ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2004-296

Cette page Web a été archivée dans le Web

Information archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Les décisions, avis et ordonnances (DAO) archivés demeurent en vigueur pourvu qu'ils n'aient pas été modifiés ou annulés par le Conseil, une cour ou le gouvernement. Le texte de l'information archivée n'a pas été modifié ni mis à jour depuis sa date de mise en archive. Les modifications aux DAO sont indiquées au moyen de « tirets » ajoutés au numéro DAO original. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s'appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez obtenir cette information dans un autre format en communiquant avec nous.

 

Décision de radiodiffusion CRTC 2004-296

  Ottawa, le 27 juillet 2004
  CTV Television Inc.
Winnipeg (Manitoba)
 

Plainte concernant la diffusion de matériel publicitaire pour promouvoir The Sopranos et City Hall

  Le Conseil conclut qu'en diffusant avant 21 heures du matériel publicitaire qui comporte des scènes de violence et s'adresse à des adultes, CKY-TV Winnipeg n'a pas respecté plusieurs des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion établis dans la Loi sur la radiodiffusion, y compris les objectifs précisant que la programmation doit servir les intérêts des enfants, refléter les valeurs canadiennes et être de haute qualité.
 

Historique

 
La plainte initiale

1.

Le Conseil a reçu, en date du 13 septembre 2000, une plainte d'un résident du Manitoba (le plaignant) à propos des autopublicités annonçant la série télévisée The Sopranos et un long métrage intitulé City Hall et diffusées par CKY-TV Winnipeg au cours de l'émission The West Wing, entre 20 h et 21 h le 13 septembre 2000. La titulaire de la licence de CKY-TV est CTV Television Inc.

2.

Le plaignant s'élevait contre le fait qu'on ait pu présenter des [traduction] « publicités comportant des scènes de violence explicites » dans une émission dont le contenu est exempt de violence. De l'avis du plaignant, parce que les autopublicités sont de trop courte durée pour permettre l'évolution d'un récit, leur violence explicite est « gratuite » et n'a qu'un seul but, celui de « choquer ».

3.

Conformément à Conseil canadien des normes de la radiotélévision, avis public CRTC 1991-90, 30 août 1991 (l'avis public 1991-90), le Conseil a transmis cette plainte au Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR). Entre autres fonctions, le CCNR vieille à ce que ses membres, incluant CTV Television Inc., se conforment aux normes du Code d'application volontaire concernant la violence à la télévision de l'Association canadienne des radiodiffuseurs (le code de l'ACR sur la violence, ou le Code). À titre de titulaire de CKY-TV, CTV Television Inc. est assujettie à une condition de licence exigeant qu'elle respecte le code de l'ACR sur la violence. L'adhésion au Code fait l'objet d'une condition de licence suspensive pour les membres en règle du CCNR.

4.

Dans une lettre subséquente adressée au CCNR le 15 octobre 2000, le plaignant a développé son argument selon lequel le matériel publicitaire en question contenait de la violence gratuite. Selon lui, [traduction] « ces promotions ne comportant ni intrigue, ni personnages identifiables, ni thème, la violence n'était donc pas inhérente au déroulement de l'intrigue, à l'évolution des personnages ou au développement d'un thème ». En ce qui concerne la promotion de The Sopranos, le plaignant a exprimé l'avis que la phrase du narrateur qui qualifie cette série télévisée de [traduction] « véritable émission pour adultes » était en soi une glorification de la violence. Selon le plaignant, [traduction] « ces publicités étaient l'une et l'autre inappropriées à quelque moment que ce soit, sauf peut-être au cours d'une émission comportant déjà une mise en garde de contenu violent ».
 
Réplique de CTV Inc.

5.

Le 15 septembre 2000, CTV Inc. (CTV) transmettait au plaignant la réponse de CTV Television Inc. CTV reconnaissait que la publicité de l'émission The Sopranos n'aurait pas dû être diffusée avant 21 h et s'engageait à corriger la situation par les mesures suivantes : [traduction]
 

Le réseau a réservé cette autopublicité pour diffusion après 21 h, reconnue comme l'heure critique pour les auditoires adultes. CTV l'avait insérée dans The West Wing, une émission diffusée à 21 h à peu près partout au Canada. À l'occasion, certains affiliés, dont CKY, choisissent d'inscrire The West Wing plus tôt dans leur grille horaire. CTV a attiré l'attention de ses affiliés sur cette autopublicité et leur a demandé de la supprimer localement. Nous avons recontacté CKY pour insister sur l'importance de ne pas diffuser cette autopublicité avant 21 h.

