Opinion minoritaire du conseiller David McKendry
J’approuverais inconditionnellement la demande présentée par CTV Inc. (CTV) en vue d’acquérir une participation majoritaire dans NetStar Communications Inc. (NetStar).
La demande a été présentée par CTV au nom de The Sports Network Inc. (TSN), Le Réseau des sports (RDS) inc. (RDS) et 2953285 Canada Inc., exploitant sous le nom de The Discovery Channel (Discovery) en vue d’effectuer un changement de contrôle dans NetStar.
L’acquisition de NetStar par CTV ne soulève pas de grandes préoccupations sur le plan de la concurrence. Je n’exigerais donc pas que CTV se dessaisisse des 40 % d’actions avec droit de vote qu’elle détient dans CTV Sports Net Inc. (Sports Net) pas plus que j’exigerais que CTV se retire des conventions de vote et de gestion avec d’autres actionnaires de Sports Net. De plus, je ne conclus pas que NetStar serait contrôlée par un non-Canadien, ce qui serait contraire aux Instructions au CRTC (Inadmissibilité de non-Canadiens).1 J’accepte donc les conventions intervenues entre CTV, NetStar et ESPN Inc. En ce qui concerne le contrat de licence de marque entre CTV, NetStar et ESPN qui n’a pas encore été signé, c’est aux parties qu’il revient de le négocier.
Le contexte est important
Mon approbation de la demande de CTV est directement liée au nouvel environnement de la radiodiffusion. En effet, cet environnement se caractérise par une vive concurrence nationale et internationale pour les téléspectateurs, ce qui exige de solides radiodiffuseurs canadiens capables d’offrir aux Canadiens des choix d’information et de divertissement canadiens attrayants.
La technologie crée une abondance de voies d’accès vidéo dans les foyers des téléspectateurs. Les principaux systèmes de câblodistribution au Canada sont à convertir leur distribution de l'analogique au numérique, créant ainsi des douzaines si ce n’est des centaines de nouveaux canaux. Les distributeurs canadiens et américains de services par satellite de radiodiffusion directe (SRD) et les systèmes de distribution multipoint (SDM) ont fait leur apparition et livrent concurrence aux câblodistributeurs.2 L’augmentation de la capacité de distribution s’est traduite par la disponibilité de plus de 80 services canadiens et étrangers de programmation par satellite, fragmentant les auditoires et offrant une concurrence aux radiodiffuseurs conventionnels. La part de l'auditoire des stations conventionnelles de langue anglaise a diminué de façon considérable ces dernières années.
Internet est le canal vidéo le plus important et le plus révolutionnaire dans les foyers, en particulier pour les Canadiens. De nombreux services vidéo, y compris la télévision en direct, sont offerts sur l’infrastructure Internet à largeur de bande étroite qui domine le marché Internet résidentiel d’aujourd’hui.3 La généralisation des canaux vidéo sur Internet se fera au fur et à mesure que les téléspectateurs auront accès à de plus grandes largeurs de bande. Cette expansion est en train de se faire et devrait rendre la qualité vidéo sur Internet équivalente à celle d’autres systèmes de distribution.4
Un facteur tout particulièrement pertinent dans l’examen que j’ai fait de la demande de CTV est l’annonce par le Conseil, l’année dernière, qu’il ne réglementerait pas les services de nouveaux médias sur Internet. Le matériel transmis sur Internet qui est visé par la définition de radiodiffusion dans la Loi sur la radiodiffusion est exempté de la réglementation.5 CTV et d’autres radiodiffuseurs font face à une concurrence accrue des compagnies fournissant des services vidéo sur Internet. Par exemple, les Canadiens ayant Internet auront accès à du contenu provenant de grosses sociétés de distribution et de contenu étrangères comme AOL Time Warner.6 Deux des émissions de télévision les plus populaires au Canada, ER et Friends, appartiennent à Time Warner. Il n’est pas difficile d’envisager que les abonnés canadiens à Internet de AOL Time Warner ayant accès à une grande largeur de bande pourront voir ces émissions et d’autres émissions de Time Warner7 sur Internet.
