ARCHIVÉ -Décision de télécom CRTC 2010-462

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Ottawa, le 8 juillet 2010

MTS Allstream Inc. - Précisions concernant l’expression « sous réserve des délais de prescription prévus par la loi » des modalités de service de la Société TELUS Communications

Numéro de dossier : 8622-M59-201000059

Dans la présente décision, le Conseil conclut que l’expression « sous réserve des délais de prescription prévus par la loi » figurant dans les modalités de service de la STC, en ce qui concerne les frais du dispositif d’extension du service de base facturés en trop en Alberta, fait référence aux délais de prescription établis au paragraphe 3(1) de la Limitations Act de l’Alberta (la Loi de l’Alberta). Afin d’évaluer si MTS Allstream est admissible au remboursement des frais payés depuis le 1er juin 2002, il faut d’abord établir à quel moment MTS Allstream a appris, ou aurait dû savoir, qu’elle payait plus qu’elle ne le devait au sens de l’alinéa 3(1)a) de la Loi de l’Alberta.

Introduction

1.         Le Conseil a reçu une demande de MTS Allstream Inc. (MTS Allstream), en date du 15 janvier 2010, dans laquelle l’entreprise lui demande de confirmer que l’expression « sous réserve des délais de prescription prévus par la loi » figurant à l’article 120.1 des modalités de service de la Société TELUS Communications (STC), dans le cas des frais du dispositif d’extension du service de base (DESB) [1] facturés en trop en Alberta, fait référence à la Limitations Act de l’Alberta (la Loi de l’Alberta) [2] .

2.         Le Conseil a reçu des observations de Bell Aliant Communications régionales, société en commandite, de Bell Canada et de Saskatchewan Telecommunications (collectivement Bell Canada et autres), de Rogers Communications Inc. (RCI) et de la STC relativement à la demande de MTS Allstream.

3.         On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 8 mars 2010. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques, ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Contexte

4.         Dans la décision de télécom 2007-10, le Conseil a déterminé que les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) avaient mal appliqué les frais du DESB aux configurations visant les services de multiplexage DS-1 à DS-0 du réseau numérique propre aux concurrents (RNC).

5.         Le Conseil a ordonné le remboursement des frais du DESB conformément aux modalités de service des ESLT, qui établissent que les clients doivent être remboursés pour les frais récurrents facturés en trop « à partir de la date de l’erreur, sous réserve des délais de prescription prévus par la loi ». Pour calculer le montant des remboursements de frais du DESB facturés en trop, le Conseil a ordonné aux ESLT « d’utiliser la date de notification d’un litige par le client ou, si elle est antérieure, la date de la [décision de télécom 2007-10] ».

6.         Conformément à la décision de télécom 2007-10, MTS Allstream a remboursé aux concurrents qui fournissaient des services au Manitoba les frais du DESB facturés en trop depuis le 1er juin 2002, date à laquelle le service du RNC a été offert pour la première fois. MTS Allstream a obtenu des remboursements de toutes les autres ESLT pour les frais qu’elles avaient facturés en trop depuis le 1er juin 2002, sauf de la STC pour l’Alberta. La STC a uniquement effectué un remboursement pour la période du 1er avril 2004 au 3 avril 2006 pour l’Alberta.

7.         En effectuant le remboursement pour cette période uniquement, la STC a prétendu que l’expression « sous réserve des délais de prescription prévus par la loi » qui figure dans ses modalités de service pouvait faire référence uniquement au délai de prescription de deux ans établi dans la Loi de l’Alberta, et pas à toutes les dispositions de la Loi. Selon la STC, seul le remboursement des frais du DESB facturés en trop au cours des deux ans précédant la date de la première intervention de MTS Allstream dans le cadre de cette instance, qui a mené à la décision de télécom 2007-10, était obligatoire (c.-à-d. deux ans avant le 3 avril 2006).

