ARCHIVÉ - Décision de télécom CRTC 2007-26

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Décision de télécom CRTC 2007-26

  Ottawa, le 27 avril 2007
 

Demande présentée par Bell Aliant Communications régionales, société en commandite, en vue de réviser et de modifier la Décision de télécom CRTC 2005-17, telle qu'interprétée et appliquée dans la Décision de télécom CRTC 2006-27, concernant le plan de rajustement tarifaire pour la qualité du service de détail

  Référence : 8662-B54-200609927
  Dans la présente décision, le Conseil conclut que la demande de Bell Aliant datée du 4 août 2006 a pour but de réviser et de modifier la décision Aliant Telecom Inc. - Demandes visant à exclure certains résultats de qualité du service du plan de rajustement tarifaire pour la qualité du service de détail, Décision de télécom CRTC 2006-27, 16 mai 2006 (la décision 2006-27). Le Conseil conclut que la demande a été déposée conformément aux délais prévus dans les lignes directrices applicables aux demandes de révision et de modification.
  Le Conseil conclut qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de la conclusion qu'il a tirée dans la décision 2006-27 et selon laquelle l'arrêt de travail touchant Bell Aliant constitue partiellement un événement perturbateur. En effet, le Conseil établit que l'arrêt de travail touchant Bell Aliant constitue bel et bien un événement perturbateur. Il conclut également qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de la conclusion qu'il a tirée dans la décision 2006-27 et selon laquelle Bell Aliant, dans la mesure où l'arrêt de travail avait eu une incidence sur les indicateurs de la qualité du service (QS) de détail, a été tenue de verser à ses clients un crédit de 50 p. 100 du montant qui aurait été calculé aux termes du plan de rajustement tarifaire en se servant des résultats réels de la QS pour la période d'avril 2004 à janvier 2005.
  Le Conseil n'exigera plus que les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) lui soumettent des résultats à l'égard de la QS pendant un événement perturbateur. Par contre, les ESLT doivent surveiller les normes de QS pendant un événement perturbateur et le Conseil s'attend à ce qu'elles lui remettent les rapports exigibles sur la QS dans les 30 jours suivant la fin de l'événement perturbateur.
  Le Conseil amorcera bientôt une instance publique afin de déterminer s'il doit, aux fins d'évaluation des éléments à exclure du calcul du montant des rabais tarifaires à accorder quand les normes de QS prescrites pour les services de détail et aux concurrents n'ont pas été respectées, assimiler les catastrophes naturelles, les actes de terrorisme et les arrêts de travail à des événements perturbateurs sans avoir à prendre cette décision au cas par cas.
 

Introduction

1.

Le 4 août 2006, Bell Aliant Communications régionales, société en commandite (Bell Aliant)a présenté une demande au Conseil afin qu'il révise et modifie la décision Plan de rajustement tarifaire pour la qualité du service de détail et questions connexes, Décision de télécom CRTC 2005-17, 24 mars 2005 (la décision 2005-17), telle qu'elle est interprétée et appliquée dans la décision Aliant Telecom Inc. - Demandes visant à exclure certains résultats de qualité du service du plan de rajustement tarifaire pour la qualité du service de détail, Décision de télécom CRTC 2006-27, 16 mai 2006 (la décision 2006-27).

2.

Bell Aliant a fait valoir qu'aux fins d'évaluation des éléments à exclure du calcul des rabais tarifaires des entreprises qui n'ont pas satisfait aux normes prescrites de qualité du service (QS), la combinaison des deux décisions a donné lieu à l'un ou l'autre des deux nouveaux principes suivants :
 

a) arbitrairement, les grèves sont considérées comme étant la responsabilité de l'entreprise de télécommunication employeur jusqu'à concurrence de 50 p. 100;

 

b) le Conseil doit analyser les circonstances pour déterminer qui est responsable de la grève.

3.

Bell Aliant a affirmé avoir un doute réel quant à la rectitude de ces principes.

4.

Bell Aliant a fait valoir que la période comprise entre le 23 avril 2004 et le 31 janvier 2005 devrait être complètement exclue de ses calculs concernant les périodes de déclaration de la QS de 2004 et de 2005.

5.

