ARCHIVÉ - Décision CRTC 2000-86

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Date de modification :

Décision CRTC 2000-86

Ottawa, le 24 mars 2000

CTV Inc., au nom de The Sports Network Inc. (TSN), Le Réseau des Sports (RDS) Inc. (RDS) et 2953285 Canada Inc., exploitant sous le nom de The Discovery Channel
L'ensemble du Canada -- 199910899

Audience publique du 6 décembre 1999
Région de la capitale nationale

Sommaire

Le Conseil approuve une demande suivant laquelle CTV Inc. (CTV) détiendra le contrôle de 80 % des actions de NetStar Communications Inc. (NetStar), sous réserve d’un certain nombre de conditions imposées par vote majoritaire.

Les conditions répondent aux préoccupations du Conseil relatives à la concentration de propriété de services de radiodiffusion de sport, au degré d’influence exercée par le partenaire non-canadien de NetStar, ESPN Inc. (ESPN), qui détiendra 20 % des actions avec droit de vote et une participation de 31,54 % dans NetStar, ainsi qu’à l’admissibilité de certains avantages proposés par la requérante. Les conditions auxquelles est assujettie l’approbation du Conseil se résument comme suit :

  • CTV doit, d’ici un an à compter d’aujourd’hui, soumettre à l’approbation du Conseil une demande de dessaisissement de ses actions dans le service spécialisé de sport régional SportsNet. Elle doit aussi confirmer qu’elle ne gère plus SportsNet directement ou indirectement et qu’elle ne détient plus de droit de vote sur les actions de SportsNet, par convention de vote fiduciaire ou autrement.
  • L’article 5.3.1 doit être supprimé du projet de modification de la convention des actionnaires entre CTV, NetStar et ESPN qui accompagnait la demande. L’article 5.3.1 accorde à ESPN le pouvoir de suspendre pendant trois mois une offre d’achat, faite par un Canadien, des actions détenues par les actionnaires de NetStar, pour laisser le temps à ESPN de solliciter l’offre d’une autre partie. CTV doit, dans les 90 jours, soumettre à l’approbation du Conseil une convention des actionnaires révisée qui reflète cette exigence.
  • CTV doit aussi, dans les 90 jours, soumettre à l’approbation du Conseil la version finale du contrat de licence de marque entre CTV, NetStar et ESPN. Ce contrat doit être modifié pour que l’article 11 prévoie la réciprocité des conditions de résiliation du contrat par les parties. Il doit aussi prévoir que le droit de résilier le contrat sans motif n’entre en vigueur que bien au-delà de trois ans et que l’exercice de ce droit est assujetti à une période d’avis obligatoire beaucoup plus longue.

De plus, le Conseil exige que CTV réattribue à d’autres fins les 11,7 millions de dollars de son projet d’avantages relatif à la couverture des Jeux du Canada et des Jeux du Québec. Ce bloc d’avantages révisé doit être soumis à son approbation dans les 90 jours. Le Conseil estime que les fonds attribués à la radiodiffusion des Jeux du Canada et des Jeux du Québec ne sont pas admissibles comme avantages tangibles aux fins de sa politique relative aux avantages. Il s’attend néanmoins à ce que la titulaire mette en œuvre ces deux projets puisque ceux-ci étaient des éléments importants de la demande et sont conformes au mandat de TSN et RDS.

Les parties

  1. CTV est un acteur important de l’industrie de la télévision au Canada. Son réseau de télévision privé de langue anglaise rejoint environ 99 % des foyers canadiens anglophones. CTV possède aussi 26 stations de télévision situées dans les provinces de l’Atlantique, en Ontario, en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique.
  2. CTV a diversifié ses activités au cours des dernières années et elle détient actuellement des actions dans un certain nombre de services de télévision spécialisée, payante et à la carte. Elle détient 100 % des actions avec droit de vote de CTV NewsNet et de Talk TV, 65 % de celles de The Comedy Network et 60 % de celles de Sports/Specials Pay Per View. Sports/Specials Pay Per View détient deux licences; l’une pour la distribution par satellite de radiodiffusion directe (SRD) et l’autre pour la distribution terrestre. CTV est aussi actionnaire minoritaire avec droit de vote dans SportsNet (40 %) et dans Outdoor Life (33,3 %). Elle contrôle SportsNet en qualité d’administrateur en chef et par l’entremise d’une convention de vote fiduciaire suivant laquelle elle contrôle en plus 20 % des actions avec droit de vote de la société. Elle détient aussi une participation minoritaire (12 %) dans le History and Entertainment Network.
  3. Pionnière dans les services de télévision spécialisés canadiens, NetStar est aussi un chef de file dans ce secteur. NetStar possède, directement ou par l’entremise d’une filiale, 100 % de The Sports Network (TSN) et du Réseau des sports (RDS) Inc. (RDS), 80 % des actions de The Discovery Channel (Discovery) ainsi qu’une participation minoritaire de 24,95 % dans Viewer's Choice Canada Inc. (Viewer’s Choice), société exploitant des services de télévision payante et à la carte.
  4. Cette transaction inclut aussi un certain nombre d’actions d’autres filiales de NetStar non réglementées par le Conseil. Dome Productions Inc., par exemple, offre divers services de production d’émissions, ainsi que des installations de distribution de programmation. St. Clair Group Investments Inc. est une société de marketing ponctuel, tandis que Networks North Incorporated est une société ouverte s’intéressant aux émissions de télévision interactives.
  5. ESPN, une société américaine, est actionnaire minoritaire de NetStar. Elle exploite quatre services de programmation de sport aux États-Unis et participe aussi, sur la scène internationale, à des activités liées à la télévision. ABC Inc., filiale indirecte de The Walt Disney Company, possède 80 % des actions d’ESPN.

La demande

  1. Le 10 février 1999, CTV a annoncé qu’elle avait signé un contrat avec les actionnaires canadiens de NetStar en vue d’acheter toutes les actions de celle-ci non détenues par ESPN Sub, filiale à part entière d’ESPN, soit 68,46 % des actions avec droit de vote émises et en circulation de NetStar. La transaction a été conclue le 5 mars 1999.
  2. Le Conseil avait approuvé une convention de vote fiduciaire relative à cette transaction, le 3 février 1999. Conformément à cette convention, les votes associés aux actions achetées par CTV sont détenus en fiducie par Donald G. Campbell, en attendant que le Conseil approuve leur transfert. La demande déposée en vue d’obtenir cette approbation a été examinée lors d’une audience publique tenue dans la région de la Capitale nationale et qui a commencé le 6 décembre 1999. La décision du Conseil est basée sur le dossier de l’instance qui s’est terminée le 13 décembre 1999.
  3. CTV a présenté une demande, au nom de TSN, RDS et 2953285 Canada Inc., exploitant sous le nom de Discovery, en vue d’obtenir l’autorisation de modifier le contrôle effectif de ces sociétés par un changement du contrôle effectif de leur société mère NetStar.
  4. Suite à cette transaction, la majorité des actions avec droit de vote de NetStar seraient transférées à 3578704 Canada Inc. (CTV Sub), filiale à part entière de CTV.
  5. Tel qu’indiqué ci-dessus, les actions de NetStar placées en fiducie représentaient 68,46 % des actions avec droit de vote. Toutefois, suite à une réorganisation des actions qui précéderait le transfert à CTV des actions de NetStar, les actions avec droit de vote de CTV dans NetStar augmenteraient à 80 % et celles d’ESPN, détenues par ESPN Sub, seraient réduites de 31,54 % à 20 %, quoique ESPN conserverait une participation de 31,54 %.
  6. La valeur de la transaction, indiquée par CTV, est le prix d’achat de 352 millions de dollars. En se fondant sur les éléments de preuve qui accompagnaient la demande, le Conseil n’est pas préoccupé par la disponibilité ou la suffisance du financement nécessaire.
  7. Après un examen approfondi, le Conseil approuve la demande sous réserve, par vote majoritaire, des conditions visant CTV et précisées plus loin dans la présente décision.

Questions

  1. La présente demande a soulevé un certain nombre de questions et de préoccupations qu’il convient de répartir en trois catégories : le degré de concentration de propriété pour la fourniture de programmation de radiodiffusion de sport au Canada qu'entraînerait l’approbation de cette demande, le degré d’influence que le partenaire non canadien ESPN pourrait avoir sur NetStar ainsi que l’admissibilité de certains avantages proposés par la requérante.

