ARCHIVÉ – Télécom Lettre du Conseil adressée à David Watt (Rogers Communications Inc.) et Bram Abramson (TekSavvy Solutions Inc.)

Cette page Web a été archivée dans le Web

Information archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Les décisions, avis et ordonnances (DAO) archivés demeurent en vigueur pourvu qu'ils n'aient pas été modifiés ou annulés par le Conseil, une cour ou le gouvernement. Le texte de l'information archivée n'a pas été modifié ni mis à jour depuis sa date de mise en archive. Les modifications aux DAO sont indiquées au moyen de « tirets » ajoutés au numéro DAO original. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s'appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez obtenir cette information dans un autre format en communiquant avec nous.

Ottawa, le 15 décembre 2015

Notre référence : 8663-T117-201513325

PAR COURRIEL

Monsieur David Watt
Vice-président principal – Affaires réglementaires
Rogers Communications Inc.
333, rue Bloor Est, 9e étage
Toronto (Ontario)  M4W 1G9
david.watt@rci.rogers.com

Monsieur Bram Abramson
Chef des affaires juridiques et réglementaires
TekSavvy Solutions Inc.
800, rue Richmond
Chatham (Ontario)  N2M 5J5
babramson@teksavvy.ca

Objet : Demande en vertu de la Partie 1 de TekSavvy Solutions Inc. concernant l’accès au marché de gros aux installations de Rogers – disposition de redressement provisoire

Messieurs,

La présente concerne une demande de redressement provisoire présentée par TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy), le 4 décembre 2015, dans le cadre d’une demande visant un redressement définitif (la demande).

À titre d’information, TekSavvy a déclaré que Rogers Communications Partnership (Rogers) procédait actuellement au retrait des câbles coaxiaux dans un quartier de Toronto pour les remplacer par une connexion par fibre optique. TekSavvy a également déclaré que Rogers prévoyait achever la transition d’ici le 16 décembre 2015, date à laquelle les câbles coaxiaux seront mis hors service.

Dans sa demande, TekSavvy a demandé que le Conseil lui accorde un redressement provisoire rapide aux fins suivantes :

  1. arrêter le retrait de l’infrastructure coaxiale offerte aux clients-grossistes jusqu’à ce que les questions soulevées dans la demande soient réglées;
  2. veiller à ce que Rogers s’engage, sur une question sans conséquence sur le plan technologique – à savoir, les nouveaux points terminaux – à maintenir les mesures tarifaires existantes, quelle que soit l’infrastructure, afin que les clients-grossistes puissent utiliser les installations d’accès nécessaires à la prestation des services de détail en aval comme prévu par Rogers concernant l’accès Internet de tiers (AIT) offert aux points terminaux existants, lesquels bénéficieront de droits acquis.

TekSavvy a demandé au Conseil, par le truchement d’un redressement définitif, (1) de confirmer la mesure dans laquelle Rogers prévoit remplacer les câbles coaxiaux par de la fibre optique, (2) de déterminer la mesure dans laquelle ces plans empêcheraient ses concurrents d’obtenir des clients, et (3) de déterminer une manière de tenir compte des modifications apportées aux installations, tant sur le plan de l’avis requis que des besoins nécessaires pour s’assurer que les ententes de gros ne soient pas interrompues par ces modifications.

Rogers a donné suite à la demande de redressement provisoire de TekSavvy en répondant à la lettre du Conseil concernant une procédure accélérée, le 9 décembre 2015, réponse pour laquelle TekSavvy a formulé des commentaires, le 11 décembre 2015.

Les critères appliqués par le Conseil pour l’évaluation des demandes de redressement provisoire sont ceux qui ont été établis par la Cour suprême du Canada dans l’affaire RJR-MacDonald Inc. v. Canada (Procureur général) [1994] 1 S.C.R. 311. Ces critères (critères RJR-MacDonald) sont les suivants : a) il existe une question sérieuse à juger; b) la partie qui sollicite le redressement provisoire subira un préjudice irréparable si le redressement n’est pas accordé et c) la prépondérance des inconvénients, compte tenu de l’intérêt public, penche en faveur du redressement provisoire. Pour obtenir un redressement provisoire, un demandeur doit démontrer que sa demande répond aux trois critères.

Y a-t-il une question sérieuse à juger?

TekSavvy a fait valoir que l’enlèvement par Rogers du câblage d’accès coaxial pour le remplacer par de la fibre optique jusqu’aux locaux de l’abonné (FTTP) et son refus de permettre l’accès de gros à cette fibre aux adresses autres que celles qui bénéficient actuellement du service constituaient une question sérieuse. Les gestes de Rogers contreviennent à l’exigence d’un préavis de 6 mois établi par le Conseil dans la lettre de décision Télécom CRTC 94-11. De plus, TekSavvy a soutenu que Rogers agissait d’une manière incompatible avec la Politique réglementaire de télécom 2015-326 (PRT 2015-326) dans laquelle le Conseil envisageait la possibilité que d’ici à ce que les tarifs pour la prestation obligatoire de services d’accès haute vitesse (AHV) de gros non regroupés soient approuvés, les concurrents doivent avoir accès à des services d’AHV de gros regroupés.

Dans sa réponse, et à titre d’information, Rogers a fait valoir que le problème à l’origine de la demande de TekSavvy se limitait à un complexe de maisons en rangée en copropriétés et que l’entreprise profitait d’une tranchée commune offerte par Toronto Hydro pour mettre à niveau ses installations vieillissantes de câblage coaxial. En outre, c’était à la demande du gestionnaire du complexe d’habitation que le câble coaxial avait été retiré de la propriété. Rogers a admis que TekSavvy aurait dû être avisé plus tôt et a affirmé qu’elle avait mis en place des systèmes pour résoudre ce problème à l’avenir. Rogers a prétendu que TekSavvy n’était pas justifié de se fier à la lettre de décision Télécom CRTC 94-11, parce qu’elle n’avait rien à voir avec les faits et que, au mieux, les règles actuelles envisageaient de devoir accorder 72 heures aux concurrents.