Bell Canada, la Société TELUS Communications (STC), MTS Allstream Inc. (MTS Allstream) et Rogers Communications Inc. (RCI) ont déposé des observations. Le dossier a été fermé après que Bell Aliant ait soumis sa réplique le 15 septembre 2006, dans laquelle la compagnie demandait au Conseil de modifier la décision 2006- 27 et donc de clarifier ou de modifier sa façon d'interpréter et d'appliquer la méthode d'exclusion énoncée dans la décision 2005-17.

6.

Même si le Conseil a forcément résumé les positions des parties dans la présente décision, il a soigneusement examiné toutes les observations reçues.
 

Contexte

7.

Dans la décision 2005-17, le Conseil a mis au point le régime de la QS de détail applicable à Aliant Telecom Inc. (maintenant Bell Aliant)1, à Bell Canada, à MTS Communications Inc. (maintenant MTS Allstream), à Saskatchewan Telecommunications (SaskTel), à STC et à TELUS Communications (Québec) Inc. (qui fait maintenant partie de STC), collectivement appelées les entreprises de services locaux titulaires (ESLT).

8.

Le Conseil a mis au point les 13 indicateurs provisoires de la QS de détail qui feront partie du régime définitif de la QS de détail. Les résultats mensuels obtenus permettent de calculer la moyenne annuelle pour chaque indicateur et de mesurer le rendement annuel moyen.

9.

Lorsque le rendement annuel moyen d'une ESLT est inférieur à la norme établie pour un indicateur donné, un rabais tarifaire est accordé aux clients de détail (selon le plan de rajustement tarifaire (le PRT)). Le PRT prévoit un rajustement annuel maximal équivalant à 5 p. 100 du total des revenus admissibles des services locaux de résidence et d'affaires en cas de QS insuffisante. Le rajustement est payable à tous les abonnés établis dans le territoire d'exploitation de l'ESLT.

10.

Dans la décision 2005-17, le Conseil a prévu un mécanisme d'exclusion pour tenir compte des catastrophes naturelles et autres événements perturbateurs de nature imprévisible que les ESLT ne peuvent raisonnablement pas contrôler. Le Conseil a jugé que dans certains cas, les interruptions de travail pouvaient être considérées comme de tels événements.

11.

Le Conseil a conclu qu'il convenait d'évaluer au cas par cas s'il s'agissait d'événements perturbateurs pour juger du bien-fondé de modifier les indicateurs de QS inscrits dans le PRT.

12.

En se servant des principes établis dans la décision 2005-17, le Conseil a examiné les premières demandes d'exclusion liées à un arrêt de travail dans le cadre de la décision 2006-27.

13.

Bell Aliant avait déposé deux demandes d'exclusion conformément au PRT établi dans la décision 2005-172. Bell Aliant a indiqué que, parce que 70 p. 100 de ses employés syndiqués étaient en grève, elle a eu des difficultés à atteindre la moyenne annuelle requise pour cinq des 13 indicateurs définis dans le PRT pour le service de détail3. L'arrêt de travail a duré du 23 avril au 20 septembre 2004. Bell Aliant a demandé au Conseil de considérer l'arrêt de travail de 2004 comme un événement perturbateur et de ne pas tenir compte des résultats d'avril 2004 à mars 2005.

14.

Dans la décision 2006-27, le Conseil a jugé que l'arrêt de travail qui a affecté Bell Aliant n'était ni complètement sous le contrôle de la compagnie, ni complètement indépendant de sa volonté. Il a donc établi que l'arrêt de travail correspondait partiellement à un événement perturbateur et que, dans la mesure où l'arrêt de travail avait nui aux indicateurs de QS de détail, Bell Aliant devait offrir à ses clients un crédit égal à 50 p. 100 du montant qui aurait été obtenu aux termes du PRT à partir des résultats réels de QS pour la période d'avril 2004 à janvier 20054.

15.

Selon le Conseil, la demande de Bell Aliant soulève les questions suivantes :
  I - Quelles décisions sont visées par la demande de révision et de modification?
  II - La demande de Bell Aliant devrait-elle être examinée en fonction des lignes directrices applicables aux demandes de révision et de modification?
  III - Existe-t-il un doute réel quant à la rectitude de la décision 2006-27, et le cas échéant, faut-il considérer l'arrêt de travail comme un événement perturbateur?
  IV - Les obligations en matière de présentation de rapports pendant un événement perturbateur.
 

