ARCHIVÉ - Ordonnance de télécom CRTC 2006-342

Cette page Web a été archivée dans le Web

Information archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Les décisions, avis et ordonnances (DAO) archivés demeurent en vigueur pourvu qu'ils n'aient pas été modifiés ou annulés par le Conseil, une cour ou le gouvernement. Le texte de l'information archivée n'a pas été modifié ni mis à jour depuis sa date de mise en archive. Les modifications aux DAO sont indiquées au moyen de « tirets » ajoutés au numéro DAO original. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s'appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez obtenir cette information dans un autre format en communiquant avec nous.

 

Ordonnance de télécom CRTC 2006-342

  Ottawa, le 19 décembre 2006
 

Norouestel Inc.

  Référence : Avis de modification tarifaire 831
 

Retrait de services - Secteur à tarif de base de Nanisivik

Dans la présente ordonnance, le Conseil approuve la proposition présentée par Norouestel Inc. en vue de cesser de fournir les services téléphoniques à Nanisivik, au Nunavut.
Les opinions minoritaires des conseillers Cram, Langford et Pennefather sont jointes à la présente.
 

Introduction

1.

Le 14 juin 2006, Norouestel Inc. (Norouestel) a déposé une demande dans laquelle elle proposait de ne plus fournir de services téléphoniques àNanisivik, au Nunavut. Plus précisément, Norouestel a proposé de retirer le secteur à tarif de base de Nanisivik de son Tarif général, de son Tarif du service interurbain à communications tarifées, de son Tarif du service de fil privé, de son Tarif du secteur à tarif de base et de son Tarif des services spéciaux.

La demande

2.

Norouestel a indiqué que sa proposition toucherait neuf clients établis à l'emplacement de l'ancienne mine de Nanisivik (la mine), dont la compagnie propriétaire de la mine, et dans la petite collectivité voisine. La compagnie a également précisé comment elle comptait s'y prendre pour continuer de desservir les sept clients à l'aéroport de Nanisivik (l'aéroport).

3.

Norouestel a précisé qu'au plus tard le 16 juin 2006, elle aurait fait part de son projet de tarif à tous les clients touchés à l'emplacement de la mine. La compagnie a fourni une copie de la lettre de notification des clients, laquelle précisait les coordonnées du contact d'un autre fournisseur de services, en l'occurrence InfoSat Communications (InfoSat), et des renseignements sur les prix de ce fournisseur.

4.

Norouestel a proposé que le retrait des services soit approuvé le 14 août 2006 et qu'il prenne effet le 16 octobre 2006, ce qui donnerait aux clients le temps nécessaire pour passer à un autre service.

5.

Norouestel a fourni, à titre confidentiel, une analyse de coûts et de revenus à l'appui de sa demande.
 

La mine

6.

Norouestel a fait remarquer que la mine avait cessé toute activité et que les travaux de démolition avaient commencé en 2004. Norouestel a également fait valoir qu'une fois les travaux de démolition terminés, l'emplacement de la mine et la collectivité voisine seraient abandonnés, ce qui, selon Norouestel, devrait se produire d'ici 12 à 18 mois.

7.

Norouestel a affirmé qu'à part le propriétaire de la mine, elle comptait huit clients, tous des résidants temporaires à l'emploi de la mine ou de l'entrepreneur en démolition.

8.

Norouestel a fait valoir qu'au cours des 18 derniers mois, elle avait investi beaucoup d'efforts et de ressources pour maintenir le service à Nanisivik. La compagnie a indiqué que les travaux de démolition avaient perturbé le service téléphonique, si bien que ses dépenses courantes pour assurer le service avaient augmenté considérablement. À cet égard, Norouestel a présenté une facture révélant que deux de ses édifices à Nanisivik avaient été démolis. La compagnie a également déclaré que l'équipe de démolisseurs avait rasé ou fait exploser la plupart de ses installations extérieures. Norouestel a avoué qu'il lui était désormais impossible de maintenir les installations à un coût raisonnable à Nanisivik, si bien qu'elle devrait pouvoir cesser de fournir le service pendant qu'elle a encore accès au secteur et qu'il lui reste un minimum d'installations.