8.         Par la suite, le 12 août 2008, MTS Allstream a intenté un recours devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta afin que celle-ci déclare que la Loi de l’Alberta ne limite pas à la période de 2002 à 2004 la responsabilité de la STC de rembourser les frais facturés en trop à MTS Allstream.

9.         Le 25 août 2008, la STC a présenté une requête pour suspension de procédures ou pour rejet de l’action en faisant valoir que le Conseil avait la compétence exclusive pour régler ce litige. Le 2 mars 2009, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a rejeté la requête de la STC. Cette dernière a, par la suite, interjeté appel devant la Cour d’appel de l’Alberta.

10.     Le 10 novembre 2009, la Cour d’appel de l’Alberta a conclu que l’ordre du Conseil, donné dans la décision de télécom 2007-10 et visant le remboursement des frais du DESB « sous réserve des délais de prescription prévus par la loi », n’était pas clair. Elle a donc ordonné à MTS Allstream et à la STC de présenter une nouvelle demande au Conseil aux fins de clarification de la décision.

Positions des parties

11.     MTS Allstream et RCI ont fait valoir que l’expression « sous réserve des délais de prescription prévus par la loi » figurant dans les modalités de service de la STC et les dispositions énoncées de manière semblable dans les modalités de service des autres ESLT faisaient référence à la loi sur la prescription de la province dans laquelle les frais ont été facturés en trop, conformément à la pratique courante au sein de l’industrie, à la jurisprudence et aux précédents du Conseil [3] .

12.     MTS Allstream a également fait valoir que l’article 120.1 des modalités de service de la STC prévoit que le délai de prescription soit à la fois « applicable » et « prévu par la loi ». Elle soutient que le seul moyen de déterminer si le délai de prescription est « applicable » et « prévu par la loi » est d’interpréter et d’appliquer toutes les dispositions de la loi dans lesquelles la période de prescription est établie. Selon MTS Allstream, l’intégralité de la Loi de l’Alberta s’applique, et non uniquement une partie de celle-ci.

13.     Par contre, la STC a soutenu que ni la décision de télécom 2007-10 ni l’article 120.1 de ses modalités de service ne faisaient référence à l’application d’une loi précise. La STC a ajouté que sa décision d’utiliser le délai de prescription de deux ans établi dans la Loi de l’Alberta sans appliquer l’intégralité de la loi cadrait avec la lettre-décision de janvier 2000 du Conseil [4] .

14.     De plus, la STC a fait valoir que la Loi de l’Alberta ne pouvait pas s’appliquer au calcul d’un rabais par le Conseil étant donné que ce calcul ne constitue pas une « ordonnance corrective » et que le Conseil n’est pas un « tribunal » aux termes de l’article 1 et du paragraphe 2(3) de la Loi de l’Alberta. La STC a également indiqué que ce calcul impliquait l’exercice des pouvoirs du Conseil en ce qui concerne l’établissement des tarifs, et que la Loi de l’Alberta ne pouvait porter atteinte à cette activité protégée par la Constitution. Toutefois, la STC a fait valoir que le Conseil pouvait utiliser un délai de prescription propre à une loi provinciale sur la prescription pour calculer les rabais relatifs aux frais facturés en trop.

15.     La STC a demandé au Conseil de déclarer qu’elle était responsable de rembourser uniquement les frais du DESB facturés en trop au cours des deux ans précédant la date d’intervention de MTS Allstream (le 3 avril 2006) dans le cadre de cette instance, qui a mené à la décision de télécom 2007-10.

16.     Bell Canada et autres ont appuyé l’approche de la STC visant à appliquer un délai de prescription précis de manière à limiter la période rétroactive pour laquelle un client peut demander un remboursement.

Résultats de l’analyse du Conseil

17.     Le Conseil indique que MTS Allstream et la STC s’entendent sur le fait que, en l’espèce, la législation pertinente est la Loi de l’Alberta, bien qu’elles ne soient pas d’accord sur la portée de son application.