Concentration de propriété

  1. La transaction proposée grouperait, en une seule société, plusieurs types d’entreprises de radiodiffusion qui offrent des émissions de sport. Le réseau CTV ainsi que chaque station de télévision de CTV peuvent être reçues en direct par la majorité des Canadiens. À lui seul, le réseau CTV diffuse actuellement environ 150 heures de sport par année. En outre, la requérante contrôlerait les deux services spécialisés nationaux de sport, TSN et RDS.
  2. CTV contrôle SportsNet qui est autorisée à titre de service de sport régional. Toutefois, par condition de licence, SportsNet peut diffuser jusqu’à 67 % de sa programmation chaque semaine de radiodiffusion, sur l’ensemble de ses quatre signaux. En outre, dans la décision CRTC 2000-10, le Conseil a approuvé une demande autorisant SportsNet à fournir, uniquement en mode numérique, l’ensemble de ses quatre signaux régionaux actuels à des entreprises de distribution de radiodiffusion individuelles. SportsNet peut donc ajouter un nombre important d’émissions nationales à sa grille-horaire.
  3. Outdoor Life distribue aussi un nombre limité d’émissions de sport et la participation de NetStar dans Viewer’s Choice donne à CTV une entrée additionnelle dans le marché des services de télévision payante et à la carte. Dans les circonstances, suite à l’approbation de cette demande, CTV aurait la possibilité d’offrir du sport sur de nombreuses plateformes de radiodiffusion : la télévision en direct visant 99 % des foyers canadiens anglophones, des services spécialisés nationaux et régionaux de même que des services de télévision payante ou à la carte. Cette possibilité soulève des préoccupations quant à la capacité de CTV de dominer le marché de la fourniture de programmation de sport au Canada, au détriment d’autres radiodiffuseurs et, éventuellement, de l’auditoire canadien.

Préoccupations des intervenants

  1. La SRC et Friends of Canadian Broadcasting (Friends) se sont opposés à la demande. À leur avis, si la demande était approuvée, CTV exercerait un degré d’influence inacceptable dans le marché en ce qui a trait à l’obtention et la présentation d’émissions de sport.
  2. La SRC a estimé que la capacité de CTV d’offrir un grand nombre d’émissions de sport sur tant de plateformes de radiodiffusion lui conférerait un degré de contrôle inégalé sur ce genre de programmation pour un radiodiffuseur canadien. En effet, CTV serait en mesure de négocier des blocs d’émissions avec les détenteurs de droits incluant la télévision en direct sur une base nationale, les droits de télédistribution nationaux et régionaux, des débouchés dans les services à la carte et même la fourniture de matchs additionnels localement, à chaque station de CTV. La SRC a dit craindre que cela ne l’empêche elle-même d’obtenir les droits sur des émissions de sport attrayantes. À l’audience, elle a déclaré :
[Traduction] Au hockey, par exemple, CTV NetStar peut offrir d’acheter tout le contenu proposé par la ligue à un prix forfaitaire, qu’elle présente les éliminatoires à la télévision conventionnelle ou non. La SRC peut présenter seulement une partie des matchs de la LNH.
L’offre de la SRC pourrait être trois fois plus élevée par match à cause de la valeur plus grande de la couverture conventionnelle en direct, mais la Société pourrait quand même perdre les droits de la LNH. CTV pourrait offrir de distribuer des centaines de matchs de plus et organiser les grilles-horaires de son réseau spécialisé et de ses stations locales pour optimiser ses valeurs pour tous les matchs combinés…La SRC ou d’autres télédiffuseurs ne peuvent pas, d’un point de vue réaliste, soumettre des offres contre ce conglomérat, en particulier sans partenaire de services spécialisés.
  1. La SRC a souligné que les émissions de sport professionnels ont une place importante dans sa grille-horaire pour trois raisons. Premièrement, elles sont populaires et attirent d’importants auditoires. Deuxièmement, elles sont plus rentables que d’autres formes de programmation canadienne et lui permettent donc de canaliser une plus grande partie de son crédit parlementaire à des formes de programmation canadienne dont les coûts nets sont plus élevés. Troisièmement, les recettes provenant de la couverture des sports professionnels lui permettent d’attribuer davantage de ressources à la couverture du sport amateur.
  2. La SRC craignait aussi que l’approbation de la demande supprime toute possibilité de partenariat avec TSN. La Société a souligné qu’en devenant partenaire de TSN, elle était en mesure d’offrir le même prix qu’une offre combinée de CTV, SportsNet et Outdoor Life pour les droits des Jeux olympiques. Elle craignait que, si CTV achetait NetStar et contrôlait donc TSN ainsi que SportsNet, elle ne pourrait plus signer de contrat avec un canal spécialisé de sport. Cela la placerait donc en désavantage concurrentiel avec CTV au moment de soumettre des offres pour des droits.
  3. The Global Television Network (Global) a aussi estimé que les parties en mesure d’offrir des plateformes multiples aux détenteurs de droits de sport auraient un avantage sur d’autres radiodiffuseurs. Elle a déclaré que les détenteurs de droits de sport étaient intéressés par deux facteurs : le prix offert par les radiodiffuseurs et le degré d’exposition pouvant être offert pour l’événement sportif. La propriété de stations en direct ainsi que de services de télévision payante et spécialisée, permettrait à un radiodiffuseur de diffuser un événement sur une plateforme tout en en faisant la promotion sur d’autres. Global a estimé que, si la demande était approuvée, CTV serait largement en mesure d’offrir ces deux avantages.
  4. La SRC et Friends ont également dit craindre que, si une seule partie était en position dominante, la programmation de sport risquerait de passer de plus en plus aux services de télévision spécialisée, payante et à la carte, au détriment d’environ 25 % des Canadiens qui captent les émissions de télévision en direct.

La décision du Conseil

  1. Le Conseil continue d’encourager la croissance et l’expansion des radiodiffuseurs pour qu’ils puissent être concurrentiels dans l’environnement changeant de la radiodiffusion. Toutefois, il craint toujours que cette croissance puisse placer un radiodiffuseur en position dominante, au détriment d’autres radiodiffuseurs dans le marché canadien, que ce soit pour un type de service de radiodiffusion ou un type de programmation attrayante et rémunératrice comme les sports. Cette crainte est d’autant plus grande quand, comme dans le cas d’événements sportifs majeurs, la programmation ne se prête pas facilement à d’autres diffusions.
  2. Le Conseil craint que, si CTV exerçait son pouvoir d’offrir aux détenteurs de droits d’émissions de sport majeur un bloc complet de possibilités de diffusion, elle aurait un avantage indu sur d’autres radiodiffuseurs, pour l’acquisition de ces droits. Cet avantage concurrentiel pourrait nuire à d’autres radiodiffuseurs souhaitant inclure les sports dans leur grille-horaire, au détriment, au bout du compte, du système de radiodiffusion et des téléspectateurs canadiens.
  3. Le Conseil prend note des arguments de CTV selon lesquels de telles préoccupations ne sont pas justifiées. Premièrement, CTV a estimé que sa capacité concurrentielle d’obtenir des droits de propriété de sport majeur sur une base exclusive n’augmenterait pas du fait qu’elle ait accès aux entreprises de télévision en direct, spécialisée, payante et à la carte. Les propriétaires de droits de sport ne vendent pas, selon elle, différents types de droits de radiodiffusion dans un seul bloc. À l’audience, NetStar a déclaré :
[Traduction] …les ligues elles-mêmes contrôlent complètement la manière dont elles groupent leurs droits et le choix du radiodiffuseur pour chaque catégorie. Elles répartissent les droits en droits de radiodiffusion nationaux, droits de câblodistribution nationaux, droits de câblodistribution régionaux et droits de radiodiffusion locaux.
Dans cette instance…le réseau CTV aurait à soumettre des offres dans la catégorie des droits conventionnels contre d’autres radiodiffuseurs conventionnels. TSN aurait à soumettre des offres pour les droits de câblodistribution nationaux, mis en bloc par les ligues. SportsNet serait obligé de négocier avec chaque équipe pour obtenir les droits locaux et régionaux.
Ce n’est pas dans l’intérêt des ligues sportives de grouper ces blocs, puisque cela ne ferait qu’éliminer certains soumissionnaires – actuels ou éventuels.
  1. Deuxièmement, CTV a ajouté que les événements sportifs à gros budgets sont généralement présentés aux stations de télévision conventionnelles parce qu’aux services spécialisés, les cotes d’écoute d’événements sportifs sont relativement plus faibles.
  2. Ces arguments, toutefois, reflètent l’évolution actuelle de l’environnement de la radiodiffusion au Canada. Si la transaction était approuvée, telle que déposée, l’augmentation et la diversification des plateformes de CTV en ce qui a trait à la présentation d’événements sportifs pourrait bien modifier l’environnement pour la fourniture d’émissions de sport. Dans un tel environnement, les détenteurs de droits pourraient choisir de vendre différents droits, en blocs, aux radiodiffuseurs capables d’offrir une diversité de plateformes de radiodiffusion. Une concurrence juste, réelle et durable deviendrait alors impossible.
  3. Le Conseil fait remarquer que CTV n’a pas prévu d’augmenter la programmation de sport à son réseau de télévision et qu’elle a même mentionné qu’elle allait peut-être la réduire. CTV a déclaré qu’elle se consacrerait plutôt à la programmation « prioritaire », définie dans la politique télévisuelle du Conseil. CTV pourrait, toutefois, augmenter sa programmation de sport dans une certaine mesure à son réseau conventionnel tout en continuant d’honorer ses engagements en matière de programmation prioritaire. De plus, même si elle n'augmente pas le nombre d’émissions de sport à son réseau, il est possible que CTV s'approprie les événements sportifs majeurs qui intéressent la majorité des radiodiffuseurs et qui sont au centre des préoccupations du Conseil.
  4. Le Conseil craint aussi que, suite à la présente transaction, de plus en plus de sport passe de la télévision en direct à la distribution par câble, en raison de l’incapacité des radiodiffuseurs en direct de concurrencer CTV pour cette programmation. Suivant pareil scénario, les Canadiens qui ne sont pas abonnés au câble ou à d’autres systèmes de distribution verraient leurs possibilités de voir des sports réduites.
  5. Le Conseil prend note des observations de CTV selon lesquelles TSN s’efforcerait de signer des contrats de partenariat avec la SRC et d’autres radiodiffuseurs si la demande était approuvée. Toutefois, la logique inhérente au projet de groupe de radiodiffusion de sport de CTV inciterait cette dernière à utiliser les services qu’elle contrôle pour signer des contrats de partenariat relatifs aux événements sportifs les plus attrayants. Cette situation risquerait de compromettre un équilibre concurrentiel sain dans la fourniture par les radiodiffuseurs canadiens de programmation de sport.
  6. Dans la décision CRTC 2000-85 rendue aujourd’hui, le Conseil a approuvé une demande de Sportscope Television Network Ltd. visant la distribution d’un nombre limité d’événements sportifs en direct dans le cadre de son service Headline Sports. Celui-ci pourrait être un autre partenaire éventuel pour la radiodiffusion d’événements sportifs. Le Conseil est d’avis, toutefois, que, compte tenu du nombre limité d’événements sportifs en direct que Headline Sports peut diffuser, ainsi que des conditions qui lui sont imposées pour garantir qu’il reste axé sur la présentation de faits saillants de même que des résultats et des nouvelles de sport, limiteraient sa capacité d’apaiser les préoccupations en matière de domination.
  7. Le Conseil prend note des déclarations de la requérante selon lesquelles la fusion serait avantageuse puisque la programmation de TSN et SportsNet demeurerait fort probablement complémentaire, telle que prévue au moment de l’autorisation de ces services. Le Conseil convient aussi que la fusion bénéficierait au sport amateur compte tenu des avantages proposés par la requérante et des possibilités accrues de présentation d’événements de sport amateur. Toutefois, lorsqu’il a attribué la licence de SportsNet à CTV en 1996, le Conseil a par ailleurs refusé la demande de TSN visant un service de sport régional. Il voulait ainsi garantir qu’un acteur ne dominerait pas le marché des émissions de sport nationales et régionales dans les services spécialisés. Le Conseil estime que la propriété séparée de services spécialisés de sport nationaux et régionaux reste d’intérêt public, en particulier parce que CTV participe déjà à la télédiffusion de sport en direct et qu’elle pourrait éventuellement accroître ses débouchés de radiodiffusion de sport dans le secteur des services de télévision payante et à la carte.
  8. Pour répondre aux préoccupations du Conseil relatives à la capacité éventuelle de CTV de dominer le marché dans le domaine de la programmation de sport et aux conséquences indésirables possibles pour les autres radiodiffuseurs, le Conseil, exige, par vote majoritaire, comme condition d’approbation de la demande, que CTV soumette à son approbation une demande de dessaisissement de ses actions dans SportsNet d’ici un an à compter d’aujourd’hui. Si une demande de dessaisissement ne peut être soumise d'ici un an, CTV doit déposer en fiducie ses actions dans SportsNet jusqu'à ce qu'une telle demande soit déposée et que le Conseil ait statué sur celle-ci. De même, le Conseil exige par vote majoritaire, comme condition d'approbation de la demande, que CTV confirme, d’ici un an, qu’elle ne gère plus SportsNet directement ou indirectement et qu’elle ne détient plus de droit de vote sur les actions d’autres actionnaires, par convention de vote fiduciaire ou autrement.