9.

Norouestel a fait valoir qu'il serait plus logique et plus économique pour les clients de la mine d'utiliser les services téléphoniques par satellite offerts dans la région. La compagnie a d'ailleurs ajouté que le propriétaire de la mine et l'entrepreneur en démolition pourraient prendre les mesures nécessaires pour obtenir un tel service à un coût raisonnable.
 

L'aéroport

10.

Norouestel a indiqué qu'elle desservait également sept clients à l'aéroport, lequel, contrairement à la mine, devait rester en exploitation tant et aussi longtemps qu'il ne pourrait être aménagé ailleurs. Selon Norouestel, le déménagement de l'aéroport se ferait dans les trois ans.

11.

Norouestel a fait valoir que les travaux de démolition à la mine lui avaient également causé beaucoup de problèmes pour fournir les services à l'aéroport.

12.

Norouestel a fait remarquer qu'elle était sur le point de conclure des discussions avec les clients de l'aéroport afin de leur fournir un service de rechange en attendant que l'aéroport soit réinstallé ailleurs. À cet égard, Norouestel a fait valoir qu'elle pouvait leur fournir le service à partir d'une solution par satellite pour entreprise. Norouestel a fait valoir que cette solution, qui était possible parce que l'aéroport disposait de sa propre génératrice et n'avait plus besoin de compter sur l'énergie produite à la mine, répondrait aux besoins de ces clients à un coût raisonnable.
 

Positions des parties

13.

Le Conseil a reçu une pétition datée du 27 juin 2006 et signée par 23 résidants de Nanisivik. Ces résidants se sont dits mécontents de la proposition de Norouestel, car selon eux, ils se trouveraient essentiellement isolés si jamais elle était approuvée. Les résidants réclamaient que Norouestel continue de leur fournir le service téléphonique jusqu'à la fin des travaux de démolition.

14.

Dans une lettre du 20 juillet 2006, Norouestel a rappelé aux employés de la mine qu'il lui était devenu difficile et coûteux de maintenir le service téléphonique à cause de la dégradation des installations à Nanisivik. La compagnie a fait valoir qu'après le 16 octobre 2006, ce serait le propriétaire de la mine qui devrait prendre les mesures nécessaires pour que les résidants reçoivent le service téléphonique par satellite.

15.

Dans ses réponses aux demandes de renseignements du Conseil qu'elle a déposées le 18 août 2006, Norouestel a indiqué que l'écart entre le nombre de clients qu'elle a déclarés comme des personnes recevant le service et le nombre de résidants (23) ayant formulé des observations relativement à sa proposition s'explique par le fait que certaines personnes désignées comme résidants n'étaient pas abonnées au service téléphonique de Norouestel parce qu'elles étaient embauchées seulement pour l'été. Norouestel a également affirmé qu'il se pouvait que certains des clients vivaient à Arctic Bay, localité située à 30 kilomètres de la mine.

16.

Norouestel a fait valoir que ni ses clients ni les entités qui contribuent au Fonds de contribution national (FCN) ne devraient, longtemps après la fermeture de la mine, subventionner les services téléphoniques par satellite de l'entreprise chargée de déclasser cette mine. À ce chapitre, la compagnie a réitéré son point de vue, à savoir que la responsabilité de fournir le service téléphonique après le 16 octobre 2006 devrait revenir au propriétaire de la mine. Norouestel a affirmé avoir essayé à maintes reprises, tout au long des mois de juin et juillet 2005, de discuter d'un plan de transition ou de services de rechange avec les dirigeants de la mine, mais que le propriétaire de la mine n'était pas intéressé à collaborer.

17.

