ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2004-196

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Décision de radiodiffusion CRTC 2004-196

 

Voir aussi:2004-196-1

Ottawa, le 4 juin 2004

  Corus Radio Company
Vancouver (Colombie-Britannique)
 

Plainte au sujet de la diffusion sur les ondes de la station
de radio CHMJ Vancouver d'une émission de
The Tom Leykis Show

  Dans la présente décision, le Conseil examine la plainte d'une auditrice à l'égard du contenu d'un message promotionnel et d'identification d'émission diffusé sur les ondes de CHMJ Vancouver le 1er novembre 2002 au cours de The Tom Leykis Show, émission de radio souscrite en provenance des États-Unis. Lors de son examen de la plainte, le Conseil a notamment pris connaissance du ruban-témoin de toute l'émission en cause. Après analyse, le Conseil conclut qu'en diffusant cette émission, Corus Radio Company, la titulaire de CHMJ, a contrevenu au Règlement de 1986 sur la radio, qui interdit la diffusion de propos offensants, et n'a pas respecté certains des objectifs prévus dans la Loi sur la radiodiffusion, dont le critère de haute qualité.
 

Introduction

 

La plainte

1. Le 21 novembre 2002, le Conseil a reçu une plainte au sujet du contenu d'un segment de la tribune téléphonique appelée The Tom Leykis Show (l'émission) diffusée sur les ondes de CHMJ Vancouver le 1er novembre 2002. La titulaire de CHMJ est Corus Radio Company (Corus), indirectement détenue et contrôlée par Corus Entertainment Inc. La titulaire a surnommé CHMJ Mojo Radio Vancouver.
2. La plaignante a informé le Conseil que, juste avant 17 h, elle avait entendu pendant la tribune téléphonique un interlocuteur de sexe masculin décrire [ traduction] « comment il avait violé par voie anale sa petite amie alors qu'elle était inconsciente. Il a poursuivi en déclarant aux auditeurs qu'il avait également pris des photos de cette scène ». La plaignante a aussi déclaré que l'animateur [ traduction] « avait l'air de croire que c'était très amusant et a fait des commentaires selon lesquels l'interlocuteur avait dû aimer faire cela ».
3. La plaignante a décrit ses préoccupations de la façon suivante : [ traduction]
 

Je ne m'offusque pas facilement, mais cela est probablement la chose la plus choquante que j'aie jamais entendue à la radio. Je ne vois rien de drôle dans le viol d'une personne. L'interlocuteur de sexe masculin a décrit un acte criminel et il est totalement inapproprié de diffuser une telle chose à la radio. Je voudrais savoir comment on peut autoriser la diffusion au public canadien d'un tel type de « divertissement ».

 

La réponse du Conseil

4. Bien que la titulaire soit membre du Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR), le Conseil n'a pas renvoyé la plainte à cet organisme. Il a plutôt choisi d'examiner directement la question en raison de l'illégalité possible de la diffusion décrite dans la plainte. Par conséquent, en vertu de l'article 8(6) du Règlement de 1986 sur la radio (le Règlement), le Conseil a, dans une lettre du 27 novembre 2002, exigé que la titulaire de CHMJ réponde à la plainte et fournisse le ruban-témoin des quatre heures de l'émission.
5. La titulaire a fourni le ruban-témoin à la faveur d'une lettre du 17 décembre 2002. L'écoute de cette bande a révélé au personnel du Conseil que le segment d'émission faisant l'objet de la plainte était un message promotionnel et d'identification de l'émission The Tom Leykis Show. Le ruban-témoin comprenait quatre autres segments d'émission que le personnel du Conseil a jugés offensants et méprisants envers les femmes. Chacun de ces segments comprenait des échanges entre l'animateur de l'émission et des interlocuteurs. Tous ces incidents se sont produits lors de la diffusion du 1er novembre 2002 des quatre heures de l'émission The Tom Leykis Show. Dans une lettre du 31 mars 2003, le Conseil a exigé que la titulaire s'explique au sujet du contenu des quatre segments d'émission additionnels.
6. On trouve la transcription du message promotionnel et d'identification de l'émission faisant l'objet de la plainte à la section a) de l'annexe à la présente décision. La transcription des passages pertinents des quatre segments d'émission additionnels se trouve aux sections b) à e) de l'annexe.
 