Influence d’ESPN

  1. Bien que CTV soit un important radiodiffuseur canadien bien établi, le Conseil est préoccupé par l’influence qu’ESPN pourrait avoir sur l'exploitation de NetStar, même à titre d’actionnaire minoritaire. À l’audience, il a fait part de ses préoccupations à l’égard de certaines modalités du projet de modification de la convention des actionnaires et de l’ébauche du contrat de licence de marque qui accompagnait la demande. Ces contrats, pris ensemble, pourraient amener ESPN à exercer un degré d’influence inacceptable sur des titulaires canadiennes.
  2. Le Conseil ne sollicite pas de demandes concurrentes pour le transfert de propriété ou de contrôle d’entreprises de radiodiffusion. Il lui appartient donc de garantir que, lorsqu’il approuve un projet de transaction, celui-ci sert l’intérêt public, les localités visées ainsi que le système canadien de radiodiffusion dans son ensemble. Son objectif final est de garantir que l’acheteur, ainsi que les avantages proposés, sont les meilleurs possibles dans les circonstances et qu’ils permettent de promouvoir l’atteinte des objectifs établis dans la Loi sur la radiodiffusion, notamment ceux concernant la propriété et le contrôle canadiens des radiodiffuseurs.

Pouvoir d’ESPN de choisir les actionnaires

  1. L’article 5.3.1 du projet de modification de la convention des actionnaires accorde à ESPN le pouvoir de suspendre pendant trois mois une offre de bonne foi de Canadiens faite aux actionnaires canadiens de NetStar en vue d’acheter leurs actions, pour permettre à ESPN de solliciter une offre qui lui paraît plus acceptable d’une autre partie. Cette clause donne à ESPN, en tant qu’actionnaire minoritaire, la capacité de choisir l’actionnaire majoritaire de NetStar, bien que ce choix reste assujetti à l’approbation du Conseil. De fait, la requérante n’est pas le premier acheteur de la majorité des actions de NetStar détenues par des Canadiens parce qu’ESPN a invoqué l’article 5.3.1. Le Conseil estime que la manière dont les parties appliquent une clause est une question de fait pertinente et il en a tenu compte.
  2. L’article 5.3.1 a été inclus dans la convention des actionnaires conclue en juillet 1995 entre NetStar, ESPN et divers autres actionnaires canadiens. Il visait à protéger les actionnaires minoritaires. Le Conseil estime que ce type de protection a pu être utile dans un contexte où ESPN était l’actionnaire minoritaire qui détenait le plus grand nombre d’actions, à l’intérieur d’une structure de propriété incluant aussi plusieurs autres actionnaires minoritaires.
  3. Selon la structure de propriété proposée, le Conseil craint que l’article 5.3.1, suivant lequel le seul actionnaire étranger minoritaire aurait, de fait, le droit de choisir le partenaire canadien majoritaire de NetStar, pourrait éventuellement avoir des répercussions sur la capacité de certaines parties canadiennes de soumettre des offres, dans l’avenir, visant à acquérir le contrôle de la société. Le Conseil estime que cette situation réduirait la possibilité de garantir que les demandes futures qui lui sont présentées à l’égard du transfert de contrôle de l’entreprise seraient, dans les circonstances, les meilleures possibles.
  4. Compte tenu de cette préoccupation, le Conseil exige, par vote majoritaire, comme condition d’approbation de la demande, que l’article 5.3.1 soit supprimé du projet de modification de la convention des actionnaires. Il exige en outre qu’une convention révisée reflétant cette modification ainsi que les modifications proposées à l’audience publique par la requérante, lui soit soumise dans les 90 jours.

Entente relative à la marque

  1. Conformément au paragraphe no 5 de la promesse d’offre de CTV qui accompagnait la demande, les parties conviennent de remplacer le nom de TSN par ESPN Canada, dans les 18 mois suivant la clôture de la transaction. Cette modification doit être effectuée suivant un contrat de licence de marque. Une ébauche du contrat a été déposée, mais CTV a indiqué que la version définitive n’était pas encore disponible.
  2. L’article 11 de cette ébauche de contrat, qui traite des modalités de résiliation de ce dernier, préoccupe particulièrement le Conseil. L’article 11.4 du contrat stipule qu’à tout moment, une fois les trois premières années du contrat passées, ESPN peut résilier ce dernier sans motif à condition d’en aviser CTV 120 jours à l’avance. CTV doit alors offrir d’acheter toutes les actions d’ESPN dans NetStar. Au moment de l'examen de la demande, CTV évaluait la valeur de ces actions à 196,49 millions de dollars. L’ébauche de contrat n’accorde pas à CTV le même pouvoir de résilier le contrat sans motif.
  3. Le Conseil craint qu’ESPN, en qualité d’actionnaire minoritaire, puisse résilier le contrat de licence de marque sans motif, à bref délai de préavis, laissant à CTV le fardeau de reconstruire la marque TSN ou de créer très rapidement une nouvelle marque, à un coût considérable. CTV pourrait donc ainsi être tenue d’engager rapidement les dépenses d’une deuxième modification de la marque après aussi peu que trois ans, soit peut-être bien avant le plein amortissement des coûts de la première modification de marque. Par ailleurs, CTV serait aussi tenue d’acheter les actions d’ESPN. Dans ces circonstances, CTV, même comme actionnaire majoritaire, serait sans doute fortement incitée à répondre à toutes les préoccupations d’ESPN afin d’éviter que celle-ci ne résilie le contrat. ESPN aurait ainsi plus d'influence sur NetStar que n’en aurait normalement un actionnaire minoritaire.
  4. Compte tenu de cette préoccupation, le Conseil exige, par vote majoritaire, comme condition d’approbation de la demande, que CTV dépose pour fins d’approbation une version finale du contrat de licence de marque. L’article 11 de ce contrat doit être modifié afin de prévoir la réciprocité des modalités de résiliation du contrat par les deux parties. Il doit aussi prévoir que le droit de résilier le contrat sans motif n’entrera pas en vigueur avant bien au-delà de trois ans et que l’exercice de ce droit sera assujetti à une période d’avis beaucoup plus longue.