En transition
Nous sommes en transition vers un environnement de choix globaux pratiquement illimités en matière de divertissement et d’information. Le défi à relever sur le plan politique et réglementaire est de favoriser la disponibilité des choix canadiens dans cet environnement. Une fois la transition achevée, les débouchés pour les radiodiffuseurs canadiens qui ne sont pas solides sont compromis dans le monde sans frontières d’Internet. Le Conseil a exprimé ses inquiétudes au sujet des nouveaux médias lorsqu’il a annoncé sa décision de ne pas réglementer Internet : « Le CRTC craint que toute tentative de réglementer les nouveaux médias canadiens ne place cette industrie en situation de désavantage sur le plan de la concurrence qui s’exerce à l’échelle mondiale. »8 Le Conseil a défini les services de nouveaux médias « comme ceux [des services] transmis par Internet. »9
Comme Global Television Network l’a déclaré à l’audience du Conseil portant sur la demande de CTV [Traduction] « Nous tous du groupe CTV essayons de trouver notre route dans un nouvel environnement. »10 La demande de CTV répond à ce nouvel environnement11 qui exige la présence de radiodiffuseurs canadiens solides dotés des ressources leur permettant d’offrir aux Canadiens des choix canadiens dans un monde du divertissement et de l’information de plus en plus ouvert.
Préoccupations soulevées à l’égard de la concurrence
J’aborderai maintenant les préoccupations concernant la concurrence soulevées par l’acquisition de NetStar par CTV.
La Direction des fusionnements du Bureau de la concurrence, chargée de l’examen des transactions de fusionnement, doit déterminer si elles risquent de réduire ou d’empêcher la concurrence dans le marché. Le 3 décembre 1999, le Bureau a écrit à Osler Hoskin & Harcourt concernant l’acquisition de NetStar par CTV.
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[Traduction] Le Bureau de la concurrence a examiné de façon approfondie les implications de la transaction sur la concurrence, qui incluait des entretiens avec les participants du marché et les experts de l’industrie. Notre analyse a porté sur trois marchés distincts de produits : la distribution de la programmation par le câble et autres canaux de distribution, la fourniture d’espace/temps de publicité aux annonceurs ainsi que l’acquisition de droits de diffusion de sports majeurs. Nous n’avons pas cerné à ce jour de préoccupations importantes en matière de concurrence dans les deux premiers marchés qui nous inciteraient à soumettre le projet de transaction au Tribunal de la concurrence.12
Pour ce qui est de l’acquisition des droits de diffusion des sports majeurs, le Bureau a déclaré ne pas pouvoir déterminer dans quelle mesure TSN et Sports Net se livrent concurrence pour ces droits. C’était parce que le Conseil [Traduction] « a autorisé ces services comme complémentaires et on ne sait pas dans quelle mesure la concurrence entre ces deux canaux pour les droits relatifs aux sports majeurs respecte la politique sous-jacente du CRTC… Il se peut que le degré de concurrence permise et réelle entre TSN et Sports Net soit une question sur laquelle le Conseil se penchera à l’audience imminente. »13 Le Bureau a également fait remarquer que le Conseil était à examiner une demande de modification de licence de Sportscope Television Network Ltd. (Sportscope), [Traduction] « d’où la possibilité d’un autre acheteur de droits de diffusion de sport en direct ».14 ». Compte tenu de ces préoccupations, le Bureau a déclaré qu’il attendrait la conclusion de ces instances avant de trancher.
Pour ce qui est de la demande de Sportscope visant à modifier sa licence, le Conseil a approuvé aujourd'hui la demande, ce qui signifie un autre acheteur éventuel pour les droits de diffusion de sport en direct.15 Sportscope pourra diffuser près de 25 heures d’événements sportifs en direct par semaine. Même si les modifications imposent des restrictions en ce qui concerne la diffusion par Sportscope de sport en direct, NetStar affirme qu’elles introduisent une concurrence plus vive pour TSN :
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LA PRÉSIDENTE : [Traduction] … Pouvons-nous déduire du fait que NetStar n’est pas intervenue par écrit seulement …que vous êtes préoccupée et de fait que [Sportscope] pourra y arriver et acheter des droits d’émissions intéressantes qui livreront concurrence à ce que vous présentez?
