Politique réglementaire de télécom CRTC 2009-19

Référence au processus : Décision de télécom 2008-17

Ottawa, le 19 janvier 2009

Demande de Bell Canada et autres visant la révision et la modification de la décision de télécom 2008-17 relative aux ententes négociées

Numéro de dossier : 8662-B2-200807133

Dans la présente décision, le Conseil modifie des aspects de la politique réglementaire énoncée dans la décision de télécom 2008-17. Plus précisément, le Conseil approuve la demande de Bell Canada et autres visant la révision et la modification de la décision de télécom 2008-17 de façon à permettre, tel qu'il est énoncé dans la présente décision, les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels.

Introduction

1. Le 15 mai 2008, Bell Canada a présenté une demande en son nom et au nom de Bell Aliant Communications régionales, société en commandite; de Saskatchewan Telecommunications et de Télébec, Société en commandite (collectivement Bell Canada et autres) afin que le Conseil révise et modifie la conclusion énoncée au paragraphe 127 de la décision de télécom 2008-17 pour permettre les ententes négociées entre les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) et les concurrents en matière de services essentiels conditionnels et de services non essentiels obligatoires et conditionnels, selon des tarifs ou des modalités qui diffèrent des tarifs et des modalités applicables à ces services (ententes négociées).

2. Bell Canada et autres ont également demandé que le Conseil s'abstienne de réglementer les services essentiels conditionnels et les services non essentiels obligatoires et conditionnels fournis aux termes d'une entente négociée, pour la même raison qu'il s'est abstenu de réglementer, dans la décision de télécom 2008-17, les services non essentiels assujettis à l'élimination graduelle également fournis aux termes d'une entente négociée.

3. Le Conseil fait remarquer que les câblodistributeurs fournissent un service d'accès Internet de tiers, reconnu comme un service non essentiel obligatoire et conditionnel dans la décision de télécom 2008-17. Dans la présente décision, le Conseil doit déterminer s'il y a lieu de permettre les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention entre les câblodistributeurs et les concurrents. Les ESLT et les câblodistributeurs sont appelés collectivement, dans la présente décision, les entreprises titulaires.

4. Le Conseil a reçu des observations de la part de Cybersurf Corp. (Cybersurf), de Distributel Communications Limited (Distributel), de Primus Telecommunications Canada Inc. (Primus), de MTS Allstream Inc. (MTS Allstream), de Rogers Communications Inc. (RCI) et de la Société TELUS Communications (STC).

5. On peut consulter sur le site Web du Conseil à l'adresse www.crtc.gc.ca, sous l'onglet Instances publiques, le dossier de l'instance, lequel a été fermé le 26 juin 2008.

6. Dans l'avis public de télécom 98-6, le Conseil a établi les critères relatifs aux demandes de révision et de modification. Plus précisément, le Conseil a déclaré que les requérantes doivent démontrer qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de la décision initiale, résultant, par exemple, d'au moins un des facteurs suivants : i) une erreur de droit ou de fait; ii) un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision; iii) le défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans la procédure initiale; ou iv) un nouveau principe découlant de la décision.

7. Dans la présente décision, le Conseil a établi qu'il doit déterminer s'il existe un doute réel quant à la rectitude de sa conclusion dans la décision de télécom 2008-17 consistant à interdire les ententes négociées relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels et, le cas échéant, si de telles ententes doivent faire l'objet d'une abstention.

Contexte

8. Dans la décision de télécom 2008-17, le Conseil a déterminé qu'en vertu du paragraphe 34(1) de la Loi sur les télécommunications (la Loi) et depuis le 3 mars 2008, les articles 25, 29 et 31 et les paragraphes 27(1), 27(5) et 27(6) de la Loi ne s'appliquent pas à un service non essentiel assujetti à l'élimination graduelle, fourni aux termes d'une entente négociée conclue pendant la période d'élimination graduelle de ce service. Durant cette période, le Conseil a également conservé les pouvoirs que lui confère l'article 24 de la Loi afin d'assurer la protection des renseignements confidentiels relatifs aux clients et d'imposer des conditions futures relatives aux services faisant l'objet d'une abstention, au besoin. En outre, le Conseil a conservé les pouvoirs que lui confèrent les paragraphes 27(2) et 27(4) de la Loi pour traiter toute situation de discrimination injuste ou de préférence indue, ainsi que les pouvoirs que lui confère le paragraphe 27(3) de la Loi en ce qui concerne la conformité aux pouvoirs et aux fonctions qui ne font pas l'objet d'une abstention dans cette décision.

