ARCHIVÉ - Décision de télécom CRTC 2013-39

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Ottawa, le 1 février 2013

Primus Telecommunications Canada Inc. – Demande en vue de reporter la date à partir de laquelle il ne sera plus nécessaire d’obtenir l’approbation tarifaire à l’égard de certains services de gros

Numéro de dossier : 8661-P11-201214098

Dans la présente décision, le Conseil rejette, par décision majoritaire, la demande de Primus de reporter de six mois la date du 3 mars 2013 à partir de laquelle il ne sera plus nécessaire d’obtenir l’approbation tarifaire à l’égard de certains services de gros.

Introduction

1. En vertu de la Loi sur les télécommunications (la Loi), le Conseil a le pouvoir d’obliger les entreprises canadiennes d’offrir des services de télécommunication. De plus, la Loi exige que les tarifs et les modalités des services de télécommunication soient approuvés par le Conseil. Cependant, si les circonstances s’y prêtent, le Conseil peut soustraire les entreprises canadiennes à ces exigences.

2. Dans la décision de télécom 2008-17, le Conseil a décidé de ne plus obliger les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) touchées de fournir certains services de gros aux concurrents et a conclu que si ces ESLT choisissent de maintenir de tels services, ceux-ci ne sont plus assujettis à une approbation préalable par le Conseil. En revanche, le Conseil a conservé ses pouvoirs de traiter les questions de discrimination injuste et de préférence indue que lui confèrent les paragraphes 27(2) et 27(4)[1] de la Loi. Pour certains services, la date d’entrée en vigueur de ces conclusions était le 3 mars 2011, alors que pour les autres services de gros, la date d’entrée en vigueur était prévue pour le 3 mars 2013.

3. Dans la décision de télécom 2008-17, le Conseil a ordonné aux ESLT de présenter, au Conseil et à tous les clients, un avis écrit des intentions des ESLT à l’égard des services de gros qui ne feraient plus l’objet d’une approbation tarifaire (les « services pertinents ») afin de permettre aux clients d’examiner et de modifier leurs dispositions d’approvisionnement à l’égard des services de gros en question. Le Conseil a déclaré que l’avis écrit doit :

Contexte

4. Dans la décision Télécom 97-15, le Conseil a mis en place la règle du but premier, aussi dénommée « règle relative à la co-implantation », pour veiller à ce que les concurrents qui choisissent d’installer leur équipement dans les centraux des ESLT ou à proximité de ceux-ci le font pour se raccorder aux installations des ESLT et non simplement pour les utiliser comme station pivot afin de se raccorder aux autres concurrents co-implantés et d’échanger du trafic avec eux. Le Conseil a instauré une méthode qui exige du concurrent de faire la preuve que la capacité réservée à l’interconnexion avec les installations des ESLT est supérieure à celle qui est réservée aux autres concurrents co-implantés.

5.   Dans la décision de télécom 2012-209, le Conseil a instauré une nouvelle méthode pour évaluer la conformité du concurrent à la règle du but premier, qui est moins contraignante que celle mise en place dans la décision Télécom 97-15.

Demande

6. Le Conseil a reçu une demande présentée par Primus Telecommunications Canada Inc. (Primus), en son nom et au nom de Globility Communications Corporation (Globility), datée du 6 novembre 2012, dans laquelle Primus demandait au Conseil de reporter la date à laquelle les services pertinents offerts par Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et Bell Canada (collectivement les compagnies Bell) et la Société TELUS Communications (STC) ne seraient plus assujettis à l’approbation tarifaire.

7. Plus précisément, Primus a demandé que le Conseil reporte l’échéance du 3 mars 2013 en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par les paragraphes 27(2) et 27(4) de la Loi :

a) de six mois après la plus éloignée des échéances suivantes, soit la date où les compagnies Bell et la STC auront fourni les tarifs proposés pour tous les services pertinents, soit la date où le Conseil rendra sa décision concernant la demande[2] de révision et de modification de la règle du but premier;

b) ou d’une durée équivalente au laps de temps écoulé entre le dépôt de la demande et la publication de la décision définitive du Conseil, advenant que ce dernier refuse d’accorder le délai de six mois mentionné ci-dessus.

8. Primus a également demandé que le Conseil approuve la réparation provisoire, conformément à l’article 61 de la Loi, en reportant la date du 3 mars 2013 jusqu’au moment où le Conseil se sera prononcé sur sa demande.