18.     Le Conseil estime que son analyse doit partir du libellé des modalités de service de la STC. Il indique que l’article 120.1 des modalités de service de la STC fait référence aux délais de prescription « prévus par la loi ». Par conséquent, le Conseil estime que pour déterminer les délais de prescription applicables et leur date de validité, il doit tenir compte de la loi dans laquelle figurent les délais de prescription.

19.     Dans le présent cas, la Loi de l’Alberta prévoit deux délais de prescription applicables. En particulier, la Loi prévoit, au paragraphe 3(1), un délai de prescription de deux ans qui prend effet à la date à laquelle le demandeur a été mis au courant ou, dans les circonstances, aurait dû être mis au courant des faits précis énoncés à l’alinéa 3(1)a) concernant l’existence de la demande, et un délai de prescription de dix ans qui prend effet à la date à laquelle les faits à l’origine de la demande sont survenus. En outre, aux termes du paragraphe 3(1) de la Loi de l’Alberta, la responsabilité du défendeur n’est limitée que si l’un des deux délais de prescription est expiré au moment où la demande d’ordonnance corrective est présentée. Par conséquent, si le délai de prescription de deux ans n’est pas expiré, le demandeur dispose d’un délai de dix ans à compter de la date à laquelle sont survenus les faits à l’origine de la demande pour présenter une demande d’ordonnance corrective.

20.     Le Conseil considère que l’approche de la STC ne tient pas compte du fait que la Loi de l’Alberta prévoit deux délais de prescription applicables. D’ailleurs, la STC n’a donné aucune raison pour laquelle elle a choisi le délai de prescription de deux ans plutôt que celui de dix ans.

21.     Le Conseil estime que l’approche appropriée consiste à déterminer si le délai de prescription de deux ans ou celui de dix ans est expiré, aux termes de la Loi de l’Alberta. Pour ce faire, il est nécessaire de connaître les dates suivantes : (i) la date de début de chaque délai de prescription et (ii) la date de présentation de la demande. Si aucun des deux délais de prescription n’était expiré à la date de présentation de la demande, la STC est tenue de rembourser MTS Allstream conformément à ses modalités de service, pour une période commençant à la date de l’erreur.

22.     Dans le cadre d’une instance judiciaire, la date de présentation de la demande correspondrait à la date à laquelle le demandeur sollicite une réparation auprès des tribunaux. Cependant, pour démontrer que les remboursements n’étaient pas effectués dans le contexte d’une instance judiciaire, le Conseil, dans la décision de télécom 2007-10, a ordonné aux ESLT d’utiliser la date de notification d’un litige par le client ou, si elle est antérieure, la date de la décision de télécom 2007-10, puisque l’échéance prévue pour évaluer l’un des délais de prescription applicables était dépassée. En conséquence, afin d’évaluer si la responsabilité de la STC est limitée, aux termes de la Loi de l’Alberta, en ce qui concerne le remboursement de MTS Allstream, on doit déterminer si l’un des délais de prescription applicables de la Loi de l’Alberta était expiré le 3 avril 2006, date à laquelle a eu lieu la première notification d’un litige par MTS Allstream, ce que reconnaissent la STC et MTS Allstream.

23.     Comme les frais n’ont pas pu être facturés en trop avant le 1er juin 2002, le délai de dix ans n’était pas expiré en date du 3 avril 2006. Ainsi, la seule question non résolue consiste à déterminer si MTS Allstream a contesté dans le délai de prescription de deux ans les frais payés en trop, ce qui exige d’établir la date de début de ce délai.

