ARCHIVÉ - Décision de télécom CRTC 2013-733
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Ottawa, le 19 décembre 2013
Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et Bell Canada – Demande de dispense du test de prix plancher pour les frais non récurrents liés aux services locaux de résidence
Numéro de dossier : 8661-B54-201309600
Dans la présente décision, le Conseil dispense les compagnies Bell de passer le test du prix plancher pour certains frais non récurrents liés aux services locaux de résidence, sous réserve qu’elles respectent les conditions énoncées dans ladite décision.
Introduction
1. Le Conseil a reçu une demande de Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et de Bell Canada (collectivement les compagnies Bell), datée du 27 juin 2013, dans laquelle elles demandaient au Conseil de dispenser les compagnies Bell du test du prix plancher[1] pour les frais non récurrents liés aux services locaux de résidence dans leurs zones de desserte, en Ontario et au Québec. Cette dispense serait sujette à l’engagement des compagnies Bell d’imputer uniformément à l’échelle provinciale, dans les zones faisant l’objet d’une abstention de la réglementation et les zones réglementées de l’Ontario et du Québec, tous les frais non récurrents concernés.
2. Les compagnies Bell ont ensuite proposé de limiter la portée de leur demande aux frais non récurrents suivants (ci-après les « frais non récurrents ») :
- frais de raccordement de service[2];
- frais de traitement de la commande[3];
- frais de service de référence d’appels[4];
- frais du service de réservation d’un numéro de téléphone[5];
- frais de service des numéros de téléphone Prestige[6];
- frais de service Express[7].
3. Les compagnies Bell ont actuellement l’autorisation d’imputer un montant de 49,95 $ pour le raccordement du service résidentiel en Ontario et au Québec à titre promotionnel[8]. Les compagnies Bell ont indiqué que ce montant ne satisfait pas au test du prix plancher dans le cas des clients recevant des services locaux de résidence autonomes.
4. Le Conseil a reçu des observations, d’Allstream Inc. (Allstream) et de Saskatchewan Telecommunications (SaskTel), au sujet de la demande des compagnies Bell. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 16 août 2013. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.
5. Dans la décision de télécom 94-13, le Conseil a établi le test du prix plancher pour les services interurbains offerts par les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) et, dans la décision de télécom 97-8, le Conseil l’a étendu aux services locaux de détail des ESLT. Dans sa politique réglementaire de télécom 2009-80, le Conseil a révisé le test de prix plancher et a conclu que ce dernier demeure pertinent et nécessaire à la lumière des Instructions[9]. Dans ladite décision, le Conseil estimait que la suppression du test du prix plancher, en s’appuyant sur la fiabilité du libre jeu du marché, n’est pas appropriée, puisque le test s’applique seulement aux services dont les marchés ne font pas l’objet d’une abstention de la réglementation, des marchés où il y a peu ou pas de concurrence.
Positions des parties
6. Les compagnies Bell ont fait valoir qu’imputer les frais non récurrents uniformément à l’échelle provinciale, en Ontario et au Québec, permettrait d’éviter que ces frais appliqués dans les zones réglementées soient jamais inférieurs à ceux appliqués dans les zones faisant l’objet d’une abstention de la réglementation; on ne pourrait donc pas considérer qu’il s’agit d’une pratique anticoncurrentielle. Les compagnies Bell ont aussi précisé que, dans les circonscriptions où les tarifs des services locaux mensuels sont réglementés, il est peu probable qu’un concurrent soit éjecté ou exclu du marché parce que les frais non récurrents des compagnies Bell seraient inférieurs au minimum permis en vertu du test du prix plancher.
7. Les compagnies Bell ont indiqué que leurs systèmes de facturation ne sont pas en mesure de traiter les différences entre les frais appliqués dans les zones réglementées et ceux appliqués dans les zones faisant l’objet d’une abstention de la réglementation. Elles ont ajouté que les coûts qu’exigeraient les modifications de leurs systèmes pour gérer ces différences seraient considérables et qu’ils ne pourraient être récupérés par le truchement de revenus supplémentaires découlant de frais de service conformes au test du prix plancher dans les zones réglementées.
8. SaskTel s’est prononcée en faveur de la demande des compagnies Bell. Allstream a indiqué qu’elle serait d’accord avec la proposition des compagnies Bell à condition que ces dernières appliquent une réduction tarifaire équivalente à celle de leur service aux concurrents sous-jacent équivalent. Allstream a indiqué que, s’il leur fallait maintenir leurs frais actuels pour leur service aux concurrents sous-jacent équivalent, il serait plus difficile pour les concurrents d’offrir d’autres formules viables aux clients, ce qui placerait les concurrents en situation désavantageuse.
