Décision de télécom CRTC 2017-9

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Ottawa, le 13 janvier 2017

Numéro de dossier : 8661-S9-201601625

Shaw Cablesystems G.P. – Demande de redressement concernant les frais mensuels récurrents que la Société TELUS Communications applique à l'égard des conduits d'entrée de service

Le Conseil détermine que le tarif du service de structures de soutènement de la STC ne s'applique pas aux conduits d'entrée de service et, par conséquent, que la STC ne peut imposer de frais à l'égard de ces conduits. Ainsi, le Conseil ordonne à la STC a) de cesser de facturer à Shaw des frais pour les conduits d'entrée de service selon les taux fixés dans le tarif du service de structures de soutènement de la STC; b) d'annuler toutes les factures émises à Shaw concernant les conduits d'entrée de service depuis le premier trimestre de 2015; et c) de rembourser à Shaw, conformément aux modalités de service de la STC, le montant des frais que Shaw a payés à l'égard des conduits d'entrée de service depuis le premier trimestre de 2015, plus les intérêts.

En outre, le Conseil conclut que si la STC fournit l'accès aux conduits d'entrée de service, puisqu'un tel service est un service de télécommunication, elle doit lui soumettre, aux fins d'approbation, un tarif propre à ce service. De plus, dans la mesure où l'entreprise a engagé, ou engage, des coûts attribuables au service qui n'ont pas encore été recouvrés, tout tarif proposé doit être appuyé par une étude de coûts propre à ce service.

Contexte

  1. La Société TELUS Communications (STC) impose des frais aux titulaires de licenceNote de bas de page 1 pour l'accès à ses structures de soutènement, conformément à l'article 404 – Service de structures de soutènement de son Tarif général (ci-après désigné le tarif du service de structures de soutènement de la STC)Note de bas de page 2. Parmi les structures de soutènement auxquelles la STC fournit l'accès aux titulaires de licence, il y a les conduitsNote de bas de page 3. Le tarif du service de structures de soutènement de la STC définit quatre types de conduit (types A, B, C et D) et comprend les taux que le Conseil a approuvés à l'égard de chacun des typesNote de bas de page 4.
  2. Vers la fin de 2014, la STC a effectué une vérification de ses conduits souterrains, y compris les conduits d'entrée de serviceNote de bas de page 5. Au début de 2015, elle en a informé Shaw Cablesystems G.P. (Shaw) et lui a donné des renseignements au sujet de cette vérification.
  3. En mars 2015, la STC a commencé à facturer à Shaw des frais mensuels récurrents à l'égard des conduits d'entrée de service qu'elle avait indiqués dans sa vérification et dans lesquels Shaw avait des installations. La STC a appliqué aux conduits d'entrée de service le taux prévu pour les conduits de type A, à savoir 2,25 $ par longueur de 30 mètres (complète ou partielle) par câble.
  4. Le 23 mars 2015, Shaw a adressé une lettre à la STC lui indiquant qu'elle paierait les factures concernant les conduits d'entrée de service après l'examen des résultats de la vérification que la STC lui avait fournis. De plus, Shaw s'est réservé le droit de contester les frais exigés.
  5. Le 28 septembre 2015, Shaw a adressé une deuxième lettre à la STC dans laquelle elle demandait si le taux prévu pour les conduits de type A convenait vraiment dans le cas des conduits d'entrée de service.
  6. Le 28 octobre 2015, Shaw a envoyé une troisième lettre à la STC en soutenant que la note 1 du tarif du service de structures de soutènement de la STCNote de bas de page 6 exclut spécifiquement les conduits d'entrée de service de l'application des taux fixés dans le tarif.
  7. Du 16 décembre 2015 au 20 janvier 2016, Shaw et la STC se sont réunies à différentes reprises pour tenter de régler le différend qui les oppose, mais en vain.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de Shaw, datée du 12 février 2016, dans laquelle elle sollicitait un redressement à l'égard des frais mensuels récurrents facturés par la STC pour l'accès à des conduits d'entrée de service en Colombie-Britannique. Plus précisément, Shaw a demandé que le Conseil :
    • détermine que les frais mensuels récurrents que la STC impose à Shaw pour l'accès aux conduits d'entrée de service abritant les câbles de Shaw en Colombie-Britannique ne respectent pas les dispositions du tarif sur le service de structures de soutènement de la STC;
    • ordonne à la STC d'annuler les frais mensuels récurrents à l'égard des conduits d'entrée de service qui figurent sur les factures trimestrielles que lui émet la STC pour le service de structures de soutènement depuis le premier trimestre de 2015;
    • ordonne à la STC de rembourser à Shaw le montant des frais récurrents que celle-ci a payés à l'égard des conduits d'entrée de service depuis le premier trimestre de 2015.
  2. Le Conseil a reçu une réponse de la STC relativement à la demande de Shaw. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l'instance, lequel a été fermé le 21 juin 2016. On peut y accéder à l'adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

La STC peut-elle, conformément au tarif du service de structures de soutènement de la STC, imposer à Shaw des frais à l'égard des conduits d'entrée de service?