En ce qui a trait à savoir s’il existe une question sérieuse à trancher, Rogers a soutenu que les questions soulevées par TekSavvy avaient déjà été considérées par le Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 et que c’est seulement au moment où des tarifs pour des services d’accès à haute vitesse (AHV) dégroupés seront approuvés, que les titulaires devront fournir aux concurrents un accès aux installations de fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTP). Rogers a soutenu que, de fait, TekSavvy utilisait de manière inappropriée sa demande pour demander une révision et une modification de la politique réglementaire de télécom 2015-326.

Analyse du Conseil

Le seuil pour conclure à l’existence d’une question sérieuse à trancher n’est pas élevé. La question est de savoir si la demande en faveur d’un redressement final est frivole ou vexatoire. D’après le dossier de cette instance, le Conseil est convaincu que TekSavvy a réussi à démontrer qu’il y avait une question sérieuse à trancher.

Est-ce que la partie qui cherche le redressement provisoire subirait, si celui-ci n’était pas accordé, un préjudice irréparable?

TekSavvy a soumis que si le redressement provisoire n’était pas accordé, le câble coaxial serait retiré par Rogers et les concurrents qui dépendent de l’Accès Internet de tiers (AIT) ne pourraient pas livrer concurrence dans l’obtention de nouveaux clients sur la plateforme FTTP. De plus, TekSavvy a fait valoir qu’un tel préjudice ne pourrait pas être indemnisé si le redressement final était accordé. 

Rogers a soutenu qu’il était difficile d’évaluer le préjudice irréparable causé à TekSavvy découlant de la perte d’accès d’environ un an pour livrer concurrence aux domiciles non desservis par TekSavvy dans le complexe d’habitation en copropriété qui, à ce jour, n’ont pas choisi d’être desservis par TekSavvy.

Analyse du Conseil

En évaluant si un préjudice irréparable a été démontré, la question ne porte pas sur l’ampleur du préjudice, mais bien sur la nature de celui-ci. Par rapport au premier critère, le seuil pour conclure à un préjudice irréparable est élevé. 

En ce qui concerne la nature du préjudice, un demandeur est tenu d’établir, entre autres, que le préjudice n’est pas hypothétique. Selon le Conseil, TekSavvy n’a pas réussi à établir que le préjudice n’est pas hypothétique. Plus précisément, TekSavvy n’a pas réussi à démontrer qu’il ciblait activement des clients dans le complexe d’habitation et que les actions de Rogers lui ont fait perdre des clients qu’il aurait autrement eu de bonnes chances d’obtenir.

En outre, TekSavvy n’a pas réussi à démontrer qu’il n’avait pas accès à d’autres installations d’AHV de gros d’un fournisseur différent pour fournir le service aux utilisateurs finaux dans le complexe ou qu’un tel accès entraînerait un dérangement important pour TekSavvy.

À la lumière de ce qui précède, le Conseil n’est pas persuadé que TekSavvy subirait un préjudice irréparable si le redressement final qu’il demande lui était octroyé.

Balance des inconvénients

TekSavvy a fait valoir que la balance des inconvénients penchait en faveur du redressement provisoire, car cette décision préserverait le statu quo et ferait en sorte que, jusqu’à ce que le Conseil rende sa décision concernant le redressement final à octroyer, les concurrents soient en mesure de continuer de fournir le service aux clients existants et de livrer concurrence pour l’obtention de nouveaux clients, malgré la décision d’un titulaire de remplacer ses installations. En outre, TekSavvy a affirmé que les répercussions sur Rogers, si le redressement provisoire est accordé, seront compensées par le besoin de préserver la concurrence.

Rogers a fait valoir que si le redressement provisoire était accordé, l’entreprise serait forcée de laisser l’ancien réseau de câblage en place, malgré la demande du propriétaire des logements qu’il soit retiré, ou elle serait dans l’obligation de fournir un accès aux installations de fibre optique dans les cas où elle n’est pas tenue de le faire conformément à la politique réglementaire de télécom 2015-326.

Analyse du Conseil

Le Conseil croit que la prépondérance des inconvénients, en tenant compte de l’intérêt du public, ne penche pas en faveur de l’octroi du redressement provisoire. Contrairement au cas du critère du préjudice irréparable, dans la détermination de la prépondérance des inconvénients, l’ampleur du préjudice est un facteur à considérer. Dans ce cas précis, la question porte sur un complexe d’habitations en rangée en copropriété et Rogers a fait valoir qu’il n’avait pas prévu de remplacer le câble coaxial par la fibre optique dans d’autres secteurs; celui-ci a d’ailleurs précisé que les clients existants de TekSavvy bénéficiaient d’un droit acquis. De plus, si un redressement provisoire est accordé, mais que le redressement final est refusé, de nouveaux clients de TekSavvy dans le complexe seront amenés à changer de fournisseur de services, ce qui pourrait potentiellement entraîner un dérangement important pour ces clients.

À la lumière des éléments susmentionnés, le Conseil détermine que la prépondérance des inconvénients, y compris l’intérêt public, penche en faveur du refus de la demande de redressement provisoire. 

Disposition

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil refuse, par décision majoritaire, la demande de redressement provisoire de TekSavvy.

La Secrétaire générale,

L’original signé par

Danielle May-Cuconato

Date de modification :