Le Conseil a reçu d'autres observations présentées le 23 août 2006 par M. Jon MacCurdy, employé de l'entrepreneur en démolition, en son nom et pour le compte des résidants de Nanisivik et de diverses entreprises et organisations gouvernementales. M. MacCurdy a notamment dit craindre que si la proposition de Norouestel allait de l'avant, il pourrait devenir impossible de communiquer avec les compagnies aériennes qui assurent les évacuations sanitaires. M. MacCurdy a également fait valoir que le prix d'achat et les frais d'utilisation du service par satellite, comme le propose Norouestel, sont trop dispendieux pour la personne au revenu moyen. M. MacCurdy a précisé que son employeur avait offert de loger et nourrir les techniciens de Norouestel et de mettre un camion à leur disposition pendant certaines heures.
 

Analyse et conclusions du Conseil

18.

D'après le dossier de l'instance, le Conseil est d'avis que Norouestel ne peut pas continuer de garantir le service de base à Nanisivik parce que les travaux de démolition dans le secteur viennent perturber ses installations, voire les détruire. Le Conseil est également d'avis que la situation concernant l'actuel service téléphonique conventionnel soulève des inquiétudes quant à la sécurité publique.

19.

Le Conseil prend note que Norouestel a dit avoir tenté plusieurs fois de discuter avec le propriétaire de la mine de plans de transition et de la possibilité d'opter pour le service téléphonique par satellite comme solution de rechange (service qui, contrairement au téléphone filaire conventionnel offert par Norouestel, ne serait pas perturbé par les travaux de démolition), mais en vain.

20.

Le Conseil fait par ailleurs remarquer que Norouestel n'est pas en mesure d'offrir un service de remplacement aux clients de la mine puisqu'elle ne fournit pas de services téléphoniques par satellite1.

21.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que la seule solution viable pour les clients temporaires de la mine est de s'abonner à un service téléphonique par satellite offert par l'intermédiaire d'InfoSat.

22.

Le Conseil fait remarquer qu'il pourrait ordonner à Norouestel d'engager les coûts nécessaires pour fournir un service téléphonique par satellite d'une tierce partie aux clients de la mine. Il précise aussi que Norouestel reçoit un financement supplémentaire du FCN et que, s'il donnait une telle directive, le FCN servirait à subventionner la fourniture d'un service téléphonique par satellite dans le cas d'activités commerciales visant principalement la démolition d'une mine. Dans les circonstances précises de ce cas, le Conseil estime qu'il s'agirait d'une mauvaise utilisation du FCN.

23.

Devant cette situation inhabituelle, le Conseil est d'avis que le propriétaire de la mine et l'entrepreneur en démolition devraient s'abonner à un service de télécommunication fiable pour assurer la sécurité de leurs employés.

24.

D'après le dossier de l'instance, le Conseil fait remarquer qu'il semble que jusqu'à 23 résidants temporaires à l'emplacement de la mine se seraient partagé les lignes téléphoniques destinées aux 9 clients à l'emplacement de la mine. Le Conseil estime qu'ils pourraient, de la même manière, se partager l'équipement servant à offrir les services par satellite, ce qui réduirait le nombre de téléphones mobiles par satellite qu'il faudrait acheter.

25.

Le Conseil fait remarquer que les clients de l'aéroport n'ont pas formulé de commentaires au sujet de la demande de Norouestel. Il précise que Norouestel a indiqué qu'elle achevait une série de discussions avec ces clients en vue de leur fournir une solution de rechange. Norouestel est tenue de fournir un service de remplacement qui satisfait les clients de l'aéroport et elle doit en fournir les détails au Conseil.

26.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil approuve la demande de Norouestel, laquelle prendra effet deux mois après la date de la présente ordonnance.

27.