24.     Tel qu’il a été mentionné précédemment, aux termes de la Loi de l’Alberta, la date de début du délai de prescription de deux ans correspond à la date à laquelle le demandeur (dans le présent cas, MTS Allstream) a été mis au courant ou, dans les circonstances, aurait dû être mis au courant des faits précis concernant l’existence de la demande, lesquels sont énoncés à l’alinéa 3(1)a) de la Loi. Le Conseil souligne que, dans la décision de télécom 2007-10, il n’a pas déterminé la date à laquelle MTS Allstream a été mise au courant ou aurait dû être mise au courant de la facturation en trop, au sens de l’alinéa 3(1)a). En outre, le Conseil note que, dans la présente instance, les parties n’ont présenté aucun élément de preuve lié à cette question précise et que la date n’a pas été déterminée par une autre autorité. Le Conseil est d’avis que, si le délai de prescription de deux ans n’était pas expiré en date du 3 avril 2006, la STC serait tenue de rembourser MTS Allstream pour une période commençant le 1er juin 2002.

25.     Le Conseil considère qu’à l’article 120.1 des modalités de service de la STC, l’utilisation de l’expression « sous réserve des délais de prescription prévus par la loi » pour faire référence aux deux délais de prescription prévus par la Loi de l’Alberta est conforme à ses décisions antérieures. Le Conseil fait remarquer que dans sa lettre-décision de janvier 2000, il fait référence à la loi de prescription de l’Ontario, selon laquelle, à l’époque, un seul délai de prescription de six ans était prévu en ce qui concerne les frais facturés en trop, délai qui commençait à la date où était survenue la cause d’action. Par contre, la Loi de l’Alberta prévoit deux délais de prescription applicables, dont l’un débute lorsque le demandeur est réputé avoir constaté l’existence de la demande. La structure de la Loi de l’Alberta diffère donc considérablement de la loi de l’Ontario mentionnée dans la lettre-décision de janvier 2000.

26.     En ce qui concerne la prétention constitutionnelle de la STC, le Conseil souligne que, dans la décision de télécom 2007-10, aucun tarif n’a été établi et aucun rabais n’a été calculé. Le Conseil a seulement conclu que les ESLT facturaient des frais en trop à l’égard du DESB, et il leur a donc demandé de rembourser leurs clients conformément aux modalités de service des ESLT, modalités qui comprennent les délais de prescription applicables prévus par la loi.

27.     Enfin, le Conseil note que la définition d’« ordonnance corrective » de la Loi de l’Alberta ne s’applique à aucune directive du Conseil en vue d’un remboursement aux termes des modalités de service de la STC. Le Conseil considère toutefois que, dans le cas des frais facturés en trop à l’égard du DESB en Alberta, cela ne l’empêche pas d’intégrer les délais de prescription prévus par la Loi, tel qu’il l’a fait dans le cas de l’article 120.1 des modalités de service de la STC.

28.     À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que, dans le cas des frais facturés en trop à l’égard du DESB en Alberta, l’expression « sous réserve des délais de prescription prévus par la loi » qui figure à l’article 120.1 des modalités de service de la STC fait référence aux délais de prescription énoncés au paragraphe 3(1) de la Loi de l’Alberta. Afin d’évaluer si MTS Allstream est admissible au remboursement des frais payés en trop à l’égard du DESB depuis le 1er juin 2002, aux termes de l’article 120.1 des modalités de service de la STC, il faut d’abord établir à quel moment MTS Allstream a appris, ou aurait dû savoir, qu’elle payait plus qu’elle ne le devait au sens de l’alinéa 3(1)a) de la Loi de l’Alberta.

Secrétaire général

Documents connexes



[1]   Le DESB est un service tarifé de détail qui permet à un client de partager physiquement l’accès à l’équipement de multiplexage DS-1.

[2]   Limitations Act, R.S.A. 2000, ch. L-12

[3]   Pour appuyer leur position, MTS Allstream et RCI ont fait référence à la lettre-décision du Conseil, Objet : ERORS Inc., datée du 11 janvier 2000 (lettre-décision de janvier 2000).

[4]  Se reporter à la note de bas de page no 3.

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