Demande

9. Bell Canada et autres ont soutenu que le Conseil a commis quatre erreurs lorsqu'il a refusé de permettre les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels.

10. D'abord, Bell Canada et autres ont soutenu que la conclusion du Conseil selon laquelle les ententes négociées ne devraient pas être permises pour ces services contrevenait aux sous­alinéas 1a)(i) et 1a)(ii) des instructions formulées par la gouverneure en conseil à l'intention du Conseil (les instructions)1 puisqu'elle ne permet pas de se fier dans la plus grande mesure du possible au libre jeu du marché et de limiter au maximum la réglementation. Plus précisément, pour les services non essentiels, la conclusion n'est pas proportionnelle au but visé. Bell Canada et autres ont soutenu que les tarifs de ces services seraient maintenus à titre de dernier recours au cas où les parties n'arriveraient pas à conclure une entente négociée, et que toute situation de discrimination injuste établie entre les concurrents par l'entreprise titulaire pourrait être traitée en utilisant les pouvoirs que les paragraphes 27(2) et 27(4) de la Loi confèrent au Conseil lorsque celui­ci s'abstient de réglementer les ententes négociées. Bell Canada et autres ont également soutenu que la logique appliquée pour permettre les ententes négociées relatives aux services non essentiels assujettis à l'élimination graduelle s'applique tout autant aux services essentiels conditionnels qu'aux services non essentiels obligatoires et conditionnels (première erreur présumée).

11. Ensuite, Bell Canada et autres ont soutenu que le Conseil a commis une erreur de droit lorsqu'il a interdit les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives aux services non essentiels obligatoires et conditionnels, parce qu'elles estiment qu'un service non essentiel est, par définition, soumis à une concurrence suffisante pour protéger les intérêts des utilisateurs, comme l'exige le paragraphe 34(2) de la Loi (deuxième erreur présumée).

12. Par ailleurs, Bell Canada et autres ont soutenu que le Conseil a commis une erreur parce qu'il n'a pas expliqué pourquoi il a interdit les ententes négociées relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels. Bell Canada et autres ont indiqué que les ententes négociées offriraient des avantages qui atténueraient le prétendu caractère indu de telles dispositions, y compris des avantages pour les clients de gros, stimulant ainsi la demande des utilisateurs finals et renforçant la concurrence (troisième erreur présumée).

13. Enfin, Bell Canada et autres ont soutenu que le Conseil a contrevu au sous­alinéa 1b)(i) des instructions parce qu'il n'a pas précisé quel objectif de la politique était mis en œuvre en interdisant les ententes hors tarif pour les services en question (quatrième erreur présumée).

Positions des parties

14. Cybersurf, Distributel, MTS Allstream, Primus et RCI (collectivement les parties adverses) se sont opposées à la demande. De façon générale, elles ont soutenu que la conclusion du Conseil ne va pas à l'encontre des instructions et que ces dernières ne priment pas sur les articles 25 et 27 de la Loi. Les parties adverses ont également soutenu globalement que la raison pour laquelle sont permises les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives aux services non essentiels assujettis à l'élimination graduelle ne s'applique pas aux autres catégories de services de gros. Cybersurf, MTS Allstream et RCI ont également fait valoir que, contrairement aux services non essentiels assujettis à l'élimination graduelle, les services essentiels conditionnels et les services non essentiels obligatoires et conditionnels ne satisfont pas aux critères d'abstention de réglementation.

15. De façon générale, les parties adverses ont soutenu qu'en exigeant la fourniture de services essentiels conditionnels et de services non essentiels obligatoires et conditionnels, le Conseil a constaté que les objectifs de la politique de télécommunication énoncées dans la Loi en matière de libre jeu du marché n'étaient pas atteints et qu'une réglementation doit être mise en place jusqu'à ce que les conditions du marché changent. Cybersurf a fait valoir que Bell Canada et autres n'ont pas traité la question du libre jeu du marché et n'ont pas relevé de conditions du marché qui justifieraient l'abstention demandée. RCI a soutenu que le fait de permettre les ententes négociées pour ces services comporte un risque appréciable sur le plan de la concurrence qui l'emporte sur les préoccupations relatives à la souplesse.