Avantages

  1. Le Conseil a déclaré à plusieurs reprises que, parce qu’il ne sollicite pas de demandes concurrentes pour le transfert de propriété ou de contrôle effectif d’entreprises de radiodiffusion, il appartient à la requérante de prouver que la demande déposée est la meilleure possible compte tenu des circonstances. Entre autres choses, il s’attend à ce qu’une requérante propose un bloc d’avantages particuliers qui entraîneront des améliorations tangibles pour les localités desservies par l’entreprise de radiodiffusion et le système canadien de radiodiffusion.
  2. Dans sa nouvelle politique sur la télévision intitulée La politique télévisuelle au Canada : Misons sur nos succès (l’avis public CRTC 1999-97), le Conseil a établi sa politique relative aux blocs d’avantages en fonction de ses attentes en général vis-à-vis des requérantes. La politique en question s’applique à tous les transferts de propriété ou de contrôle d'entreprises de télédiffusion, y compris les entreprises de télévision conventionnelle, payante, à la carte et spécialisée. Le Conseil a déclaré qu’il s’attendait généralement à ce que les requérantes s’engagent à offrir des avantages tangibles clairs et sans équivoque représentant une contribution financière de 10 % de la valeur de la transaction acceptée par le Conseil.
  3. CTV a proposé un bloc d’avantages d’une valeur totale de 35,22 millions de dollars, soit environ 10 % du prix d’achat de 352 millions de dollars. Le Conseil fait remarquer que la requérante et les intervenantes ont discuté à l’audience de la pertinence d’utiliser le prix d’achat pour calculer la valeur de cette transaction aux fins de l’application de ses avantages importants. Il prend note de la position de CTV selon laquelle il devrait utiliser le prix d’achat pour déterminer le niveau d’avantages tangibles et il accepte cette position aux fins de la transaction en question. Il souligne toutefois la position de certains intervenants selon laquelle la valeur de la transaction n’équivaut pas forcément au prix d’achat et qu’une telle approche pourrait être imprécise, suivant l’importance de la dette de l’entreprise. Lors de futures transactions, le Conseil s’attendra à ce que les requérantes prouvent que le calcul utilisé pour déterminer la valeur de la transaction est celui qui convient le mieux dans les circonstances.
  4. Les avantages proposés par CTV sont répartis en deux catégories. Les avantages liés aux subventions et aux bourses d’études se chiffrent à 9,75 millions de dollars, tandis que les avantages liés à la programmation totalisent 25,47 millions de dollars. L’annexe de la présente décision renferme une liste des initiatives proposées à titre d’avantages dans cette transaction. CTV a confirmé que ces avantages s’ajoutaient à ceux auxquels NetStar s’était déjà engagée, aux conditions de licence de chaque service spécialisé acquis ou détenu antérieurement ainsi qu’aux engagements actuels pris à l’égard de ces services.
  5. Le Conseil n’a pas de préoccupations à l’égard des avantages liés aux bourses d’études ou aux subventions. Ces projets prévoient clairement l’attribution de fonds à des tiers. Il souligne par ailleurs la déclaration de CTV selon laquelle en plus des avantages proposés lors du dépôt de la demande, elle contribuerait 500 000 $ au service National Broadcast Reading Service connu sous le nom de VoicePrint. Cette somme proviendrait de toute portion inutilisée des sommes réservées aux bourses d’études et aux subventions, le cas échéant, ou, si les fonds n’étaient pas disponibles, elle constituerait un engagement en sus de ceux qui sont énoncés dans la demande.
  6. Le Conseil continue toutefois d’être préoccupé par deux des avantages proposés en matière de programmation, soit la couverture des Jeux du Canada et celle des Jeux du Québec. Combinées, ces deux initiatives représentent 11,7 millions de dollars, soit environ un tiers du total des avantages tangibles de CTV qui s’élève à 35,22 millions de dollars.
  7. Le Conseil fait remarquer que les deux avantages en cause s’appliquent à des émissions qui seraient présentées par des services de NetStar et produites par la titulaire elle-même, et non pas par des producteurs indépendants.
  8. Le Conseil a accepté, dans la décision CRTC 96-75, lorsqu’il a approuvé le transfert de RDS/TSN et de Discovery Channel à Canadian Telacquisition Inc., de considérer des initiatives semblables comme des avantages, mais il a quand même déclaré ce qui suit :
Le Conseil rappelle à la requérante dans la présente transaction qu'il continuera d’évaluer les avantages des demandes sur une base ponctuelle, mais il examinera également dans quelle proportion les avantages sont destinés à des tierces parties ou au système canadien de radiodiffusion dans son ensemble.
  1. Le Conseil estime qu’il n’y a pas lieu d’accepter comme avantages des initiatives liées à la télédiffusion des Jeux du Canada et des Jeux du Québec, même s’il a accepté les Jeux du Canada comme avantage en 1996. Lorsqu’il a accepté les Jeux du Canada comme avantage lors de la dernière transaction de propriété visant NetStar, il a dit craindre que les avantages proposés étaient intéressés. Le Conseil est d’avis que les Jeux du Canada et les Jeux du Québec sont des événements sportifs qui s’insèrent dans le mandat courant des services spécialisés nationaux de sport, malgré leur attrait pour le grand public. Il ajoute que les producteurs indépendants ne bénéficieraient d’aucun avantage en tant que tiers, puisque ces événements seraient produits par la titulaire.
  2. Par conséquent, comme condition à l’approbation de la transaction en cause, le Conseil exige que CTV attribue à d’autres initiatives les 11,7 millions de dollars qu’elle entendait réserver comme avantages aux Jeux du Canada et aux Jeux du Québec. Ces nouvelles initiatives doivent comporter des paiements à des tiers indépendants et sans liens aucuns avec la titulaire. De plus, le Conseil exige que dans les 90 jours, CTV soumette à son approbation le bloc d’avantages révisé. Il s’attend toutefois à ce que CTV mette en œuvre ses projets relatifs à la couverture des Jeux du Canada et des Jeux du Québec, même si les sommes qui y sont consacrées ne sont pas admissibles à titre d’avantages tangibles. Ces projets s’inscrivent bel et bien dans le mandat de RDS et TSN et forment une partie importante de la demande.
  3. La requérante a proposé un autre avantage qui ressemble à celui des Jeux du Canada et des Jeux du Québec, du fait que la programmation serait diffusée par la titulaire et ne serait pas produite par une maison indépendante. Cet avantage concerne La Coupe du Canada : Hockey féminin. Le Conseil a toutefois décidé de l’accepter puisqu’il s’agit d’un événement nouveau qui mettra en valeur, à l’échelle nationale, ce sport très peu représenté dans la presse sportive qu’est le hockey féminin.

Autres questions

  1. La Canadian Cable Systems Alliance (CCSA), qui représente les petites entreprises de câblodistribution, s’est dite préoccupée par le fait que, dans le passé, TSN a refusé de traiter avec elle en sa qualité de représentante d’affaires de ses membres. Le Conseil souligne que CTV lui a garanti que, si la demande était approuvée, elle reconnaîtrait la CCSA comme agent de ses membres pour la négociation d’ententes d’affiliation avec TSN.
  2. Le Conseil a pris note des interventions déposées au sujet de cette demande et il les a toutes examinées avant de rendre sa décision.

Secrétaire général

La présente décision devra être annexée à la licence. Elle est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consultée sur le site Internet suivant : http://www.crtc.gc.ca



Annexe à la décision CRTC 2000-86

Sommaire des avantages tangibles

Programmation (millions de dollars)
1. Bassin de production pour le sport amateur 2,77
2. Les Jeux du Canada 9,20
3. La Coupe du Canada : Hockey féminin 1,25
4. Documentaires sur le sport canadien 4,50
5. Capsules sur le sport canadien 1,00
6. Expéditions de Discovery 1,25
7. Émission « Science Noodles » de Discovery 1,50
8. Projet « Great Canadian Books » 1,50
9. Les Jeux du Québec 2,50
Total pour la programmation 25,47
Bourses d’études et subventions  
Subventions individuelles  
1. Réseau de télévision des peuples autochtones 1,50
2. « Banff Television Foundation » 1,25
3. Centre canadien du film 1,00
4. Chaires en radiodiffusion scientifique 2,00
« Enveloppe » de bourses d’études et de subventions 3,30
5. Projet de « star system » canadien  
6. Association des femmes en communications  
7. Académie canadienne du cinéma et de la télévision  
8. Développement de la radiodiffusion dans les petites localités  
9. Bourses d’études en communications de langue française  
10. Réseau de sensibilisation aux médias  
11. Atelier de Ryerson sur la rédaction médiatique  
12. Bourses d’études en journalisme sportif  
13. Initiatives sur le plan de la diversité 0,70
Total des bourses d’études et subventions 9,75 
TOTAL DES AVANTAGES 35,22 

 

Opinion minoritaire du conseiller David McKendry

J’approuverais inconditionnellement la demande présentée par CTV Inc. (CTV) en vue d’acquérir une participation majoritaire dans NetStar Communications Inc. (NetStar).