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M. CRAIG : [Traduction] Madame la présidente, la réponse à cette question est oui.16
Sports Net autorisée comme complément de TSN
Pour ce qui est du degré de concurrence entre TSN et Sports Net, le Conseil a clairement indiqué que Sports Net a été autorisée comme complément de TSN. Le Conseil a déclaré en 1998 :
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afin d’offrir un large éventail de services de programmation, le Conseil a adopté comme politique de ne pas autoriser plus d’un service spécialisé par genre d’émission. Conformément à cette politique, il a autorisé SportsNet comme un service de programmation de sport régional avant tout et TSN comme un service de sport national.17
Le Conseil a déclaré de nouveau l’année dernière que la programmation de Sports Net doit être un complément de celle de TSN :
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[SportsNet] a été autorisé comme un service « régional », offrant une programmation complémentaire à celle de TSN. Le Conseil se dit préoccupé par les activités de SportsNet qui s’éloignent de la notion de complémentarité.18
Le Conseil a récemment réaffimé la pratique qu’il a adoptée de n’autoriser pas plus d’un service spécialisé par genre lorsqu’il a annoncé sa politique relative aux nouveaux services de télévision payante et spécialisée numériques :
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Pour réduire les risques du lancement de services en mode numérique, le Conseil autorisera des services de la catégorie 1 à raison de un par genre. Plus particulièrement, il n’autorisera pas de services qui concurrencent directement un autre service de la catégorie 1 ou encore un service de télévision spécialisée ou payante en place... le Conseil n'autorisera pas de services de la catégorie 2 qui concurrencent directement un service de télévision spécialisée ou payante existant ou un nouveau service de la catégorie 1.19
La concurrence pour les droits n’est pas interdite
La notion de programmation complémentaire n’empêche pas TSN ou Sports Net de se livrer concurrence pour des droits de diffusion régionaux ou nationaux. En effet, en 1998, le Conseil a déclaré :
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TSN est un service national spécialisé axé sur le sport et ayant une capacité restreinte pour diffuser des émissions de sport sur plus d’un signal, et SportsNet est un service régional axé « surtout » sur les intérêts spéciaux des « quatre versions régionales distinctes ». Cette distinction entre national et régional devrait guider les activités des deux services en matière de distribution et de contenu.
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D’après ce qui précède, la complémentarité entre TSN et SportsNet, reflétée dans les conditions de licence de chaque titulaire, devrait être considérée comme s’appliquant à la distribution des émissions et non comme en interdisant l’acquisition.20
De toute évidence, le Conseil n’a pas imposé de restrictions à TSN ou à Sports Net en ce qui concerne la soumission d’offres pour des droits de diffusion de sports majeurs. TSN a acheté les droits pour certaines propriétés régionales de la Ligue nationale de hockey (LNH); Sports Net a acheté les droits nationaux au câble pour les propriétés de la LNH.21 Toutefois, compte tenu des émissions distinctes que TSN et Sports Net sont tenus par le Conseil de diffuser, j’accepte l’assertion de CTV selon laquelle TSN continuera d’acheter surtout des droits nationaux tandis que Sports Net continuera d’acquérir principalement des droits régionaux.22 Je suis d’accord aussi avec CTV pour dire que son exploitation de TSN et de Sports Net facilitera le respect des mandats de complémentarité des services.23
La gestion unifiée des services diminue la possibilité que des propriétaires distincts empiètent sur le mandat de programmation de l’autre, problème auquel le Conseil s’est attaqué l’année dernière en ce qui concerne une plainte de TSN selon laquelle Sports Net n’était pas exploité conformément à sa licence.24 Je fais remarquer que dans sa politique concernant la radio, le Conseil accepte la notion qu’un propriétaire de plusieurs stations de radio offrira probablement différentes formules dans le même marché sans intervention réglementaire, situation qui ressemble à la propriété commune de services de télévision spécialisée.25
La gestion unifiée de TSN et de Sports Net peut également offrir davantage de choix aux téléspectateurs. Selon CTV :
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[Traduction] ...dans le cas où nous diffusons en mode concurrentiel… il y a de nombreux cas où, par exemple, nous y allons directement avec la même formule de programmation, c.-à-d., matchs de soccer, tournois de golf ou émission magazine sur le golf opposés à un tournoi de golf, ce que vous éviteriez à tout prix dans un environnement complémentaire… . Cela nous donne la chance de nous assurer que le téléspectateur a le choix...26
Revenus des détenteurs de droits
En ce qui concerne la concurrence pour les droits de diffusion de sport majeur, la principale inquiétude des parties opposées à la demande de CTV est que CTV, TSN et Sports Net agissent de concert pour acheter les droits, réduisant ainsi les revenus des détenteurs de droits. Cette opinion a été exprimée par le club de baseball des Blue Jays de Toronto (Blue Jays), le Bureau du Commissaire du baseball, Orca Bay Sports & Entertainment (Orca Bay) et Friends of Canadian Broadcasting.
D’autres parties, dont des organismes de sport amateur et professionnel, ont appuyé l’acquisition : la Ligue canadienne de football (LCF), le club de hockey des Sénateurs d’Ottawa (les Sénateurs d'Ottawa), le Conseil des Jeux du Canada, l'Association canadienne du Hockey, le Comité olympique international et la Canadian Independent Sports Producers Association. La Directors Guild of Canada ne s’est pas opposée à la demande de CTV.27 Pour sa part, Global Television Network, n’est ni favorable ni défavorable à la demande telle quelle. »28
Certains organismes représentant les sports majeurs, dont la LNH, la Ligue nationale de football et la National Basketball Association ne sont pas intervenus dans cette instance.