16. Les parties adverses ont également exprimé des préoccupations quant à la possibilité, pour les entreprises titulaires, de faire preuve de discrimination injuste entre les concurrents. En outre, les parties adverses ont fait valoir que les concurrents et les entreprises titulaires ne disposeraient pas d'un pouvoir de négociation équivalent relativement aux services qui font l'objet de la demande de Bell Canada et autres.

17. Cybersurf a dit craindre, si la demande de Bell Canada et autres est approuvée, qu'à la longue les tarifs applicables aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels puissent ne pas inclure les fonctions et les caractéristiques de service qu'une entreprise titulaire offrirait aux termes d'une entente négociée. Cybersurf a soutenu que le Conseil devrait continuer d'exiger des entreprises titulaires qu'elles mettent à jour les tarifs de ces services pour refléter les changements de service afin que les concurrents aient une base continue sur laquelle fonder la tarification et les caractéristiques des services.

18. Cybersurf a demandé, si la demande de Bell Canada et autres est approuvée, que toute entreprise titulaire qui conclut une entente négociée avec un client soit tenue de déposer auprès du Conseil toutes les ententes qu'elle a signées avec ce client. Cybersurf a soutenu que les concurrents n'auraient pas l'information nécessaire pour démontrer qu'une entreprise titulaire contrevient au paragraphe 27(2) de la Loi et que le respect de cette dernière pourrait être uniquement vérifié après que le Conseil a examiné une plainte.

19. En ce qui concerne la deuxième erreur présumée par Bell Canada et autres, Distributel et MTS Allstream ont soutenu que le critère utilisé pour qu'un service soit classé essentiel diffère largement du critère d'abstention. Les parties adverses ont fait valoir, de façon générale, que même si le Conseil classe un service comme non essentiel, cela ne signifie pas que ce service soit assujetti à une concurrence suffisante pour permettre l'abstention, conformément au paragraphe 34(2) de la Loi.

20. En ce qui a trait à la troisième erreur présumée par Bell Canada et autres, Distributel et RCI ont soutenu que le Conseil a fourni, aux paragraphes 125 à 127 de la décision de télécom 2008-17, les raisons pour lesquelles il a interdit les ententes négociées pour les services en question.

21. En ce qui concerne la quatrième erreur présumée par Bell Canada et autres, Primus a fait valoir qu'il était clair, selon la décision de télécom 2008-17, que le Conseil n'avait pas ignoré les instructions. Primus a indiqué que le Conseil a fait référence aux instructions tout au long de la décision de télécom 2008-17.

22. La STC a appuyé la demande de Bell Canada et autres et a soutenu que les ententes négociées permettraient des arrangements de gros qui répondraient davantage aux besoins des concurrents et favoriseraient le libre jeu du marché, conformément aux instructions.

Réplique de Bell Canada et autres

23. Bell Canada et autres ont soutenu que la raison principale pour laquelle le Conseil a interdit les ententes négociées relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels, dans la décision de télécom 2008-17, était que de telles ententes pourraient permettre des arrangements qui donneraient lieu à une préférence indue ou à une discrimination injuste. Bell Canada et autres ont fait valoir que le Conseil avait la même préoccupation à l'égard des ententes négociées relatives aux services non essentiels assujettis à l'élimination graduelle et qu'il avait conservé les pouvoirs que lui confère le paragraphe 27(2) de la Loi lorsqu'il s'abstient de réglementer relativement à ces ententes. Bell Canada et autres ont soutenu que le fait de conserver les pouvoirs que le paragraphe 27(2) confère au Conseil pour intervenir à l'égard des allégations de préférence indue, relatives aux ententes négociées, selon une approche ex post, constituerait une façon proportionnelle et non intrusive de répondre à cette préoccupation.

24. Bell Canada et autres ont ajouté que le Conseil devrait rejeter la demande de Cybersurf, selon laquelle les entreprises titulaires devraient déposer des renseignements mis à jour sur les tarifs et l'établissement des coûts, ainsi que la demande selon laquelle, elles devraient déposer toutes les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention. Bell Canada et autres ont indiqué que l'accueil de la demande de Cybersurf représenterait une réglementation superflue fondée sur une présomption de comportement inadéquat de la part des entreprises titulaires. Bell Canada et autres ont indiqué que le fait que le Conseil conserve les pouvoirs que lui confère le paragraphe 27(2) de la Loi, lorsqu'il s'abstient de réglementer en ce qui a trait aux ententes négociées, fournirait au Conseil les pouvoirs nécessaires s'il existait une preuve raisonnable de comportement inadéquat. En outre, Bell Canada et autres ont soutenu que la souplesse consistant à permettre les ententes négociées pour les services en question ne s'appliquerait qu'aux services et aux éléments de service tarifés.

