ARCHIVÉ -Décision de radiodiffusion CRTC 2011-160

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Ottawa, le 7 mars 2011

Plainte concernant la diffusion de Bully Beatdown par MTV Canada

Le Conseil conclut que la titulaire de MTV Canada n’a pas enfreint le Code de l’Association canadienne des radiodiffuseurs concernant la violence en diffusant l’épisode de Bully Beatdown en question et que rien ne prouve que celui-ci ne doive être diffusé qu’après l’heure critique de 21 h.

Historique

1.         Dans une lettre datée du 29 avril 2009, le Conseil a reçu une plainte au sujet de la diffusion de l’émission Bully Beatdown par le service spécialisé MTV Canada. Comme la titulaire, MTV (Canada), est membre du Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR), le Conseil a acheminé la plainte au CCNR, conformément à sa pratique habituelle.

2.         Le 21 juillet 2010, le CCNR a publié la décision 08/09-1667 (la décision du CCNR), rendue le 1er avril 2010, dans laquelle il énonce ses conclusions à l’égard de la plainte. 

3.         Le 22 juillet 2010, le plaignant a demandé au Conseil de revoir la décision du CCNR.

L’émission

4.         Bully Beatdown est une émission de téléréalité qui permet à des victimes d’intimidation d’affronter leurs agresseurs dans un environnement contrôlé. Le concept de l’émission est le suivant : un agresseur choisi parmi les vidéos remises par des victimes est invité à se battre dans un ring contre un spécialiste des arts martiaux mixtes (AMM). Si l’agresseur accepte le défi, il doit suivre un entraînement, porter un équipement de protection et suivre les règles des AMM. Il court également la chance de remporter un prix de 10 000 $ en argent comptant. S’il remporte le combat, l’agresseur reçoit le prix. Sinon, la somme est remise à la victime.

5.         L’émission est animée par Jason « Mayhem » Miller, combattant en AMM. L’épisode controversé met en scène deux frères, Alan et Ryan. Ryan, le cadet, est la victime d’Alan. Ryan accepte de courir la chance de remporter 10 000 $ et de se battre contre Tony « The Gun » Bonello, un professionnel des AMM.

6.         L’émission joue sur toute une gamme d’émotions. Dans le battage publicitaire de cette émission se succèdent des images de ring prêt à accueillir un combat imminent et des scènes suscitant davantage la compassion où Alan explique en quoi l’intimidation est nuisible. Le combat mis en scène a lieu à mains nues, tel que le veut la coutume des arts martiaux. À la fin de l’épisode, Ryan (l’agresseur) s’excuse auprès d’Alan (sa victime) et les deux frères s’étreignent sous les acclamations de la foule. Alan dit à Ryan qu’il l’aime.

7.         L’épisode original a été diffusé le 21 avril 2009, à 22 h 30. Coté 14+ selon le système de classification élaboré par le Groupe d’action sur la violence à la télévision (GAVT), il comportait une mise en garde diffusée en format audio et vidéo au début de l’émission et reprise après chaque pause publicitaire. La mise en garde prévenait que l’émission contenait des représentations et des scènes de violence qui pouvaient choquer et qu’elle était réservée à un auditoire averti. La cote 14+ incite à une très grande circonspection les parents qui permettent à des préadolescents et à de jeunes adolescents de regarder ces émissions sans surveillance. L’icône 14+ est apparue pendant 16 secondes au début de l’émission et est réapparue à la suite de toutes les pauses publicitaires.  

La plainte

8.         Le plaignant est un militant contre l’intimidation qui a déclaré avoir été la cible d’actes d’intimidation pendant de nombreuses années lorsqu’il était plus jeune. 

9.         Le plaignant allègue que Bully Beatdown transmet le mauvais message aux victimes de l’intimidation. Il fait particulièrement valoir que se défendre évite de se faire agresser de nouveau et que l’argent et une violence accrue sont des solutions à ce problème. Selon lui, ce message dit à un nombre croissant de jeunes que la violence est acceptable et qu’il est convenable de faire monter des agresseurs dans un ring pour qu’ils se fassent battre par des spécialistes d’arts martiaux.

Réponse de la titulaire

10.     La titulaire a répondu au plaignant le 5 juin 2009. Dans sa réponse, elle a abordé le contenu de sa programmation, les messages, la cote attribuée à l’émission et différentes mises en garde similaires.

11.  Premièrement, la titulaire précise que le contenu de sa programmation vise en général à amorcer des discussions sur toutes sortes de questions susceptibles d’intéresser son auditoire et non pas à déterminer qui a tort ou raison. Selon elle, Bully Beatdown montre les deux versions d’une histoire d’intimidation afin d’encourager l’auditoire à mieux comprendre la détresse des victimes et la psyché des agresseurs, et d’admettre que l’intimidation est en fait une source très réelle d’anxiété pour bien des gens.

12.  Deuxièmement, la titulaire fait valoir que l’émission n’appuie ou n’encourage aucunement la violence ou la vengeance, mais qu’elle montre plutôt la façon dont un agresseur se mesure à un adversaire de sa taille et comment il peut en venir à faire preuve de compassion à l’égard d’autrui lorsqu’il vit lui-même, devant un attaquant, de la peur et de l’angoisse, soit des émotions très semblables à celles que les agresseurs font vivre à leurs victimes.