La réponse de Corus

7. Dans sa lettre du 17 décembre 2002, Corus a reconnu qu'elle n'aurait pas dû diffuser le message promotionnel et d'identification faisant l'objet de la plainte. La titulaire a précisé dans sa lettre les différentes mesures en place à cette époque, [ traduction] « selon l'usage couramment pratiqué », afin de repérer et supprimer ce type de contenu inapproprié de l'émission The Tom Leykis Show. Parmi ces mesures figuraient les directives de l'ensemble de la société contre la discrimination à la radio et l'élaboration de politiques et de directives de programmation s'appliquant à divers types et formules d'émissions. Ces mesures comprenaient aussi l'utilisation d'un système numérique de décalage dans le temps et l'affectation d'un éditeur à plein temps pour surveiller et éditer l'émission; de plus, la direction de la station a donné au personnel chargé de l'édition une formation sur les politiques et les exigences relatives à la programmation. La titulaire a expliqué que malgré ces mesures, le segment en cause n'a pas été détecté et supprimé : [ traduction] « L'éditeur a concentré son attention sur les passages en direct de l'émission et a malencontreusement raté les propos offensants qui faisaient partie d'un message d'identification préenregistré; il a cru, à tort, que l'émission ferait une pause publicitaire ».
8. La titulaire a ajouté qu'à la suite de la plainte, elle a tenu de nombreuses réunions avec le personnel affecté à la programmation afin de réitérer la nécessité de faire preuve d'une plus grande vigilance. Elle a aussi annoncé l'affectation d'un membre chevronné du service de la programmation à la surveillance de l'émission en cause et à la vérification du respect des normes et exigences de radiodiffusion. De plus, a-t-elle ajouté, plusieurs segments exempts de propos offensants ont été rendus accessibles afin de remplacer la programmation potentiellement offensante.
9. Le 16 avril 2003, la titulaire a répondu à la lettre du Conseil datée du 31 mars 2003. Dans sa réponse, elle a déclaré qu'elle n'aurait pas dû diffuser les quatre segments d'émission additionnels identifiés par le Conseil. La titulaire a fait valoir qu'à la suite de la plainte et afin [ traduction] « d'exercer un meilleur contrôle » de l'émission, elle avait ajouté, aux mesures décrites ci-dessus, d'autres mesures comprenant la tenue régulière de séances de formation sur la définition d'un contenu acceptable et sur le respect des exigences, la revue des exigences réglementaires lors des réunions de programmation hebdomadaires et l'imposition de rapports quotidiens sur le travail d'édition relatif à l'émission The Tom Leykis Show.
10. En juin 2003, CHMJ a retiré The Tom Leykis Show des ondes.
 

L'analyse du Conseil

11.

The Tom Leykis Show, une tribune téléphonique qui provenait de Los Angeles, en Californie, était diffusée par CHML les jours de semaine de 15 h à 19 h, jusqu'à ce que la titulaire retire l'émission de sa programmation en juin 2003. L'émission commençait généralement par un éditorial de l'animateur Tom Leykis, qui portait soit sur un événement de l'actualité, soit sur un aspect des rencontres et des relations entre hommes et femmes. Cette introduction était suivie d'une tribune téléphonique où les interlocuteurs exposaient leur point de vue sur le sujet du jour ou demandaient des conseils sur les relations entre hommes et femmes. Le Conseil fonde son analyse sur l'émission The Tom Leykis Show diffusée sur les ondes de CHMJ Vancouver le 1er novembre 2002 entre 15 h et 19 h (heure normale du Pacifique).

12.

Selon l'article 5(1) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), le Conseil réglemente et surveille tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en oeuvre la politique canadienne de radiodiffusion; cette politique et bon nombre de ses objectifs sont décrits de façon exhaustive à l'article 3(1) de la Loi. Cet article stipule que le système canadien de radiodiffusion devrait « servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle [et] sociale.du Canada » (l'article 3(1)d)(i)); « favoriser l'épanouissement de l'expression canadienne en proposant une très large programmation qui traduise des attitudes, des opinions, des idées [et] des valeurs.canadiennes » (l'article 3(1)d)(ii)); et, par sa programmation, « répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations, des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l'égalité sur le plan des droits » (l'article 3(1)(d)(iii)). De plus, l'article 3(1)g) déclare que « la programmation offerte par les entreprises de radiodiffusion devrait être de haute qualité ».

13.

L'article 3b) du Règlement donne effet à ces dispositions de la Loi en précisant qu'il est interdit au titulaire de diffuser :
 

.des propos offensants qui, pris dans leur contexte, risquent d'exposer une personne ou un groupe ou une classe de personnes à la haine ou au mépris pour des motifs fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge ou la déficience physique ou mentale.