Les opinions minoritaires des conseillers Cram, Langford et Pennefather sont jointes à la présente.
  Secrétaire général
  Ce document est disponible, sur demande, en média substitut, et peut également être consulté en version PDF ou en HTML sur le site Internet suivant: www.crtc.gc.ca
  _________________________

Note de bas de page :

1  La solution par satellite pour enterprise que Norouestel propose dans le cas de l'aéroport diffère d'un service téléphonique par satellite. En effet, selon la proposition de Norouestel, la compagnie utiliserait son installation de distribution actuelle se trouvant à l'aéroport pour acheminer les appels en provenance ou à destination des clients de l'aéroport, lesquels utilisent un téléphone conventionnel.

 

Opinion minoritaire de la conseillère Barbara Cram

  Je suis d'accord avec mes collègues M. Langford, conseiller, et Mme Pennefather, conseillère, quant au précédent que crée cette décision et aux répercussions qu'elle aura sur la notion longtemps vénérée qu'est l'obligation de servir des compagnies de téléphone titulaires.
  Je suis profondément perturbée par l'analyse de la majorité selon laquelle la question ne touche que Norouestel Inc. (Norouestel) et les entreprises concernées. Affirmer que « le propriétaire de la mine et l'entrepreneur en démolition devraient s'abonner à un service de télécommunication fiable pour assurer la sécurité de leurs employés » indique une compréhension et une description tout à fait erronées des droits et responsabilités en cause. En effet, la compagnie de téléphone a le devoir et l'obligation de fournir un service téléphonique de base à tout le monde. Il incombe au Conseil de s'assurer que cette obligation est respectée et que les résidants, même s'ils travaillent pour l'entreprise visée, ont le droit de s'attendre à ce que le Conseil n'approuve pas le retrait d'un service qui pourrait compromettre leur sécurité.
  Selon moi, l'obligation de servir est particulièrement importante dans les régions éloignées où le téléphone est non seulement une nécessité, mais souvent une question de vie ou de mort. Mes collègues affirment que si le Conseil ordonnait à Norouestel de fournir le service, « le FCN servirait à subventionner la fourniture d'un service téléphonique par satellite dans le cas d'activités commerciales ». Avec tout le respect que je leur dois, cette affirmation est totalement illogique. La demande porte sur le retrait du service de résidence alors que le Fonds de contribution national (FCN) a été créé afin de garantir que tous les Canadiens, peu importe où ils habitent, reçoivent le service téléphonique de base. De plus, cette communauté n'est certainement pas la seule à agoniser en raison de la fermeture de sa seule entreprise et qui reçoit un financement du FCN, lequel peut « subventionner » une entreprise de façon involontaire. Norouestel reçoit des sommes substantielles du Fonds et ce qu'elle débourse pour offrir un service de remplacement adéquat est minime par rapport à la somme totale qu'elle reçoit actuellement du Fonds.
  Malheureusement, la relation entre Norouestel et les entreprises concernées semble, au meilleur, souffrir d'un manque de civisme. Le Conseil n'a pas à s'en occuper. Néanmoins, ce conflit se retrouve au cour de la demande et malheureusement, la majorité s'est laissée distraire par lui.
  Selon moi, Norouestel et mes collègues qui forment la majorité ont oublié les personnes pour lesquelles le système de télécommunication a été créé, à savoir les abonnés ordinaires comme les résidants de Nanisivik, dont la sécurité sera désormais mise à risque si la présente demande est approuvée.

 

Opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford

  Cette opinion est extrêmement difficile à formuler, parce que Norouestel Inc. (Norouestel) a présenté de nombreux renseignements pertinents à titre confidentiel. Il reste que les questions sous-jacentes sont d'une importance vitale et, selon moi, le précédent créé par la décision majoritaire pourrait avoir des conséquences négatives considérables sur les abonnés vivant dans des régions éloignées du Canada. Par conséquent, je désapprouve la décision de la majorité, et ce pour les raisons suivantes.
  Le dossier porte à confusion à plusieurs égards. Par exemple, même à cette étape tardive du processus, on ne sait toujours pas exactement combien de personnes seront affectées par l'interruption du service de Norouestel à Nanisivik. Selon Norouestel, on parle de neuf abonnés, un nombre calculé, on présume, en comptant les clients facturés et non le nombre de personnes qui se servent des téléphones disponibles. Une pétition en date du 27 juin 2006 portait la signature de 23 personnes déclarant être des [traduction] « résidants de Nanisivik, au Nunavut ». Ils craignaient être [traduction] « coupés du reste du monde » si la demande de Norouestel était approuvée.
  On ne connaît pas non plus l'étendue exacte des dommages causés à la propriété et aux équipements de Norouestel. Dans sa demande visant l'interruption du service présentée le 14 juin 2006, Norouestel déclare : [traduction] « L'équipe de démolisseurs a rasé ou fait exploser la plupart des installations extérieures à Nanisivik [.]. »
  Que doit-on déduire de cet énoncé? Que le centre de commutation a été démoli, que les circuits et le câblage essentiels font régulièrement l'objet d'explosions dévastatrices, ou bien qu'en raison de la démolition des bâtiments, le câblage qui fait partie des installations extérieures de Norouestel a également été supprimé? Dans une lettre du 23 août 2006, Jon MacCurdy, contremaître général de l'entreprise Vendetti Construction & Consulting et résidant de Nanisivik, indique que la dernière fois que le service a été interrompu dans la communauté, c'était en raison d'une [traduction] « connexion desserrée ». Selon moi, nous sommes loin d'une destruction arbitraire et massive des installations.
  Pour continuer sur la question de la démolition, au paragraphe 18 de sa décision, la majorité accepte d'emblée les allégations de Norouestel exprimées au paragraphe 8 de la décision en ces termes : « les travaux de démolition avaient perturbé le service téléphonique, si bien que ses dépenses courantes pour assurer le service avaient augmenté considérablement ». Le paragraphe 8 fait spécifiquement référence, probablement en décrivant l'étendue de la destruction arbitraire, à une facture que Norouestel a présentée et qui indique que « deux de ses édifices à Nanisivik avaient été démolis ».
  Je ne trouve rien à l'appui de cette conclusion dans le dossier. La pièce jointe 5 de la demande de Norouestel du 14 juin 2006 est une facture de la Nanisivik Mine - CanZinco Ltd, dont le montant est de 19 260 $, pour la démolition d'une maison et d'un garage. La facture a été estampillée [traduction] « Reçu le 17 oct. 2005, Comptes créditeurs ». Aucun renseignement au dossier n'indique que Norouestel a contesté cette facture ou refusé de la payer, et rien n'indique que ces bâtiments n'ont pas été démolis à la demande de la compagnie. Il semble donc beaucoup plus raisonnable d'assumer que cette facture correspond à des services que Norouestel a demandés et qu'elle a obtenus.
  La question de savoir qui a provoqué la démolition de la maison du personnel de Norouestel à Nanisivik est pertinente pour une autre raison. Dans le dossier, Norouestel se plaint de l'incapacité de trouver du logement à Nanisivik. Si les logements sont si difficiles à trouver, je me demande pourquoi la compagnie a amorcé si rapidement la démolition de la maison de son personnel. Selon moi, le dossier est là pour prouver que ce fut bel et bien le cas.