Les Blues Jays ont fait valoir que l’acquisition de NetStar par CTV réduirait le coût des droits de diffusion, ce qui aurait une incidence négative sur le prix des billets de baseball : [Traduction] « Les recettes de télévision aident à garder le prix des billets de baseball à des niveaux modérés pour les amateurs de sport comparativement à d’autres sports majeurs au Canada. »29 Le Bureau du Commissaire du baseball souligne également ce point.30 Je n’accepte pas que des services spécialisés ou des abonnés du câble soient obligés de subventionner le prix des billets des spectateurs aux matchs des Blue Jays ou d’autres clubs.
Les Blue Jays prétendent que [Traduction] « Un monopole de radiodiffusion ne servira ni les intérêts des Blue Jays ni ceux des amateurs de baseball au Canada. »31 Cela est vrai. Toutefois, un monopole de radiodiffusion n’est pas ce que nous avons, point qu’a soulevé la LCF :
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[Traduction] Je ne crois pas qu’avec ce transfert (de NetStar à CTV), notre capacité de négocier ou notre force de frappe disparaîtra. Si nous retournons deux ans en arrière, comme je l’ai dit, nous avions quatre offres solides (pour des droits de diffusion). Ce transfert ne ferait qu’en éliminer une, et nous nous retrouverions quand même avec trois offres. Je continue de croire qu’il s’agit là d’un nombre suffisant pour créer un environnement concurrentiel.32
Les Sénateurs d’Ottawa ont fait valoir que c’est la concurrence entre commanditaires et non la concurrence entre radiodiffuseurs pour les droits qui est un facteur déterminant dans les recettes de l’équipe :
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[Traduction] Il est également utile de rappeler deux raisons pour lesquelles nous avons eu une importante augmentation l’année dernière ou l’année d’avant – l’an dernier – dans nos recettes de télévision. La première est le développement d’une programmation régionale avec CTV Sportsnet qui a eu un changement important dans notre base de recettes parce qu’il nous a ouvert à la région de l’Atlantique. La seconde a été la concurrence sur le plan de la commandite. Ce n’était pas la concurrence entre la SRC et CTV et Global. C’était la concurrence entre Molson et Labatt pour la commandite.33
La preuve de CTV va dans le sens de celle de CFL et du témoignage des Sénateurs d’Ottawa :
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[Traduction] Aujourd’hui, les détenteurs de droits peuvent choisir parmi un large éventail d’acheteurs de droits, y compris de nombreux radiodiffuseurs conventionnels et spécialisés nationaux, régionaux et locaux, ainsi que des acheteurs autres que des radiodiffuseurs, selon celui qui offre la combinaison prix/mise en valeur la plus attrayante.34
La preuve de la compagnie inclut des tableaux donnant la liste des droits de sport détenus par divers radiodiffuseurs,35 notant que les droits sont également achetés par des annonceurs et d’autres intermédiaires.36 Cette preuve n’a pas été réfutée par d’autres parties dans cette instance. De plus, tel que mentionné précédemment, le Conseil a approuvé la demande de Sportscope visant à modifier sa licence, d’où la possibilité d’un autre acheteur pour des droits de diffusion de sport en direct.
Orca Bay, propriétaire-exploitant de l’équipe de hockey les Canucks de Vancouver et de l’équipe de basketball les Grizzlies de Vancouver, s’est opposée à l’approbation de la demande. Orca Bay n’a pas comparu à l’audience du Conseil portant sur la demande de CTV et le Conseil n’a donc pu l’interroger au sujet de son intervention écrite. Par conséquent, j’accorde moins d’importance à son intervention que je ne le fais pour les interventions des parties ayant comparu devant le Conseil. Quant à l’intervention écrite d’Orca Bay, l’objection de l’organisation semble reposer en grande partie sur le fait que TSN et Sports Net sont tous deux des services spécialisés régionaux de sport qui se livrent directement concurrence.37 Tel que mentionné précédemment, le Conseil n’autorise pas TSN ou Sports Net à se livrer directement concurrence au chapitre de la distribution des émissions. TSN est avant tout un service national et Sports Net, un service régional.
Présentation des matchs
Les Blue Jays craignent également qu’un moins grand nombre de leurs matchs ne soient diffusés à la télévision si CTV acquiert NetStar :
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[Traduction] Je ne voudrais pas voir nos fans ne pouvoir regarder qu’un nombre réduit de matchs à la télévision dans l’avenir si, par exemple, cette demande est approuvée.38
Par contre, la LCF considère l’approbation de la demande de CTV comme une occasion de voir davantage de matchs à la télévision :
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LE CONSEILLER McKENDRY : [Traduction] Plus particulièrement, si nous approuvons la demande, quels seront les avantages? Est-ce davantage de matchs à la télévision? Est-ce ce que vous voyez en ce moment ou ce que vous aimeriez voir?