14.

Lors de son examen, le Conseil a tenu compte des préoccupations de la plaignante, des réponses de la titulaire ainsi que de sa propre analyse de l'émission. Cet examen a été fait à la lumière de l'interdiction faite aux radiodiffuseurs de diffuser des propos offensants, prévue à l'article 3b) du Règlement, et des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncés dans la Loi, y compris du critère de haute qualité, prévu à l'article 3(1)g) de la Loi.
 

Propos offensant

15.

Le but du Règlement sur les propos offensants est de prévenir les préjudices très réels que de tels propos peuvent causer, préjudices qui sont contraires aux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion. Les propos qui risquent d'exposer un groupe à la haine ou au mépris causent des préjudices émotionnels pouvant occasionner de graves problèmes d'ordre psychologique et social aux membres du groupe visé. La dérision, l'hostilité et la violence encouragées par ces propos peuvent avoir, pour les membres de ce groupe, un impact très négatif sur l'estime de soi, la dignité humaine et leur acceptation par la société. Ce préjudice mine l'égalité de droits de ceux qui sont visés, droits que la programmation du système canadien de radiodiffusion devrait respecter et refléter, conformément à la politique canadienne de radiodiffusion. En plus d'éviter le préjudice aux personnes visées par de tels propos, le Règlement interdisant les propos offensants doit garantir à tous les Canadiens le reflet et le respect des attitudes et des valeurs canadiennes. La diffusion de propos incitant à la haine ou au mépris mine également la structure culturelle et sociale du Canada, que le système canadien de radiodiffusion doit sauvegarder, enrichir et renforcer.

L'exposition d'un groupe identifiable à la haine ou au mépris
16. Le Conseil estime que le message promotionnel et d'identification de l'émission à l'origine de la plainte est offensant envers les femmes, pour les motifs exposés ci-dessous.
17. Le contenu de ce segment d'émission va au-delà de la simple offense ou de l'exploitation. Le sarcasme évident dans les propos tant de l'interlocuteur que de l'animateur, ainsi que la façon dont ils les expriment, encouragent les auditeurs à participer à une émission dont la philosophie de base est apparemment que la violence sexuelle peut être acceptable et justifiée. De plus, le Conseil estime que le contexte des échanges entre ces deux personnes ne permettait nullement de justifier leur diffusion. En plus, cet échange de commentaires et leur utilisation en vue de promouvoir l'émission transmettent aux auditeurs une invitation à participer à la tribune téléphonique de The Tom Leykis Show pour y raconter fièrement leurs agressions envers des femmes, et laissent entrevoir que ce type d'appel caractérise ce qu'on entend généralement au cours de cette émission.
18. Selon le Conseil, le message promotionnel et d'identification de l'émission, en raison de son contenu et de son contexte même (soit son utilisation comme outil promotionnel), admet la violence sexuelle envers les femmes. Le Conseil estime que toute forme de violence envers les femmes, particulièrement la violence sexuelle, est une expression de haine et de mépris et que la titulaire, en diffusant la conversation enregistrée qui fait partie du message promotionnel, risquait d'exposer les femmes à la haine et au mépris.
19. Le Conseil estime que les segments d'émission additionnels mentionnés ci-dessus contiennent également, en raison du contexte, des propos qui risquent d'exposer les femmes à la haine et au mépris, au sens de l'article 3b) du Règlement. Par exemple, il estime que le segment d'émission b) est particulièrement méprisant et offensant envers les femmes, parce que le dénigrement vise clairement toutes les femmes, par l'association de son langage imagé empreint de violence, y compris de violence sexuelle, et de l'idée exprimée qu'apparemment, la manipulation psychologique des femmes à des fins sexuelles est bien méritée.
20. Le segment d'émission d) va aussi à l'encontre de l'article 3b) du Règlement; en effet, il risque d'exposer les femmes au mépris parce qu'il encourage de façon évidente les enfants à les mépriser et à les offenser. Le segment décrit toutes les femmes comme des « salopes » indignes de confiance qui ne méritent que d'être maltraitées par les hommes. Ce conseil est présenté comme une leçon de vie indispensable à tous les jeunes hommes qui s'apprêtent à entreprendre leurs premières fréquentations. On ne précise pas en quoi consistent les mauvais traitements, mais il est évident que les hommes auraient carte blanche pour maltraiter les femmes, à tout le moins sur les plans émotionnel et psychologique, et ce, tout naturellement.
21. Par conséquent, pour toutes ces raisons, le Conseil conclut que la diffusion en cause a contrevenu à l'article 3b) du Règlement, parce qu'elle contient des propos offensants qui risquent d'exposer les femmes au mépris.
 