9. Le Conseil a reçu des observations concernant la demande de Primus de la part des compagnies Bell, du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC), de MTS Inc. et Allstream Inc. (collectivement MTS Allstream), du Rogers Communications Partnership (RCP) et de la STC. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 30 novembre 2012. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

10. Dans la présente décision, le Conseil a établi qu’il devait se prononcer sur les questions suivantes :

I. Le Conseil devrait-il reporter l’échéance du 3 mars 2013 prévue pour l’élimination de l’obligation de faire approuver les tarifs?

II. Le Conseil devrait-il accorder la réparation provisoire?

I. Le Conseil devrait-il reporter l’échéance du 3 mars 2013 prévue pour l’élimination de l’obligation de faire approuver les tarifs?

11. Primus a affirmé que, dans la décision de télécom 2008-17, le Conseil a ordonné aux ESLT de donner un avis d’au moins six mois avant la date où l’approbation des tarifs ne serait plus requise pour informer les clients de leurs intentions relativement au service, afin de permettre à ces derniers d’examiner et de modifier leurs dispositions d’approvisionnement au besoin. Selon Primus, le Conseil s’attendait donc à ce que ce laps de temps constitue le délai minimal nécessaire pour conclure des ententes négociées ou des arrangements concurrentiels en matière d’approvisionnement.

12. Primus a déclaré qu’en août et septembre 2012, elle avait reçu des compagnies Bell et de la STC, respectivement, des avis écrits précisant les services et tarifs connexes devant être retirés, ainsi que les services qui continueraient d’être offerts après le 3 mars 2013. Toutefois, malgré des demandes répétées, Primus a été informée que les tarifs proposés pour la période subséquente au 3 mars 2013 ne seraient connus qu’à la fin 2012 en ce qui concerne les compagnies Bell, et qu’à la mi-décembre 2012 pour la STC. Primus a soutenu que cette position allait à l’encontre des directives du Conseil dans la décision de télécom 2008-17.

13. Primus a indiqué que le délai de six mois n’est réalisable que si le client connaît le genre d’entente que l’ESLT a l’intention d’offrir, y compris les tarifs, dès le début de la période de six mois. Primus a fait valoir qu’en refusant de préciser les tarifs proposés au début de la période de six mois, les compagnies Bell et la STC s’étaient accordé une préférence indue et avaient fait preuve d’une discrimination injustifiée à l’égard de Primus, à l’encontre du paragraphe 27(2) de la Loi, car de telles actions ne laissaient pas assez de temps pour permettre de justes négociations et pour que Primus prenne d’autres arrangements en cas d’impossibilité d’en arriver à une entente. Primus a ajouté que si elle ne peut conclure d’accord avant le 3 mars 2013, elle sera tenue de payer les tarifs proposés par les compagnies Bell et la STC, étant donné que le processus de transfert ne pourrait être achevé avant cette date.

14. Invoquant les paragraphes 27(2) et 27(4) de la Loi, Primus a soutenu que ce qui gêne également la capacité d’établir d’autres arrangements pour la fourniture concurrentielle de services de gros est l’incertitude qui persiste quant à l’application adéquate de la règle du but premier, actuellement à l’étude dans le cadre de l’instance amorcée par la demande du CORC concernant la révision et la modification de la décision de télécom 2012-209.

15. Primus a fait remarquer qu’elle loue présentement des services des ESLT entre son point de présence et les centraux des ESLT. Primus a déclaré que Globility représente une source d’approvisionnement de rechange pour certains de ces services. Primus a toutefois allégué que la capacité de Globility d’alimenter Primus de façon concurrentielle est entravée par suite de l’incertitude qui persiste à l’égard de la règle du but premier. Primus a ajouté que, malgré qu’un approvisionnement concurrentiel soit disponible, elle ne peut l’utiliser. Primus a soutenu que ces obstacles ne font que renforcer plus encore la position et le pouvoir des compagnies Bell et de la STC lorsqu’il s’agit de négocier des services dont les tarifs ne seront plus assujettis à l’approbation à compter du 3 mars 2013.