Résultats de l'analyse du Conseil

25. Le Conseil fait remarquer que s'il devait permettre les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels, de telles ententes devraient porter uniquement sur les tarifs, les modalités et les conditions pour ces services, les éléments de service et les fonctions pour lesquels les tarifs ont été approuvés au préalable, et prévoiraient les tarifs de même que les modalités et conditions négociées relativement à ces fonctions, éléments de service et services tarifés. En ce qui concerne les préoccupations exprimées par les parties adverses, selon lesquelles le pouvoir de négociation des concurrents n'est pas équivalent à celui des entreprises titulaires, le Conseil fait remarquer que si les ententes négociées devaient être permises à l'égard des services essentiels conditionnels et des services non essentiels obligatoires et conditionnels, les tarifs pour les services de gros visés demeureraient en vigueur à l'intention des concurrents.

26. En ce qui a trait aux préoccupations exprimées par les parties adverses, et par le Conseil dans la décision de télécom 2008-17, s'il devait permettre les ententes négociées relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels, elles pourraient donner lieu à une préférence indue ou à une discrimination injuste, contrairement au paragraphe 27(2) de la Loi. Le Conseil souligne également l'observation de Bell Canada et autres voulant que s'il permettait les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives à ces services, il pourrait conserver les pouvoirs que lui confèrent les paragraphes 27(2), 27(3) et 27(4) de la Loi afin de pouvoir intervenir à l'égard de toute allégation de préférence indue ou de discrimination injuste aux termes de ces ententes.

27. Le Conseil note également les observations des parties adverses selon lesquelles, en exigeant la fourniture de services essentiels conditionnels et de services non essentiels obligatoires et conditionnels, le Conseil avait estimé qu'il n'était pas possible de se fier au libre jeu du marché pour atteindre les objectifs de la politique de télécommunication énoncés dans la Loi. Le Conseil fait remarquer, tout comme l'ont fait valoir les parties adverses, que les services de gros visés par la présente décision sont très différents des services non essentiels assujettis à l'élimination graduelle puisque le Conseil exige la fourniture des services essentiels conditionnels et des services non essentiels obligatoires et conditionnels jusqu'à ce que les conditions énoncées dans la décision de télécom 2008-17 soient satisfaites. À l'inverse, en ce qui concerne les services non essentiels assujettis à l'élimination graduelle, le Conseil a déterminé, dans la décision de télécom 2008-17, qu'il était prouvé que les concurrents pouvaient les reproduire ou qu'ils n'avaient pas fait valoir le besoin de ces services.

28. Dans ces circonstances, le Conseil estime qu'en ce qui a trait au risque d'accorder une préférence indue ou une discrimination injuste, contrairement au paragraphe 27(2) de la Loi, le fait de permettre les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels selon des tarifs et des modalités qui diffèrent des tarifs et modalités applicables soulèverait davantage de préoccupations que les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention permises, aux termes de la décision de télécom 2008-17, relativement aux services non essentiels assujettis à l'élimination graduelle.

29. Le Conseil fait remarquer que, dans la décision de télécom 2008-17, lorsqu'il s'est abstenu de réglementer les ententes négociées relatives aux services non essentiels assujettis à l'élimination graduelle, il n'a pas exigé que les ESLT déposent les ententes négociées auprès du Conseil. Ce dernier est toutefois d'avis que s'il devait permettre les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels, il serait nécessaire de permettre aussi un examen public de ces ententes, étant donné les préoccupations importantes que soulève l'application du paragraphe 27(2) de la Loi relativement à ces ententes. Par conséquent, l'abstention relative à l'exigence tarifaire associée à une telle entente serait conditionnelle au dépôt par l'entreprise titulaire de l'entente négociée auprès du Conseil pour qu'elle soit versée au dossier public. Le Conseil est également d'avis que les renseignements contenus dans une entente permettant d'identifier la clientèle du service de gros, ou tout client de ce dernier ne seraient pas requis au dossier public.