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M. GILES : [Traduction] Ce serait le principal avantage.39
Les Sénateurs d’Ottawa considèrent également l’approbation de la demande de CTV comme une occasion de mettre l’équipe davantage en valeur à la télévision :
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[Traduction] Si nous ne conservons pas la force du réseau régional (Sports Net), nous ne construirons jamais la valeur des équipes qui ne sont pas dans les centres de médias au pays. Par ailleurs, si nous isolons (TSN et Sports Net) en deux groupes de propriété distincts, nous n’arriverons jamais à faire sortir ces équipes des régions.40
En résumé, pour ce qui est des droits de diffusion des sports majeurs, les Blue Jays, le Bureau du Commissaire du baseball et Orca Bay se sont opposés à la demande de CTV visant à acquérir NetStar. La LCF et les Sénateurs d’Ottawa appuient la demande. Je suis d’accord avec la LCF et les Sénateurs d’Ottawa pour dire que l’approbation de la demande de CTV peut accroître les occasions de présenter leur sport et leurs matchs. Le risque d’une exposition réduite semble infime. Pour ce qui est des Blue Jays, tous les matchs de l’équipe ou presque sont actuellement télévisés.41 Ainsi, le principal intérêt des Blue Jays est de s’assurer un nombre suffisant d’offrants pour maintenir ou augmenter les frais pour les droits de diffusion. Le dossier de l’instance indique qu’il y aura un nombre suffisant d’offrants pour les droits de diffusion des Blue Jays et d’autres sports majeurs si la demande de CTV est approuvée. Je note également qu’en ce qui a trait au baseball majeur, le monopole dans la relation acheteur-vendeur est le vendeur, le baseball majeur. Ainsi, le baseball majeur et d’autres sports majeurs sont très bien positionnés pour établir les modalités des droits de diffusion, y compris le prix.42
Capacité de la SRC de s’associer à TSN
La Société Radio-Canada (SRC) craint qu’elle ne puisse plus s’associer à TSN pour couvrir certains événements majeurs si la demande de CTV est approuvée.43 L’approbation par le Conseil des modifications de la licence de Sportscope en vue de diffuser des événements de sport en direct devrait apaiser la Société. Selon la SRC :
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[Traduction] Eh bien, dans un monde parfait, si TSN était forcée de retourner entre les mains d’indépendants, cela nous conviendrait tout à fait. Dans un monde imparfait, mais néanmoins un monde meilleur que celui qui est envisagé dans la transaction, si Sportsnet nous était offert comme associé possible sur des choses, cela ne nous rendrait pas la vie plus facile, mais nous pourrions l’accepter. Je pense que vous examinerez bientôt une demande de Headline Sports et si cette demande était approuvée, cela nous conviendrait également.44
En réplique aux craintes de la SRC, CTV a déclaré :
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[Traduction] Pour ce qui est de la SRC, nous déclarons pour la troisième fois, dans cette audience, que nous entendons respecter les ententes de partenariat de TSN avec la SRC et que nous chercherions activement à nous associer à la SRC et à d’autres radiodiffuseurs.45
Global n’est ni pour ni contre
Global Television Network (Global) déclare dans son intervention écrite :
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[Traduction] Global n’est ni pour ni contre la demande (de CTV) telle quelle. Il estime cependant que le Conseil peut ne pas être en mesure d’approuver la demande, compte tenu des modalités des Instructions au CRTC (Inadmissiblité de non-Canadiens).46
Global fait valoir que le pouvoir d’ESPN de [Traduction] « suspendre, pendant trois mois, une offre de bonne foi de Canadiens à des actionnaires canadiens de NetStar pour trouver une meilleure offre de la part d’une ou de plusieurs autres parties … équivaudrait, au moins, à un niveau de participation au contrôle effectif de NetStar qui empêche de conclure que NetStar est contrôlée par des Canadiens ».47
Dans cet ordre d’idées, Global ajoute :
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[Traduction] … il y a une période pendant laquelle la destinée fondamentale de l’entreprise passe des mains de l’actionnaire canadien à l’actionnaire américain. … C’est l’actionnaire américain qui a le dernier mot en ce qui concerne l'exécution de [l’acquisition de NetStar].48
Je n’accepte pas l’affirmation de Global. Le Conseil a le dernier mot. C'est lui qui doit approuver l’acquisition de NetStar peu importe si ESPN suspend ou non une offre d’acquisition de NetStar. On ne peut donc prétendre que ESPN a le contrôle de NetStar du fait qu’elle a le pouvoir de suspendre, pendant trois mois, une offre d’acquérir NetStar pour en trouver une de la part d’une ou de plusieurs autres parties. Je fais également remarquer que le Conseil a approuvé antérieurement ce pouvoir concernant une entente entre NetStar, ESPN et d’autres.