13.  Troisièmement, la titulaire souligne que l’émission a été cotée 14+ selon le système de classification du GAVT et que cette cote permet de présenter des sujets s’adressant à un public adulte et une programmation contenant des thèmes ou des éléments de contenu pouvant ne pas convenir à un auditoire de moins de 14 ans. La titulaire a ajouté que l’émission comportait l’avertissement suivant quant à la violence [traduction] : « L’émission contient des descriptions et des scènes de violence qui peuvent choquer. Pour un auditoire averti. »

Commentaires du plaignant concernant la réponse de la titulaire

14.  Dans une lettre au CCNR datée du 11 juin 2009 et faisant suite à la réponse de la titulaire, le plaignant a réclamé que le CCNR fasse enquête sur Bully Beatdown et sanctionne le télédiffuseur en raison de l’influence de telles émissions sur des victimes d’intimidation. Plus précisément, le plaignant soutient que l’émission enfreint les articles 2.1, 2.4, 2.5 et 2.6 du Code de l’Association canadienne des radiodiffuseurs concernant la violence (le Code sur la violence), qui limite la représentation de la violence dans les émissions pour enfants.

15.  Pendant la période d’examen de la plainte par le CCNR, le plaignant a transmis au CCNR de nouvelles informations concernant la diffusion de l’émission avant l’heure critique de 21 h.

La décision du CCNR

16.  Le CCNR a examiné la plainte en vertu des articles 1.0, 2.0, 3.0 and 4.0 du Code sur la violence[1] et conclu que la titulaire n’avait pas enfreint ces articles.

17.  En bref, le CCNR a conclu que l’émission n’encourageait pas et ne glorifiait pas la violence pas plus qu’elle contrevenait d’une façon ou d’une autre à l’article 1 du Code sur la violence (interdiction de diffuser des scènes de violence gratuite). Quant à l’article 2.0 (émissions pour enfants), le CCNR a souligné qu’il ne visait que les émissions destinées aux enfants, c’est-à-dire les personnes âgées de moins de 12 ans, et que Bully Beatdown ciblait clairement un auditoire de 14 ans et plus. Pour ce qui est de l’article 3 (horaires des émissions), le CCNR a conclu que le degré de violence de Bully Beatdown était loin d’atteindre le seuil de violence des émissions pour adultes seulement qui relègue ces émissions aux heures tardives. Le groupe d’experts du CCNR a conclu à l’inexistence d’un problème d’horaire puisque l’épisode faisant l’objet de la plainte a été diffusé après 21 h. Enfin, en ce qui a trait à l’article 4.0, le CCNR a conclu qu’il était inutile d’exiger une cote plus élevée que 14+ (qui permet des scènes de violence) étant donné le degré modéré de violence de l’émission.

18.  Dans une lettre au Conseil datée du 22 juillet 2010, le plaignant a demandé la révision de la décision du CCNR, notamment la conclusion concernant l’article 3.1.1 du Code sur la violence (dite la clause des heures tardives). Le plaignant affirme qu’il a fourmi au CCNR, avant qu’il ne rende sa décision, des informations indiquant que la titulaire compte diffuser de futurs épisodes de cette émission avant l’heure critique de 21 h.  

Analyse et décisions du Conseil

19.  Le Conseil a tenu compte des préoccupations du plaignant, des réponses de la titulaire et de son propre examen des bandes témoin de l’émission litigieuse pour examiner la question à la lumière des règles et politiques pertinentes. 

20.  Le Conseil note la conclusion du CCNR voulant que l’épisode en question n’ait été diffusé qu’après 21 h. Toutefois, le Conseil a pu confirmer avec MTV (Canada) que l’émission avait aussi été rediffusée avant l’heure critique.

21.  L’article 3.1.1 du Code sur la violence prévoit ce qui suit :

Les émissions comportant des scènes violentes et destinées à un auditoire adulte ne doivent pas être diffusées avant le début de la plage des heures tardives de la soirée, plage comprise entre 21 h et 6 h.

22.  La clause des heures tardives vise à s’assurer que les émissions destinées à un auditoire adulte seulement soient diffusées après 21 h, à un moment où les jeunes enfants risquent moins de regarder la télévision. Comme l’indiquent des décisions antérieures du Conseil concernant l’application de la clause des heures tardives, ces scènes de violence qui nécessitent une telle restriction d’horaire sont celles qui ont un caractère indûment explicite ou descriptif.

23.  Après avoir vu l’émission, le Conseil note que la violence qu’elle contient consiste surtout en des scènes de combat dans un ring, dans un environnement contrôlé. Bien qu’elle présente des scènes de coups de poing et de coups de pied et d’autres éléments qui ne sont pas du goût de tout le monde, le Conseil conclut que le caractère descriptif ou explicite de ces scènes ne justifie pas que l’émission soit reléguée aux heures tardives.

24.  Il est important de noter que la généralisation selon laquelle toutes les émissions diffusées avant l’heure critique de 21 h conviennent à tous les auditoires n’est pas tout à fait exacte. Il est aussi important de noter que la clause des heures tardives n’a pas pour objectif de reléguer à la plage des heures tardives les émissions litigieuses par nature ou qui adoptent des positions controversées sur d’importantes problématiques de société. Bien que la violence soit de toute évidence un élément de cette émission, le Conseil convient avec la titulaire que son contexte général n’est pas d’appuyer ou de promouvoir la violence ou la vengeance, mais de montrer les deux visages de l’intimidation et d’amorcer une discussion sur toute une gamme de questions qui préoccupent bien des gens.

Conclusion

25.  Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que la titulaire de MTV Canada n’a pas enfreint le Code de l’Association canadienne des radiodiffuseurs concernant la violence en diffusant l’épisode en question de Bully Beatdown et que rien ne prouve que celui-ci ne doive être diffusé qu’après l’heure critique de 21 h.

Secrétaire général

Note de bas de page

[1] http://www.cbsc.ca/fr/codes/cab-violence-code/

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