 
La décision du CCNR

6.

Le CCNR ayant été saisi de la plainte, un comité du CCNR, celui des Prairies, a visionné l'épisode de The West Wing comportant l'autopublicité objet de la plainte. Le comité a étudié la plainte à la lumière des articles 1.1 et 3.2 du code de l'ACR sur la violence. L'article 1.1 déclare que « les télédiffuseurs canadiens ne doivent pas diffuser d'émissions qui renferment des scènes de violence gratuite, sous quelque forme que ce soit ou qui endossent, encouragent ou glorifient la violence ». Le Code précise qu'il entend par violence gratuite « ce qui n'est pas inhérent au déroulement de l'intrigue, à l'évolution des personnages ou au développement du thème de l'émission dans son ensemble ». L'article 3.2 déclare que « le matériel promotionnel de nature violente à l'intention d'auditoires adultes ne doit pas être diffusé avant 21 h ».

7.

Le 20 août 2001, le CCNR a fait connaître sa décision dans CKY-TV re Promos for The Sopranos and City Hall, décision CCNR 00/01-0071. Dans cette décision, le CCNR estime que, malgré la présence de violence implicite dans l'autopublicité de City Hall, il n'y avait pas d'actes violents ou d'éléments de violence proprement dite justifiant de réserver cette publicité pour l'heure critique, après 21 h. Le CCNR en conclut donc que la diffusion d'une autopublicité pour City Hall avant 21 h le 13 septembre 2000 ne constituait pas une infraction à l'article 1.1 non plus qu'à l'article 3.2 du code de l'ACR sur la violence.

8.

Dans l'autopublicité pour The Sopranos, le CCNR a trouvé que la violence était [traduction] « sans équivoque et provocante » et il a conclu que cette publicité devait être diffusée après 21 h compte tenu de la nature et de la forme de la violence véhiculée. Le CCNR a ajouté qu'en diffusant l'autopublicité de The Sopranos avant 21 h le 13 septembre 2000, CKY-TV avait enfreint l'article 3.2 du code de l'ACR sur la violence.

9.

Le CCNR a commenté la définition de « gratuite » dans l'article 1.1 du code de l'ACR sur la violence. De l'avis du CCNR, cette notion de la gratuité est [traduction] « incompatible avec un message de 30 secondes qui ne saurait prétendre, par sa nature même, à développer une intrigue ou des personnages, pas même un thème ». Le CCNR s'est expliqué en ces termes : [traduction]
 

On s'attend à ce qu'une autopublicité ou un message publicitaire soit constitué de brèves séquences qui ne sont pas reliées par une intrigue, mais destinées à vendre une histoire (ou un produit ou un service). Par conséquent, il ne peut pas être question d'infraction en termes de violence gratuite.

10.

Le CCNR déduisait donc du libellé de l'article 1.1 du code de l'ACR sur la violence que l'intention du codificateur n'était pas d'inclure le matériel publicitaire dans son interdiction de diffuser de la violence gratuite. Le CCNR rappelait que dans un dossier antérieur, CTV concernant The Sopranos, décision du CCNR 00/01-0130+, 8 mars 2001, il n'avait relevé aucune violence gratuite dans les épisodes de The Sopranos qu'il avait analysés. Dans le cas présent, le CCNR déclarait que [traduction] « un message de promotion d'une série d'émissions qui a été jugée exempte de violence gratuite ne peut pas être décrit comme contenant de la violence gratuite ». Moyennant quoi, le CCNR a conclu que la diffusion de l'autopublicité pour The Sopranos ne constituait pas une infraction à l'article 1.1 du code de l'ACR sur la violence.
 

Demande faite au Conseil d'examiner la question

11.