  Encore plus de questions sont soulevées lorsqu'on tente d'éclaircir les renseignements concernant les dépenses que Norouestel a déposés à titre confidentiel, et de déterminer les coûts réels du maintien du service à Nanisivik. Le montant que Norouestel indique comme étant des [traduction] « coûts supplémentaires d'entretien » pour la période comprise entre mars 2005 et mars 2006 est, bien entendu, élevé par rapport aux revenus générés à Nanisivik pour la même période. Malheureusement, la compagnie ne nous a remis qu'une liste des catégories de dépenses (vols nolisés, logement, location de voiture, travail technique, etc.) et le montant total en dollars (déposé à titre confidentiel). Les questions abondent.
  À Nanisivik, quel est le montant « normal » des dépenses annuelles? Lorsque Norouestel a eu l'occasion d'augmenter ses revenus en accroissant sa clientèle à Nanisivik (lettre de M. MacCurdy du 23 août 2006, point 4), pourquoi la compagnie a-t-elle refusé le client potentiel? Certaines dépenses figurant sur la liste déposée à titre confidentiel étaient-elles attribuables au travail effectué à Arctic Bay ou à l'aéroport? Il semblerait logique, par exemple, qu'une équipe volante déplacée à grand frais à l'une ou l'autre des trois localités voisines situées dans le territoire de desserte de Norouestel profite de l'occasion de réduire les dépenses en assurant l'entretien courant des deux autres localités.
  Une question en particulier que je crois être en mesure et en obligation de poser, malgré les contraintes de la confidentialité, est pourquoi le montant de 19 260 $ payé pour démolir la maison du personnel à Nanisivik est-il inscrit dans la catégorie des coûts supplémentaires d'entretien?
  La question concernant la façon dont Norouestel gère ses activités dans les parties les plus isolées de ses territoires de desserte refait surface lorsqu'on lit la lettre d'intervention du 23 août 2006 déposée par M. Jon MacCurdy en son nom et au nom de son employeur, Vendetti, et d'autres intervenants. On peut y lire : [traduction] « Récemment, Norouestel avait deux employés à Arctic Bay qui installaient de nouvelles lignes. Ils sont venus à Nanisivik, mais n'ont même jamais vérifié l'équipement dans les bâtisses de Norouestel. Ils étaient plus intéressés à photographier l'océan. »
  Il y a lieu de se demander qui a payé pour ce voyage. Les coûts ont-ils été inclus, partiellement ou entièrement, dans les dépenses de Nanisivik? Dans une lettre du 14 juin, Norouestel prétend que la route, d'une longueur de 30 km, qui sépare Arctic Bay de Nanisivik [traduction] « n'est pas entretenue régulièrement ». On en déduit que l'état des routes vers Nanisivik rend l'entretien difficile, incertain et coûteux. Alors, comment les deux techniciens photographes ont-ils fait le voyage? Norouestel prétend que [traduction] « les trois dernières visites ayant pour but l'entretien ont dû être annulées [.]. » Pourquoi? Est-ce inhabituel dans le Grand Nord? L'excursion de photographie fait-elle partie des visites annulées?
  Dans sa lettre du 23 août, M. MacCurdy a indiqué que son employeur avait proposé des façons de minimiser les problèmes de Norouestel : [traduction] « M. Vendetti a présenté une lettre au CRTC et à Norouestel dans laquelle il affirmait qu'au besoin, il pouvait loger et nourrir les techniciens de Norouestel. » Il a ajouté : [traduction] « J'ai discuté avec Hugh Milmine (superviseur chez Norouestel) pendant qu'il était à Nanisivik les 18 et 19 août, et je l'ai informé du fait que j'étais technicien en électronique et mécanicien d'instruments. Je lui ai offert de rendre de petits services et/ou d'inspecter l'équipement de Norouestel au besoin. » Apparemment, cette offre a été jugée inacceptable. Il y a lieu de se demander pourquoi.
  En résumé, le dossier soulève plus de questions qu'il ne fournit de réponses, notamment pourquoi un fournisseur de service monopolistique insiste-t-il pour fournir autant de renseignements à titre confidentiel? À quoi au juste peut servir la confidentialité lorsque aucun compétiteur local ne risque de bénéficier de la divulgation des faits?