16. Le CORC, MTS Allstream et le RCP ont appuyé la demande de Primus.

17. Le CORC a fait valoir que si l’ESLT ne donne pas une occasion valable de faire des négociations commerciales relativement aux tarifs et modalités des services pertinents, l’ESLT s’accorde une préférence indue et fait preuve de discrimination injuste à l’égard de ses concurrents relativement à l’offre continue de services, à l’encontre du paragraphe 27(2) de la Loi.

18. MTS Allstream a fait valoir que la concurrence est indûment entravée par le fait que les compagnies Bell en particulier ne négocient pas d’ententes de fourniture de services de gros raisonnablement concurrentielles pour ce qui est considéré, dans la majorité des endroits, comme des services monopolistiques et par le recours continu à la règle du but premier pour empêcher l’accès à des services concurrentiels.

19. Selon RCP, la réparation demandée par Primus est nécessaire pour s’assurer que les compagnies Bell et la STC négocient au moment opportun et de manière équitable.

20. Les compagnies Bell ont fait valoir qu’il n’y a aucune préférence indue ni discrimination injuste. Elles ont affirmé qu’elles s’employaient à établir des tarifs du marché pour les services pertinents en négociant des accords avec les clients à gros volumes. Elles ont affirmé que de tels accords définissent des tarifs de base de référence, à partir desquels sont rajustés les tarifs de clients ayant de plus petits volumes. Les compagnies Bell ont affirmé qu’elles s’engageaient à donner à tous leurs clients un préavis d’au moins 60 jours des tarifs proposés et qu’un tel préavis est raisonnable sur le plan commercial.

21. Les compagnies Bell ont fait valoir que la demande de Primus de faire reporter l’échéance du 3 mars 2013 en raison de l’incertitude à l’égard de la règle du but premier est une tentative pour faire réviser et modifier la décision de télécom 2008-17. Les compagnies Bell ont soutenu que, étant donné que la règle du but premier qui était en vigueur au moment où le Conseil s’est prononcé dans la décision de télécom 2008-17 était plus contraignante que celle qui est en vigueur à l’heure actuelle et que celle qui le sera lorsque le Conseil se prononcera sur la demande du CORC mentionnée plus haut, cette dernière demande du CORC en cours d’examen ne devrait avoir aucune incidence sur la question de l’échéance du 3 mars 2013.

22. La STC a fait valoir qu’il n’y a aucune tactique dilatoire. Elle a déclaré travailler à compiler des propositions de tarification pour tous ses clients qui louent les services assujettis à la date du 3 mars 2013. La STC a ajouté qu’elle fournirait ces propositions de tarifs bien avant le 3 mars 2013, ce qui laissera aux clients assez de temps pour négocier des accords avec la compagnie ou pour rechercher des solutions de rechange d’approvisionnement.

23. La STC a fait valoir que Primus croit à tort que les ESLT se sont fait dire par le Conseil, dans la décision de télécom 2008-17, de fournir les tarifs proposés au moins six mois avant la date du 3 mars 2013. La STC a précisé qu’elle ne fait que s’en tenir à la pratique qu’elle a adoptée dans le cas des services ayant cessé d’être assujettis à l’approbation tarifaire le 3 mars 2011, services pour lesquels elle a proposé les tarifs après avoir communiqué le préavis de six mois aux clients.

Résultats de l’analyse du Conseil

24. Le Conseil estime que la décision de télécom 2008-17 se limite à obliger les ESLT de donner un préavis d’au moins six mois quant à leurs intentions en ce qui concerne les services de gros qui ne seront plus visés par l’approbation tarifaire. Le Conseil n’a pas exigé que les ESLT fournissent au même moment un avis sur les tarifs qu’elles proposaient.

25. Le Conseil note que les compagnies Bell et la STC ont déclaré qu’elles allaient continuer de fournir les services pertinents après le 3 mars 2013 et qu’elles allaient fournir les tarifs proposés en décembre 2012. Le Conseil est d’avis que ce délai devrait laisser assez de temps pour que des concurrents comme Primus décident de continuer à utiliser les services des ESLT aux tarifs négociés ou de passer à une autre entreprise. Le Conseil fait remarquer que si Primus choisit de changer de fournisseur et que le transfert n’est pas terminé d’ici le 3 mars 2013, elle continuera d’avoir accès aux services visés par la présente instance, mais à des tarifs de détail. À cet égard, le Conseil fait remarquer qu’il s’attend à ce que les compagnies Bell et la STC négocient avec Primus de bonne foi. Par conséquent, le Conseil conclut que les compagnies Bell et la STC ne se sont pas accordé une préférence indue et n’ont pas fait preuve de discrimination injuste envers Primus, à l’encontre du paragraphe 27(2) de la Loi, en ne fournissant pas les tarifs au moment où le préavis de six mois était exigé.