Dans sa lettre au Conseil du 14 juillet 2002, le plaignant s'est déclaré insatisfait de la conclusion du CCNR selon laquelle l'interdiction de violence gratuite dans le code de l'ACR sur la violence ne s'applique pas à un message publicitaire. Le plaignant a aussi déploré que les normes de l'industrie, concernant les émissions diffusées après l'heure critique de 21 h, ne couvrent pas la violence gratuite véhiculée par du matériel publicitaire et n'obligent pas à émettre une mise en garde de contenu violent lorsqu'un message publicitaire à contenu violent surgit au beau milieu d'une émission non violente. Selon le plaignant, parce qu'elles ne tiennent pas compte de la violence véhiculée par le matériel publicitaire, les normes de l'industrie sont impuissantes à contrôler le degré de violence qui caractérise une programmation dans sa totalité. Le plaignant a demandé au Conseil d'examiner le matériel publicitaire en question ainsi que le bien-fondé des normes de l'industrie visant à réglementer la violence dans les émissions.

12.

Le Conseil a déclaré, dans l'avis public 1991-90 qu'il transmettrait au CCNR pour fins d'examen et de règlement les plaintes du public portant sur les questions de programmation qui sont du ressort du CCNR. Mais en même temps, le Conseil a souligné que toute partie intéressée pourrait choisir de s'adresser directement au Conseil. Dans le cas présent, le Conseil a décidé qu'il était approprié de procéder à son propre examen des problèmes soulevés dans la plainte originale puis dans la lettre que le plaignant a adressée au Conseil.

13.

Le Conseil a sollicité de la titulaire de CKY-TV des commentaires sur la lettre du plaignant datée du 14 juillet 2002. Le 13 décembre 2002, CTV a déposé un autre mémoire. Le 6 mars 2003, le Conseil a demandé à CTV ses commentaires sur l'utilisation de cotes de violence apparaissant à l'écran, en réponse aux inquiétudes du plaignant relatives aux autopublicités à contenu violent. Plus loin dans cette décision, la section qui traite de la remise en question, par le plaignant, du bien-fondé des normes de l'industrie fait également état des commentaires de CTV.
 

Examen du matériel publicitaire

 
Description du matériel publicitaire

14.

Les deux autopublicités, pour City Hall et pour The Sopranos, ont été diffusées au cours d'un épisode de la série télévisée, The West Wing, qui porte sur la politique américaine, la Maison blanche et le personnel du Président. Le Conseil note que ces autopublicités étaient intégrées à un épisode frappé d'une mise en garde de surveillance parentale.

15.

L'autopublicité de City Hall, diffusée deux fois au cours de cet épisode de The West Wing, ne montrait pas d'acte violent, mais de la violence implicite, notamment avec de brèves images d'un cadavre à demi enfermé dans un pneu qui flottait sur l'eau.
16. L'autopublicité de 30 secondes pour The Sopranos, diffusée quatre fois durant cet épisode précis de The West Wing, contenait de brèves scènes de violence, montrant entre autres un homme qui se fait battre à coups de poings et un autre assassiner à bout portant. Les scènes étaient accompagnées d'une narration hors champ : [traduction] « L'univers de Tony Soprano est violent, drôle, sexy. Sa cour arrière, c'est le New Jersey - attention, il pourrait vous passer dessus! » Le narrateur terminait en précisant que la série est « de la télévision pour adultes, réservée à un public averti ».
 
