ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2013-645

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Ottawa, le 2 décembre 2013

Société Radio-Canada
L’ensemble du Canada

CBC News Now – Plainte relative au canular téléphonique concernant la duchesse de Cambridge

Le Conseil conclut qu’en diffusant sur son émission CBC News Now un extrait sonore préenregistré du canular fait par deux animateurs de la station de radio australienne 2DayFM en téléphonant à l’hôpital King Edward VII de Londres, la Société Radio-Canada n’a enfreint aucune de ses obligations en vertu du Règlement de 1987 sur la télédiffusion.

Le Conseil conclut de plus que l’extrait sonore n’est pas en soi incompatible avec l’objectif de haute qualité énoncé à l’article 3g) de la Loi sur la radiodiffusion.

Historique

1. Le 5 décembre 2012, dans le cadre d’une nouvelle rapportée sur son émission de nouvelles télévisées diffusée la semaine, CBC News Now, la Société Radio-Canada (SRC) a diffusé un extrait sonore du canular qu’avaient fait deux animateurs de l’émission de radio australienne Summer 30, diffusée sur la station de radio FM commerciale 2DayFM de Sydney, en Australie, en téléphonant à l’hôpital King Edward VII de Londres. Se faisant passer pour la reine Elizabeth II et le prince de Galles, les animateurs avaient réussi à parler à une infirmière et à lui soutirer des renseignements sur l’état de santé de la duchesse de Cambridge, laquelle se faisait traiter à l’hôpital.

2. Peu de temps après, la SRC a reçu une plainte à l’effet que l’extrait sonore divulguait des renseignements confidentiels sur un patient, qu’il était cruel et de mauvais goût et qu’il avait été diffusé sans le consentement de la duchesse de Cambridge et du personnel de l’hôpital. Selon le plaignant, la SRC aurait enfreint l’article 3 du Règlement de 1987 sur la télédiffusion (le Règlement sur la télédiffusion). La SRC a répondu que cet [traduction] « extrait fortement édité de la conversation téléphonique » n’était pas particulièrement révélateur, et indiqué que les renseignements qu’il renfermait n’étaient plus du tout confidentiels au moment de sa diffusion. Selon la SRC, le canular lui-même faisait alors déjà la nouvelle sur divers médias à travers le globe et captivait l’imagination du public.

3. Le plaignant s’est dit insatisfait de la réponse du radiodiffuseur et a demandé à l’ombudsman de la SRC d’examiner la plainte. Dans sa réponse, l’ombudsman de la SRC affirme que l’extrait renferme des détails qui sont [traduction] « déjà passés dans le domaine public », qu’il n’est donc pas « très révélateur » et qu’avant de diffuser ce bref extrait, le radiodiffuseur a tenu compte de son impact sur la vie privée et de la valeur de la diffusion du segment. L’ombudsman de la SRC soutient que la diffusion de l’extrait permettait aux téléspectateurs de se faire une opinion sur le canular et sur la qualité de la sécurité à l’hôpital, notant que c’est à l’hôpital qu’il fallait imputer la responsabilité d’une faille dans la sécurité. Il conclut que ni l’émission en question, ni le mode de diffusion de l’extrait n’ont enfreint la politique de la SRC[1] et que, d’après les conseils juridiques reçus, il n’y a eu infraction à aucun règlement.

Demande de réexamen de la part du Conseil

4. Le plaignant a par la suite demandé au Conseil de se pencher sur l’examen de l’ombudsman de la SRC. Dans sa requête, le plaignant allègue qu’en diffusant des extraits d’une conversation privée, la SRC a enfreint l’article 3 de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi).

Analyse et décisions du Conseil

5. Le Conseil a examiné la plainte en tenant compte des motifs invoqués par le plaignant, de la réponse de la SRC, de l’examen de l’ombudsman de la SRC, ainsi que de sa propre analyse de la diffusion du canular. Il estime que les enjeux sur lesquels il doit se pencher sont les suivants :

Infraction au Règlement de 1987 sur la télédiffusion

6. Le Conseil note que l’article 3 de la Loi ne renferme aucune obligation spécifique à l’égard de la diffusion de conversations téléphoniques. Il s’agit plutôt du Règlement de 1986 sur la radio (le Règlement sur la radio) qui, à l’article 3e), qui contient une interdiction quant à la diffusion d’une conversation sans l’autorisation écrite ou orale par les parties impliquées, et qui ne s’applique qu’aux émissions diffusées par les stations de radio. Par conséquent, cette disposition ne s’applique pas à l’émission de télévision au cours de laquelle l’extrait sonore a été diffusé et qui fait l’objet de la présente plainte.