  1. Shaw a soutenu que la STC n'avait pas le droit d'imposer des frais mensuels récurrents à l'égard des conduits d'entrée de service, citant à l'appui la décision Compagnie de téléphone de la Colombie-Britannique – Tarif applicable à l'utilisation de conduites souterraines par les titulaires de la télévision par câble, Décision Télécom CRTC 82-6, 26 juillet 1982 (décision de télécom 82-6). Dans cette décision, le Conseil a déterminé i) qu'il était inopportun que la STCNote de bas de page 7 se serve des taux mensuels récurrents tarifés applicables aux conduits pour recouvrer les coûts des conduits d'entrée de service installés conformément à la « politique sur la canalisation souterraine » du 1er janvier 1981 (révisée le 31 août 1983) [ci-après désignée la politique révisée en matière de construction] et ii) que le taux applicable aux conduits de type B couvrait les investissements dans les puits d'accès, les conduits réutilisables en place et les boîtes de raccordement, coûts que la STC n'avait aucunement engagés dans le cas des conduits d'entrée de service installés conformément à la politique révisée en matière de construction. Selon Shaw, la note 1 du tarif du service de structures de soutènement de la STC excluait l'application des taux mensuels de location des conduits aux conduits d'entrée de service, et ce, de façon claire et sans équivoque.
  2. Shaw a également soutenu qu'étant donné que la politique révisée en matière de construction s'applique encore dans le territoire de desserte de la STC en Colombie-Britannique, la STC s'est servie des conclusions de fait que le Conseil a rendues dans la décision de télécom 82-6 concernant la portée limitée des coûts engagés par la STC quant à l'installation des conduits d'entrée de service pour justifier l'imposition du taux tarifé des conduits de type A aux conduits d'entrée de service.
  3. Shaw a par ailleurs fait valoir que la STC avait déjà recouvré ses coûts liés aux conduits d'entrée de service. Shaw a soutenu que la STC n'avait pas établi qu'il y avait des coûts liés aux conduits d'entrée de service qu'elle n'avait pas déjà intégrés au coût de base des conduits, si bien qu'ils étaient recouvrés à l'aide du taux applicable aux conduits principaux ou auprès des propriétaires et des promoteurs. À cet égard, Shaw a fait remarquer que, dans la décision de télécom 82-6, le Conseil a établi que les coûts liés aux conduits d'entrée de service étaient absorbés, dans la quasi-totalité, par le promoteur, lequel assume les coûts relatifs à l'installation et aux matériaux.
  4. En ce qui concerne la date à partir de laquelle Shaw devrait être remboursée si le redressement qu'elle réclame était accordé, Shaw a indiqué avoir énoncé clairement dans les trois lettres susmentionnées adressées à la STC qu'elle se réservait le droit de contester les frais exigés. Dans ces lettres, Shaw a affirmé avoir fait les paiements concernant les conduits d'entrée de service sous toutes réserves et a indiqué que la STC devrait s'abstenir de lui facturer d'autres frais à l'égard des conduits d'entrée de service.
  5. La STC a fait valoir qu'elle fournissait un service réglementé en mettant ses conduits d'entrée de service à la disposition des titulaires de licence et qu'elle avait donc droit à une compensation juste et raisonnable de la part des titulaires de licence. La STC a soutenu que le Conseil oblige les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) à mettre leurs structures de soutènement à la disposition des autres entreprises, à des taux tarifés, depuis des dizaines d'années. La STC a estimé que le Conseil a ainsi reconnu que les structures de soutènement remplissent une fonction de service public et elle a soutenu que cette fonction lui conférait des droits et des obligations quant au devoir de common law de fournir le service, et que cette obligation de fournir le service l'autorisait à exiger des frais mensuels pour le service rendu.