I - Quelles décisions sont visées par la demande de révision et de modification?

16.

Lors de l'examen de la demande tout autant que de la réplique de Bell Aliant, le choix de la compagnie quant à la décision qu'elle conteste ne saute pas aux yeux. Par exemple, dans sa demande, Bell Aliant a déclaré réclamer la révision et la modification de la décision 2005-17, telle qu'interprétée et appliquée dans la décision 2006-27. Dans sa réponse, Bell Aliant a demandé au Conseil de modifier la décision 2006-27, de façon à clarifier ou à modifier l'interprétation et l'application de la méthode d'exclusion énoncée dans la décision 2005-17.

17.

Bien que Bell Aliant soulève également certains arguments concernant la rectitude de la décision 2005-17, le Conseil estime que le fond de la demande de Bell Aliant porte sur la conclusion qu'il a tirée dans la décision 2006-27 et selon laquelle l'arrêt de travail correspondait partiellement à un événement perturbateur et, par conséquent, Bell Aliant était tenue de remettre à ses clients un crédit de 50 p. 100 du montant qui aurait été calculé aux termes du PRT en se servant des résultats réels de la QS pour la période d'avril 2004 à janvier 2005.

18.

À cet égard, le Conseil fait remarquer par exemple que Bell Aliant a soutenu que la conclusion qu'il a tirée dans la décision 2006-27, à savoir que l'arrêt de travail correspondait partiellement à un événement perturbateur était arbitraire et qu'elle donne lieu à une politique du travail non fondée, un domaine qui échappe aux compétences du Conseil. Bell Aliant a fait valoir que la décision 2006-27 était clairement incompatible avec l'approche au cas par cas énoncée dans la décision 2005-17. Selon Bell Aliant, la décision 2005-17 ne prévoit pas un calcul du crédit en fonction du degré de contrôle.

19.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que la demande de Bell Aliant est une demande visant à réviser et à modifier la décision 2006-27.
 

II - La demande de Bell Aliant devrait-elle être examinée en fonction des lignes directrices applicables aux demandes de révision et de modification?

 

Positions des parties

20.

RCI et MTS Allstream ont fait valoir que Bell Aliant a soumis sa demande après l'expiration du délai de six mois fixé par le Conseil dans l'avis Lignes directrices relatives aux demandes de révision et de modification, Avis public Télécom CRTC 98-6, 20 mars 1998 (l'avis 98-6). MTS Allstream a fait valoir que le délai d'appel légal spécifié dans la Loi sur les télécommunications (la Loi) était expiré depuis longtemps et que Bell Aliant n'avait établi aucune circonstance exceptionnelle justifiant que le Conseil exerce son pouvoir discrétionnaire d'entendre à nouveau une demande portant sur une partie de la décision 2005-17.

21.

Bell Aliant a répliqué qu'elle sollicitait la modification de la décision 2006-27 dans le but de clarifier ou de modifier l'interprétation et l'application de la méthode d'exclusion énoncée dans la décision 2005-17, et que sa demande n'était donc pas tardive. Bell Aliant a fait valoir que le délai de six mois prévu dans l'avis 98-6 n'était pas une contrainte légale visant à limiter le pouvoir du Conseil de corriger des erreurs ou d'admettre qu'il faut apporter des modifications. Le délai prescrit s'applique plutôt au résultat de la demande, qu'il s'agisse de modifier la directive antérieure et d'y donner effet à la date initiale, ou qu'il s'agisse d'une nouvelle directive modifiant le principe à partir de maintenant.
 

Analyse et conclusion du Conseil

22.

Dans l'avis 98-6, le Conseil a conclu que puisque la certitude sur la plan de la réglementation sert l'intérêt public, les demandes présentées en vertu de l'article 62 de la Loi doivent généralement être déposées dans les six mois suivant la date de sa décision initiale. Le Conseil a également spécifié qu'il n'examinera des demandes de révision et de modification présentées après ce délai que dans des circonstances exceptionnelles et que s'il est convaincu que le retard est fondé.

23.

Tel que mentionné précédemment, le Conseil estime que la demande de Bell Aliant vise à réviser et à modifier la décision 2006-27. Le Conseil fait remarquer que Bell Aliant a déposé sa demande dans le délai de six mois prescrit dans l'avis 98-6 et il évaluera s'il convient de réviser et de modifier la décision 2006-27.
 

