Lettre
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Ottawa, le 26 juin 1992
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Lettre - décision Télécom CRTC 92-5
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À : . Bell Canada . Telesphere Canada Inc. . 935893 Ontario Limited . Denmark Dial Company Ltd. . Interface Telecom . 880767 Ontario Limited
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Objet : Services 976 - Facturation et perception
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Bell Canada (Bell) offre à l'heure actuelle le service 976 à des fournisseurs de services en vertu de l'article 4970 de son Tarif général. Selon l'article 4970.4, le message d'un fournisseur de service peut être suspendu ou refusé s'il contrevient aux lois ou aux règlements municipaux, provinciaux ou fédéraux applicables, y compris les lois et règlements qui ont trait aux communications obscènes.
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Tel que noté à l'article 4970.4, les frais imputés à l'appelant sont établis par le fournisseur de services et, s'il y a lieu, facturés par Bell. Cette facturation se fait au moyen de la Convention relative à la gestion des comptes-clients (GCC) du service 976.
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Le 16 février 1992, la Telesphere Canada Inc. a présenté au Conseil une plainte relative à un avis de modification de la Convention relative à la GCC qu'elle avait reçu de Bell. Des plaintes semblables ont également été déposées par la 935893 Ontario Limited, le 5 mars 1992, la Denmark Dial Company Ltd. et la Gra-Ken Communications (la Gra-Ken), le 16 mars 1992, l'Interface Telecom, le 18 mars 1992, et la 880767 Ontario Limited, le 23 mars 1992. Bell avait avisé ces fournisseurs de services 976 qu'elle avait l'intention de modifier la Convention relative à la GCC à plusieurs égards, en particulier pour ce qui est des questions ci-dessous.
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Premièrement, Bell désire modifier la Convention relative à la GCC de manière à indiquer qu'elle n'achèterait plus les comptes-clients d'un fournisseur de services 976 dans le cas de messages contenant des descriptions explicites ou implicites de comportement sexuel. Ce changement est exposé au projet d'article 2.3. Deuxièmement, selon le libellé révisé de la Convention, Bell n'achèterait que les comptes-clients d'un fournisseur de services 976 qui a établi pour ses messages un plan tarifaire conforme à certaines lignes directrices et catégories. Ces lignes directrices visent le prix maximum pouvant être exigé pour un appel du service 976, selon la catégorie dans laquelle cet appel tombe. Ces changements se trouvent au projet d'article 7.4.
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Les plaignantes sont particulièrement inquiètes pour ce qui est du premier changement susmentionné. Elles ont fait valoir que la perception des comptes-clients est l'essence même du service 976 et qu'il n'existe aucune solution de rechange au service de facturation et de perception de Bell qui permettrait aux fournisseurs de services 976 de rester viables. Elles ont déclaré qu'elles ont investi de fortes sommes en se fiant que l'on mettrait à leur disposition un service de facturation et de perception. Elles ont ajouté qu'elles sont au courant de peu de plaintes au sujet de leurs services et que Bell ne doit pas être autorisée à censurer le contenu des messages, en particulier à la lumière de l'article 8 de la Loi sur Bell Canada, qui interdit à la compagnie de régir le contenu des messages qu'elle reçoit, émet ou transmet ou d'en influencer le sens ou l'objet.
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Bell a répliqué à ces plaintes le 31 mars 1992. Elle a fait valoir qu'à son avis, la Convention relative à la GCC n'est pas du ressort du Conseil, du fait qu'elle concerne des frais applicables à des messages d'information ou de divertissement et qu'elle n'a aucun lien direct avec le service réseau. Bell a convenu qu'en sa qualité de transporteur public, elle ne régit pas le contenu des messages transmis par son réseau et qu'elle n'en influence pas le sens ou l'objet, mais elle a soutenu que, lorsqu'elle s'acquitte de fonctions de facturation et de perception, elle a le loisir de décider des activités auxquelles elle veut être associée. Bell a fait valoir que les fournisseurs de services 976 sont libres de conclure d'autres dispositions de facturation et de perception. Enfin, Bell a avancé que le public a exprimé de l'inquiétude au sujet de la facilité d'accès des mineurs à des messages contenant des descriptions de comportement sexuel.
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Plusieurs des plaignantes ont répliqué aux observations de Bell. Elles sont en désaccord, en particulier avec le point de vue de Bell selon lequel la Convention relative à la GCC peut être envisagée séparément du service 976 même. La Gra-Ken s'est particulièrement élevée contre la position de Bell voulant que les frais de facturation et de perception ne soient pas des "taxes" au sens où l'entend l'article 2 de la Loi sur les chemins de fer. La Gra-Ken a soutenu que la facturation et la perception font partie intégrante de la fourniture du service téléphonique et elle a ajouté que, quoi qu'il en soit, Bell ne peut établir de distinction injuste relativement aux services ou aux installations qu'elle fournit en sa qualité de compagnie de téléphone. La Gra-Ken a également critiqué l'impression de la définition que Bell a donnée de comportement sexuel implicite ou explicite.
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Bell a, le 12 mai 1992, formulé des observations complémentaires en réponse à ces points.
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Le Conseil a examiné les arguments des parties à la lumière du mandat que lui confèrent la Loi nationale sur les attributions en matière de télécommunications et la Loi sur les chemins de fer. La principale question à trancher est celle de savoir si le Conseil a compétence sur la Convention relative à la GCC et, en particulier, sur les modalités que Bell veut modifier.