9. En réponse, les compagnies Bell ont précisé que la tarification d’un service de détail inférieure à celle d’un service sous-jacent équivalent offert par un concurrent n’est pas anticoncurrentielle. Les compagnies Bell ont fait remarquer que selon les règles d’établissement des prix du Conseil actuelles, elles peuvent réduire ou annuler les frais de service de détail pour leurs clients dans les zones faisant l’objet d’une abstention de la réglementation alors que leurs concurrents qui ont recours aux services aux concurrents sous-jacents équivalents doivent payer des frais de service réglementés. Les compagnies Bell ont par ailleurs fait valoir que, les frais de service aux concurrents sous-jacents étant calculés à partir des coûts connexes augmentés d’un supplément prédéterminé[10], elles pourraient ne pas être en mesure de pleinement récupérer les coûts liés aux services aux concurrents sous-jacents si elles devaient réduire le tarif de ces services.
Résultats de l’analyse du Conseil
10. Le Conseil a admis que les tarifs ne répondant pas au critère du prix plancher ne sont pas forcément anticoncurrentiels par nature, comme lors d’essais de mise en marché ou de promotions. Le Conseil estime que la proposition des compagnies Bell d’appliquer un tarif uniforme, à l’échelle provinciale en Ontario et au Québec, dans le cas des frais non récurrents, limiterait de manière anticoncurrentielle la capacité des compagnies Bell à cibler des marchés particuliers, à l’intérieur de leurs zones réglementées. Le Conseil estime en outre qu’à l’exception des frais de raccordement de services résidentiels, les frais non récurrents ne risquent pas d’avoir un effet terriblement néfaste sur la capacité de concurrents éventuels d’accéder aux marchés des services locaux de résidence, puisque les services associés à ces frais ne sont pas nécessaires pour que les clients bénéficient de services locaux.
11. Les frais de raccordement de services résidentiels correspondent au travail accompli pour répondre aux demandes de clients désirant bénéficier d’un service local. Ce travail fait donc partie intégrante de la prestation de service. Le Conseil fait cependant remarquer qu’il est courant au sein de l’industrie de renoncer à de tels frais dans des marchés concurrentiels, ou de réduire ces frais, et que les compagnies Bell devraient donc subir des coûts importants pour modifier leurs systèmes de facturation afin de tenir compte des différences entre les frais non récurrents appliqués dans les zones faisant l’objet d’une abstention de la réglementation et ceux appliqués dans les zones réglementées.
12. Le Conseil estime nécessaire de maintenir les restrictions tarifaires dans le cas des frais de raccordement au service résidentiel afin de faciliter un accès au marché propice à la concurrence dans des marchés locaux où la concurrence est faible voire inexistante. Cependant, les compagnies Bell devraient obtenir une plus grande souplesse que celle qui leur est actuellement accordée en vertu du test de prix plancher pour ce type de frais.
13. Par conséquent, le Conseil conclut qu’il est approprié de dispenser les compagnies Bell du test de prix plancher pour les frais non récurrents en Ontario et au Québec, pourvu que les compagnies Bell s’engagent à imputer tous ces frais uniformément à l’échelle provinciale. Le Conseil conclut également qu’il est approprié d’imposer aux compagnies Bell un nouveau prix plancher de 49,95 $ en Ontario et au Québec pour les frais de raccordement de service résidentiel.
14. Concernant la proposition d’Allstream de réduire les frais de services aux concurrents sous-jacents, le Conseil fait remarquer que les frais de service sont fondés sur les frais connexes augmentés d’un supplément prédéterminé. Le Conseil estime donc qu’il serait inapproprié d’exiger des compagnies Bell qu’elles appliquent une réduction tarifaire aux services aux concurrents sous-jacents équivalents, puisque les compagnies Bell pourraient ne pas récupérer la totalité des frais associés à ces services. Le Conseil estime aussi que, puisque la condition que propose Allstream ne s’appliquerait qu’à certains frais non récurrents, toute différence entre les frais des services de détail des compagnies Bell et ceux des services aux concurrents sous-jacents équivalents n’aurait qu’un effet limité sur les concurrents. De plus, le Conseil fait remarquer que les concurrents ayant recours aux services des compagnies Bell afin de servir leurs propres clients peuvent décider d’imputer à ces derniers des frais de service non récurrents connexes.