III - Existe-t-il un doute réel quant à la rectitude de la décision 2006-27 et le cas échéant, faut-il considérer l'arrêt de travail comme un événement perturbateur?

24.

L'avis 98-6 comprend une liste non exhaustive des critères que le Conseil a établis pour exercer, en vertu de l'article 62 de la Loi, son pouvoir discrétionnaire de réviser, d'annuler ou de modifier ses décisions, ou d'entendre de nouveau une demande avant de rendre une décision. Les requérantes doivent prouver que la rectitude de la décision initiale soulève un doute réel, en raison notamment :
 

a) d'une erreur de droit ou de fait;

 

b) d'une modification fondamentale des circonstances ou des faits depuis la décision;

 

c) du défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans la procédure initiale;

 

d) d'un nouveau principe découlant de la décision.

25.

Pour déterminer s'il existe un doute réel quant à la rectitude de la décision 2006-27, le Conseil vérifiera s'il a mal appliqué son propre critère quand il a conclu qu'un événement peut partiellement correspondre à un événement perturbateur et, le cas échéant, si l'arrêt de travail de Bell Aliant constitue un événement perturbateur.
 

Positions des parties

26.

Bell Aliant a fait valoir que la décision 2006-27 ne permet pas de déterminer clairement si le Conseil a conclu qu'une responsabilité de 50 p. 100 serait arbitrairement attribuée à l'employeur dans le cas d'un arrêt de travail, ou si le Conseil a pris une telle décision en se fondant sur son évaluation du dossier en cause.

27.

Bell Aliant a fait valoir que l'attribution arbitraire d'une responsabilité de 50 p. 100 à l'employeur lui semble déraisonnable et que l'idée même qu'une faute puisse être attribuée à la suite d'un arrêt de travail amène le Conseil à se demander, dans tout cas futur, si une partie est plus fautive que l'autre. Bell Aliant a fait valoir que la réponse la plus appropriée est qu'aucune partie n'est fautive. Le droit du travail considère qu'un arrêt de travail est parfois la conséquence naturelle du processus de négociation collective, où deux parties font valoir leurs droits légaux pour résoudre leurs conflits. Une grève ou un lockout est un événement malheureux qui est indépendant de la volonté de l'employeur.

28.

Bell Aliant a soutenu que la décision 2006-27 ne comportait aucune analyse des faits associés à son cas et permettant de conclure qu'elle avait omis de prendre toutes les mesures raisonnables pour réduire l'incidence de travail de 70 p. 100 de son personnel.

29.

Bell Aliant a ajouté que le Conseil avait créé un dangereux précédent qui menace la stabilité des relations de travail dans le secteur des télécommunications, en interprétant et en appliquant les conclusions de la décision 2005-17 à la décision 2006-27, et que ce précédent donne lieu à une politique en matière de relations de travail mal fondée, un domaine dans lequel le Conseil n'a aucune expertise.

30.

Bell Aliant a soutenu que l'attribution arbitraire de 50 p. 100 de la responsabilité à l'employeur, conformément à la décision 2006-27, était clairement incompatible avec l'approche au cas par cas préconisée dans la décision 2005-17. Bell Aliant a fait valoir que, dans la décision 2005-17, le Conseil n'avait ni rejeté ni accepté une méthode selon laquelle un arrêt de travail serait considéré comme étant, dans une proportion de 50 p. 100, sous le contrôle des ESLT. Il a plutôt décidé de trancher la question en fonction des circonstances propres à chaque demande d'exclusion. Bell Aliant a également fait valoir que la décision 2005-17 ne prévoit pas un calcul du crédit en fonction du degré de contrôle; elle énonce simplement qu'en cas de force majeure, une ESLT ne doit pas être tenue responsable.

31.

Bell Aliant a fait valoir que le raisonnement du Conseil dans la décision 2006-27 n'était pas compatible avec la décision 2005-17, car il appliquait incorrectement le concept de contrôle sur un événement extraordinaire.

32.

Bell Canada a soutenu que le Conseil, en décidant que l'arrêt de travail était partiellement sous le contrôle de Bell Aliant, a fait une évaluation qualitative des motifs ayant provoqué l'arrêt travail et qu'il s'était engagé dans le domaine des relations de travail, et ce par inadvertance et alors que ce ne lui était pas approprié. Le Conseil n'avait ni l'expertise ni le mandat de prendre une telle décision.

