble de la parole continuent d’avoir accès aux services de relais téléphonique; ii) améliorer la qualité des services de relais téléphonique; iii) améliorer et accroître l’accès aux services de relais téléphonique à partir d’appareils mobiles; et iv) préparer les utilisateurs et les fournisseurs de services de relais téléphonique pour l’avenir alors que les réseaux migrent vers la technologie du protocole Internet.
  2. Le Conseil a déterminé qu’il serait suffisant et efficient d’appliquer une obligation de rapport annuel uniquement aux grandes entreprises de services locaux titulaires et aux grandes entreprises de câblodistributionNote de bas de page 1. Il a également déterminé que les renseignements composant ce rapport seraient répartis par i) type de services de relais téléphonique (p. ex. service de relais par protocole Internet par rapport au service de relais par téléscripteur [SRT]); ii) fourniture de services de relais téléphonique de gros par rapport à la fourniture au détail de ces services; et iii) activités filaires par rapport aux activités sans fil. Enfin, le Conseil a établi des indicateurs précis qui devaient faire l’objet d’un rapport.
  3. Le Conseil a imposé les obligations de déclaration susmentionnées à tous les fournisseurs de services de relais téléphonique de gros afin de lui permettre de surveiller le traitement de tous les clients des services de relais téléphonique de gros.
  4. Bien que Bell Canada soit un fournisseur de services de relais téléphonique de gros, rien dans le dossier de l’instance qui a abouti à la politique réglementaire de télécom 2018-466 n’indiquait qu’elle offrait un traitement inégal à ses clients des services de gros et de détail, et rien n’indiquait non plus à l’époque que son infrastructure l’empêchait de faire la distinction entre les clients des services de gros et de détail.

Demande

  1. Le 20 décembre 2019, le Conseil a reçu une demande de Bell Canada, en son nom propre et au nom de ses filiales qui sont soumises à la politique réglementaire de télécom 2018-466, dans laquelle elle sollicitait une exemption de certaines obligations de déclaration énoncées dans cette décision.
  2. Plus précisément, Bell Canada a demandé une exemption permanente de l’obligation d’inclure dans les indicateurs annuels et les rapports sur les services de relais téléphonique des données distinctes concernant son SRT de gros et son SRT de détail.
  3. Le Conseil a reçu une intervention concernant la demande de Bell Canada de la part du Comité consultatif sur les services sans fil des Sourds du Canada; de l’Association des Sourds du Canada; de la Société Nationale Canadienne des Sourds-Aveugles, inc.; et de la Deafness Advocacy Association Nova Scotia (collectivement les groupes visés par des mesures d’accessibilité).

Le Conseil devrait-il approuver la demande de Bell Canada relativement à l’exemption de certaines des obligations de déclaration exigées?