La demande a été présentée par CTV au nom de The Sports Network Inc. (TSN), Le Réseau des sports (RDS) inc. (RDS) et 2953285 Canada Inc., exploitant sous le nom de The Discovery Channel (Discovery) en vue d’effectuer un changement de contrôle dans NetStar.

L’acquisition de NetStar par CTV ne soulève pas de grandes préoccupations sur le plan de la concurrence. Je n’exigerais donc pas que CTV se dessaisisse des 40 % d’actions avec droit de vote qu’elle détient dans CTV Sports Net Inc. (Sports Net) pas plus que j’exigerais que CTV se retire des conventions de vote et de gestion avec d’autres actionnaires de Sports Net. De plus, je ne conclus pas que NetStar serait contrôlée par un non-Canadien, ce qui serait contraire aux Instructions au CRTC (Inadmissibilité de non-Canadiens).1 J’accepte donc les conventions intervenues entre CTV, NetStar et ESPN Inc. En ce qui concerne le contrat de licence de marque entre CTV, NetStar et ESPN qui n’a pas encore été signé, c’est aux parties qu’il revient de le négocier.

Le contexte est important

Mon approbation de la demande de CTV est directement liée au nouvel environnement de la radiodiffusion. En effet, cet environnement se caractérise par une vive concurrence nationale et internationale pour les téléspectateurs, ce qui exige de solides radiodiffuseurs canadiens capables d’offrir aux Canadiens des choix d’information et de divertissement canadiens attrayants.

La technologie crée une abondance de voies d’accès vidéo dans les foyers des téléspectateurs. Les principaux systèmes de câblodistribution au Canada sont à convertir leur distribution de l'analogique au numérique, créant ainsi des douzaines si ce n’est des centaines de nouveaux canaux. Les distributeurs canadiens et américains de services par satellite de radiodiffusion directe (SRD) et les systèmes de distribution multipoint (SDM) ont fait leur apparition et livrent concurrence aux câblodistributeurs.2 L’augmentation de la capacité de distribution s’est traduite par la disponibilité de plus de 80 services canadiens et étrangers de programmation par satellite, fragmentant les auditoires et offrant une concurrence aux radiodiffuseurs conventionnels. La part de l'auditoire des stations conventionnelles de langue anglaise a diminué de façon considérable ces dernières années.

Internet est le canal vidéo le plus important et le plus révolutionnaire dans les foyers, en particulier pour les Canadiens. De nombreux services vidéo, y compris la télévision en direct, sont offerts sur l’infrastructure Internet à largeur de bande étroite qui domine le marché Internet résidentiel d’aujourd’hui.3 La généralisation des canaux vidéo sur Internet se fera au fur et à mesure que les téléspectateurs auront accès à de plus grandes largeurs de bande. Cette expansion est en train de se faire et devrait rendre la qualité vidéo sur Internet équivalente à celle d’autres systèmes de distribution.4

Un facteur tout particulièrement pertinent dans l’examen que j’ai fait de la demande de CTV est l’annonce par le Conseil, l’année dernière, qu’il ne réglementerait pas les services de nouveaux médias sur Internet. Le matériel transmis sur Internet qui est visé par la définition de radiodiffusion dans la Loi sur la radiodiffusion est exempté de la réglementation.5 CTV et d’autres radiodiffuseurs font face à une concurrence accrue des compagnies fournissant des services vidéo sur Internet. Par exemple, les Canadiens ayant Internet auront accès à du contenu provenant de grosses sociétés de distribution et de contenu étrangères comme AOL Time Warner.6 Deux des émissions de télévision les plus populaires au Canada, ER et Friends, appartiennent à Time Warner. Il n’est pas difficile d’envisager que les abonnés canadiens à Internet de AOL Time Warner ayant accès à une grande largeur de bande pourront voir ces émissions et d’autres émissions de Time Warner7 sur Internet.

En transition

Nous sommes en transition vers un environnement de choix globaux pratiquement illimités en matière de divertissement et d’information. Le défi à relever sur le plan politique et réglementaire est de favoriser la disponibilité des choix canadiens dans cet environnement. Une fois la transition achevée, les débouchés pour les radiodiffuseurs canadiens qui ne sont pas solides sont compromis dans le monde sans frontières d’Internet. Le Conseil a exprimé ses inquiétudes au sujet des nouveaux médias lorsqu’il a annoncé sa décision de ne pas réglementer Internet : « Le CRTC craint que toute tentative de réglementer les nouveaux médias canadiens ne place cette industrie en situation de désavantage sur le plan de la concurrence qui s’exerce à l’échelle mondiale. »8 Le Conseil a défini les services de nouveaux médias « comme ceux [des services] transmis par Internet. »9

Comme Global Television Network l’a déclaré à l’audience du Conseil portant sur la demande de CTV [Traduction] « Nous tous du groupe CTV essayons de trouver notre route dans un nouvel environnement. »10 La demande de CTV répond à ce nouvel environnement11 qui exige la présence de radiodiffuseurs canadiens solides dotés des ressources leur permettant d’offrir aux Canadiens des choix canadiens dans un monde du divertissement et de l’information de plus en plus ouvert.

Préoccupations soulevées à l’égard de la concurrence

J’aborderai maintenant les préoccupations concernant la concurrence soulevées par l’acquisition de NetStar par CTV.

La Direction des fusionnements du Bureau de la concurrence, chargée de l’examen des transactions de fusionnement, doit déterminer si elles risquent de réduire ou d’empêcher la concurrence dans le marché. Le 3 décembre 1999, le Bureau a écrit à Osler Hoskin & Harcourt concernant l’acquisition de NetStar par CTV.

[Traduction] Le Bureau de la concurrence a examiné de façon approfondie les implications de la transaction sur la concurrence, qui incluait des entretiens avec les participants du marché et les experts de l’industrie. Notre analyse a porté sur trois marchés distincts de produits : la distribution de la programmation par le câble et autres canaux de distribution, la fourniture d’espace/temps de publicité aux annonceurs ainsi que l’acquisition de droits de diffusion de sports majeurs. Nous n’avons pas cerné à ce jour de préoccupations importantes en matière de concurrence dans les deux premiers marchés qui nous inciteraient à soumettre le projet de transaction au Tribunal de la concurrence.12

Pour ce qui est de l’acquisition des droits de diffusion des sports majeurs, le Bureau a déclaré ne pas pouvoir déterminer dans quelle mesure TSN et Sports Net se livrent concurrence pour ces droits. C’était parce que le Conseil [Traduction] « a autorisé ces services comme complémentaires et on ne sait pas dans quelle mesure la concurrence entre ces deux canaux pour les droits relatifs aux sports majeurs respecte la politique sous-jacente du CRTC… Il se peut que le degré de concurrence permise et réelle entre TSN et Sports Net soit une question sur laquelle le Conseil se penchera à l’audience imminente. »13 Le Bureau a également fait remarquer que le Conseil était à examiner une demande de modification de licence de Sportscope Television Network Ltd. (Sportscope), [Traduction] « d’où la possibilité d’un autre acheteur de droits de diffusion de sport en direct ».14 ». Compte tenu de ces préoccupations, le Bureau a déclaré qu’il attendrait la conclusion de ces instances avant de trancher.

Pour ce qui est de la demande de Sportscope visant à modifier sa licence, le Conseil a approuvé aujourd'hui la demande, ce qui signifie un autre acheteur éventuel pour les droits de diffusion de sport en direct.15 Sportscope pourra diffuser près de 25 heures d’événements sportifs en direct par semaine. Même si les modifications imposent des restrictions en ce qui concerne la diffusion par Sportscope de sport en direct, NetStar affirme qu’elles introduisent une concurrence plus vive pour TSN :

LA PRÉSIDENTE : [Traduction] … Pouvons-nous déduire du fait que NetStar n’est pas intervenue par écrit seulement …que vous êtes préoccupée et de fait que [Sportscope] pourra y arriver et acheter des droits d’émissions intéressantes qui livreront concurrence à ce que vous présentez?
M. CRAIG : [Traduction] Madame la présidente, la réponse à cette question est oui.16

Sports Net autorisée comme complément de TSN

Pour ce qui est du degré de concurrence entre TSN et Sports Net, le Conseil a clairement indiqué que Sports Net a été autorisée comme complément de TSN. Le Conseil a déclaré en 1998 :

afin d’offrir un large éventail de services de programmation, le Conseil a adopté comme politique de ne pas autoriser plus d’un service spécialisé par genre d’émission. Conformément à cette politique, il a autorisé SportsNet comme un service de programmation de sport régional avant tout et TSN comme un service de sport national.17

Le Conseil a déclaré de nouveau l’année dernière que la programmation de Sports Net doit être un complément de celle de TSN :

[SportsNet] a été autorisé comme un service « régional », offrant une programmation complémentaire à celle de TSN. Le Conseil se dit préoccupé par les activités de SportsNet qui s’éloignent de la notion de complémentarité.18

Le Conseil a récemment réaffimé la pratique qu’il a adoptée de n’autoriser pas plus d’un service spécialisé par genre lorsqu’il a annoncé sa politique relative aux nouveaux services de télévision payante et spécialisée numériques :