Le critère de haute qualité et autres objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion

22. En plus de vérifier si la diffusion de The Tom Leykis Show a contrevu à la disposition du Règlement relative aux propos offensants, le Conseil a vérifié si la diffusion était contraire à l'objectif de l'article 3(1)(g) de la Loi selon lequel la programmation offerte par les entreprises de radiodiffusion devrait être de haute qualité, ou contraire aux autres objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion de la Loi, notés au paragraphe 12 ci-haut. Le Conseil a effectué son examen en regard du contexte général de l'émission. L'analyse qui suit se concentre sur les trois questions soulevées par les segments d'émission en cause, soit si ceux-ci apparaissent comme des cas d'acquiescement ou d'encouragement à la violence envers les femmes, s'ils ont pour but l'exploitation et le dénigrement des femmes, et si leur contenu est sexuellement explicite.1 Ces trois questions sont examinées ci-après.
 
Approbation et encouragement de la violence envers les femmes

23.

Le segment d'émission a) à l'origine de la plainte, tant par son contenu que par son ton sarcastique, est en fait le récit d'un auditeur qui se glorifie d'avoir eu des relations sexuelles avec une personne sans son consentement. L'interlocuteur se vante d'avoir, selon toute apparence, imposé une relation à sa petite amie qui, alors inconsciente, était incapable de réagir soit pour consentir à l'acte sexuel, soit pour s'y opposer.

24.

De l'avis du Conseil, le ton sarcastique de l'animateur amenait tout auditeur raisonnable à croire qu'il ne condamnait pas la conduite de l'interlocuteur, mais bien au contraire l'admettait. De plus, tel que mentionné précédemment, le Conseil est d'avis que le contexte des échanges entres ces deux personnes ne permettait nullement de justifier leur diffusion. Par exemple, il est clair que le segment d'émission ne faisait pas partie d'une discussion sur les relations sexuelles sans consentement, ni qu'il était présenté comme faisant partie d'une interprétation dramatique ou d'un événement fictif. Au contraire, le segment semble avoir été choisi dans le seul but d'identifier et de promouvoir l'émission et d'inciter les auditeurs à faire des appels similaires, c'est-à-dire de nature offensante et choquante.

25.

En choisissant tout particulièrement l'extrait de cette conversation afin de promouvoir l'émission The Tom Leykis Show, la titulaire a en effet transmis le message que l'émission offrait volontiers une tribune aux auditeurs désireux de vanter des conduites sexuelles inacceptables, y compris des agressions contre les femmes. Par conséquent, on pourrait conclure que le radiodiffuseur, en utilisant la discussion enregistrée afin de promouvoir l'émission, admet un comportement sexuel violent envers les femmes.

26.

Compte tenu que Corus n'a fourni aucune raison ou explication additionnelle sur le contexte du segment, et que la titulaire a admis sans hésitation que le segment offensant n'aurait jamais dû être diffusé, il est raisonnable de conclure qu'il n'existait aucun contexte pouvant justifier sa diffusion. Le segment d'émission s'inscrit donc clairement comme un acquiescement et un encouragement à la violence envers les femmes.
27. D'autres segments de l'émission en cause apparaissent aussi comme des cas d'acquiescement ou d'encouragement à la violence envers les femmes. Par exemple, le segment d'émission c) déprécie et banalise la question de l'avortement de manière à laisser entendre que celui-ci est le châtiment mérité de la promiscuité. Le fait que l'interlocuteur ait apparemment réussi à convaincre son amie de subir un avortement suscite l'enthousiasme de l'animateur qui dit que l'interlocuteur devrait être admis dans un « temple de la renommée », au sens figuré. On entend des propos violents et dégradants pendant tout le segment, y compris l'affirmation de l'animateur selon qui l'interlocuteur [ traduction] a « épinglé la salope pour nous tous ». Ces commentaires de l'animateur visent clairement à tenter de justifier cette conduite.
28. Le segment d'émission b), et en particulier les propos suivants, évoquent également des images dégradantes des femmes et l'utilisation de violence envers elles : [ traduction]
 

Tu veux la sauter autant de fois que c'est possible; tu veux la sauter encore et t'en servir comme appât pour attirer d'autres poulettes en chaleur. Après avoir réussi à en accrocher une, tu t'en débarrasses vite fait.

