ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2014-346

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Référence au processus : Demande de la Partie 1 affichée le 4 février 2014

Ottawa, le 27 juin 2014

Leclerc Communication inc.
Québec (Québec)

Demande 2014-0093-6

Plainte déposée par Leclerc Communication inc. contre la Société Radio-Canada alléguant une préférence et un désavantage indus

Le Conseil conclut que la Société Radio-Canada s’est octroyée une préférence et a assujetti Leclerc Communication inc. (Leclerc) à un désavantage, mais que cette préférence et ce désavantage ne sont pas indus. Le Conseil rejette donc la plainte de Leclerc.

Les parties

  1. Leclerc Communication inc. (Leclerc) est titulaire de deux stations de radio dans le marché de Québec, soit CJEC-FM et CFEL-FM.
  2. La Société Radio-Canada (la SRC) est titulaire de plusieurs stations de radio et stations de télévision traditionnelle au pays. Dans le marché de Québec, la SRC est notamment titulaire de CBVX-FM (Espace Musique) et CBV FM (ICI Radio Canada Première) et de la station de télévision traditionnelle CBVT DT.

La plainte

  1. Dans sa plainte datée du 30 janvier 2014, Leclerc allègue que la SRC, par l’entremise de sa station de télévision CBVT-DT Québec, l’a assujetti à un désavantage indu et a accordé une préférence indue à ses propres stations de radio. Selon Leclerc, la SRC est donc en contravention avec l’article 15(1) du Règlement de 1987 sur la télédiffusion (le Règlement) stipulant qu’il « est interdit au titulaire d’accorder à quiconque, y compris lui-même, une préférence indue ou d’assujettir quiconque à un désavantage indu».
  2. Plus précisément, Leclerc allègue avoir tenté d’effectuer des placements publicitaires sur CBVT-DT Québec afin de promouvoir ses stations de radio CJEC-FM et CFEL FM dans le marché de Québec. La SRC a refusé sa demande en invoquant que les stations de Leclerc faisaient concurrence à ses deux stations de radio dans ce marché (soit CBV-FM et CBVX-FM). Leclerc allègue donc qu’en lui refusant la possibilité de promouvoir ses stations de radio sur les ondes de CBVT-DT, la SRC l’a assujetti à un désavantage indu. De plus, Leclerc soutient que la SRC s’est accordée une préférence indue puisqu’elle fait la promotion de ses propres stations de radio sur les ondes de CBVT-DT. Enfin, Leclerc prétend que les actions de la SRC sont de nature à nuire à l’atteinte des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion (la Loi).
  3. À l’appui de sa plainte, Leclerc a soumis des échanges de courriels avec différents employés de la SRC. Dans un de ces courriels, la SRC indique que le refus ne vise pas Leclerc en particulier, mais qu’elle refuse la présence de campagnes publicitaires de toutes les autres entreprises de radiodiffusion au Canada.

Réponse de la SRC

  1. Dans sa réponse datée du 6 mars 2014, la SRC indique qu’il est tout à fait normal et courant dans l’industrie qu’un média diffuse des promotions de ses propres émissions et ne diffuse pas de publicité des médias concurrents lorsqu’il juge que cela n’est pas dans son intérêt commercial. Selon la SRC, le fait que CBVT-DT diffuse des promotions des émissions de ses propres services de radio et qu’elle refuse de diffuser les publicités des stations de radio privées n’est certainement pas suffisant pour conclure à une préférence indue ou à un désavantage indu contrevenant à l’article 15 du Règlement.
  2. La SRC allègue qu’il faut de solides justifications d’intérêt public, notamment un contrôle significatif de l’inventaire publicitaire, pour imposer des limites à la liberté commerciale des titulaires. À cet égard, la SRC affirme que seulement 7 % des téléspectateurs adultes des trois stations de télévision locales de langue française combinées (SRC, TVA et V) sont exclusifs à sa station CBVT-DT. De plus, la part de l’inventaire publicitaire local de la SRC (télévision et radio) est de 9,8 %. Compte tenu de la part très restreinte de ses services dans l’inventaire publicitaire du marché local de Québec, la SRC indique :
    • qu’il n’y a pas de raison pour que le Conseil limite sa liberté commerciale;
    • qu’on ne peut pas conclure que le fait que les stations de Leclerc ne soient pas annoncées sur CBVT-DT, ni le fait que cette dernière fait la promotion de ses propres stations de radio, ont une incidence négative importante sur Leclerc ou une incidence sur l’atteinte des objectifs de la Loi.
  3. Compte tenu de ce qui précède, la SRC estime que les allégations de Leclerc ne sont pas fondées et que sa plainte devrait être rejetée.

Réplique de Leclerc

  1. Dans sa réplique datée du 14 mars 2014, Leclerc se questionne de nouveau sur les motifs du refus de la SRC. Précisément, Leclerc se demande pourquoi la SRC s’oppose si farouchement à faire la promotion de ses stations, alors qu’elle prétend qu’il n’y a réellement aucune incidence pour Leclerc d’annoncer ses stations sur les ondes de CBVT-DT.
  2. En réponse à l’argument de la SRC selon lequel ses services détiennent une part très restreinte dans l’inventaire publicitaire du marché de Québec, Leclerc soutient que 7 % équivaut à 63 500 téléspectateurs et que cela représente un potentiel énorme pour ses stations de radio. Il ajoute que seul CBVT-DT offre une clientèle aussi vaste d’auditeurs ayant un profil aussi proche de celui de sa station de radio CJEC-FM.
  3. En réponse à l’argument de la SRC à l’effet qu’être obligée de diffuser de la publicité de médias concurrents sur ses ondes constituerait une entrave à sa liberté commerciale, Leclerc rappelle que la mission de la SRC n’est pas de réaliser des profits, mais plutôt de : « contribuer activement à l’expression culturelle et à l’échange des diverses formes qu’elle peut prendre », comme le prévoit la Loi.
  4. Leclerc estime que l’argument de la liberté commerciale ne peut être invoqué par une société publique dont la mission particulière de globalité canadienne est dictée par la Loi.