33.

De plus, Bell Canada a soutenu que le Conseil n'a cité aucune preuve d'un acte répréhensible de la part de Bell Aliant dans la décision 2006-27. Néanmoins, le Conseil a conclu que l'arrêt de travail de Bell Aliant n'était ni complètement sous son contrôle ni totalement indépendant de sa volonté. D'après Bell Canada, cette décision était erronée et aurait de sérieuses conséquences sur les positions de négociation de toutes les ESLT lors des prochaines négociations collectives.

34.

STC a approuvé l'affirmation de Bell Aliant selon laquelle la combinaison des décisions 2005-17 et 2006-27 avait laissé entendre que les ESLT étaient arbitrairement responsables des arrêts de travail à 50 p. 100. Selon STC, il existait un doute réel quant à la rectitude de ce principe.

35.

D'après STC, la conclusion du Conseil était arbitraire, car elle ne renvoyait à aucun fait qui avait précédé l'arrêt de travail affectant Bell Aliant et qui aurait pu permettre de conclure que les deux parties en étaient responsables à part égale. Premièrement, un tel principe constituait une erreur de droit car il ne tenait pas compte du critère de contrôle raisonnable que le Conseil est sensé appliquer pour conclure qu'un événement est perturbateur. Deuxièmement, un tel principe constituait une erreur de droit, car il était contraire à l'approche au cas par cas que le Conseil avait préconisée dans la décision 2005-17 pour identifier les événements perturbateurs, de sorte que le Conseil a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Finalement, un tel principe a été établi sans tenir compte des effets qu'il pourrait avoir sur le régime fédéral des relations de travail.

36.

STC a également fait valoir que même si le Conseil concluait que Bell Aliant était responsable à 50 p. 100 en se basant sur son évaluation des circonstances entourant l'arrêt de travail, un doute réel persisterait quant à la rectitude des conclusions du Conseil. Premièrement, aucun fait ne soutenait les conclusions du Conseil. Deuxièmement, le Conseil ne doit en aucun cas chercher à déterminer si la conduite de l'ESLT a été raisonnable pour attribuer la responsabilité d'un arrêt de travail.

37.

En ce qui concerne la décision 2006-27, MTS Allstream a fait valoir que le Conseil avait eu raison de conclure que l'arrêt de travail affectant Bell Aliant en 2004 pouvait être partiellement considéré comme un événement perturbateur. Pour qu'un événement soit considéré perturbateur au titre d'une exclusion, une ESLT doit prouver que les circonstances ou les événements perturbateurs qui, selon elle auraient une incidence négative sur la QS étaient indépendants de sa volonté. D'après MTS Allstream, l'arrêt de travail était un événement que Bell Aliant aurait pu prévoir bien avant qu'il ait lieu, et il appartenait à l'entreprise de prendre les moyens de se préparer en conséquence.

38.

RCI désapprouvait la position de Bell Aliant. RCI a fait valoir que dans la décision 2006-27, le Conseil avait simplement appliqué les principes définis dans la décision 2005-17 aux faits qui lui ont été présentés. Par conséquent, aucun nouveau principe n'a été établi dans la décision 2006-27. Même s'il était convenu que le paiement d'un rabais de 50 p. 100 par Bell Aliant était arbitraire, la seule autre possibilité raisonnable aurait été d'ordonner à Bell Aliant d'accorder un rabais de 100 p. 100.
 

Analyse et conclusion du Conseil

39.

Le Conseil approuve l'évaluation de Bell Aliant selon laquelle la décision 2005-17 ne prévoit pas un calcul du crédit en fonction du degré de contrôle que l'ESLT a sur l'événement. La décision 2005-17 a plutôt établi qu'un événement est considéré comme perturbateur lorsqu'une ESLT peut prouver qu'il était imprévisible et qu'elle ne pouvait raisonnablement pas le contrôler. Toute modification des résultats de QS aux fins du PRT doit être évaluée lors de l'examen des effets particuliers que l'événement perturbateur a eus sur les indicateurs de QS.

40.

Le Conseil considère que lors de l'examen visant à déterminer si un événement est perturbateur, il doit décider si l'événement relève ou non du contrôle de l'ESLT, et éviter d'y attribuer des qualifications partielles.