7. En outre, le Conseil note que le Règlement sur la télédiffusion ne renferme pas de disposition semblable. Par conséquent, le Conseil détermine qu’en diffusant l’extrait sonore en question sur son émission de nouvelles CBC News Now, la SRC n’a enfreint aucune obligation spécifique du Règlement sur la télédiffusion quant au contenu de la programmation.

L’objectif de haute qualité énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion

8. Le Conseil a examiné la plainte en tenant compte de la politique canadienne de radiodiffusion énoncée à l’article 3 de la Loi, en particulier l’article 3(1)g), qui déclare que « la programmation offerte par les entreprises de radiodiffusion devrait être de haute qualité ». En évaluant une émission à la lumière de l’objectif de haute qualité, le Conseil doit tenir compte de la « liberté d’expression » dont bénéficie le radiodiffuseur en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et dont fait état l’article 2(3) de la Loi. En vertu de cette garantie de liberté d’expression, le Conseil détermine qu’une émission est incompatible avec l’objectif de haute qualité uniquement lorsque le manquement à cet objectif est manifeste.

9. Par ailleurs, afin d’évaluer si la diffusion de l’extrait sonore tiré du canular téléphonique était incompatible avec l’objectif de haute qualité, il faut se référer aux circonstances dans lesquelles la SRC a pris la décision de diffuser l’extrait.

10. L’élément qui est au cœur des préoccupations du Conseil en la présente est la diffusion de la voix de l’infirmière et de renseignements médicaux de la duchesse de Cambridge que donne l’enregistrement de la conversation dans le montage fait par le radiodiffuseur. Compte tenu de la haute popularité de cette manchette, le Conseil a cherché à déterminer si cet aspect de l’extrait diffusé avait contribué à la narration de l’histoire ou plutôt à en faire du sensationalisme.

11. La position de la SRC, qu’appuie l’examen de l’ombudsman de la SRC, est que le récit du canular constituait une nouvelle en soi et une affaire d’intérêt public, et que son contenu avait perdu son caractère confidentiel dès lors que la conversation enregistrée était passée dans le domaine public. Alors qu’il est clair que couvrir une nouvelle pour satisfaire la curiosité du public peut avoir pour effet d’augmenter le nombre des auditeurs et les cotes d’écoute, le Conseil n’est pas convaincu que la couverture dont il est ici question s’avérait nécessaire et dans l’intérêt public. Le Conseil rappelle aux radiodiffuseurs, et particulièrement aux radiodiffuseurs publics, leur devoir d’assurer que la programmation qu’ils diffusent soit de haute qualité. L’intérêt public ne doit pas être aveuglément associé à ce qui pourrait intéresser le public. Néanmoins, le Conseil accepte que le titulaire ait pesé le pour et le contre en évaluant les dangers d’envahir la vie privée par rapport aux avantages de diffuser l’extrait. Le Conseil note que le canular captivait largement l’intérêt du public, que l’histoire était rapportée à plusieurs endroits à travers le monde, et que la conversation enregistrée était disponible en ligne.

12. Comme le Conseil l’a déclaré dans des décisions antérieures[2], en vertu des garanties de la liberté d’expression, le Conseil n’interfère pas dans le jugement éditorial des radiodiffuseurs sauf lorsque ce jugement entraîne une infraction flagrante aux exigences réglementaires ou autrement contrevient à l’objectif de haute qualité de la Loi. Compte tenu du contexte dans lequel s’est effectuée la diffusion de l’extrait, en particulier du fait que le canular était déjà facilement accessible au public, le Conseil est disposé à convenir que la décision éditoriale de la SRC de diffuser l’extrait en question n’était pas déraisonnable. Par conséquent, le Conseil conclut que la diffusion de l’extrait sonore n’était pas incompatible avec l’objectif de haute qualité énoncé dans la Loi et qu’aucune sanction réglementaire n’est justifiée.

Secrétaire général

Notes de bas de page

[2] Voir, par exemple, la décision CRTC 90-772, 20 août 1990.

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