ARCHIVÉ - Décision de télécom CRTC 2008-39

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Décision de télécom CRTC 2008-39

  Ottawa, le 14 mai 2008
 

Demande présentée par l'Association canadienne des fournisseurs Internet en vue d'obtenir du Conseil un redressement provisoire à l'égard de la pratique de Bell Canada de restreindre ses services d'accès LNPA de gros

  Référence : 8622-C51-200805153
  Dans la présente décision, le Conseil refuse d'accorder le redressement provisoire que l'Association canadienne des fournisseurs Internet (ACFI) a sollicité. Le Conseil a établi le processus d'examen du fond de la demande de l'ACFI dans une lettre qui sera adressée aux parties le 15 mai 2008.
 

Introduction

1.

Le Conseil a reçu une demande de l'Association canadienne des fournisseurs Internet (ACFI), datée du 3 avril 2008, dans laquelle elle lui demandait de rendre une ordonnance enjoignant à Bell Canada de cesser de restreindre1 ses services de ligne numérique à paires asymétriques (LNPA) de gros et, tout particulièrement, le service de gros nommé Service d'accès par passerelle (SAP).

2.

Dans le cadre de sa demande, l'ACFI a réclamé un redressement provisoire sur une base accélérée. En particulier, l'ACFI a demandé au Conseil de rendre une ordonnance enjoignant à Bell Canada de cesser immédiatement de restreindre le SAP de gros.

3.

Dans la présente décision, le Conseil dispose de la demande de redressement provisoire qui a été présentée par l'ACFI.

4.

Le Conseil a reçu des observations de Primus Telecommunications Canada Inc. ainsi que la réponse de Bell Canada. Le dossier de l'instance a fermé le 24 avril 2008 à la suite de la réception des observations définitives de l'ACFI. Le dossier public de l'instance se trouve sur le site Web du Conseil à l'adresse www.crtc.gc.ca, sous l'onglet Instances publiques.

5.

Le Conseil a établi que la question faisant l'objet de la présente décision consiste à déterminer si l'ACFI a satisfait aux critères justifiant un redressement provisoire.
 

L'ACFI a-t-elle satisfait aux critères justifiant un redressement provisoire?

6.

Avant d'accorder une demande de redressement provisoire, le Conseil exige que la partie qui sollicite le redressement provisoire démontre que sa demande satisfait aux trois critères établis par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd. [1987] 1 R.C.S. 110, et modifiés par le jugement de la Cour dans RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général) [1994] 1 R.C.S. 311. Ces critères (les critères RJR-MacDonald) sont les suivants : (a) il existe une question sérieuse à juger; (b) la partie qui sollicite le redressement provisoire subira un préjudice irréparable si le redressement n'est pas accordé; et (c) la prépondérance des inconvénients, compte tenu de l'intérêt public, penche en faveur du redressement provisoire.
 

Existe-t-il une question sérieuse à juger?

7.

L'ACFI a soutenu que sa demande soulevait les points suivants qui satisfont au critère de l'existence d'une question sérieuse à juger :
 

a) Bell Canada imposait à ses clients de gros des modifications non autorisées et unilatérales à ses services tarifés, ce qui contrevenait aux articles 24 et 25 de la Loi sur les télécommunications (la Loi);

 

b) Bell Canada avait omis de signifier un avis de modifications aux réseaux;

 

c) Bell Canada accordait envers elle-même une préférence indue et déraisonnable et elle faisait subir un désavantage aux concurrents, ce qui contrevenait au paragraphe 27(2) de la Loi;

 

d) Bell Canada ne respectait pas son obligation en matière de protection de la vie privée des personnes, ni les obligations prescrites aux entreprises de télécommunication, ce qui contrevenait aux articles 7 et 36 de la Loi.

8.

Bell Canada a fait valoir que la demande de redressement provisoire de l'ACFI ne satisfaisait pas à la norme de preuve applicable en ce qui concerne l'existence d'une question sérieuse à juger. Bell Canada a soutenu :
 

a) qu'elle n'appliquait pas des tarifs non approuvés en violation des articles 24 et 25 de la Loi;

 

b) qu'elle n'accordait pas envers elle-même une préférence indue ou déraisonnable et qu'elle ne faisait subir aucun désavantage aux concurrents en violation du paragraphe 27(2) de la Loi;

 

c) qu'elle ne portait pas atteinte à la protection de la vie privée des utilisateurs finals et qu'elle ne régissait pas le contenu ni n'influençait le sens ou l'objet des télécommunications comme le prévoit l'article 36 de la Loi.

9.

Le Conseil fait observer que la norme de preuve à l'égard de l'existence d'une question sérieuse à juger est peu exigeante. La question est de savoir si une demande de redressement finale est abusive ou vexatoire. À la lumière du dossier qui lui est présenté, le Conseil est d'avis que l'ACFI a prouvé l'existence d'une question sérieuse à juger, à savoir si la pratique de Bell Canada de restreindre le trafic Internet acheminé par les membres de l'ACFI qui ont souscrit au SAP est conforme aux exigences de la Loi.
 

La partie qui sollicite le redressement provisoire subira-t-elle un préjudice irréparable si celui-ci n'est pas accordé?

10.

L'ACFI a fait valoir que les mesures de lissage de trafic prises par Bell Canada causaient un préjudice irréparable à ses membres qui ont souscrit au SAP. L'ACFI a soutenu que ses membres avaient subi le préjudice suivant, lequel ne pouvait être ni réparé ni quantifié en termes monétaires, à savoir :
 

a) des difficultés à gérer les services qu'ils fournissent à leurs utilisateurs finals;

 

b) des réductions dans les volumes de trafic fournis aux fournisseurs de dorsale Internet, ce qui les obligeait à payer pour une capacité qu'ils n'étaient plus en mesure d'utiliser;

 

c) l'obligation de payer pour les composantes du SAP, même si Bell Canada ne livrait pas des volumes de trafic suffisants pour justifier le besoin de ces composantes;

 

d) la menace d'annulation ou l'annulation effective des contrats de service;

 

e) une perte d'achalandage et une perte permanente de part de marché.