Positions des parties

  1. Bell Canada a indiqué que, pour ses fournisseurs tiers, elle est actuellement incapable sur le plan technologique de faire la distinction entre les clients du SRT de gros et ceux du SRT de détail, que toute possible méthode pour créer une telle distinction serait financièrement déraisonnable et qu’une exemption permanente est donc nécessaire pour éliminer cet obstacle particulier.
  2. Bell Canada a fait valoir qu’en raison de son incapacité à faire la distinction entre les clients du SRT de gros et ceux du SRT de détail, tous les clients sont nécessairement traités sur un pied d’égalité. Bell Canada a argué que les clients sont avantagés, plutôt que lésés, par son incapacité à faire la distinction entre les deux services. L’entreprise a en outre indiqué que cette égalité de traitement est conforme à l’intention de la politique réglementaire de télécom 2018-466 et qu’elle répond en substance au préjudice que les exigences de déclaration sont censées prévenir.
  3. Bell Canada a également indiqué qu’elle avait l’intention de se conformer à toutes les autres exigences de déclaration énoncées à l’annexe 2 de la politique réglementaire de télécom 2018-466.
  4. Les groupes visés par des mesures d’accessibilité se sont opposés à la demande de Bell Canada. Ils ont argué que les exigences de déclaration de la politique réglementaire de télécom 2018-466 ne peuvent pas représenter un fardeau aussi lourd que l’entreprise le prétend, étant donné qu’un autre fournisseur de SRT, Telus Communications Inc. (TCI) est en mesure de faire la distinction entre les clients du SRT de gros et ceux du SRT de détail dans ses rapports sur son SRT et son service de relais par protocole Internet.
  5. Les groupes visés par des mesures d’accessibilité ont ajouté que la déclaration visant à établir la distinction entre les clients du SRT de gros et ceux du SRT de détail aidera le Conseil et le public à déterminer quelles modifications réglementaires, le cas échéant, doivent être apportées pour garantir que tous les clients (SRT de gros et de détail) reçoivent la même qualité de SRT et de service de relais par protocole Internet.
  6. Bell Canada a répliqué qu’il n’est pas possible de comparer sa capacité à mettre en œuvre l’exigence de déclaration en question avec la capacité de TCI à le faire, étant donné que l’infrastructure et l’ingénierie du réseau associées à la fourniture du SRT par TCI sont inconnues.
  7. En outre, Bell Canada a fait valoir qu’aucun élément de preuve n’a été présenté pour indiquer que TCI est confrontée aux mêmes obstacles uniques que Bell Canada pour distinguer les clients du SRT de gros et ceux du SRT de détail, et qu’elle n’a aucune raison de croire que c’est le cas.
  8. Bell Canada a réitéré que l’exemption qu’elle demande ne s’applique qu’à ses exigences de déclaration pour le SRT, et n’inclut pas ses exigences de déclaration pour le service de relais par protocole Internet. Elle est en mesure de faire la distinction entre les clients du service de relais par protocole Internet de gros et ceux du service de détail, et continuera à le faire.
  9. Enfin, Bell Canada a réitéré son argument selon lequel, puisqu’il est impossible sur le plan technologique de faire la distinction entre les clients du SRT de gros et ceux du SRT de détail, tous les clients sont nécessairement protégés contre toute possibilité de préjudice de sa part.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Après la réplique de Bell Canada, le Conseil a demandé à l’entreprise de fournir plus de détails sur les solutions techniques qu’elle devrait utiliser pour lui permettre de remplir ses obligations initiales en matière de rapports et sur les coûts financiers qui découleraient de ces mesures.
  2. Après avoir examiné la réponse de Bell Canada, le Conseil estime que l’infrastructure du réseau du SRT de l’entreprise est en effet fondamentalement inadaptée pour établir la distinction entre les clients du SRT de gros et ceux du SRT de détail. Non seulement l’ajout d’une telle capacité serait techniquement et financièrement laborieux, mais il perturberait également un certain nombre d’utilisateursNote de bas de page 2. Enfin, même si Bell Canada devait ajouter cette capacité, cela ne donnerait probablement que des résultats imprécisNote de bas de page 3.
  3. Le Conseil a d’abord cherché à obtenir un rapport présentant des parties distinctes pour éviter que les clients des services de relais téléphonique de gros ne soient traités différemment des clients de détail pour ces mêmes services. Toutefois, une telle exigence n’est nécessaire que dans le cas où une distinction peut être établie. Dans le cas de Bell Canada, étant donné que l’infrastructure du réseau du SRT de l’entreprise l’empêche d’établir une distinction entre les clients des services de gros et ceux des services de détail, les mesures de protection du Conseil contre la discrimination dans une telle circonstance sont rendues inutiles.
  4. Il serait donc à la fois inutile et déraisonnable que l’entreprise remplisse cette obligation de déclaration précise en raison des importants obstacles technologiques actuels qu’elle rencontre à cet égard.
  5. En ce qui concerne l’argument du coût financier de Bell Canada, le Conseil est d’avis que la question est de nature technique et non financière. Comme indiqué ci-dessus, même si Bell Canada devait mettre en œuvre les solutions qu’elle propose, le résultat serait imprécis et pourrait causer des perturbations pour les utilisateurs actuels. Ainsi, il serait déraisonnable de demander à Bell Canada d’investir des capitaux dans une solution technique qui ne donnerait pas de résultats fiables.
  6. Le Conseil estime également que les clients du SRT de gros et ceux du SRT de détail sont protégés contre la discrimination en raison de l’incapacité de Bell Canada à faire la distinction entre les deux types. Par conséquent, l’octroi à Bell Canada d’une exemption de l’obligation de déclaration visant à établir la distinction entre les deux types dans ses rapports n’aurait aucune incidence sur la capacité pratique du Conseil à surveiller de manière adéquate la qualité reçue du SRT de Bell Canada pour tous les clients, puisque l’entreprise continuerait à être tenue de faire rapport sur ces indicateurs de manière combinée. En outre, l’octroi d’une exemption à Bell Canada dans ce scénario n’aurait aucune incidence sur la capacité du Conseil à surveiller les autres fournisseurs de services de relais téléphonique pour s’assurer d’un traitement équitable.
  7. Toutefois, le Conseil estime que Bell Canada devrait être soumise à l’obligation de présenter un rapport annuel indiquant si son infrastructure de réseau a changé d’une manière qui lui permettrait de faire la distinction entre le trafic du SRT de gros et celui du SRT de détail.
  8. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil approuve la demande de Bell Canada d’être exemptée de l’obligation de déclaration permettant de faire la distinction entre le SRT de gros et le SRT de détail. Bell Canada continuera d’être soumise à toutes les autres exigences de déclaration en vertu de la politique réglementaire de télécom 2018-466.
  9. Le Conseil ordonne également à Bell Canada d’indiquer dans son rapport annuel si son infrastructure de réseau a changé d’une manière qui lui permettrait de faire la distinction entre le trafic du SRT de gros et celui du SRT de détail.