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De l'avis du Conseil, il est manifeste que le service que Bell offre en vertu de la Convention relative à la GCC est essentiellement un service de facturation et de perception. Le Conseil estime que la Convention relative à la GCC vise principalement à faciliter la prestation de services 976 en offrant aux fournisseurs de services un moyen d'obtenir paiement pour l'utilisation que les abonnés font de ces services. Ainsi, Bell achète les dettes, puis elle facture et perçoit les sommes dues par les usagers de services 976 au moyen du même système qu'elle utilise pour facturer et percevoir le paiement au titre des services de télécommunications de base et autres.
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Tel que noté dans la décision Télécom CRTC 92-12 du 12 juin 1992 intitulée Concurrence dans la fourniture de services téléphoniques publics vocaux interurbains et questions connexes relatives à la revente et au partage, le Conseil estime que, si Bell a pu élaborer son système de facturation et de perception, c'est grâce au fait qu'elle a détenu le monopole de la prestation de services téléphoniques locaux et interurbains. Par conséquent, le Conseil estime que ce système fait partie intégrante de l'entreprise de la compagnie de téléphone et que les services fournis par l'intermédiaire de ce système ne doivent pas être injustement discriminatoires, tel que le stipule l'article 340 de la Loi sur les chemins de fer.
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Selon les modifications proposées à la Convention relative à la GCC, Bell fournirait le service de facturation et de perception uniquement aux fournisseurs de services 976 qui remplissent certaines conditions. De l'avis du Conseil, la fourniture de ce service à certains fournisseurs de services 976, et pas à d'autres, serait discriminatoire.
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Une des conditions établies dans les modifications proposées à la Convention relative à la GCC est que le message offert par le fournisseur de services 976 ne doit pas comporter de descriptions explicites ou implicites de comportement sexuel. Selon Bell, une description explicite de comportement sexuel en est une qui :
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[TRADUCTION] ... révélerait intégralement ou exprimerait sans imprécision, implication ou ambiguïté, ne laissant aucun doute sur la signification ou l'intention du contenu relativement au comportement sexuel. Cela comprendrait les descriptions de tous les aspects d'actes sexuels, notamment des descriptions intégrales de parties de l'anatomie.
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Une description implicite de comportement sexuel en est une où :
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[TRADUCTION] ... l'appelant serait capable de comprendre une description de comportement sexuel par supposition de contenu. Descriptions de comportement sexuel et d'actes implicites par l'utilisation de petits noms mignons, respirations bruyantes, etc.
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De l'avis du Conseil, ces motifs de discrimination sont contestables. Le Conseil estime que les normes établies dans les descriptions de messages inacceptables sont imprécises, subjectives et impossibles à interpréter avec quelque degré de précision que ce soit. Il pourrait ainsi se révéler difficile, voire impossible, pour un fournisseur de services 976 d'établir si un message donné serait conforme ou non. De plus, le fait même que les motifs de discrimination reposent exclusivement sur le contenu est inacceptable, selon le Conseil. Dans les circonstances, le Conseil juge que la discrimination n'a pas été justifiée.
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De plus, selon les plaignantes, la viabilité des messages de services 976 dépend de l'accès au service de facturation et de perception offert au moyen de la Convention relative à la GCC. Bell n'a pas réfuté directement cette position; elle a simplement affirmé qu'il existe d'autres moyens de percevoir les frais d'appels aux messages offerts par les fournisseurs de services 976. Faute de preuve manifeste d'autres solutions de rechange nettes dans le territoire d'exploitation de Bell, comme les exemples des États-Unis dont Bell a fait état, le Conseil conclut que le refus de Bell de donner à un fournisseur de services 976 accès au service de facturation et de perception au moyen de la Convention relative à la GCC compromet la capacité de cette personne d'offrir le service 976 et que ce refus, fondé exclusivement sur le contenu, pourrait équivaloir à régir le contenu des messages ou à en influencer le sens ou l'objet, contrairement à l'article 8 de la Loi sur Bell Canada.
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Pour ce qui est de l'article 7.4 du projet de Convention relative à la GCC, le Conseil estime que Bell a fourni insuffisamment de renseignements pour lui permettre d'établir si la modification proposée entraînerait de la discrimination injuste, contrairement à l'article 340 de la Loi sur les chemins de fer. De plus, compte tenu de la préoccupation exprimée tant par Bell que par la Gra-Ken relativement à l'accès des mineurs à certains services 976, le Conseil estime qu'il conviendrait peut-être de réexaminer les modalités en vertu desquelles le blocage de l'accès aux services 976 est offert. Par conséquent, le Conseil entend adresser d'ici peu une série de demandes de renseignements à Bell.
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Dans les circonstances, le Conseil conclut (1) que le projet de modification de Bell à la Convention relative à la GCC, qui se trouve à l'article 2.3, est injustement discriminatoire et (2) qu'il a besoin de renseignements complémentaires avant de se prononcer sur l'article 7.4. Par conséquent, le Conseil ordonne à Bell de ne pas modifier la Convention relative à la GCC à ces égards, tant que le Conseil ne l'y aura pas autorisé. Le Conseil n'entretient pas de préoccupation au sujet des autres modifications que Bell se propose d'apporter.
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Le Secrétaire général
Allan J. Darling
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