Je ne suis pas d’accord avec la majorité des conseillers (la majorité) pour dire que la capacité d’ESPN d’obtenir d’autres offres pour acquérir NetStar risque de réduire dans l’avenir le nombre de parties pouvant soumettre des offres pour contrôler la compagnie. À mon avis, cette capacité d’ESPN a l’effet inverse. De plus, je considère la capacité d’ESPN d’obtenir d’autres offres comme un moyen raisonnable de protéger les intérêts d’un actionnaire minoritaire.
Contrat de licence de marque
Il y a un projet de contrat entre CTV, NetStar et ESPN concernant l’utilisation de la marque de commerce ESPN par CTV et NetStar. Selon CTV :
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[Traduction] Pour commencer, nous n’avons pas de contrat définitif. Il y a beaucoup de choses dont nous voulons discuter au sujet de ce qui convient ou non pour nous. Nous avons encore un bout de chemin à faire, et nous ne sommes pas prêts à le faire maintenant.49
D’après cette déclaration et d’autres affirmations50 de CTV, je conclus que CTV adopte une approche prudente face à la négociation avec ESPN d’un contrat de licence de marque.
Pour ce qui est de la capacité d’ESPN de se retirer du contrat, je constate qu’il s’agit là d’une question de négociation :
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LA CONSEILLÈRE CRAM : [Traduction] Et vous iriez de l’avant avec ce (contrat de licence) malgré qu’en vertu de (la clause) 11.4, ESPN ait le droit d’y mettre fin en tout temps, sans motif, après trois ans?
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M. FECAN : [Traduction] Il s’agit sans doute d’une autre clause dont nous voudrons discuter avec eux. … je pense que je dirais que nous agirons en tout temps dans les meilleurs intérêts de la société. Cette clause particulière m’inquiète. Si vous le voulez, j’aimerais négocier avec ESPN.51
L'exercice du droit de mettre fin unilatéralement au contrat en vertu de la clause 11.4 du projet de contrat ne placerait pas NetStar sous le contrôle d’un non-Canadien, ce qui serait contraire aux Instructions au CRTC (Inadmissibilité de non-Canadiens). La section du projet de contrat n’est peut-être pas dans le meilleur intérêt commercial de CTV, question qui semble inquiéter CTV. Toutefois, la direction de CTV doit être laissée entre les mains de CTV. Je ne suis donc pas d’accord avec la majorité pour dire que l’approbation de la demande de CTV devrait être conditionnelle à la modification de la clause 11.4 du contrat de licence de marque.
Laisser CTV trouver des solutions
Si l’approbation de la demande signifiait en fait que NetStar serait contrôlée par un non-Canadien ou si la demande soulevait d’importantes préoccupations sur le plan de la concurrence (ce qui n’est pas le cas à mon avis), la ligne de conduite à adopter serait de refuser la demande et de motiver le refus. Cette approche permettrait à CTV, si elle le désire, de trouver ses propres solutions aux problèmes cernés par la majorité et ensuite de demander l’approbation du Conseil. L’approche permettrait également à CTV de tenir compte des intérêts des autres actionnaires de Sports Net. Ces intérêts sont affectés par l’obligation qu’impose la majorité à CTV de se dessaisir de sa participation minoritaire dans Sports Net, de ne plus gérer Sports Net et de ne plus détenir de droit de vote sur les actions d’autres actionnaires. Par exemple, les autres actionnaires peuvent considérer l’expertise de la direction de CTV comme faisant partie intégrante de la valeur de leurs investissements.
Plutôt que de compter sur la capacité de CTV de trouver des solutions aux problèmes cités par la majorité, celle-ci a élaboré des solutions précises pour CTV, s’immiscant ainsi dans des questions commerciales qu’il serait préférable de laisser entre les mains de la société. C’est à la société qu’il appartient de régler ces questions parce que CTV a une grande expertise en radiodiffusion et qu’elle a établi des liens avec ESPC et les autres actionnaires de Sports Net, ce qui la rend la plus apte à trouver des solutions qui maximisent ses débouchés, dans les limites de la Loi sur la radiodiffusion, et de protéger ses liens d’affaires avec d’autres parties. Bien entendu, les solutions seraient assujetties à l’approbation du Conseil si CTV lui soumettait une autre demande.
Absence de choix
L’approche de la majorité ne laisse pas d’autre choix à CTV que de respecter les conditions de la majorité si la société décide d’aller de l’avant avec l’acquisition de NetStar, peu importe l’impact des conditions sur les plans d’affaires de CTV et ses liens avec ESPN et les autres actionnaires de Sports Net.