29. Le Conseil conclut que, par l'utilisation régulière et répétée de ces images et d'autres semblables, l'émission approuve et encourage la violence envers les femmes.
 
L'exploitation des femmes
30. Du point de vue du Conseil, non seulement l'émission est-elle empreinte de violence dans les images et dans le ton, mais elle présente aussi de façon régulière des généralisations dégradantes à l'égard des femmes. Par exemple, dans les segments d'émission b) et d), toutes les femmes sont considérées comme des « salopes » qui doivent être maîtrisées par manipulation soit psychologique ou physique.
31. Le segment d'émission e) comporte aussi des généralisations dégradantes à l'égard des femmes, y compris des propos évoquant leur exploitation et présentant leur corps de manière grossière et avilissante. Par exemple, l'animateur demande aux auditrices d'envoyer des photos d'elles-mêmes nues ou presque nues afin que le personnel de l'émission puisse les commenter et relever leurs défauts. Cela, ajouté aux commentaires de l'animateur, implique que le corps des femmes tend à être déformé, laid, comparable à de la viande et ayant besoin d'être remodelé, possiblement au moyen de la chirurgie.
32. Voici d'autres exemples de propos dégradants et évoquant l'exploitation des femmes :
 
  • dans le segment d'émission b), la référence à l'exploitation des femmes qui sont des « appât [ s] pour attirer d'autres poulettes »;
 
  • l'utilisation, aussi dans le segment d'émission b), d'expressions comme « sauter » (un terme vulgaire et empreint de violence pour désigner l'acte sexuel), et « tu t'en débarrasses vite fait » (comme si la femme était un objet jetable);
 
  • les propos « tu as épinglé la salope pour nous tous » dans le segment d'émission c), et « les femmes sont des salopes » ainsi que « pour avoir une femme, tu dois être un dégueulasse », dans le segment d'émission d).
33. Le Conseil est d'avis que les propos dégradants et répétés à l'égard des femmes, entendus au cours de l'émission The Tom Leykis Show du 1er novembre 2002, avaient pour but l'exploitation et le dénigrement des femmes.
 
Émission sexuellement explicite
34. The Tom Leykis Show, une tribune téléphonique axée sur les femmes et le sexe, est une émission intentionnellement provocante. Il faut donc s'attendre à y entendre des références et des discussions à caractère sexuel, sous forme d'allusions ou dans un style plus direct. Cependant, on peut commencer à s'inquiéter lorsque ces références et ces discussions sont de nature sexuellement explicite.
35. Le Conseil a déjà rendu des décisions sur le fait qu'il est inapproprié de diffuser un contenu sexuellement explicite à la radio pendant la journée. Dans une lettre du 31 janvier 1995 adressée à Radio Carleton inc., titulaire de CKCU-FM, le Conseil a conclu que la station avait contrevenu à l'article de la Loi relatif à la haute qualité en diffusant une chanson intitulée You Suck. Les paroles sexuellement explicites de la chanson décrivaient de façon détaillée un acte de cunnilingus. Même si la station avait diffusé des avertissements relatifs au contenu, le Conseil a conclu que la diffusion de cette chanson était inappropriée car elle avait été diffusée pendant la journée, soit entre 6 h et 21 h.2
36. Dans le cas de The Tom Leykis Show, le Conseil note qu'un avertissement standard a été diffusé en moyenne quatre fois l'heure au cours de chaque heure de l'émission du 1er novembre 2002. L'avertissement était le suivant : [ traduction]
 

TheTom Leykis Show sur Mojo Radio peut avoir un contenu réservé aux adultes et l'émission s'adresse exclusivement à un auditoire adulte. Comportez-vous en auditeur responsable.

37. En plus des avertissements réguliers, à environ 16 h 15, l'animateur a avisé les auditeurs de moins de 18 ans qu'ils ne pouvaient pas participer à la tribune téléphonique. Le Conseil note que, malgré cet avis, la titulaire a diffusé une discussion avec Colin, un interlocuteur âgé de 12 ans selon le segment d'émission d).
38. Le Conseil estime que le segment d'émission faisant l'objet de la plainte décrivait un acte sexuel de façon explicite. Comme on l'a mentionné ci-dessus, aucun contexte ne justifiait ce caractère explicite. Le Conseil conclut que la diffusion pendant la journée de la description d'une relation sexuelle par voie anale est inappropriée, surtout compte tenu des conclusions ci-dessus mentionnées et relatives au caractère dégradant et violent de l'ensemble de la diffusion. En outre, le Conseil est d'avis que les différents avis n'autorisent pas la diffusion de tels propos pendant la journée, surtout dans ce cas où les segments offensants ont été diffusés entre 15 h 45 et 17 h 45.
 