  6. La STC a indiqué avoir engagé des coûts liés à la propriété et à l'entretien des conduits, coûts qu'elle doit recouvrer. La STC a soutenu que peu importe le type de conduit ou la contribution du promoteur, elle a assumé des coûts liés aux conduits d'entrée de service parce qu'elle fournissait les boîtes de raccordement, les chambres de câbles de centraux, les puits d'accès préfabriqués et le matériel informatique connexe nécessaires pour un projet d'aménagement précis.
  7. La STC était d'avis que le taux fixé pour les conduits de type A convenait pour les conduits d'entrée de service. Elle a fait valoir que ce taux lui garantissait une compensation juste et raisonnable pour l'utilisation qui était faite de ses structures de soutènement qui se trouvent sur des emprises et dont elle doit assurer la fourniture et l'entretien. La STC a ajouté que les coûts des installations telles que les puits d'accès, les conduits réutilisables et les boîtes de raccordement sont applicables aux conduits d'entrée de service, et que le taux fixé pour les conduits de type A tient compte de ces coûts.
  8. La STC a soutenu que la note 1 du tarif du service de structures de soutènement de la STC n'est pas pertinente dans le contexte du différend en cause et que le Conseil devrait en faire fi. La STC a indiqué qu'il était inconcevable qu'elle ait pu vouloir que la note 1 autorise les titulaires de licence à utiliser les conduits d'entrée de service ou à y mettre des installations sans que les frais applicables à l'égard des conduits leur soient imposés.
  9. Selon la STC, Shaw a avancé un argument qui repose sur une interprétation erronée de la note 1 du tarif du service de structures de soutènement de la STC parce qu'il ne tient pas compte de l'ensemble du contexte réglementaire. La STC était d'avis que la note 1 s'appliquait aux sections du conduit qui se trouvent sur la propriété privée, mais pas à celles qui se trouvent sur les emprises, ajoutant qu'il faut lire le tarif dans son contexte global, de manière à tenir compte de l'objectif de la Loi sur les télécommunications (Loi), ainsi que l'intention du législateur.
  10. La STC a soutenu que c'est seulement si le tarif, y compris la note 1 du tarif du service de structures de soutènement de la STC, est lu dans ce contexte qu'il concrétiserait l'objectif de réglementation du régime tarifaire prévu par la Loi, en l'occurrence garantir qu'un service public important est fourni à des taux justes et raisonnables. La STC estimait que l'interprétation de Shaw, laquelle ferait en sorte que le service serait fourni gratuitement, irait à l'encontre de l'objectif de réglementation.
  11. Selon la STC, dans la décision de télécom 82-6, le Conseil n'a pas interdit l'application de frais mensuels récurrents aux conduits d'entrée de service, mais a plutôt conclu que même si le taux fixé pour les conduits de type B était inopportun, la STC pouvait exiger des frais mensuels à l'égard des conduits d'entrée de service installés conformément à la politique révisée en matière de construction. C'est pourquoi la STC estimait avoir le droit de recouvrer les coûts justes et raisonnables qu'elle engageait pour fournir l'accès à ses structures de soutènement.
  12. En ce qui concerne la date à partir de laquelle il y aurait lieu d'accorder tout remboursement à Shaw, la STC a dit estimer que la lettre du 23 mars 2015 de Shaw comprenait des formulations normalisées, mais ne soulevait aucune question précise par rapport au nombre de conduits d'entrée de service relevés. En ce qui concerne la lettre du 28 septembre 2015 que Shaw lui a adressée, la STC a soutenu que Shaw ne contestait pas l'application des frais à l'égard des conduits d'entrée de service, mais insistait plutôt sur ce que devait être le taux adéquat. Ainsi, la STC a conclu que ce n'est que dans sa lettre du 28 octobre 2015 que Shaw a remis en cause, pour la première fois, l'application des frais à l'égard des conduits d'entrée de service.