41.

Par conséquent, le Conseil conclut qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de la décision 2006-27 parce qu'il a mal appliqué les critères établis dans la décision 2005-17 lorsqu'il a conclu qu'un événement peut être partiellement qualifié d'événement perturbateur en fonction du degré de contrôle que l'ESLT exerce sur l'événement.

42.

En raison de cette conclusion, le Conseil déterminera si l'arrêt de travail affectant Bell Aliant peut être qualifié d'événement perturbateur.

43.

Le Conseil fait remarquer que le droit canadien du travail est conçu de façon à encourager les négociations collectives libres et le règlement constructif des conflits5. Or dans certains cas, les parties arrivent à une impasse sur des problèmes fondamentaux et l'arrêt de travail est la conséquence naturelle et inévitable. Le Conseil a tenu compte de cette réalité lorsqu'il a conclu dans la décision 2006-27 que les négociations et l'arrêt de travail mettaient en cause deux entités complexes qui agissaient dans le respect de leurs droits légaux et les faisaient valoir dans le cadre de la législation canadienne du travail.

44.

Dans la décision 2006-27, le Conseil a conclu que, même si Bell Aliant avait pris la décision de fusionner quatre ESLT jadis indépendantes, ce n'est pas elle qui avait imposé le regroupement des unités de négociation, que cette mesure ait contribué ou non à l'arrêt de travail, mais qu'il s'agissait bel et bien du résultat d'une décision prise par le Conseil canadien des relations industrielles. Le Conseil a également admis que le processus de négociation des conditions de travail était complexe et qu'il était issu de la fusion de quatre entreprises, du regroupement de quatre négociateurs et de la fusion de neuf conventions collectives en une seule.

45.

Toutefois, compte tenu de tous ces faits, le Conseil a conclu que Bell Aliant exerçait effectivement un certain degré de contrôle sur l'occurrence d'un arrêt de travail et sur son incidence donc, que l'arrêt de travail représentait partiellement un événement perturbateur.

46.

Comme l'arrêt de travail affectant Bell Aliant était le résultat d'une négociation complexe entre deux entités complexes qui agissaient dans le respect de leurs droits légaux et les faisaient valoir dans le cadre de la législation canadienne du travail, le Conseil considère que dans le but de déterminer si l'arrêt de travail constitue un événement perturbateur, Bell Aliant n'a pas exercé un contrôle raisonnable sur l'occurrence d'un arrêt de travail ou sa durée. Le Conseil est d'avis qu'un événement qui est partiellement contrôlé par quelqu'un d'autre est essentiellement indépendant de la volonté des deux parties.

47.

À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de la décision 2006-27 dans laquelle le Conseil a conclu que l'arrêt de travail affectant Bell Aliant correspondait partiellement à un événement perturbateur, sur lequel elle n'exerçait pas un plein contrôle sans toutefois n'en exercer aucun, constitue effectivement un événement perturbateur.

48.

Ayant conclu dans la décision 2006-27 qu'il y avait un lien de cause à effet entre l'arrêt de travail et les résultats réels de la QS pendant la période d'avril 2004 à janvier 2005, le Conseil a décidé que, dans la mesure où l'arrêt de travail avait eu une incidence sur les indicateurs de la QS de détail, Bell Aliant était tenue d'accorder à ses clients un crédit de 50 p. 100 du montant qui aurait été calculé aux termes du PRT en se servant des résultats réels de QS pour la période d'avril 2004 à janvier 2005.

49.

Le Conseil ayant conclu, tel qu'indiqué ci-dessus, que l'arrêt de travail affectant Bell Aliant correspond à un événement perturbateur, Bell Aliant sera autorisée à récupérer les 1 525 537 $ qu'elle a versés à ses abonnés en raison des décisions que le Conseil a prises dans la décision 2006-27. Le Conseil fait remarquer que Bell Aliant a indiqué dans sa demande qu'il ne conviendrait pas d'essayer de récupérer ces montants auprès des clients, mais qu'elle essaierait de récupérer ces montants dans le cadre d'une demande future.
 

IV - Exigences concernant les déclarations en cas d'événements perturbateurs

50.