30. Dans la décision de télécom 2008-17, le Conseil a fait remarquer que l'option de négocier des ententes qui visent les services non essentiels assujettis à l'élimination graduelle, selon la définition établie dans cette décision, permettrait aux concurrents de modifier plus facilement leurs dispositions d'approvisionnement durant la période d'élimination graduelle de ces services. Le Conseil note que les parties adverses ont soutenu globalement que la raison pour laquelle sont permises les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives aux services non essentiels assujettis à l'élimination graduelle ne s'applique pas aux services exigés dans la demande de Bell Canada et autres. Cependant, le Conseil estime que les entreprises titulaires et les concurrents devraient avoir la possibilité de négocier des ententes relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels si les entreprises titulaires étaient également tenues de déposer ces ententes auprès du Conseil pour qu'elles soient versées au dossier public.2

31. À la lumière de ce qui précède, le Conseil estime que le fait de se fier uniquement aux tarifs relatifs aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels ne serait pas conforme aux exigences énoncées aux sous­alinéas 1a)(i) et 1a)(ii) des instructions, lesquelles précisent que le Conseil doit se fier, dans la plus grande mesure du possible, au libre jeu du marché comme moyen d'atteindre les objectifs de la politique de télécommunication énoncés dans la Loi et que, lorsqu'il a recours à la réglementation, il doit prendre des mesures qui sont efficaces et proportionnelles aux buts visés et qui ne font obstacle au libre jeu d'un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs.

32. De plus, en vertu du paragraphe 34(1) de la Loi, le Conseil peut prendre la décision de s'abstenir d'exercer certains de ses pouvoirs et certaines de ses fonctions s'il juge que cette abstention est conforme aux objectifs de la politique énoncés dans la Loi. Le Conseil conclut, comme question de fait, que conditionnellement au dépôt par l'entreprise titulaire de l'entente négociée faisant l'objet d'une abstention pour qu'elle soit versée au dossier public, le fait de s'abstenir d'exercer ses pouvoirs et ses fonctions dans la mesure précisée ci­dessous, en ce qui concerne la réglementation d'un service essentiel conditionnel ou d'un service non essentiel obligatoire et conditionnel, sous réserve que ledit service soit visé par une entente négociée, est conforme aux objectifs de la politique canadienne de télécommunication énoncés aux alinéas 7c), 7f) et 7h) de la Loi.3 Le Conseil s'est également fondé sur le paragraphe 34(1) pour en arriver à la conclusion que chacun de ces services dits essentiels conditionnels et de ces services dits non essentiels obligatoires et conditionnels continueront d'être tarifés.

33. Le Conseil fait remarquer qu'une telle entente négociée faisant l'objet d'une abstention pourrait prévoir la fourniture d'au moins un des services essentiels conditionnels, des services non essentiels obligatoires et conditionnels, et des services non essentiels assujettis à l'élimination graduelle, selon des tarifs et des modalités qui diffèrent des tarifs et des modalités applicables, ainsi que des services faisant l'objet d'une abstention et des services tarifés fournis selon les tarifs et les modalités applicables.

34. Le Conseil estime qu'il doit conserver les pouvoirs que lui confère l'article 24 de la Loi d'assurer la protection des renseignements confidentiels relatifs aux clients. Par conséquent, le Conseil ordonne aux entreprises d'intégrer, s'il y a lieu, les dispositions actuelles concernant la divulgation des renseignements confidentiels des clients à des tiers à tous les contrats et autres ententes de prestation de services soustraits à la réglementation aux termes de la présente décision. Le Conseil estime qu'il doit conserver des pouvoirs suffisants en vertu de l'article 24 de la Loi pour imposer des conditions futures relatives aux services faisant l'objet d'une abstention, au besoin.

35. En outre, le Conseil estime approprié de conserver les pouvoirs conférés par les paragraphes 27(2) et 27(4) de la Loi. Comme il conservera les pouvoirs conférés par l'article 24 et le paragraphe 27(2), le Conseil estime qu'il devra également conserver ceux conférés par le paragraphe 27(3), parce qu'il porte sur l'exercice des pouvoirs conférés par ces articles. Le Conseil estime également qu'il est nécessaire de conserver les pouvoirs conférés par le paragraphe 27(3) de la Loi en ce qui concerne la conformité aux autres pouvoirs et fonctions qui ne font pas l'objet d'une abstention aux termes de la présente décision.

36. Conformément au paragraphe 34(3) de la Loi, le Conseil conclut que l'abstention, dans la mesure précisée dans la présente décision, en ce qui concerne la réglementation des services essentiels conditionnels et des services non essentiels obligatoires et conditionnels, et sous réserve qu'ils soient visés par une entente négociée, n'est pas susceptible de nuire indûment à l'établissement ni au maintien d'un marché concurrentiel pour la prestation des services essentiels conditionnels et des services non essentiels obligatoires et conditionnels en question.

