Décision de télécom CRTC 2016-170

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Ottawa, le 5 mai 2016

Numéro de dossier :8665-T66-201507667

Société TELUS Communications Interdiction des politiques d'annulation de 30 jours – Demande concernant les indemnités forfaitaires

Le Conseil rejette la demande présentée par la Société TELUS Communications (STC), réclamant qu'il ordonne à Shaw Communications Inc. de cesser d'exiger le paiement d'indemnités forfaitaires lorsque de petites entreprises clientes annulent leurs services téléphoniques locaux ou leurs services Internet de détail avant le début des travaux d'installation des services. Compte tenu que la question à l'étude pourrait toucher tous les clients de tous les fournisseurs de services et que la demande de la STC ne vise qu'un seul fournisseur de services, la portée de la demande est trop restreinte.

Le Conseil rappelle toutefois à tous les fournisseurs de services que les indemnités forfaitaires devraient être raisonnables et proportionnelles aux pertes réelles subies, et que des modalités contractuelles claires sont essentielles pour permettre aux consommateurs de prendre des décisions éclairées à propos de leurs services.

Contexte

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2013-271, le Conseil a mis en place le Code sur les services sans fil, un code de conduite obligatoire à l'intention des fournisseurs de services téléphoniques et de données sans fil mobiles de détail (services sans fil). Dans le Code sur les services sans fil, le Conseil a interdit les politiques obligeant les consommateurs à donner un préavis d'au moins 30 jours à leur fournisseur de services sans fil avant d'annuler les services sans fil postpayésRetour à la référence de la note de bas de page 1. Le consommateur peut donc annuler son service en tout temps en avisant son fournisseur de services sans fil. De plus, l'annulation prend effet à la date où le fournisseur de services sans fil reçoit l'avis d'annulation.
  2. Dans la politique réglementaire de radiodiffusion et de télécom 2014-576 (politique d'annulation de 30 jours), le Conseil, en réponse à une demande présentée par Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d'Eastlink, a interdit de façon similaire les politiques d'annulation de 30 jours à l'égard des services téléphoniques locaux (y compris les services de voix sur protocole Internet [VoIP]), des services Internet et des services de distribution de radiodiffusion (c.-à-d. les services de télévision par câble et par satellite) de détail. Les clients de ces services peuvent donc annuler leur contrat en tout temps en avisant leur fournisseur de services, l'annulation prenant effet le jour où le fournisseur de services reçoit l'avis d'annulation.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande présentée par la Société TELUS Communications (STC), datée du 24 juillet 2015, dans laquelle elle a demandé au Conseil d'ordonner à Shaw Communications Inc. (Shaw) de cesser d'exiger le paiement d'indemnités forfaitairesRetour à la référence de la note de bas de page 2 lorsque de petites entreprises clientes annulent leurs services téléphoniques locaux et leurs services Internet de détail avant le début des travaux d'installation des services.