Pour réduire les risques du lancement de services en mode numérique, le Conseil autorisera des services de la catégorie 1 à raison de un par genre. Plus particulièrement, il n’autorisera pas de services qui concurrencent directement un autre service de la catégorie 1 ou encore un service de télévision spécialisée ou payante en place... le Conseil n'autorisera pas de services de la catégorie 2 qui concurrencent directement un service de télévision spécialisée ou payante existant ou un nouveau service de la catégorie 1.19

La concurrence pour les droits n’est pas interdite

La notion de programmation complémentaire n’empêche pas TSN ou Sports Net de se livrer concurrence pour des droits de diffusion régionaux ou nationaux. En effet, en 1998, le Conseil a déclaré :

TSN est un service national spécialisé axé sur le sport et ayant une capacité restreinte pour diffuser des émissions de sport sur plus d’un signal, et SportsNet est un service régional axé « surtout » sur les intérêts spéciaux des « quatre versions régionales distinctes ». Cette distinction entre national et régional devrait guider les activités des deux services en matière de distribution et de contenu.
D’après ce qui précède, la complémentarité entre TSN et SportsNet, reflétée dans les conditions de licence de chaque titulaire, devrait être considérée comme s’appliquant à la distribution des émissions et non comme en interdisant l’acquisition.20

De toute évidence, le Conseil n’a pas imposé de restrictions à TSN ou à Sports Net en ce qui concerne la soumission d’offres pour des droits de diffusion de sports majeurs. TSN a acheté les droits pour certaines propriétés régionales de la Ligue nationale de hockey (LNH); Sports Net a acheté les droits nationaux au câble pour les propriétés de la LNH.21 Toutefois, compte tenu des émissions distinctes que TSN et Sports Net sont tenus par le Conseil de diffuser, j’accepte l’assertion de CTV selon laquelle TSN continuera d’acheter surtout des droits nationaux tandis que Sports Net continuera d’acquérir principalement des droits régionaux.22 Je suis d’accord aussi avec CTV pour dire que son exploitation de TSN et de Sports Net facilitera le respect des mandats de complémentarité des services.23

La gestion unifiée des services diminue la possibilité que des propriétaires distincts empiètent sur le mandat de programmation de l’autre, problème auquel le Conseil s’est attaqué l’année dernière en ce qui concerne une plainte de TSN selon laquelle Sports Net n’était pas exploité conformément à sa licence.24 Je fais remarquer que dans sa politique concernant la radio, le Conseil accepte la notion qu’un propriétaire de plusieurs stations de radio offrira probablement différentes formules dans le même marché sans intervention réglementaire, situation qui ressemble à la propriété commune de services de télévision spécialisée.25

La gestion unifiée de TSN et de Sports Net peut également offrir davantage de choix aux téléspectateurs. Selon CTV :

[Traduction] ...dans le cas où nous diffusons en mode concurrentiel… il y a de nombreux cas où, par exemple, nous y allons directement avec la même formule de programmation, c.-à-d., matchs de soccer, tournois de golf ou émission magazine sur le golf opposés à un tournoi de golf, ce que vous éviteriez à tout prix dans un environnement complémentaire… . Cela nous donne la chance de nous assurer que le téléspectateur a le choix...26

Revenus des détenteurs de droits

En ce qui concerne la concurrence pour les droits de diffusion de sport majeur, la principale inquiétude des parties opposées à la demande de CTV est que CTV, TSN et Sports Net agissent de concert pour acheter les droits, réduisant ainsi les revenus des détenteurs de droits. Cette opinion a été exprimée par le club de baseball des Blue Jays de Toronto (Blue Jays), le Bureau du Commissaire du baseball, Orca Bay Sports & Entertainment (Orca Bay) et Friends of Canadian Broadcasting.

D’autres parties, dont des organismes de sport amateur et professionnel, ont appuyé l’acquisition : la Ligue canadienne de football (LCF), le club de hockey des Sénateurs d’Ottawa (les Sénateurs d'Ottawa), le Conseil des Jeux du Canada, l'Association canadienne du Hockey, le Comité olympique international et la Canadian Independent Sports Producers Association. La Directors Guild of Canada ne s’est pas opposée à la demande de CTV.27 Pour sa part, Global Television Network, n’est ni favorable ni défavorable à la demande telle quelle. »28

Certains organismes représentant les sports majeurs, dont la LNH, la Ligue nationale de football et la National Basketball Association ne sont pas intervenus dans cette instance.

Les Blues Jays ont fait valoir que l’acquisition de NetStar par CTV réduirait le coût des droits de diffusion, ce qui aurait une incidence négative sur le prix des billets de baseball : [Traduction] « Les recettes de télévision aident à garder le prix des billets de baseball à des niveaux modérés pour les amateurs de sport comparativement à d’autres sports majeurs au Canada. »29 Le Bureau du Commissaire du baseball souligne également ce point.30 Je n’accepte pas que des services spécialisés ou des abonnés du câble soient obligés de subventionner le prix des billets des spectateurs aux matchs des Blue Jays ou d’autres clubs.

Les Blue Jays prétendent que [Traduction] « Un monopole de radiodiffusion ne servira ni les intérêts des Blue Jays ni ceux des amateurs de baseball au Canada. »31 Cela est vrai. Toutefois, un monopole de radiodiffusion n’est pas ce que nous avons, point qu’a soulevé la LCF :

[Traduction] Je ne crois pas qu’avec ce transfert (de NetStar à CTV), notre capacité de négocier ou notre force de frappe disparaîtra. Si nous retournons deux ans en arrière, comme je l’ai dit, nous avions quatre offres solides (pour des droits de diffusion). Ce transfert ne ferait qu’en éliminer une, et nous nous retrouverions quand même avec trois offres. Je continue de croire qu’il s’agit là d’un nombre suffisant pour créer un environnement concurrentiel.32

Les Sénateurs d’Ottawa ont fait valoir que c’est la concurrence entre commanditaires et non la concurrence entre radiodiffuseurs pour les droits qui est un facteur déterminant dans les recettes de l’équipe :

[Traduction] Il est également utile de rappeler deux raisons pour lesquelles nous avons eu une importante augmentation l’année dernière ou l’année d’avant – l’an dernier – dans nos recettes de télévision. La première est le développement d’une programmation régionale avec CTV Sportsnet qui a eu un changement important dans notre base de recettes parce qu’il nous a ouvert à la région de l’Atlantique. La seconde a été la concurrence sur le plan de la commandite. Ce n’était pas la concurrence entre la SRC et CTV et Global. C’était la concurrence entre Molson et Labatt pour la commandite.33

La preuve de CTV va dans le sens de celle de CFL et du témoignage des Sénateurs d’Ottawa :

[Traduction] Aujourd’hui, les détenteurs de droits peuvent choisir parmi un large éventail d’acheteurs de droits, y compris de nombreux radiodiffuseurs conventionnels et spécialisés nationaux, régionaux et locaux, ainsi que des acheteurs autres que des radiodiffuseurs, selon celui qui offre la combinaison prix/mise en valeur la plus attrayante.34

La preuve de la compagnie inclut des tableaux donnant la liste des droits de sport détenus par divers radiodiffuseurs,35 notant que les droits sont également achetés par des annonceurs et d’autres intermédiaires.36 Cette preuve n’a pas été réfutée par d’autres parties dans cette instance. De plus, tel que mentionné précédemment, le Conseil a approuvé la demande de Sportscope visant à modifier sa licence, d’où la possibilité d’un autre acheteur pour des droits de diffusion de sport en direct.

Orca Bay, propriétaire-exploitant de l’équipe de hockey les Canucks de Vancouver et de l’équipe de basketball les Grizzlies de Vancouver, s’est opposée à l’approbation de la demande. Orca Bay n’a pas comparu à l’audience du Conseil portant sur la demande de CTV et le Conseil n’a donc pu l’interroger au sujet de son intervention écrite. Par conséquent, j’accorde moins d’importance à son intervention que je ne le fais pour les interventions des parties ayant comparu devant le Conseil. Quant à l’intervention écrite d’Orca Bay, l’objection de l’organisation semble reposer en grande partie sur le fait que TSN et Sports Net sont tous deux des services spécialisés régionaux de sport qui se livrent directement concurrence.37 Tel que mentionné précédemment, le Conseil n’autorise pas TSN ou Sports Net à se livrer directement concurrence au chapitre de la distribution des émissions. TSN est avant tout un service national et Sports Net, un service régional.