Analyse du Conseil
17. Selon l'article 5(1) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), le Conseil réglemente et surveille tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en oeuvre la politique canadienne de radiodiffusion; cette politique et bon nombre de ses objectifs sont décrits de façon exhaustive à l'article 3(1) de la Loi. Cet article stipule que le système canadien de radiodiffusion devrait « servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle [et] sociale.du Canada » (article 3(1)d)(i)); « favoriser l'épanouissement de l'expression canadienne en proposant une très large programmation qui traduise des attitudes, des opinions, des idées [et] des valeurs.canadiennes » (article 3(1)d)(ii)); et, par sa programmation, « répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations, des hommes, des femmes et des enfants canadiens » (article 3(1)d)(iii)). De plus, l'article 3(1)g) déclare que « la programmation offerte par les entreprises de radiodiffusion devrait être de haute qualité ».
18. La démarche du Conseil face à la violence à la télévision découle des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion, mentionnés ci-haut, et elle est décrite dans Politique sur la violence dans les émissions de télévision, avis public CRTC 1996-36, 14 mars 1996 (l'avis public 1996-36; la politique sur la violence). Le Conseil a élaboré cette politique à la suite d'une vaste consultation auprès des représentants de tous les secteurs de l'industrie de la radiodiffusion et du public. Presque tous ceux qui ont pris part à ces consultations ont reconnu que la violence à la télévision avait des effets néfastes sur les enfants. En conséquence et ainsi qu'il a été indiqué dans l'avis public 1996-36, le premier objectif du Conseil est de protéger les enfants des effets néfastes de la violence à la télévision tout en préservant la liberté d'expression des créateurs et la liberté de choix des adultes.
19. La démarche du Conseil concernant la violence à la télévision est également inspirée du principe voulant que tous les secteurs du système de radiodiffusion contribuent de façon appropriée à l'atteinte des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion, de manière à protéger les enfants canadiens contre les émissions nocives, quelle que soit leur origine. Dans le cadre de cette démarche, le Conseil s'est assuré de la collaboration de l'industrie de la radiodiffusion afin de mettre au point des codes rigoureux et crédibles sur la violence, y compris le code de l'ACR sur la violence qui, entre autres, fournit aux téléspectateurs les outils leur permettant de faire des choix d'émissions en connaissance de cause pour eux-mêmes et leur famille.
20. Comme il vient d'être dit, l'autopublicité de The Sopranos contenait des scènes de violence tandis que celle de City Hall suggérait une violence implicite. À la suite de son examen de l'autopublicité de City Hall, le Conseil conclut que la diffusion de ce message ne va pas à l'encontre des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion établis dans la Loi. En conséquence, le Conseil s'est concentré sur l'étude de l'autopublicité de The Sopranos.
21. Lors de son examen de l'autopublicité de The Sopranos, le Conseil a tenu compte des préoccupations exprimées par le plaignant, des réponses de CTV et de sa propre analyse du matériel publicitaire. Cet examen a été mené en regard des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion établis dans la Loi, et tout particulièrement des objectifs que reflète la politique du Conseil sur la violence à la télévision publiée dans l'avis public 1996-36. Pour déterminer si la diffusion de l'autopublicité de The Sopranos était conforme aux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncée dans la Loi, mentionnés au paragraphe 17, le Conseil a tenu compte de l'heure de diffusion du matériel publicitaire et a évalué si la violence y était gratuite ou pas.
 
La décision du Conseil concernant l'autopublicité de The Sopranos
22. Après analyse du matériel publicitaire, le Conseil considère que l'autopublicité de The Sopranos diffusée par CKY-TV avant 21 h le 13 septembre 2000 présentait des scènes de violence pour adultes. Selon le Conseil, la diffusion de n'importe quel matériel, y compris le matériel publicitaire, comportant des scènes de violence et destiné à un auditoire d'adultes, avant 21 h, quand les enfants peuvent regarder la télévision, n'est pas conforme à l'objectif de la politique sur la violence visant à protéger les enfants des effets néfastes de la violence à la télévision. En conséquence, le Conseil conclut qu'en diffusant l'autopublicité de The Sopranos le 13 septembre 2000 entre 20 h et 21 h, alors que les enfants risquent de regarder la télévision, CKY-TV ne s'est pas conformé aux objectifs de la politique canadienne sur la radiodiffusion, mentionnés ci-haut au paragraphe 17, y compris les objectifs précisant que la programmation doit servir les intérêts des enfants, refléter les valeurs canadiennes et être de haute qualité. Parallèlement, le Conseil constate qu'en réponse à la plainte initiale, CTV a reconnu que l'autopublicité pour The Sopranos n'aurait pas dû être diffusée avant 21 h et a pris des mesures pour s'assurer que ses affiliées diffusent ce message après 21 h.
23. En examinant le contenu de l'autopublicité pour The Sopranos, plutôt que son heure de diffusion, le Conseil ne considère pas que son contenu allait à l'encontre des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion établie dans la Loi. Selon le Conseil, la violence ne constituait pas l'élément principal de l'autopublicité de The Sopranos, qui apportait des informations sur le contexte de la série.Ce message développe plusieurs aspects du personnage principal, Tony Soprano, notamment qu'il est [traduction] « violent » « drôle » et « sexy », et il rend compte de la complexité de ce personnage ainsi que de l'intrigue avec des scènes illustrant d'autres aspects que la violence, dont son côté humoristique et sexy. En conséquence, le Conseil considère que l'autopublicité de The Sopranos ne comportait pas de scènes de violence gratuite, pas plus qu'elle n'endossait, encourageait ou glorifiait la violence.