À mon avis, les conditions spécifiques de la majorité compromettent inutilement l’alliance de CTV avec ESPN. À cet égard, je note que le Conseil a déclaré plus tôt cette année :
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Le Conseil privilégie les alliances entre services canadiens et étrangers comme moyen d’atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion52
Quant à la condition de la majorité voulant que CTV se dessaisisse de sa participation dans Sports Net, cette condition est incompatible avec la politique sous-jacente au Règlement sur les services spécialisés du Conseil. Le Règlement permet à quiconque de posséder moins de 30 % d’un autre service spécialisé sans l’approbation du Conseil53, présumément parce que ce pourcentage ne soulève pas de préoccupations importantes sur le plan de la concurrence. Pour assurer la conformité avec la politique sous-jacente au Règlement, la majorité n’aurait qu’à exiger que CTV réduise ses actions avec droit de vote à 29,9 %. Pour les raisons invoquées ci-dessus, le dossier de l’instance ne préconise pas qu’on oblige CTV à se dessaiir de ses intérêts dans Sports Net afin d’acquérir NetStar. En admettant, toutefois, simplement aux fins de la discussion, que la demande de CTV soulève effectivement d’importantes préoccupations sur le plan de la concurrence, le dossier ne justifie pas l’imposition à CTV d’une condition plus onéreuse que ce que le Conseil impose à d’autres radiodiffuseurs.
En résumé, le dossier de l’instance montre que la demande de CTV ne soulève pas de préoccupations importantes sur le plan de la concurrence et que NetStar ne sera pas contrôlée par un non-Canadien. J’approuverais donc inconditionnellement la demande de CTV visant à acquérir une participation majoritaire dans NetStar.
NOTES EXPLICATIVES
1 Décret C.P. 1997-486 du 8 avril 1997 intitulé Instructions au CRTC (Inadmissibilité de non-Canadiens.
2 Par exemple, les compagnies par SRD Bell Express VU Ltd. et Star Choice Communications Inc. offrent chacune 200 canaux vidéo et audio numériques.
3 Par exemple, voir Global Television Network, transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphe 3541.
4 CTV fournit CTV NewsNet en vidéo sur Internet www.ctvnews.sympatico.ca. Les téléspectateurs doivent avoir un accès haute vitesse. CTV Newsnet est un service de télévision spécialisée autorisé par le Conseil.
5 Avis public Radiodiffusion CRTC 1999-84, Avis public Télécom CRTC 99-14, Nouveaux médias, 17 mai 1999; avis public CRTC 1999-197, Ordonnance d'exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias, 17 décembre 1999.
6 L’acquisition de Time Warner Inc. par America Online Inc. (AOL) a fait l’objet d’approbations réglementaires américaines ainsi que de l’approbation de AOL et des actionnaires de Time Warner.
7 Le secteur films de divertissement de Time Warner comprend des milliers de longs métrages, films pour la télévision et films d’animation. Les réseaux de câble de la compagnie comprennent CNN News Group et Home Box Office. Time Warner possède également WB Television Network.
8 Communiqué de presse du Conseil, Le CRTC ne réglementera pas Internet, 17 mai 1999.
9 Nouveaux médias, supra, paragraphe 15.
10 Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphe 3524.
11 Je note que la Directors Guid of Canada déclare que [Traduction] « le jumelage de l’actif de radiodiffusion de CTV avec les services de NetStar est vraiment sensé sur le plan stratégique. » Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphe 2366.
12 Lettre à M. Tim Kennish, Osler Hoskin & Harcourt, de M. Raymond F. Pierce, Commissaire adjoint par intérim à la concurrence, Direction des fusionnements, Bureau de la concurrence, 3 décembre 1999, p.1, accentuation ajoutée.
13 Id., pp. 1-2.
14 Id., p. 2.
15 Le service de Sportscope est connu sous le nom de « Headline Sports ». Les modifications à la licence permettent à Sportscope de diffuser des sports en direct pouvant accaparer jusqu’à 15 % de sa grille-horaire trimestrielle. Les modifications limitent la diffusion des événements afin de maintenir le rôle global du service qui consiste à présenter des images de faits saillants ainsi que des résultats et des nouvelles sur le sport.
16 Transcriptions, demande de modification de la licence présentée par Sportscope, volume 3, 8 décembre 1999, paragraphes 4133-4134. La Canadian Cable Systems Alliance reconnaît également que l’approbation de la demande de Sportscope introduirait davantage de concurrence. Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphe 2061.