Conclusions relatives à la haute qualité et autres objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion
39. En se fondant sur l'analyse décrite ci-dessus, le Conseil conclut que la diffusion en cause est contraire aux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion. Le Conseil estime que contrairement aux objectifs établis à l'article 3(1)g) de la Loi, l'émission ne répond pas aux normes de haute qualité en ce qu'elle comporte des propos explicites sur des questions et des situations à caractère sexuel ainsi que des propos dégradants et conduisant à l'exploitation des femmes. De plus, l'émission approuve et encourage la violence envers les femmes. Pour toutes ces raisons, le Conseil juge que la diffusion de cette émission ne reflète ni ne respecte les attitudes et les valeurs des Canadiens, notamment l'égalité des femmes sur le plan des droits, contrairement aux articles 3(1)d)(i), (ii) et (iii) de la Loi. Le fait qu'une titulaire diffuse ce type d'émission pendant la journée, à des heures où l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que des enfants soient à l'écoute, est encore plus inacceptable.
 

La conclusion du Conseil

40. Selon le Conseil, en diffusant les segments d'émission tirés de The Tom Leykis Show du 1er novembre 2002 qui ont fait l'objet d'une discussion ci-dessus, la titulaire a contrevenu à l'interdiction de diffuser des propos offensants, prévue à l'article 3(6) du Règlement de 1986 sur la radio. Le Conseil juge également que la titulaire a dérogé à plusieurs des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion établis par la Loi sur la radiodiffusion, y compris celui relatif à la haute qualité des émissions. En même temps, le Conseil note qu'en réponse à la plainte à l'origine de la présente instance, la titulaire a agi, d'abord en mettant en place des mesures plus efficaces afin de détecter et de supprimer de l'émission les passages offensants, puis finalement en cessant simplement de diffuser l'émission.
41. Le Conseil note que la licence de CHMJ Vancouver expire le 31 août 2005. La titulaire devra donc déposer, en même temps que sa demande de renouvellement de licence, un rapport sur les mesures et mécanismes qu'elle utilise afin de s'assurer que le contenu de la programmation diffusée par CHMJ Vancouver respecte en tout temps la Loi et le Règlement, ainsi que sur la mise en place et l'efficacité de ces mesures et mécanismes.
  Secrétaire général
  Cette décision doit être annexée à la licence. Elle est disponible, sur demande, en format substitut, et peut également être consultée sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca 
 

Annexe à la décision de radiodiffusion CRTC 2004-196

 

Transcriptions des passages pertinents du message promotionnel et d'identification de l'émission The Tom Leykis Show et de quatre segments d'émission additionnels diffusés par CHMJ Vancouver le 1er novembre 2002

  a) À environ 16 h 55, diffusion d'un message promotionnel pour The Tom Leykis Show : [ traduction]
  Annonceur : « Tom Leykis 1-800-5-800-TOM »
  Interlocuteur : « J'ai baisé ma petite amie dans le c.., elle était saoule morte. »
  Tom : « C'est terrible. Tu n'as tiré aucun plaisir de cela, n'est-ce pas?  »
 

Interlocuteur : « Oh, oh moi? Oh, oh, juste ciel non, juste ciel non. Bien entendu, je n'ai pris aucune photo de cela non plus. »

 

Annonceur : « C'est le Tom Leykis Show sur Mojo Radio, la nouvelle station AM 730. »

  b) À environ 15 h 50, téléphone de George à Tom Leykis : [ traduction]
 

George : « Je crois que je suis un raté. J'ai rencontré cette fille, une belle fille, - elle pourrait faire la page couverture du Playboy n'importe quand - du bon sexe, le meilleur que j'ai jamais eu, mais comme toutes les autres, c'est une salope, qui se plaint et tout ça. Je veux m'en débarrasser.mais elle est peut-être la plus belle fille que j'aurai jamais dans ma vie. Je ne l'aime pas, c'est le sexe que j'aime. Comment me débarrasser d'une fille alors que le sexe est bon? Bon Dieu, elle est si belle. Nous étions fiancés, mais j'ai rompu.là, je me retrouve à me venger d'elle en urinant dans son soda et dans ses bouteilles de shampoing à son appartement. C'est la seule façon que j'ai de me venger. J'ai des choses à régler, je sais. »

 