15. À la lumière de ce qui précède, le Conseil :
- dispense les compagnies Bell de l’exigence de passer le test du prix plancher en Ontario et au Québec pour leurs frais de raccordement de service, leurs frais de traitement de la commande, leurs frais de service de référence d’appels, leurs frais du service de réservation du numéro de téléphone, leurs frais du service des numéros de téléphone Prestige et leurs frais de service Express, sous réserve qu’elles imputent des tarifs uniformes à l’échelle provinciale, en Ontario et au Québec;
- impute aux compagnies Bell un nouveau prix minimum de 49,95 $ en Ontario et au Québec applicable aux frais de raccordement au service résidentiel.
16. Dans l’éventualité où les compagnies Bell demandent au Conseil d’approuver un tarif inférieur au test du prix plancher, elles devront veiller à ce que leur tarif proposé soit conforme aux conclusions énoncées dans la présente décision.
Instructions
17. Les Instructions mentionnent que, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi sur les télécommunications (Loi), le Conseil doit mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux alinéas 1a), 1b) et 1c) des Instructions.
18. Le Conseil estime que les conclusions de la présente décision contribuent à l’atteinte des objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7c), 7f) et 7h)[11] de la Loi. Il estime également que, grâce à ses conclusions, les clients admissibles pourront bénéficier de tarifs inférieurs et que les compagnies Bell disposeront d’une certaine souplesse tarifaire, tandis que le risque de pratiques anticoncurrentielles susceptibles de découler d’une telle souplesse sera limité, dans les secteurs où la concurrence est faible, voire inexistante. Par conséquent, le Conseil estime que, conformément aux sous-alinéas 1a)(ii) et 1b)(ii) des Instructions, les conclusions qu’il énonce dans la présente décision a) sont efficaces et proportionnelles aux buts visés et ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs de la politique susmentionnée et b) ne découragent pas un accès au marché qui est propice à la concurrence et qui est efficace économiquement, ni n’encouragent un accès au marché qui est non efficace économiquement.
Secrétaire général
Documents connexes
- Examen relatif au test du prix plancher et à certaines méthodes d’établissement des coûts propres aux services de gros, Politique réglementaire de télécom CRTC 2009-80, 19 février 2009
- Concurrence locale, Décision Télécom CRTC 97-8, 1er mai 1997
- Examen du cadre de réglementation – établissement de prix ciblés, tarification anticoncurrentielle et critère d’imputation des dépôts de tarifs interurbains par les compagnies de téléphone, Décision Télécom CRTC 94-13, 13 juillet 1994
[1] Le test du prix plancher permet de déterminer un prix minimum auquel les tarifs sont justes et raisonnables et ne sont pas injustement discriminatoires. Par ailleurs, le test du prix plancher permet de protéger le marché contre toute tarification anticoncurrentielle, cela pour faciliter l’instauration d’une concurrence viable.
[2] Ce service couvre l’ensemble des tâches associées à la réception, à l’enregistrement et au traitement de l’information en vue de donner suite à la demande d’un client relative à l’installation de chaque service local de base (SLB).
[3] Ce service englobe l’ensemble des tâches associées à la réception, à l’enregistrement et au traitement de l’information en vue de se conformer à la demande d’un client chaque fois que le service ne doit pas être offert en même temps ni au même endroit que le SLB.
[4] Ce service permet aux abonnés d’être informés qu’un numéro de téléphone précédemment utilisé par un usager a été modifié, sans frais pour l’abonné, et cela pendant une période prolongée (c’est-à-dire trois ou six mois).
[5] Ce service permet aux clients de réserver un ou plusieurs numéros de téléphone pendant un maximum d’un an.
[6] Ce service permet aux clients de sélectionner leur numéro de téléphone.
[7] Ce service permet aux clients résidentiels admissibles de demander que l’installation de certains services soit réalisée avant une certaine date précédant celle de l’installation du système d’origine.
[8] Ces frais sont généralement de 55 $ dans les zones autres que les zones de desserte à coût élevé et d’un maximum de 64,77 $ dans les zones de desserte à coût élevé, dans les périmètres de rayonnement des compagnies Bell en Ontario et au Québec.
[9] Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006
[10] Le supplément correspond à la différence entre le prix de revient d’un service et son niveau de facturation. Par exemple, si la marge est de 15 %, le tarif d’un service qui coûte 100 $ est de 115 $.
[11] Les objectifs cités de la politique sont les suivants :
7c) accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;
7f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire;
7h) satisfaire les exigences économiques et sociales des usagers des services de télécommunication.
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