17 Lettre à Mme Suzanne Steeves, Première vice-présidente, CTV Sports, et M. Jim Thompson, président, NetStar Sports Group, 15 décembre 1998, p. 2, accentuation dans l’original.
18 Lettre à Mme Suzanne Steeves, Première vice-présidente, CTV Sports, 6 mai 1999, p. 1. La lettre porte sur une plainte de TSN concernant la distribution de multiples signaux de Sports Net par des distributeurs par SRD.
19 Avis public CRTC 2000-6, Politique relative au cadre de réglementation des nouveaux services de télévision spécialisée et payante numériques, 13 janvier 2000, paragraphes 23 et 34.
20 Lettre à Mme Suzanne Steeves, Première vice-présidente, CTV Sports, et M. Jim Thompson, Président, NetStar Sports Group, 15 décembre 1998, p. 3, accentuation dans l’original.
21 CTV Acquisition of a Majority Interest in NetStar Communications, Annexe 10 : Mémoire supplémentaire, p. 40.
22 Id., p. 44.
23 Id., p. 41.
24 Lettre à Mme Suzanne Steeves, Première vice-présidente, CTV Sports, 6 mai 1999, p. 1.
25 Avis public CRTC 1998-41, Politique de 1998 concernant la radio commerciale, 30 avril 1998, paragraphe 35. Je note que CHUM Limited, télédiffuseur conventionnel, domine le genre musical en ce qui concerne les services de télévision spécialisée. Par exemple, CHUM possède et dirige MuchMusic et MuchMoreMusic, des services complémentaires.
26 Transcriptions, volume 1, 6 décembre 1999, paragraphe 696. Voir également les paragraphes 704-705.
27 Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphe 2366.
28 Id., paragraphe 3457. Je discute plus loin de l’opinion de Global selon laquelle la demande de CTV soulève une question de contrôle par un non-Canadien.
29 Id., paragraphe 2127.
30 Id., paragraphe 2800.
31 Id., paragraphe 2130. La Société Radio-Canada a également mentionné au paragraphe 2559 un monopole de CTV, en supposant que la demande de CTV soit approuvée. Ce point de vue a également été mis de l’avant par Orca Bay dans son intervention écrite du 8 novembre 1999.
32 Id.. paragraphes 2935-2937.
33 Id., paragraphe 1965, accentuation ajoutée.
34 CTV Acquisition of a Majority Interest in NetStar Communications, Annexe 10 : Mémoire supplémentaire, p. 42.
35 Id., annexe E.
36 Id., pp. 43-44.
37 Par exemple, l’intervention stipule que : [Traduction] « L’approbation de la présente demande de CTV permettrait à un seul propriétaire de contrôler les deux seuls réseaux de sport régionaux au câble actuellement autorisés au Canada. » Lettre adressée au Conseil par M. Chris Hebb, vice-président, Radiodiffusion, Orca Bay Sports & Entertainment, 8 novembre 1999, paragraphe 13. Voir également les paragraphes 3, 8 et 10.
38 Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphe 2155.
39 Id., paragraphes 2956-2957.
40 Id., paragraphes 1956-1957. Voir également les paragraphes 1936, 1940 et 1998-1999.
41 Id., paragraphe 2143.
42 Par exemple, voir les transcriptions, demande de Sportscope visant à modifier sa licence, volume 3, 8 décembre 1999, paragraphes 4080-4081 et 4151-4163, pour une discussion des frais payés pour les droits par rapport aux recettes.
43 Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphes 2527-2528, 2543 et 2553.
44 Id., paragraphes 2574-2580, accentuation ajoutée. Voir également le paragraphe 2659. Selon NetStar, la SRC ne peut offrir aux réseaux de câble les droits de diffusion qu’elle détient pour le hockey de la LNH, le football de la LCF, les Olympiques, le baseball des Blue Jays, le curling ou les courses automobiles. Transcriptions, demande de Sportscope visant à modifier sa licence, volume 3, 8 décembre 1999, paragraphe 4128.
45 Id., paragraphe 3589.
46 Lettre adressée au Conseil par M. Jim Sward, président-directeur général, Global Television Network, 12 novembre 1999, paragraphe 3.
47 Id., paragraphe 5.
48 Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphes 3519 et 3520.
49 Transcriptions, volume 1, 6 décembre 1999, paragraphes 821 et 822.
50 Par exemple, voir transcriptions, volume 1, 6 décembre 1999, paragraphes 895, 900 et 909.
51 Transcriptions, volume 1, 6 décembre 1999, paragraphes 899, 900, 909.
52 Avis public CRTC 2000-6, Politique relative au cadre de réglementation des nouveaux services de télévision spécialisée et payante numériques, 13 janvier 2000, paragraphe 49.
53 Règlement de 1990 sur les services spécialisés, article 10.