37. À la lumière de ce qui précède, le Conseil estime qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de ses conclusions dans la décision de télécom 2008-17 consistant à interdire les ententes négociées relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels et, à ne pas permettre que de telles ententes fassent l'objet d'une abstention, tel qu'il est énoncé dans la présente décision.

38. Le Conseil est d'avis que le fait de permettre les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels, dans la mesure prévue dans la présente décision, serait conforme aux sous­alinéas 1a)(i) et 1a)(ii) des instructions.

39. En outre, le Conseil estime qu'exiger le dépôt des ententes négociées pour qu'elles soient versées au dossier public constituerait une mesure de réglementation efficace et proportionnelle au but visé, et ferait obstacle au libre jeu du marché dans la mesure minimale nécessaire pour satisfaire aux objectifs de la politique établie dans la Loi, conformément au sous­alinéa 1a)(ii) des instructions.

40. Le Conseil précise que le fait de permettre les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels, tel qu'il est énoncé dans la présente décision, contribue à mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7c), 7f) et 7h) de la Loi, et que ses conclusions ne découragent ni un accès au marché propice à la concurrence et efficace ni n'encouragent un accès au marché inefficace sur le plan économique.

41. Compte tenu de sa conclusion concernant la première erreur présumée par Bell Canada et autres, le Conseil estime qu'il n'est pas nécessaire de tirer des conclusions quant aux autres erreurs présumées par Bell Canada et autres.

42. Par conséquent, le Conseil révise et modifie les conclusions du paragraphe 127 de la décision de télécom 2008-17 pour permettre les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels, tel qu'il est énoncé dans la présente décision.

Déclaration aux termes du paragraphe 34(4) de la Loi et mise en application

43. Conformément au paragraphe 34(4) de la Loi, le Conseil déclare qu'à compter de la date de la présente décision, les articles 25, 29 et 31, et les paragraphes 27(1), 27(5) et 27(6) de la Loi ne s'appliquent pas à un service essentiel conditionnel ou à un service non essentiel obligatoire et conditionnel tarifé, dans la mesure où ce service est fourni aux termes d'une entente négociée, à condition que l'entreprise titulaire dépose une copie de cette entente auprès du Conseil, pour qu'elle soit versée au dossier public, dans les deux jours suivant la date de signature.

44. Afin de mettre ces conclusions en application, le Conseil ordonne à chaque entreprise titulaire de publier, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision, des pages de tarif révisées pour chaque service essentiel conditionnel et service non essentiel obligatoire et conditionnel, selon la définition établie à la décision de télécom 2008-17, et d'y ajouter la disposition suivante :

Parce que le Conseil s'est abstenu, dans la Politique réglementaire de télécom CRTC 2009-19, de réglementer ce service tel qu'il est énoncé dans la décision précitée, l'entreprise peut également fournir le service tarifé selon des tarifs et des modalités qui diffèrent des tarifs et des modalités applicables, conformément à une entente conclue entre l'entreprise et un concurrent, et déposée auprès du Conseil pour être versée au dossier public.

Conclusion

45. À la lumière de ce qui précède, le Conseil approuve la demande de Bell Canada et autres visant la révision et la modification de la décision de télécom 2008-17 pour permettre les ententes négociées faisant l'objet d'une abstention relatives aux services essentiels conditionnels et aux services non essentiels obligatoires et conditionnels.

Secrétaire général

Documents connexes

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Notes de bas de page


[1] Le 14 décembre 2006, la gouverneure en conseil a publié le Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534.

[2] Dans la décision de télécom 2008-17, le Conseil était d'avis que, des changements dans les conditions du marché concernant les services essentiels conditionnels et les services non essentiels obligatoires et conditionnels − mais non les services essentiels, les services classés dans la catégorie bien public et les services d'interconnexion − pourraient à un moment donné mener à ce qu'il ne soit plus nécessaire d'exiger la fourniture de ces services.

[3] Tel qu'il est énoncé à l'article 7 de la Loi, les objectifs de la politique canadienne de télécommunication consistent notamment à : 7c) « accroître l'efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes »; 7f) « favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l'efficacité de la réglementation, dans le cas où celle­ci est nécessaire »; et
 7h) « satisfaire les exigences économiques et sociales des usagers des services de télécommunication ».

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