11.

L'ACFI a fait valoir que le préjudice causé à ses membres qui sont clients du SAP était irréparable pour les raisons suivantes :
 

a) il n'existait aucune perspective de dédommagement sous forme de dommages-intérêts;

 

b) il n'existait aucune manière de quantifier ou de recouvrer la perte d'achalandage et de part de marché, menaçante et effective;

 

c) même si les pertes en termes de capacité de SAP non utilisable et de capacité de dorsale/transit pouvaient être quantifiées, il est peu probable qu'elles puissent être récupérées dans le cadre d'un procès civil;

 

d) il n'existait aucune façon d'atténuer les pertes;

 

e) le préjudice à l'intérêt public lié à la fourniture et au développement ordonnés des télécommunications et à l'inviolabilité des télécommunications acheminées par Bell Canada ne pouvait pas être réparé par des dommages-intérêts.

12.

Bell Canada a fait valoir que l'ACFI n'avait présenté aucun fait ou élément de preuve démontrant l'existence d'un quelconque préjudice. De l'avis de Bell Canada, aucun élément de preuve n'avait été fourni pour soutenir le plaidoyer présenté par l'ACFI qui invoquait des difficultés à gérer le service offert aux utilisateurs finals ou des réductions dans les volumes de trafic fournis aux fournisseurs de dorsale Internet, ce qui obligeait les membres de l'ACFI à payer pour de la capacité qu'ils ne pouvaient en réalité pas utiliser. Bell Canada a soutenu que même s'il existait un préjudice financier résultant de la fourniture de volumes de trafic réduits, ce préjudice n'était pas irréparable parce que les membres de l'ACFI étaient obligés de payer pour une capacité de transit et le SAP, peu importe qu'un redressement provisoire fût accordé ou non. Bell Canada a également soutenu que l'ACFI n'avait produit aucun élément de preuve tendant à démontrer la perte réelle de clients et d'achalandage, ou la perte permanente de part de marché, ou encore que les membres de l'ACFI ne seraient pas en mesure de récupérer des revenus perdus. Selon Bell Canada, le préjudice à l'intérêt public devait être traité dans le cadre du troisième critère établi dans l'affaire RJR-MacDonald (c.-à-d. la prépondérance des inconvénients).

13.

Le Conseil relève que le deuxième critère à appliquer en matière d'octroi d'un redressement provisoire exige que la partie qui sollicite le redressement doit établir qu'elle subira un préjudice irréparable si sa demande de redressement provisoire n'est pas accordée et sa demande de redressement définitif est accordée. Le Conseil fait remarquer que le critère du préjudice irréparable ne vise que le préjudice subi par le requérant et ne concerne pas l'intérêt public.

14.

Le Conseil estime que l'ACFI n'a pas déposé d'éléments de preuve suffisants à l'appui de sa prétention selon laquelle ses membres n'avaient plus besoin du volume de capacité de transit et des composantes du SAP qu'ils avaient souscrits, et qu'ils subiraient un préjudice irréparable si le redressement provisoire n'était pas accordé. De même, le Conseil considère que l'ACFI n'a pas fourni d'éléments de preuve suffisants pour soutenir sa prétention selon laquelle les pratiques de restriction de Bell Canada rendront difficile, voire impossible aux membres de l'ACFI de gérer les services qu'ils fournissent à leurs utilisateurs finals de manière appropriée, et que ces pratiques entraîneront une perte permanente de part de marché ou d'achalandage. Enfin, en ce qui concerne la prétention de l'ACFI relative à la perte de revenus découlant de la résiliation du service par les clients, le Conseil estime que l'ACFI n'a pas démontré que ses membres subiront un préjudice irréparable du fait des pratiques de restriction de Bell Canada. En conclusion, le Conseil conclut que l'ACFI n'a pas prouvé que ses membres subiront un préjudice irréparable si le redressement provisoire n'était pas accordé.

15.

À la lumière de la conclusion du Conseil concernant le préjudice irréparable, il n'est pas nécessaire de décider de la question de savoir si l'ACFI a satisfait au troisième critère, celui de la prépondérance des inconvénients.

16.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que la demande de redressement provisoire présentée par l'ACFI ne remplit pas le critère établi par l'affaire RJR-MacDonald c. Canada. Par conséquent, le Conseil rejette la demande de redressement provisoire de l'ACFI.

17.

En ce qui concerne le processus d'examen du fond de la demande de l'ACFI, le Conseil a établi le processus dans une lettre qui sera adressée aux parties le 15 mai 2008.
  Secrétaire général
  Ce document est disponible, sur demande, en média substitut, et peut également être consulté en version PDF ou en HTML sur le site Internet suivant : http://www.crtc.gc.ca
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Note de bas de page :

1 Le terme de « restreindre » le service a été employé par l'ACFI pour désigner les activités de gestion du trafic que Bell Canada a mises en ouvre pour contrôler le flux du trafic, retardant certains paquets afin de remplir certains critères. Dans sa demande, l'ACFI évoque aussi les activités visant à « lisser », à « restreindre » et/ou à « étrangler » le trafic. Dans la présente décision, les termes de « restriction » et de « lissage » de trafic sont employés indifféremment et sont réputés englober toutes ces activités de gestion du trafic.

Mise à jour : 2008-05-14

Date de modification :