24.

Le Conseil tient à préciser que les conclusions exposées dans la présente décision concernant les deux autopublicités s'appliquent seulement aux émissions spécifiques dont il est question. Selon le Conseil, une autopublicité doit être jugée sur son propre mérite, indépendamment de l'émission ou de la série de télévision dont elle fait la promotion. En outre, le Conseil considère que tout jugement sur de telles questions doit se faire cas par le cas, à la lumière du dossier présenté. Le Conseil ne peut donc pas déclarer exempt de violence le contenu de toutes les autopublicités d'une émission donnée ou de toute une série, y compris des épisodes non encore diffusés, en se basant uniquement sur les autopublicités ou épisodes diffusés à ce jour. En conséquence, la décision du Conseil selon laquelle cette autopublicité pour The Sopranos ne comportait pas de scènes de violence gratuite, et qu'elle n'endossait, ni encourageait ou glorifiait la violence, ne s'applique qu'à cette autopublicité particulière.
 

Examen du bien-fondé des normes de l'industrie

25.

Le Conseil s'est également penché sur les arguments du plaignant qui met en doute l'efficacité des normes de l'industrie pour réglementer la violence véhiculée par le matériel publicitaire ainsi que la pertinence de ces arguments par rapport aux messages publicitaires faisant l'objet de la plainte. Le plaignant a allégué que les normes de l'industrie s'avéraient inefficaces pour régler les situations suivantes :
 

· réglementer la violence gratuite dans les messages publicitaires;

 

· émettre des mises en garde pour public averti avant la diffusion de messages publicitaires comportant des scènes de violence au cours d'une émission non violente;

 

· contrôler le degré de violence qui caractérise une programmation dans sa totalité, en ne tenant pas compte de la violence véhiculée par les messages publicitaires.

 
Réglementation de la violence gratuite dans les messages publicitaires
 
Réponse de CTV

26.

En réponse au plaignant qui affirme que les normes de l'industrie s'avèrent inefficaces pour réglementer la violence gratuite dans les messages publicitaires, CTV a déclaré que les autopublicités qu'elle produit ont pour but de donner au téléspectateur une bonne idée de l'émission dont elles font la promotion. CTV se défend bien de [traduction] « fabriquer une annonce avec des scènes de violence gratuite, pour faire la promotion d'une émission qui ne comporte pas de scènes de violence gratuite ».
 
Analyse et décision du Conseil

27.

Le Conseil note que dans le Règlement de 1987 sur la télédiffusion (le Règlement sur la télédiffusion), la programmation est définie comme étant « tout ce qui est diffusé, à l'exception des images, muettes ou non, consistant essentiellement en des lettres ou des chiffres ». Par conséquent, selon le Règlement sur la télédiffusion, le matériel publicitaire n'est pas exclu de la définition de la programmation.

28.

Le Conseil estime contraire aux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncée dans la Loi la diffusion de toute émission, y compris le matériel publicitaire, contenant de la violence gratuite. Pour en arriver à une conclusion de violence gratuite, il faut que cette violence ne soit pas inhérente au déroulement de l'intrigue, à l'évolution des personnages ou au développement du thème de l'ensemble de l'émission. Le Conseil reconnaît que, même si la plupart des messages publicitaires télévisés ne contribuent pas vraiment à la création d'une intrigue, des personnages ou de thèmes forts, la plupart du temps ils racontent une histoire, peu importe la durée du message publicitaire.
 
Mises en garde pour public averti avant la diffusion de matériel publicitaire contenant de la violence
 
Réponse de CTV

29.

En réponse à l'argument du plaignant déplorant le fait qu'on n'émette pas de mise en garde pour public averti avant de diffuser du matériel publicitaire comportant des scènes de violence, CTV a affirmé qu'une telle mesure serait impraticable du fait qu'un message publicitaire tel une autopublicité ne dure généralement que 30 secondes. Aux dires de CTV, même si on insérait une mise en garde avant de diffuser le message, le téléspectateur n'aurait pas le temps de se soustraire à ce message.

30.