  2. D'après la STC, Shaw informait les petites entreprises clientes qu'elles seraient tenues de payer un montant préétabli à titre d'indemnités forfaitaires si elles annulaient un service, même avant le début de la prestation de ce service, et dans certains cas avant le début des travaux connexes d'installation de services. La STC a indiqué que cette situation s'est présentée de façon suffisamment fréquente pour justifier la présente demande.
  3. La STC a déclaré que lorsque les travaux d'installation de services n'ont pas commencé, Shaw n'a pas encore engagé de coûts associés à l'installation et à la prestation effective d'un service, dont les coûts d'équipement. La STC a soutenu que d'exiger le paiement d'indemnités forfaitaires équivaut à une pénalité imposée au consommateur, car ces frais ne reflètent pas les coûts effectivement engagés. Elle a également soutenu que les coûts relatifs au processus d'établissement de la clientèle sont des coûts commerciaux de base et qu'ils ne devraient pas être imposés aux clients.
  4. La STC a indiqué que la pratique d'exiger le paiement d'indemnités forfaitaires avant le début des travaux d'installation de services crée un obstacle au changement de fournisseur de services et entrave le choix du consommateur. Par exemple, elle a noté qu'à plusieurs occasions, de petites entreprises clientes n'ont pu se prévaloir des offres de fidélisation qu'elle leur avait faites. Selon celles-ci, les indemnités forfaitaires que Shaw pourrait fixer pour l'annulation de leur contrat avant le début des travaux d'installation les empêchaient de profiter d'offres concurrentielles. La STC a fait valoir que le principal objectif de la politique d'annulation de 30 jours était de rendre plus facile pour les consommateurs de se prévaloir d'offres concurrentielles, y compris les contre-offres. Elle a soutenu que la pratique d'exiger le paiement d'indemnités forfaitaires avant le début des travaux d'installation de services va à l'encontre de l'objectif de cette politique et retire tout avantage que les consommateurs pourraient avoir tiré de l'application de cette politique. D'après la STC, l'exigence de payer des indemnités forfaitaires dans ces circonstances pourrait être encore plus nuisible au dynamisme du marché que l'exigence de donner un préavis d'annulation de 30 jours.
  5. La STC a noté qu'elle n'affirmait pas que les pratiques de Shaw ne respectaient pas la politique d'annulation de 30 jours, mais que ces pratiques allaient à l'encontre de l'esprit de cette politique. Elle a conclu en déclarant que l'approbation de sa demande assurerait la prévisibilité soutenue de l'objectif des politiques du Conseil en matière de promotion du choix de l'utilisateur final, par l'envoi de messages uniformes à tous les fournisseurs de services.
  6. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande de la STC de la part de l'Association des consommateurs du Canada et du Centre pour la défense de l'intérêt public (collectivement l'ACC/CDIP), du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC) et de Shaw. La STC a répliqué aux interventions. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l'instance, lequel a été fermé le 8 septembre 2015. On peut y accéder à l'adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Le Conseil devrait-il ordonner à Shaw de cesser d'exiger le paiement d'indemnités forfaitaires lorsque de petites entreprises clientes annulent leurs services téléphoniques locaux et leurs services Internet de détail avant le début des travaux d'installation de services?