Tom : « Ouais, tu n'as pas besoin de faire des choses comme ça.mais laisse-moi te poser quelques questions : lui as-tu déjà fait des compliments? »

  George : « Oui. »
  Tom : « Pourquoi? »
 

George : « Parce que je suis fait comme un rat. Je veux m'en débarrasser, mais je ne peux pas. »

 

Tom : « La première chose à faire est de cesser de lui faire des compliments. Cesse de lui dire combien elle est belle. Un homme n'a aucun intérêt à dire à une femme qu'elle est belle. Tu ne fais que lui donner des munitions pour se conduire comme une salope. Plus tu lui dis qu'elle est belle, plus elle sait qu'elle te tient par les couilles. »

 

George : « C'est le sexe qui me tient par les couilles. »

 

Tom : « Tu veux la sauter autant de fois que c'est possible; tu veux la sauter encore et t'en servir comme appât pour attirer d'autres poulettes en chaleur. Lorsque les autres poulettes en chaleur te verront avec elle, elles voudront lui faire concurrence et capter ton intérêt. Après avoir réussi à en accrocher une, tu t'en débarrasses vite fait. »

 

Tom : « Tu dois la maintenir dans l'insécurité. La façon d'empêcher une femme de devenir une salope est de lui faire douter de sa propre séduction. Mine sa confiance en elle-même. Ces femmes-là aiment cuisiner pour toi. Elles te massent les pieds.règle leur cas d'un revers de main. Je ne veux pas dire réellement, mais au figuré. »

  c) À environ 16 h 40, appel de Robert à Tom Leykis : [ traduction]
 

Robert : « .J'en ai une bonne pour toi. J'ai rencontré cette fille il y a un peu plus d'un an. Je lui ai loué l'appartement au-dessus de mon garage. Puis j'ai commencé à la baiser et peu de temps après, elle m'a annoncé qu'elle était enceinte. Elle met de la pression sur moi, elle veut qu'on se marie.alors je lui ai fait un tour de passe-passe, et mercredi, je suis arrivé à mon but. Ce qui est drôle, c'est que j'ai des dossiers médicaux qui prouvent que le bébé n'était pas de moi. Je suis vasectomisé depuis six ans. Après 13 examens consécutifs, sans aucun spermatozoïde.elle veut m'attraper. Tu peux être certaine que non, salope. »

 

Tom : « Tu l'as persuadé de se faire avorter?. Cette salope!. Cette maudite salope! »

 

Robert : « Qui que ce soit, j'espère que tu es à l'écoute, parce que tu m'en dois une, espèce d'enfant de chienne. Quelqu'un m'en doit toute une. »

 

[en parlant de la femme] « Devine quoi bébé, tu viens de signer ton propre arrêt de mort. »

 

.

 

« .Je vais te dire mon homme, je marche sur des nuages. »

 

Tom : « J'aime ça. Tu as épinglé la salope pour nous tous. »

 

Robert : « J'espère que j'ai rendu service. »

 

Tom : « Pour ça oui. »

 

Robert : « À votre service. »

 

Tom : « Je suis rempli de fierté. »

 

Robert : « Là je vais te dire, pour le moment, je suis rempli d'autre chose. » .« Est-ce que ça me qualifie pour un diplôme 101? »

 

Tom : « Es-tu sérieux? Ça te fait entrer au temple de la renommée de la Sainte Vierge! ». « C'est la meilleure histoire de Sainte Vierge qu'on a entendue. »

  d) À environ 17 h, appel de Colin à Tom Leykis : [ traduction]
 

Colin : « Je veux juste te dire que j'écoute ton émission depuis que j'ai six ans. Je l'écoutais toujours dans l'auto [ avec son père] . »

 

Tom : « J'adore ça. »

 

Colin : « Maintenant, je l'écoute tout seul. »

 

Tom : « Tu as 12 ans maintenant. Dis-nous ce que tu as appris - les choses les plus importantes que tu as apprises ici. »

 

Colin : « Comment les femmes sont des salopes et comment elles ne sont pas fiables. en tout cas la majorité. »

 

Tom : « As-tu eu toi-même quelques expériences? »

 

Colin : « Pas encore .mais je saurai quoi faire plus tard. »

 

Tom : « Qu'est-ce que tu feras de différent des autres? »

 

Colin : « Tout ce que tu nous dis. »

 

Tom : « J'adore ça. . Peux-tu imaginer la belle vie que tu auras comme adulte, en sachant tout ce que tu sais déjà? »

 