CTV a de plus affirmé qu'à cause de la courte durée des messages publicitaires, y compris des autopublicités, afficher leur cote de violence à l'écran ne serait pas efficace. CTV a ajouté que, selon les normes actuelles de l'industrie, le matériel publicitaire n'est ni codé ni classé séparément, et que par conséquent le codage des autopublicités devrait se faire manuellement, ce qui imposerait un fardeau additionnel important aux radiodiffuseurs si l'on tient compte qu'il peut y avoir jusqu'à 24 messages publicitaires ou promotionnels au cours d'une heure.

31.

CTV a néanmoins confirmé qu'elle s'efforce de veiller à ce que tous les messages publicitaires, incluant les autopublicités, soient diffusés pendant une émission ayant une cote équivalente ou plus élevée.
 
Analyse et décision du Conseil

32.

Dans sa démarche relative à la violence à la télévision, le Conseil a surtout voulu donner aux téléspectateurs les outils leur permettant de faire des choix d'émissions en connaissance de cause pour eux-mêmes et leur famille. Deux outils servent à avertir les téléspectateurs du contenu violent d'une programmation : les mises en garde pour public averti et le système de classification par le biais de la puce antiviolence1. Dans les sections qui suivent, le Conseil examine la pertinence de ces deux outils pour le matériel publicitaire, incluant les autopublicités.
 
a) Mises en garde pour public averti

33.

Le Conseil croit que, pour être efficace, la mise en garde doit être affichée à l'écran de manière que le téléspectateur ait le temps de la lire et de la comprendre. Le Conseil est conscient que la plupart des messages publicitaires, y compris les autopublicités, ne durent que 30 secondes. Compte tenu du court laps de temps, le Conseil est d'avis qu'il serait impraticable, pour un diffuseur, d'émettre une mise en garde avant de diffuser un message publicitaire, ou d'en diffuser plus d'un. Cela dit, le Conseil note que l'autopublicité de The Sopranos se terminait sur une mise en garde précisant que cette émission est « de la télévision pour adultes, réservée à un public averti ».
 
b) Système de classification

34.

Dans l'avis public 1996-36, le Conseil a énoncé ses attentes à l'égard de l'industrie de la radiodiffusion concernant la mise en oeuvre d'un système de classification des émissions de télévision qui soit à la fois efficace et convivial, et qui permette le contrôle parental par le biais d'une puce antiviolence, grâce au codage des émissions. Selon ce système, chaque émission serait classée selon son niveau de violence. Cette classification serait encodée dans l'émission et accessible aux téléspectateurs par le biais de la puce antiviolence qui leur permet de bloquer la réception d'une émission d'après son niveau de violence.

35.

Le Conseil s'attendait tout particulièrement à ce que le système de classification soit appliqué aux messages publicitaires, y compris aux autopublicités. L'avis public 1996-36 précisait à ce sujet :
 

Le Conseil s'attend que les classifications soient appliquées, à tout le moins, aux émissions pour enfants (soit les émissions destinées aux enfants de moins de 12 ans), aux dramatiques, aux « émissions de télévérité » (émissions dramatiques présentant des faits et des personnages réels), aux longs métrages, aux promotions portant sur l'une quelconque de ces émissions ainsi qu'aux messages annonçant la sortie des films en salle.

36.

Par la suite, dans Système de classification de la violence dans les émissions de télévision, avis public CRTC 1997-80, 18 juin 1997 (l'avis public 1997-80), le Conseil a approuvé un système de classification mis au point par le Groupe d'action sur la violence à la télévision (le GAVT) représentant l'ensemble de l'industrie de la radiodiffusion. Dans cet avis public, le Conseil prend acte que le GAVT a fait savoir, en guise de mise en garde, qu'il fallait résoudre un certain nombre de questions avant qu'il soit possible d'encoder les signaux et de mettre en oeuvre intégralement la puce antiviolence et qu'il était encore impossible, par exemple, d'assurer pour l'instant la transmission fiable des données d'encodage pour le matériel de promotion et la publicité sur les films. Le Conseil a accepté l'engagement du GAVT selon lequel les télédiffuseurs canadiens présenteraient à l'écran la classification des émissions avant l'automne 1997 et il s'attendait que la mise en oeuvre de l'encodage et du déploiement des dispositifs à puce antiviolence ait lieu aussitôt que cela serait réalisable. En dépit des difficultés que le GAVT disait éprouver à coder le matériel promotionnel, le Conseil ne prévoyait pas d'exception pour ce type de matériel dans ses attentes portant sur la classification. Le système de classification du GAVT est maintenant totalement fonctionnel.