Dans la décision 2006-27, le Conseil a fait remarquer que Bell Aliant avait omis de déposer ses résultats en matière de QS pendant l'arrêt de travail. Le Conseil a indiqué qu'à l'avenir, il s'attend à ce que toutes les ESLT continuent de déposer leurs résultats en matière de QS pendant les événements qu'elles jugent perturbateurs.

51.

Dans sa demande, Bell Aliant a fait valoir que le fait que le Conseil s'attende à ce que les ESLT lui remettent les rapports sur la QS pendant un arrêt de travail éventuel et qu'il impose des pénalités aux entreprises qui ne respectent pas les critères de QS établis montre qu'il faut accorder une importance accrue à la façon d'attribuer les ressources.

52.

Bell Aliant a fait valoir que ces messages n'étaient pas appropriés du point de vue stratégique parce qu'une compagnie aux prises avec un arrêt de travail doit répartir le reste de ses effectifs de façon conforme à l'intérêt public ainsi qu'à la santé et à la sécurité de ses employés.

53.

Le Conseil fait remarquer qu'au cours d'événements perturbateurs, les ESLT doivent établir des priorités pour continuer d'offrir les services qui assurent la sécurité du public et le maintien de l'infrastructure de communications de base. Cela étant dit, le Conseil considère qu'il serait raisonnable que les ESLT affectent des ressources chargées des déclarations de QS à des tâches de service plus urgentes au cours d'un événement perturbateur. Par conséquent, le Conseil n'exige plus que les ESLT déposent leurs résultats en matière de QS pendant un événement perturbateur. Il s'attend cependant à ce que les ESLT surveillent les normes de QS pendant un événement perturbateur et à ce qu'elles déposent tout rapport en retard dans les 30 jours suivants la fin d'un événement perturbateur.
 

Instances à venir

54.

Le Conseil amorcera bientôt une instance publique afin de déterminer s'il doit, aux fins d'évaluation des éléments à exclure du calcul du montant des rabais tarifaires à accorder quand les normes de QS prescrites pour les services de détail et aux concurrents n'ont pas été respectées, assimiler les catastrophes naturelles, les actes de terrorisme et les interruptions de travail à des événements perturbateurs sans avoir à prendre cette décision au cas par cas.
  Secrétaire général
  Ce document est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consulté en format PDF et HTML sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca
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Notes de bas de page :

1  Le 7 juillet 2006, les activités régionales de télécommunication filaire de Bell Canada en Ontario et au Québec ont été regroupées avec, entres autres, les activités de télécommunication filaire d'Aliant Telecom Inc., de la Société en commandite Télébec et de NorthernTel, Limited Partnership, en vue de créer Bell Aliant Communications régionales, société en commandite.

2  Le 25 avril 2005, Bell Aliant a déposé une demande d'exclusion pour les mois d'avril à décembre 2004 en raison d'un arrêt de travail qui a touché toute l'entreprise, du 23 avril au 20 septembre 2004. Dans sa demande d'exclusion du 6 mai 2005, Bell Aliant a demandé au Conseil d'exclure certains résultats du premier trimestre de 2005 concernant la QS de détail. Bell Aliant a fait valoir que les indicateurs en cause continuaient de subir les effets résiduels de l'arrêt de travail de 2004. Le Conseil a jugé que puisque les demandes d'exclusion de 2004 et 2005 de Bell Aliant portaient sur le même type d'événement, il convenait de traiter les deux demandes en regard du plan final établi dans la décision 2005‑17.

3 Les cinq indicateurs visés sont : 1.5 - Accès au bureau d'affaires, 2.1A (zone urbaine) et 2.1B (zone rurale) - Rapports de dérangement réglés en moins de 24 heures, 2.2A (en zone urbaine) et 2.2B (en zone rurale) - Rendez‑vous pour réparation respectés, 2.5 - Accès au centre de réparation et 4.2 - Accès à l'assistance‑annuaire.

4 Contrairement au mémoire de Bell Aliant selon lequel l'incidence de l'arrêt de travail sur les cinq indicateurs visés se poursuivit jusqu'en mars 2005, dans la décision 2006‑27, le Conseil a conclu que les effets de l'arrêt de travail ont été ressentis jusqu'à la fin de janvier 2005.

5 Code canadien du travail, L.R., 1985, ch. L‑2, préambule.

Mise à jour : 2007-04-27

Date de modification :