Présentation des matchs

Les Blue Jays craignent également qu’un moins grand nombre de leurs matchs ne soient diffusés à la télévision si CTV acquiert NetStar :

[Traduction] Je ne voudrais pas voir nos fans ne pouvoir regarder qu’un nombre réduit de matchs à la télévision dans l’avenir si, par exemple, cette demande est approuvée.38

Par contre, la LCF considère l’approbation de la demande de CTV comme une occasion de voir davantage de matchs à la télévision :

LE CONSEILLER McKENDRY : [Traduction] Plus particulièrement, si nous approuvons la demande, quels seront les avantages? Est-ce davantage de matchs à la télévision? Est-ce ce que vous voyez en ce moment ou ce que vous aimeriez voir?
M. GILES : [Traduction] Ce serait le principal avantage.39

Les Sénateurs d’Ottawa considèrent également l’approbation de la demande de CTV comme une occasion de mettre l’équipe davantage en valeur à la télévision :

[Traduction] Si nous ne conservons pas la force du réseau régional (Sports Net), nous ne construirons jamais la valeur des équipes qui ne sont pas dans les centres de médias au pays. Par ailleurs, si nous isolons (TSN et Sports Net) en deux groupes de propriété distincts, nous n’arriverons jamais à faire sortir ces équipes des régions.40

En résumé, pour ce qui est des droits de diffusion des sports majeurs, les Blue Jays, le Bureau du Commissaire du baseball et Orca Bay se sont opposés à la demande de CTV visant à acquérir NetStar. La LCF et les Sénateurs d’Ottawa appuient la demande. Je suis d’accord avec la LCF et les Sénateurs d’Ottawa pour dire que l’approbation de la demande de CTV peut accroître les occasions de présenter leur sport et leurs matchs. Le risque d’une exposition réduite semble infime. Pour ce qui est des Blue Jays, tous les matchs de l’équipe ou presque sont actuellement télévisés.41 Ainsi, le principal intérêt des Blue Jays est de s’assurer un nombre suffisant d’offrants pour maintenir ou augmenter les frais pour les droits de diffusion. Le dossier de l’instance indique qu’il y aura un nombre suffisant d’offrants pour les droits de diffusion des Blue Jays et d’autres sports majeurs si la demande de CTV est approuvée. Je note également qu’en ce qui a trait au baseball majeur, le monopole dans la relation acheteur-vendeur est le vendeur, le baseball majeur. Ainsi, le baseball majeur et d’autres sports majeurs sont très bien positionnés pour établir les modalités des droits de diffusion, y compris le prix.42

Capacité de la SRC de s’associer à TSN

La Société Radio-Canada (SRC) craint qu’elle ne puisse plus s’associer à TSN pour couvrir certains événements majeurs si la demande de CTV est approuvée.43 L’approbation par le Conseil des modifications de la licence de Sportscope en vue de diffuser des événements de sport en direct devrait apaiser la Société. Selon la SRC :

[Traduction] Eh bien, dans un monde parfait, si TSN était forcée de retourner entre les mains d’indépendants, cela nous conviendrait tout à fait. Dans un monde imparfait, mais néanmoins un monde meilleur que celui qui est envisagé dans la transaction, si Sportsnet nous était offert comme associé possible sur des choses, cela ne nous rendrait pas la vie plus facile, mais nous pourrions l’accepter. Je pense que vous examinerez bientôt une demande de Headline Sports et si cette demande était approuvée, cela nous conviendrait également.44

En réplique aux craintes de la SRC, CTV a déclaré :

[Traduction] Pour ce qui est de la SRC, nous déclarons pour la troisième fois, dans cette audience, que nous entendons respecter les ententes de partenariat de TSN avec la SRC et que nous chercherions activement à nous associer à la SRC et à d’autres radiodiffuseurs.45

Global n’est ni pour ni contre

Global Television Network (Global) déclare dans son intervention écrite :

[Traduction] Global n’est ni pour ni contre la demande (de CTV) telle quelle. Il estime cependant que le Conseil peut ne pas être en mesure d’approuver la demande, compte tenu des modalités des Instructions au CRTC (Inadmissiblité de non-Canadiens).46

Global fait valoir que le pouvoir d’ESPN de [Traduction] « suspendre, pendant trois mois, une offre de bonne foi de Canadiens à des actionnaires canadiens de NetStar pour trouver une meilleure offre de la part d’une ou de plusieurs autres parties … équivaudrait, au moins, à un niveau de participation au contrôle effectif de NetStar qui empêche de conclure que NetStar est contrôlée par des Canadiens ».47

Dans cet ordre d’idées, Global ajoute :

[Traduction] … il y a une période pendant laquelle la destinée fondamentale de l’entreprise passe des mains de l’actionnaire canadien à l’actionnaire américain. … C’est l’actionnaire américain qui a le dernier mot en ce qui concerne l'exécution de [l’acquisition de NetStar].48

Je n’accepte pas l’affirmation de Global. Le Conseil a le dernier mot. C'est lui qui doit approuver l’acquisition de NetStar peu importe si ESPN suspend ou non une offre d’acquisition de NetStar. On ne peut donc prétendre que ESPN a le contrôle de NetStar du fait qu’elle a le pouvoir de suspendre, pendant trois mois, une offre d’acquérir NetStar pour en trouver une de la part d’une ou de plusieurs autres parties. Je fais également remarquer que le Conseil a approuvé antérieurement ce pouvoir concernant une entente entre NetStar, ESPN et d’autres.

Je ne suis pas d’accord avec la majorité des conseillers (la majorité) pour dire que la capacité d’ESPN d’obtenir d’autres offres pour acquérir NetStar risque de réduire dans l’avenir le nombre de parties pouvant soumettre des offres pour contrôler la compagnie. À mon avis, cette capacité d’ESPN a l’effet inverse. De plus, je considère la capacité d’ESPN d’obtenir d’autres offres comme un moyen raisonnable de protéger les intérêts d’un actionnaire minoritaire.

Contrat de licence de marque

Il y a un projet de contrat entre CTV, NetStar et ESPN concernant l’utilisation de la marque de commerce ESPN par CTV et NetStar. Selon CTV :

[Traduction] Pour commencer, nous n’avons pas de contrat définitif. Il y a beaucoup de choses dont nous voulons discuter au sujet de ce qui convient ou non pour nous. Nous avons encore un bout de chemin à faire, et nous ne sommes pas prêts à le faire maintenant.49

D’après cette déclaration et d’autres affirmations50 de CTV, je conclus que CTV adopte une approche prudente face à la négociation avec ESPN d’un contrat de licence de marque.

Pour ce qui est de la capacité d’ESPN de se retirer du contrat, je constate qu’il s’agit là d’une question de négociation :

LA CONSEILLÈRE CRAM : [Traduction] Et vous iriez de l’avant avec ce (contrat de licence) malgré qu’en vertu de (la clause) 11.4, ESPN ait le droit d’y mettre fin en tout temps, sans motif, après trois ans?
M. FECAN : [Traduction] Il s’agit sans doute d’une autre clause dont nous voudrons discuter avec eux. … je pense que je dirais que nous agirons en tout temps dans les meilleurs intérêts de la société. Cette clause particulière m’inquiète. Si vous le voulez, j’aimerais négocier avec ESPN.51

L'exercice du droit de mettre fin unilatéralement au contrat en vertu de la clause 11.4 du projet de contrat ne placerait pas NetStar sous le contrôle d’un non-Canadien, ce qui serait contraire aux Instructions au CRTC (Inadmissibilité de non-Canadiens). La section du projet de contrat n’est peut-être pas dans le meilleur intérêt commercial de CTV, question qui semble inquiéter CTV. Toutefois, la direction de CTV doit être laissée entre les mains de CTV. Je ne suis donc pas d’accord avec la majorité pour dire que l’approbation de la demande de CTV devrait être conditionnelle à la modification de la clause 11.4 du contrat de licence de marque.

Laisser CTV trouver des solutions

Si l’approbation de la demande signifiait en fait que NetStar serait contrôlée par un non-Canadien ou si la demande soulevait d’importantes préoccupations sur le plan de la concurrence (ce qui n’est pas le cas à mon avis), la ligne de conduite à adopter serait de refuser la demande et de motiver le refus. Cette approche permettrait à CTV, si elle le désire, de trouver ses propres solutions aux problèmes cernés par la majorité et ensuite de demander l’approbation du Conseil. L’approche permettrait également à CTV de tenir compte des intérêts des autres actionnaires de Sports Net. Ces intérêts sont affectés par l’obligation qu’impose la majorité à CTV de se dessaisir de sa participation minoritaire dans Sports Net, de ne plus gérer Sports Net et de ne plus détenir de droit de vote sur les actions d’autres actionnaires. Par exemple, les autres actionnaires peuvent considérer l’expertise de la direction de CTV comme faisant partie intégrante de la valeur de leurs investissements.

Plutôt que de compter sur la capacité de CTV de trouver des solutions aux problèmes cités par la majorité, celle-ci a élaboré des solutions précises pour CTV, s’immiscant ainsi dans des questions commerciales qu’il serait préférable de laisser entre les mains de la société. C’est à la société qu’il appartient de régler ces questions parce que CTV a une grande expertise en radiodiffusion et qu’elle a établi des liens avec ESPC et les autres actionnaires de Sports Net, ce qui la rend la plus apte à trouver des solutions qui maximisent ses débouchés, dans les limites de la Loi sur la radiodiffusion, et de protéger ses liens d’affaires avec d’autres parties. Bien entendu, les solutions seraient assujetties à l’approbation du Conseil si CTV lui soumettait une autre demande.

Absence de choix

L’approche de la majorité ne laisse pas d’autre choix à CTV que de respecter les conditions de la majorité si la société décide d’aller de l’avant avec l’acquisition de NetStar, peu importe l’impact des conditions sur les plans d’affaires de CTV et ses liens avec ESPN et les autres actionnaires de Sports Net.