Analyse et décision du Conseil

Existe-t-il une préférence ou un désavantage?

  1. Lorsque le Conseil examine une plainte alléguant une préférence ou un désavantage indu, il détermine d’abord si le plaignant a su faire la preuve que le titulaire a accordé une préférence ou assujetti une personne à un désavantage. Dans le présent cas, le Conseil doit d’abord déterminer si la SRC s’est octroyée elle-même une préférence ou si elle a assujetti Leclerc à un désavantage.
  2. Dans sa plainte, Leclerc a indiqué « qu’il est très fréquent de voir sur les ondes d’ICI Radio-Canada Télé des publicités d’ICI Radio-Canada Première et d’Espace Musique » et a fourni deux exemples précis de ces allégations. À cet égard, la SRC a admis diffuser des promotions des émissions de ses propres stations de radio et ne pas diffuser de publicités locales provenant de stations privées. Bien que la SRC ne conteste pas les faits soulevés par Leclerc, elle soutient que ses pratiques à l’égard de la publicité n’ont aucune incidence négative envers Leclerc et les objectifs de la Loi.
  3. Compte tenu de la preuve présentée par Leclerc et des commentaires de la SRC à l’égard de ses pratiques relatives à la publicité, le Conseil conclut que la SRC s’est octroyée une préférence et a assujetti Leclerc à un désavantage.

La préférence ou le désavantage est-il indu?

  1. En vertu de l’article 15(2) du Règlement, une fois que le demandeur a démontré l’existence d’une préférence ou d’un désavantage, il incombe au titulaire qui a accordé une préférence ou fait subir un désavantage d’établir que la préférence ou le désavantage n’est pas indu.
  2. Afin de déterminer si la préférence ou le désavantage est indu, le Conseil évalue si la préférence ou le désavantage a causé ou pourrait causer un préjudice important au plaignant ou à toute autre personne. Il examine également l’effet que la préférence ou le désavantage a ou risque d’avoir sur l’atteinte des objectifs de la politique de radiodiffusion canadienne énoncés dans la Loi.
Préjudice à Leclerc ou à toute autre personne
  1. Dans sa réplique, la SRC a indiqué que CBVT-DT ne détient que 28 % des parts du marché télévisuel et que seulement 7 % des téléspectateurs du marché sont exclusifs à CBVT-DT. Ces données de BBM n’ont pas été contestées par Leclerc qui estime par ailleurs que cela représente un potentiel énorme de téléspectateurs. Le Conseil estime que Leclerc ne subit pas de préjudice important en se voyant refuser des possibilités de promotion, puisque celui-ci a accès à 72 % de l’inventaire publicitaire télévisuel local en annonçant sur les ondes de TVA et V et qu’il peut ainsi rejoindre 93 % des téléspectateurs du marché.
  2. De plus, le Conseil note que le marché médiatique et publicitaire de la ville de Québec est large et bien développé, avec diverses plateformes. Il estime donc que l’incidence de ne pas faire la promotion des stations de radio de Leclerc sur les ondes de CBVT-DT est très limitée puisque le plaignant dispose d’autres options publicitaires pour faire la promotion de ses stations de radio tant dans le système de télévision traditionnelle qu’à l’extérieur de celui-ci (p. ex. journaux quotidiens et médias électroniques d’intérêt local).
  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que la SRC a démontré que Leclerc n’a pas subi de préjudice important découlant de son refus de diffuser la campagne publicitaire de Leclerc sur les ondes de CBVT-DT.
  4. Toutefois, le Conseil se questionne sur les véritables motifs de la SRC qui persévère à refuser un client, n’appartenant pas à un groupe verticalement intégré, sous prétexte que celui-ci est un concurrent. Le Conseil saisit cette occasion pour suggérer à la SRC qu’elle devrait moins se concentrer sur le fait de considérer les autres acteurs de l’écosystème de communication au Canada comme des « concurrents » et consacrer davantage d’efforts à remplir son mandat de service public.
Incidence sur l’atteinte des objectifs de la Loi
  1. Compte tenu des arguments de la SRC (notamment ceux énoncés aux paragraphes 6 et 7 ci-dessus), le Conseil est d’avis qu’elle a démontré que l’allégation de Leclerc à l’effet qu’elle ne respecte pas les objectifs établis dans la Loi en refusant de diffuser de la publicité de ses services est sans fondement.
  2. Il serait exagéré de conclure que la SRC agit de façon contraire à l’objectif de « contribuer activement à l’expression culturelle et à l’échange des diverses formes qu’elle peut prendre » en refusant de diffuser des publicités de stations de radio privées dont la programmation contribue également à cet objectif. De plus, le Conseil estime que le refus de la SRC ne vise pas à limiter la diversité de la programmation dans le marché local de Québec, ou tout autre objectif de la Loi potentiellement atteint par les stations de Leclerc.
  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que Leclerc n’a pas subi de préjudice important et n’a pas été indûment entravé par les actions de la SRC dans son atteinte des objectifs de la Loi.

Conclusion

  1. À la lumière de tout ce qui précède, le Conseil conclut que la Société Radio-Canada s’est octroyée une préférence et a assujetti Leclerc Communication inc. à un désavantage, mais que cette préférence et ce désavantage ne sont pas indus. Le Conseil rejette donc la plainte de Leclerc.

Secrétaire général

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