26. En outre, le Conseil n’est pas convaincu que de l’argument de Primus, selon lequel l’incertitude entourant la règle du but premier renforce le pouvoir de négociation des compagnies Bell et de la STC, ce qui gêne la capacité de Primus de conclure d’autres accords concurrentiels. Le Conseil note que l’incertitude entourant la règle du but premier en raison de la demande du CORC visant à faire réviser et modifier la décision de télécom 2012-209 est une question indépendante de la volonté des compagnies Bell ou de la STC. Par conséquent, le Conseil conclut que les compagnies Bell et la STC ne se sont pas accordé une préférence indue et n’ont pas fait preuve de discrimination injuste envers Primus, à l’encontre du paragraphe 27(2) de la Loi. Toutefois, comme il est mentionné plus haut, le Conseil a conservé les pouvoirs que lui confèrent les paragraphes 27(2) et 27(4) de la Loi pour traiter les questions de discrimination injuste et de préférence indue après le 3 mars 2013. Si une situation particulière était considérée comme constituant une discrimination injuste ou une préférence indue, le Conseil n’hésiterait pas à ordonner la réparation appropriée.

27. Le Conseil n’est pas non plus convaincu qu’un report équivalent au laps de temps écoulé entre le dépôt de la demande de Primus et la publication de la décision finale à l’égard de cette dernière est justifié. De l’avis du Conseil, il serait inapproprié de reporter la date à laquelle l’approbation des tarifs ne serait plus requise parce qu’une partie a choisi de déposer une demande de réparation.

28. Par conséquent, à la lumière de ce qui précède, le Conseil rejette, par décision majoritaire, la demande de Primus de reporter l’échéance du 3 mars 2013 de six mois ou de l’équivalent du temps dont le Conseil a besoin pour étudier la demande de la compagnie.

II. Le Conseil devrait-il accorder la réparation provisoire?

29. À la lumière des décisions du Conseil énoncées ci-dessus, il n’est pas nécessaire d’examiner la demande de réparation provisoire présentée par Primus puisqu’elle est désormais sans objet.

Instructions

30. Le Conseil estime que les conclusions de la présente décision sont conformes aux Instructions[3] et servent les objectifs de la politique de télécommunication énoncés aux alinéas 7a), 7b), 7c), 7f) et 7h) de la Loi[4]. De plus, conformément au sous-alinéa 1a)(i) des Instructions, le Conseil, en confirmant le 3 mars 2013 comme date à partir de laquelle il ne sera plus nécessaire d’obtenir l’approbation tarifaire à l’égard de certains services de gros, s’est fié dans la plus grande mesure du possible au libre jeu d’un marché comme moyen d’atteindre ces objectifs, et ce, en veillant à ce que ces services soient offerts, à compter du 3 mars 2013, selon des tarifs du marché négociés.

Secrétaire général

Documents connexes


Notes de bas de page :

[1] Le paragraphe 27(2) prévoit qu’il est interdit à l’entreprise canadienne, en ce qui concerne soit la fourniture de services de télécommunication, soit l’imposition ou la perception des tarifs y afférents, d’établir une discrimination injuste, ou d’accorder – y compris envers elle-même – une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature.
Le paragraphe 27(4) prévoit qu’il incombe à l’entreprise canadienne qui a fait preuve de discrimination, accordé une préférence ou fait subir un désavantage d’établir, devant le Conseil, qu’ils ne sont pas injustes, indus ou déraisonnables, selon le cas.

[2] Le Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC) a déposé une demande de révision et de modification de la décision de télécom 2012-209 en date du 4 juillet 2012.

[3] Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006

[4] Les objectifs de la politique énoncés dans la Loi, qui sont cités, sont les suivants :

7a) favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions;

7b) permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions – rurales ou urbaines – du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité;

7c) accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

7f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire;

7h) satisfaire les exigences économiques et sociales des usagers des services de télécommunication.

 
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