À mon avis, les conditions spécifiques de la majorité compromettent inutilement l’alliance de CTV avec ESPN. À cet égard, je note que le Conseil a déclaré plus tôt cette année :

Le Conseil privilégie les alliances entre services canadiens et étrangers comme moyen d’atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion52

Quant à la condition de la majorité voulant que CTV se dessaisisse de sa participation dans Sports Net, cette condition est incompatible avec la politique sous-jacente au Règlement sur les services spécialisés du Conseil. Le Règlement permet à quiconque de posséder moins de 30 % d’un autre service spécialisé sans l’approbation du Conseil53, présumément parce que ce pourcentage ne soulève pas de préoccupations importantes sur le plan de la concurrence. Pour assurer la conformité avec la politique sous-jacente au Règlement, la majorité n’aurait qu’à exiger que CTV réduise ses actions avec droit de vote à 29,9 %. Pour les raisons invoquées ci-dessus, le dossier de l’instance ne préconise pas qu’on oblige CTV à se dessaiir de ses intérêts dans Sports Net afin d’acquérir NetStar. En admettant, toutefois, simplement aux fins de la discussion, que la demande de CTV soulève effectivement d’importantes préoccupations sur le plan de la concurrence, le dossier ne justifie pas l’imposition à CTV d’une condition plus onéreuse que ce que le Conseil impose à d’autres radiodiffuseurs.

En résumé, le dossier de l’instance montre que la demande de CTV ne soulève pas de préoccupations importantes sur le plan de la concurrence et que NetStar ne sera pas contrôlée par un non-Canadien. J’approuverais donc inconditionnellement la demande de CTV visant à acquérir une participation majoritaire dans NetStar.


NOTES EXPLICATIVES

1 Décret C.P. 1997-486 du 8 avril 1997 intitulé Instructions au CRTC (Inadmissibilité de non-Canadiens.

2 Par exemple, les compagnies par SRD Bell Express VU Ltd. et Star Choice Communications Inc. offrent chacune 200 canaux vidéo et audio numériques.

3 Par exemple, voir Global Television Network, transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphe 3541.

4 CTV fournit CTV NewsNet en vidéo sur Internet www.ctvnews.sympatico.ca. Les téléspectateurs doivent avoir un accès haute vitesse. CTV Newsnet est un service de télévision spécialisée autorisé par le Conseil.

5 Avis public Radiodiffusion CRTC 1999-84, Avis public Télécom CRTC 99-14, Nouveaux médias, 17 mai 1999; avis public CRTC 1999-197, Ordonnance d'exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias, 17 décembre 1999.

6 L’acquisition de Time Warner Inc. par America Online Inc. (AOL) a fait l’objet d’approbations réglementaires américaines ainsi que de l’approbation de AOL et des actionnaires de Time Warner.

7 Le secteur films de divertissement de Time Warner comprend des milliers de longs métrages, films pour la télévision et films d’animation. Les réseaux de câble de la compagnie comprennent CNN News Group et Home Box Office. Time Warner possède également WB Television Network.

8 Communiqué de presse du Conseil, Le CRTC ne réglementera pas Internet, 17 mai 1999.

9 Nouveaux médias, supra, paragraphe 15.

10 Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphe 3524.

11 Je note que la Directors Guid of Canada déclare que [Traduction] « le jumelage de l’actif de radiodiffusion de CTV avec les services de NetStar est vraiment sensé sur le plan stratégique. » Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphe 2366.

12 Lettre à M. Tim Kennish, Osler Hoskin & Harcourt, de M. Raymond F. Pierce, Commissaire adjoint par intérim à la concurrence, Direction des fusionnements, Bureau de la concurrence, 3 décembre 1999, p.1, accentuation ajoutée.

13 Id., pp. 1-2.

14 Id., p. 2.

15 Le service de Sportscope est connu sous le nom de « Headline Sports ». Les modifications à la licence permettent à Sportscope de diffuser des sports en direct pouvant accaparer jusqu’à 15 % de sa grille-horaire trimestrielle. Les modifications limitent la diffusion des événements afin de maintenir le rôle global du service qui consiste à présenter des images de faits saillants ainsi que des résultats et des nouvelles sur le sport.

16 Transcriptions, demande de modification de la licence présentée par Sportscope, volume 3, 8 décembre 1999, paragraphes 4133-4134. La Canadian Cable Systems Alliance reconnaît également que l’approbation de la demande de Sportscope introduirait davantage de concurrence. Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphe 2061.

17 Lettre à Mme Suzanne Steeves, Première vice-présidente, CTV Sports, et M. Jim Thompson, président, NetStar Sports Group, 15 décembre 1998, p. 2, accentuation dans l’original.

18 Lettre à Mme Suzanne Steeves, Première vice-présidente, CTV Sports, 6 mai 1999, p. 1. La lettre porte sur une plainte de TSN concernant la distribution de multiples signaux de Sports Net par des distributeurs par SRD.

19 Avis public CRTC 2000-6, Politique relative au cadre de réglementation des nouveaux services de télévision spécialisée et payante numériques, 13 janvier 2000, paragraphes 23 et 34.

20 Lettre à Mme Suzanne Steeves, Première vice-présidente, CTV Sports, et M. Jim Thompson, Président, NetStar Sports Group, 15 décembre 1998, p. 3, accentuation dans l’original.

21 CTV Acquisition of a Majority Interest in NetStar Communications, Annexe 10 : Mémoire supplémentaire, p. 40.

22 Id., p. 44.

23 Id., p. 41.

24 Lettre à Mme Suzanne Steeves, Première vice-présidente, CTV Sports, 6 mai 1999, p. 1.

25 Avis public CRTC 1998-41, Politique de 1998 concernant la radio commerciale, 30 avril 1998, paragraphe 35. Je note que CHUM Limited, télédiffuseur conventionnel, domine le genre musical en ce qui concerne les services de télévision spécialisée. Par exemple, CHUM possède et dirige MuchMusic et MuchMoreMusic, des services complémentaires.

26 Transcriptions, volume 1, 6 décembre 1999, paragraphe 696. Voir également les paragraphes 704-705.

27 Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphe 2366.

28 Id., paragraphe 3457. Je discute plus loin de l’opinion de Global selon laquelle la demande de CTV soulève une question de contrôle par un non-Canadien.

29 Id., paragraphe 2127.

30 Id., paragraphe 2800.

31 Id., paragraphe 2130. La Société Radio-Canada a également mentionné au paragraphe 2559 un monopole de CTV, en supposant que la demande de CTV soit approuvée. Ce point de vue a également été mis de l’avant par Orca Bay dans son intervention écrite du 8 novembre 1999.

32 Id.. paragraphes 2935-2937.

33 Id., paragraphe 1965, accentuation ajoutée.

34 CTV Acquisition of a Majority Interest in NetStar Communications, Annexe 10 : Mémoire supplémentaire, p. 42.

35 Id., annexe E.

36 Id., pp. 43-44.

37 Par exemple, l’intervention stipule que : [Traduction] « L’approbation de la présente demande de CTV permettrait à un seul propriétaire de contrôler les deux seuls réseaux de sport régionaux au câble actuellement autorisés au Canada. » Lettre adressée au Conseil par M. Chris Hebb, vice-président, Radiodiffusion, Orca Bay Sports & Entertainment, 8 novembre 1999, paragraphe 13. Voir également les paragraphes 3, 8 et 10.

38 Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphe 2155.

39 Id., paragraphes 2956-2957.

40 Id., paragraphes 1956-1957. Voir également les paragraphes 1936, 1940 et 1998-1999.

41 Id., paragraphe 2143.

42 Par exemple, voir les transcriptions, demande de Sportscope visant à modifier sa licence, volume 3, 8 décembre 1999, paragraphes 4080-4081 et 4151-4163, pour une discussion des frais payés pour les droits par rapport aux recettes.

43 Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphes 2527-2528, 2543 et 2553.

44 Id., paragraphes 2574-2580, accentuation ajoutée. Voir également le paragraphe 2659. Selon NetStar, la SRC ne peut offrir aux réseaux de câble les droits de diffusion qu’elle détient pour le hockey de la LNH, le football de la LCF, les Olympiques, le baseball des Blue Jays, le curling ou les courses automobiles. Transcriptions, demande de Sportscope visant à modifier sa licence, volume 3, 8 décembre 1999, paragraphe 4128.

45 Id., paragraphe 3589.

46 Lettre adressée au Conseil par M. Jim Sward, président-directeur général, Global Television Network, 12  novembre 1999, paragraphe 3.

47 Id., paragraphe 5.

48 Transcriptions, volume 2, 7 décembre 1999, paragraphes 3519 et 3520.

49 Transcriptions, volume 1, 6 décembre 1999, paragraphes 821 et 822.

50 Par exemple, voir transcriptions, volume 1, 6 décembre 1999, paragraphes 895, 900 et 909.

51 Transcriptions, volume 1, 6 décembre 1999, paragraphes 899, 900, 909.

52 Avis public CRTC 2000-6, Politique relative au cadre de réglementation des nouveaux services de télévision spécialisée et payante numériques, 13 janvier 2000, paragraphe 49.

53 Règlement de 1990 sur les services spécialisés, article 10.