37.

Pour réaliser les objectifs de la Loi et en particulier ceux invoqués dans la politique sur la violence exposée dans l'avis public 1996-36, le Conseil s'attend à ce que les radiodiffuseurs encodent les émissions pour enfants, les dramatiques, les émissions de télévérité, les longs métrages, les promotions portant sur l'une quelconque de ces émissions ainsi que les messages annonçant la sortie des films en salle. Étant donné la brève durée des autopublicités et des messages annonçant la sortie des films en salle, conformément à son approche concernant les mises en garde aux téléspectateurs pour le matériel publicitaire comme susmentionné, le Conseil considère que l'utilisation de cotes de violence à l'écran ne serait pas un outil efficace pour informer les téléspectateurs du niveau de violence des autopublicités et de la publicité pour les films en salle. En même temps, le Conseil considère que le codage de matériel promotionnel et de la publicité pour les films en salle selon le système de classification, tel qu'envisagé dans l'avis public 1996-36, est un outil efficace pour permettre aux utilisateurs de la puce anti-violence de bloquer toute la programmation indésirable.

38.

À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que les autopublicités de The Sopranos et de City Hall auraient dû porter un code de classification approprié.
 
Réglementation du degré de violence qui caractérise une émission dans sa totalité

39.

Répliquant à l'argument du plaignant selon lequel les normes de l'industrie ne peuvent contrôler la violence à l'écran au cours d'une émission parce qu'elles ne tiennent pas compte de la violence véhiculée par le matériel publicitaire, CTV a soutenu qu'il [traduction] « était impossible d'établir et d'imposer une mesure permettant de faire le bilan des scènes de violence au cours d'une heure donnée et de l'évaluer par rapport à une norme ». CTV a fait valoir que pour être efficace, un code doit être [traduction] « universellement compris, mesuré et applicable en vertu de critères objectifs », et qu'on retrouve toutes ces caractéristiques dans le code de l'ACR sur la violence. Enfin CTV a rappelé que les articles 3.2 et 3.3 du Code mentionnent de façon spécifique que le matériel publicitaire et promotionnel comportant des scènes de violence à l'intention d'auditoires adultes ne doit pas être diffusé avant 21 h.

40.

De l'avis du Conseil, il est plus efficace et plus pratique de régir la diffusion de contenu violent selon des critères qualitatifs, telles que l'intensité et la nature de la violence représentée, plutôt que quantitatifs. Cette approche, y compris les dispositions concernant les heures de diffusion, est celle que recommande le Conseil dans l'avis public 1996-36 où il expose sa politique à l'égard de la violence.
 

Conclusions du Conseil concernant le bien-fondé des normes de l'industrie

41.

Le Conseil reconnaît que la poursuite de son objectif de protéger les enfants contre les effets nocifs de la violence à la télévision, tout en préservant la liberté d'expression des créateurs ainsi que le choix des téléspectateurs adultes, présente des difficultés et exige de bien équilibrer les lignes directrices à l'intention des télédiffuseurs et les outils à l'usage des téléspectateurs. Le Conseil estime que les lignes directrices et les exigences énoncées dans l'avis public 1996-36 et dans le code de l'ACR sur la violence fournissent les balises voulues aux télédiffuseurs pour voir à ce que leur programmation respecte les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion établis dans la Loi. De plus, le Conseil est convaincu que les outils en place permettent de contrôler efficacement la violence dans la programmation, notamment les dispositions à l'égard des heures de diffusion, les interdictions de violence gratuite prévues par le code de l'ACR sur la violence et le système de classification mis au point par le GAVT puis approuvé par le Conseil dans l'avis public 1997-80. À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que les normes actuelles de l'industrie sont suffisantes et adéquates pour que les télédiffuseurs puissent régler efficacement le problème de la violence dans leur programmation, y compris le matériel publicitaire. 
  Secrétaire général
  La présente décision devra être annexée à la licence. Elle est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consultée sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca 
  Note de bas de page:
1La puce antiviolence est une technique de filtrage électronique qui permet de sélectionner un niveau de violence jugé approprié et de s'assurer qu'une programmation qui dépasse ce niveau n'apparaîtra pas sur l'écran de télévision. 

Mise à jour : 2004-07-27

Date de modification :