Résultats de l'analyse du Conseil

  1. La principale question dans le présent différend consiste à savoir si la STC est autorisée, en vertu des modalités du tarif du service de structures de soutènement de la STC, à imposer à Shaw un de ses taux tarifés pour les conduits d'entrée de service.
  2. Bien que la décision de télécom 82-6 ait été prise il y a longtemps, les principes sur lesquels s'appuient les conclusions que le Conseil y a tirées sont toujours valables aujourd'hui. Comme il est mentionné dans la décision de télécom 82-6, les coûts liés aux installations comme les puits d'accès, les conduits réutilisables en place et les boîtes de raccordement utilisées dans les conduits principaux ne sont pas applicables aux conduits d'entrée de service. Par conséquent, conformément à la décision de télécom 82-6, la STC devrait exiger à l'égard des conduits d'entrée de service un taux qui n'inclut pas de tels coûts.
  3. Toutefois, les taux applicables aux quatre types de conduit prévus dans le tarif du service de structures de soutènement de la STC permettent de recouvrer les coûts attribuables aux puits d'accès, aux conduits réutilisables en place et aux boîtes de raccordement. Ils ne visent pas à recouvrer les coûts liés précisément aux conduits d'entrée de service. Par conséquent, les taux à l'égard des conduits qui sont fixés dans le tarif du service de structures de soutènement de la STC ne s'appliquent pas aux conduits d'entrée de service. De plus, il n'existe aucun élément de preuve dans le dossier de la présente instance, ni dans les tarifs de la STC ni dans une ordonnance ou décision du Conseil confirmant que, à la suite de la décision de télécom 82-6, la STC a déposé auprès du Conseil un tarif qui établissait un taux précis à l'égard des conduits d'entrée de service et qu'elle en a obtenu l'approbation.
  4. Pour ce qui est de la note 1 du tarif du service de structures de soutènement de la STC, le Conseil estime que cette note a été ajoutée en raison de la directive qu'il lui a donnée dans la décision de télécom 82-6, directive voulant que la STC dépose les pages de tarif présentant un nouveau type de conduit et le taux connexe afin de mieux refléter les pratiques de l'entreprise et les coûts afférents liés à l'installation et à l'entretien des conduits après l'adoption de sa politique révisée en matière de construction. Conformément à sa conclusion voulant qu'il serait inopportun d'approuver la demande de la STC d'appliquer le taux des conduits de type B aux conduits d'entrée de service, le Conseil a explicitement autorisé la STC à exiger des frais à l'égard des conduits d'entrée de service installés conformément à la politique révisée en matière de construction, mais seulement après qu'elle aura déposé une demande tarifaire distincte et obtenu l'approbation du Conseil. Par conséquent, le taux applicable aux conduits de type D et de type A ne peut s'appliquer aux conduits d'entrée de service.
  5. Compte tenu de tout ce qui précède, le tarif du service de structures de soutènement de la STC ne s'applique pas aux conduits d'entrée de service. De plus, en vertu de la Loi, la STC ne peut imposer des frais à l'égard des conduits d'entrée de service en l'absence d'un tarif approuvé. Par conséquent, le Conseil ordonne à la STC de cesser de facturer à Shaw des frais pour les conduits d'entrée de service selon des taux fixés dans le tarif du service de structures de soutènement de la STC et d'annuler toutes les factures émises à Shaw concernant les conduits d'entrée de service depuis le premier trimestre de 2015.
  6. En ce qui a trait aux frais déjà payés par Shaw à l'égard des conduits d'entrée de service, la STC n'aurait pas dû les exiger et, par conséquent, devrait en rembourser le montant à Shaw conformément aux modalités de service de la STC. À cet égard, l'article 120.1 des modalités de service de la STC prévues dans son Tarif général précise que le client peut contester des frais dans l'année suivant la date d'émission d'un relevé de facturation détailléNote de bas de page 8. Bien que le Conseil convienne avec la STC que Shaw a contesté les frais liés aux conduits d'entrée de service pour la première fois dans sa lettre du 28 octobre 2015, cette lettre a été envoyée dans l'année suivant la réception de la première facture concernant ces frais.
  7. Par conséquent, le Conseil ordonne à la STC de rembourser à Shaw, conformément aux modalités de service de la STC, a) le montant des frais que Shaw a payés à l'égard des conduits d'entrée de service depuis le premier trimestre de 2015 et b) les intérêts.
  8. Bien que la présente instance découle d'un différend opposant Shaw et la STC, il se pourrait que d'autres titulaires de licence soient dans la même situation que Shaw. Par conséquent, le Conseil ordonne à la STC d'appliquer les conclusions de la décision qui résultera de l'instance à tout autre titulaire de licence se trouvant dans une situation semblable.
  9. Le Conseil fait remarquer que, conformément au paragraphe 25(1) de la Loi, et sous réserve de l'article 34 de cette même loi, la STC ne peut fournir un service de télécommunication au public autrement que conformément au tarif déposé auprès du Conseil et approuvé par ce dernier, tarif qui doit préciser le taux, ou les taux sous forme de maximum et de minimum ou des deux, à imposer pour le service en question.
  10. Par conséquent, le Conseil conclut que si la STC fournit l'accès aux conduits d'entrée de service, puisqu'un tel service est un service de télécommunication, elle doit lui soumettre, aux fins d'approbation, un tarif propre à ce service. Une telle demande tarifaire doit comprendre une définition du service de télécommunication fourni, laquelle précise les coûts du service qui sont recouvrés par d'autres moyens, avec justification à l'appui. De plus, dans la mesure où l'entreprise a engagé, ou engage, des coûts attribuables au service qui n'ont pas encore été recouvrés, tout tarif proposé doit être appuyé par une étude de coûtsNote de bas de page 9 propre à ce service.

Secrétaire générale

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