.[ bref échange au cours duquel on apprend que les parents de Colin sont séparés]

 

Tom : « Souviens-toi que, pour avoir une femme, tu dois être un dégueulasse toi-même. C'est ça l'essentiel. C'est comme ça qu'on attrape des filles. Rappelle-toi que c'est pour ça que ta mère est devenue amoureuse de ton père. N'oublie jamais ça. Alors peu importe à quel point tu crois que ton père est dégueulasse, c'est pour ça que ta mère est devenue amoureuse de lui. Alors n'oublie pas que c'est ce que les filles aiment. Si tu es gentil avec elles, elles te traiteront comme de la merde. »

 

« .12 ans. Je suis si fier de toi. Je ne serais pas plus fier si tu étais mon propre fils. »

  e) À environ 17 h 30, appel de Monica à Tom Leykis : [ traduction]
 

Monica : « .Je dis toujours à mon mari que je suis grosse. Je mesure 5'2" et je pèse environ 116 livres. Il [son mari] dit que je suis belle et que je ne devrais pas m'inquiéter de ça. »

 

Tom : « Je crois que tu es la seule personne qui peut dire si tu es grosse ou non. Tu dois te faire une idée. Je ne te vois pas. Peut-être que tout est dans la poitrine, je ne sais pas. Peut-être que tu as d'énormes nichons et que tu es mince ailleurs. Je ne sais pas. D'où es-tu grosse? Quelle partie de ton corps est gras?. Pourquoi n'envoies-tu pas une photo? On l'examinera tous. »

 

. [l'interlocutrice accepte d'envoyer une photo par courrier électronique]

 

Tom : « .Assure-toi que la photo soit suffisamment révélatrice.on doit tout voir.porte un bikini ou quelque chose comme ça. Tu n'as même pas besoin de te raser. Envoie simplement une photo en bikini .ou sans bikini, comme tu veux. »

 

.

 

« As-tu un vibrateur? [le vibrateur étant un jouet sexuel dont il a été question lors d'un appel précédent] Tu as le vibrateur, la caméra numérique.Gary voudrait que tu en envoies une autre dans la position en levrette. Peux-tu faire ça? »

 

Monica : « Je ne crois pas que ça soit correct. »

 

Tom : « .bien, on doit voir ton derrière. Peut-être que tu as un gros derrière. Je veux dire, on doit tout voir. Assure-toi qu'on verra assez de peau. »

  [Tom termine l'appel mais poursuit la discussion ]
 

Tom : « Quelqu'un d'autre? Si vous voulez savoir si vous êtes grosse, envoyez ces photos de vous nues. On vous le fera savoir d'une manière ou d'une autre. Au fait, si vous voulez savoir si vos nichons sont trop gros, on peut aussi vous aider. Envoyez simplement les photos.c'est le type de services qu'on offre ici : vous envoyez des photos de vos nichons et nous vous dirons s'ils sont trop gros. Si vous utilisez un vibrateur et que vous avez une vidéo, envoyez-nous ça aussi tout de suite.et au fait, si vous croyez que vos mamelons sont trop gros ou ont l'air bizarre, envoyez-nous une photo. On vous promet de vous répondre. »

 

« .Si vous croyez que là, entre vos jambes, vous avez un sandwich au pastrami, vous savez, des couches et des couches de viande, et que vous vous demandez si c'est trop, pourquoi n'envoyez-vous pas une photo? Nous vous le dirons. Je peux vous dire s'il y a trop de viande là en bas. Au fait, je suis sorti avec une fille qui s'inquiétait que ça avait l'air d'un sandwich au roast-beef là en bas. Elle a réellement dit ça. Elle a dit qu'elle irait voir un médecin pour s'en faire enlever. Pourquoi faire ça? Mets un petit radis dessus! Ou de la vinaigrette russe.

 

.envoyez ces photos, le personnel les regardera et nous vous répondrons rapidement. »

  Notes de bas de page:

1 Le Conseil note que ces questions sont également traitées dans le Code d'application concernant les stéréotypes sexuels à la radio et à la télévision de l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ARC), et dans le Code de déontologie de l'ACR, et que le titulaire est tenu de respecter ces deux codes en tant que membre de l'ACR.

2
[traduction] Plaintes en ce qui concerne la diffusion par CKCU-FM de la chanson « You Suck » le 26 juin 1994, à 15 h, au cours de l'émission de 6,5 heures sur les gais et les lesbiennes, lettre du CRTC à la titulaire, le 31 janvier 1995.

Mise à jour : 2004-06-04

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