Instructions

  1. Le Conseil est tenu d’exercer ses pouvoirs et d’accomplir ses fonctions en vertu de la Loi sur les télécommunications (Loi) et conformément aux Instructions de 2006Note de bas de page 4 et de 2019Note de bas de page 5. Les Instructions de 2006 précisent que le Conseil a l’obligation de s’appuyer sur le libre jeu du marché dans toute la mesure du possible et d’assurer une réglementation, là où il est encore nécessaire de le faire, par des moyens qui gênent le moins possible le libre jeu du marché. Les Instructions de 2019 précisent que dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi, le Conseil devrait examiner comment ses décisions peuvent promouvoir la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation.
  2. Le Conseil estime que l’approbation de la demande de Bell Canada est conforme au sous-alinéa 1a)(ii) des Instructions de 2006Note de bas de page 6. Plus précisément, le Conseil estime que l’obligation enjointe à Bell Canada de mettre en œuvre une solution coûteuse et laborieuse sur le plan technique qui perturberait l’expérience des utilisateurs finals et génèrerait des données imprécises ne serait pas une mesure efficace et proportionnelle à l’objectif de protection de ces utilisateurs finals.
  3. Enfin, le Conseil est d’avis que son approbation de la demande de Bell Canada est conforme au sous-alinéa 1a)(iv) des Instructions de 2019 en ce qu’elle protège les droits des consommateurs dans leurs relations avec les fournisseurs de services de télécommunication, y compris les droits liés à l’accessibilitéNote de bas de page 7. Plus précisément, les droits des clients du SRT de gros de Bell Canada sont protégés puisque l’entreprise est incapable de faire la distinction entre les clients du SRT de gros et les clients du SRT de détail, et ne peut donc pas faire de discrimination entre les deux. En outre, exiger de Bell Canada qu’elle mette en œuvre une solution laborieuse sur le plan technique entraînerait des interruptions de service pour les utilisateurs existants qui dépendent de ce service, ce qui ne serait pas à l’avantage des utilisateurs finals.

Secrétaire général

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