Positions des parties

  1. Le CORC a convenu avec la STC que la pratique d'exiger le paiement d'indemnités forfaitaires avant le début des travaux d'installation de services devrait être interdite. D'après le CORC, les indemnités forfaitaires doivent être de justes estimations des coûts engagés et ne devraient pas comprendre les coûts d'établissement de la clientèle. Le CORC a ajouté que les clauses comme celles concernant les indemnités forfaitaires freinent le dynamisme du marché et créent des obstacles inutiles au changement de fournisseur. Il estimait que ces clauses deviendraient courantes si la mesure de redressement demandée n'était pas accordée.
  2. L'ACC/CDIP ont fait valoir qu'imposer des frais punitifs (comme des frais d'annulation excessifs sans relation avec les coûts associés à l'annulation d'un service) contrevient au paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications. Ils ont soutenu que ces pratiques ne servent pas l'intérêt public, car elles ne correspondent pas aux exigences sociales et économiques des usagers des services de télécommunication. L'ACC/CDIP ont ajouté que de tenter d'établir des mécanismes qui feraient en sorte que les frais d'annulation reflètent plus fidèlement les coûts effectivement engagés par un « nouveau » fournisseur pourrait entraîner des clauses contractuelles potentiellement plus complexes, plus difficiles à comprendre et plus opaques. Ils ont plutôt proposé que les consommateurs ne soient jamais tenus de payer des frais non convenus expressément au moment du contrat et que tous les frais d'annulation appliqués avant le transfert des services au nouveau fournisseur soient nominaux.
  3. L'ACC/CDIP se sont également dits préoccupés, toutefois, de l'efficacité et de l'efficience de la mesure de redressement proposée par la STC. Ils ont estimé que la demande de la STC était ambiguë, qu'elle ne comprenait aucune suggestion précise quant à la manière dont les frais d'annulation anticipée devraient être établis dans les circonstances indiquées. Ils ont ajouté que la STC n'avait pas indiqué comment toute intervention demandée serait conforme aux objectifs des InstructionsRetour à la référence de la note de bas de page 3.
  4. Shaw a demandé que la demande de la STC soit rejetée. En faisant remarquer que la politique d'annulation de 30 jours n'aborde pas la question des frais d'annulation anticipée ou la capacité d'un fournisseur de services à recouvrer des indemnités forfaitaires, elle a soutenu que la demande ne pouvait s'appuyer sur cette politique. Shaw a expliqué que son contrat standard pour les entreprises clientes avait été mal interprété par la STC. Shaw a déclaré qu'elle n'exige le paiement d'indemnités forfaitaires qu'une fois que les travaux d'installation de services ont commencé, ce qui a généralement lieu dès la signature du contrat, a-t-elle ajouté. Shaw a également fait remarquer que la STC reconnaissait que des indemnités forfaitaires sont raisonnables dans les cas où les travaux d'installation de services ont déjà commencé.
  5. En réplique, la STC a reconnu que la politique d'annulation de 30 jours n'aborde pas la question des indemnités forfaitaires. Elle a toutefois soutenu que d'exiger des indemnités forfaitaires avant que les travaux d'installation de services aient commencé mine les considérations sous-jacentes à cette politique. Enfin, la STC était en désaccord avec Shaw sur ce qui constitue des travaux d'installation, soutenant que beaucoup de mesures décrites par Shaw devraient être considérées comme des éléments du processus d'établissement de la clientèle.

Résultats de l'analyse du Conseil

  1. Le dossier de la présente instance est insuffisant pour étayer la création d'une nouvelle politique régissant les modalités relatives aux indemnités forfaitaires pour les services téléphoniques locaux et les services Internet de détail. De plus, la mesure de redressement demandée par la STC se concentre exclusivement sur la formulation des contrats de détail pour les petites entreprises clientes de Shaw. Il ne serait ni approprié ni conforme aux Instructions pour le Conseil d'imposer de façon asymétrique à un seul fournisseur de services, pour un seul type de services, une exigence réglementaire qui peut être également applicable aux situations d'autres fournisseurs de services. Par conséquent, le Conseil rejette la demande de la STC.
  2. La pratique d'exiger le paiement d'indemnités forfaitaires, que ce soit avant ou après le début des travaux d'installation de services, ne viole pas la politique d'annulation de 30 jours. De plus, la pratique d'exiger des indemnités forfaitaires constitue une pratique commerciale valable. Le Conseil rappelle toutefois à tous les fournisseurs de services que les indemnités forfaitaires doivent être raisonnables et proportionnelles aux pertes réelles subies et que des modalités contractuelles claires sont essentielles pour permettre aux consommateurs de prendre des décisions éclairées à propos de leurs services.

Secrétaire générale

Documents connexes

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Dans le Code sur les services sans fil, le Conseil a défini les services postpayés comme étant des services sans fil payés après avoir été utilisés, habituellement sur réception d'une facture mensuelle, et les services prépayés comme étant des services sans fil achetés avant d'être utilisés (p. ex. des cartes prépayées ou des paiements à l'utilisation). Le Conseil a estimé que la date de prise d'effet de l'annulation ne posait pas un problème important dans le cas des services prépayés puisque le client doit activement choisir de renouveler ses services et peut les annuler en tout temps.

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Note de bas de page 2

Le terme « indemnités forfaitaires » désigne le montant qu'une partie à un contrat convient de payer à l'autre partie en cas de rupture de contrat, en fonction d'une estimation des dommages réels qui en découleraient vraisemblablement.

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Note de bas de page 3

Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006

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