  Toutes ces questions laissées en suspens nous amènent aux questions sous-jacentes, soit l'impact de la décision majoritaire sur les résidants de Nanisivik et l'impact à long terme d'une telle décision sur les autres Canadiens abonnés au téléphone dans les zones de desserte à coûts élevés. Nanisivik n'est pas une banlieue de Toronto ou de Whitehorse. C'est une localité complètement isolée, à laquelle, en hiver, on ne peut accéder que par aéronef, par motoneige ou, je suppose, en traîneau à chiens. Et soyez assurés que l'hiver est bien installé à Nanisivik et qu'il le restera, que les basses températures continueront de représenter un risque mortel et que la noirceur presque totale continuera de régner pendant les mois à venir. L'hôpital le plus près est situé à Iqualuit, à 1 200 km de la localité.
  Le téléphone est un lien vital dans le Grand Nord. C'est pourquoi le Canada a mis en place un programme de subventions pour aider à couvrir les coûts liés à la fourniture des services téléphoniques. La décision majoritaire coupe ce lien vital pour les résidants de Nanisivik. Elle refile aux résidants du village et/ou à leurs employeurs (les personnes et les compagnies sur lesquelles le Conseil n'a aucun pouvoir) le soin de trouver et de financer une solution de rechange. Norouestel est d'avis que les résidants peuvent facilement passer à un service de téléphone par satellite, mais dans sa lettre du 23 août, Jon MacCurdy a écrit : [traduction] « [.] leur proposition d'utiliser un système de téléphone par satellite afin de fournir le service est totalement inacceptable. La plupart des résidants n'ont pas les moyens d'acheter ce genre d'appareil et de payer les frais de service. »
  La question du prix de ces appareils soulève des questions connexes intéressantes. Norouestel a-t-elle offert d'aider à couvrir les coûts liés au service de téléphone par satellite que, selon elle, ses abonnés à Nanisivik (qui seront prochainement ses anciens abonnés) devront maintenant se procurer? Non, elle ne l'a pas fait. La majorité lui a-t-elle ordonné de le faire? Non plus.
  Norouestel a réussi à trouver et à financer une [traduction] « solution par satellite » pour les sept lignes à l'aéroport local, mais elle n'a rien offert aux 23 résidants de Nanisivik. La solution de la compagnie est de se défiler, de penser à ses profits avant toute autre considération. Et la majorité va dans le même sens. À mon avis, Norouestel et la majorité feraient mieux de prier que personne ne meure à Nanisivik par manque de téléphone entre aujourd'hui et le moment où la localité devra être évacuée.
  Finalement, je m'inquiète du message que la décision majoritaire envoie à la population canadienne en établissant un seuil qui servira désormais de précédent au retrait du service téléphonique de base. Peu importe la façon dont on retourne les motifs invoqués par Norouestel, tout n'est qu'une question d'argent. Norouestel trouve que le service à Nanisivik coûte trop cher.
  Il y a beaucoup d'endroits dans le vaste territoire du Canada où il est coûteux de fournir des services. La présente décision majoritaire, malgré les efforts déployés pour mitiger son impact à long terme en utilisant des expressions comme « compte tenu de ce qui précède » ou « devant cette situation inhabituelle », demeure une proposition, rien de plus. À partir d'aujourd'hui, le concept du service de base accessible partout au Canada et la notion que les compagnies de téléphone existantes ont l'obligation de fournir un tel service aux Canadiens risquent de disparaître à jamais. Mon interprétation du message inhérent à la décision majoritaire est que l'accès à un service téléphonique n'est obligatoire que si les compagnies sont certaines d'en tirer profit. À mon avis, ce n'est pas acceptable.

 

Opinion minoritaire de la conseillère Joan Pennefather

  Je désapprouve la décision de la majorité relative à ce dossier.
  Il relève d'un principe fondamental que les ESLT ont l'obligation d'offrir des services. À mon avis, la décision de la majorité transfert cette obligation à l'entrepreneur en démolition et au propriétaire de la mine, ce qui crée un dangereux précédent. Ce cas illustre particulièrement bien l'importance de ce principe puisque, tel qu'indiqué dans la décision, il s'agit effectivement d'« assurer la sécurité de leurs employés ». Selon moi, Norouestel devrait être tenue de trouver un autre moyen de maintenir le service de base aux résidants de la mine, comme elle a indiqué qu'elle le ferait pour ceux de l'aéroport, et ce jusqu'à la fin du projet.

Mise à jour : 2006-12-19

Date de modification :