ARCHIVÉ -  Avis Public CRTC 87-196

Cette page Web a été archivée dans le Web

Information archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Les décisions, avis et ordonnances (DAO) archivés demeurent en vigueur pourvu qu'ils n'aient pas été modifiés ou annulés par le Conseil, une cour ou le gouvernement. Le texte de l'information archivée n'a pas été modifié ni mis à jour depuis sa date de mise en archive. Les modifications aux DAO sont indiquées au moyen de « tirets » ajoutés au numéro DAO original. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s'appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez obtenir cette information dans un autre format en communiquant avec nous.

Avis public

Ottawa, le 1er septembre 1987
Avis public CRTC 1987-196
Plaintes du Centre autochtone régional de Niagara, du Centre d'accueil autochtone de Fort Erie et de la Bande indienne de Peguis contre la CJRN 710 Inc., Niagara Falls (Ontario), au sujet de l'émission The John Michael Talk Show
Le Conseil blâme par la présente la CJRN 710 Inc. (CJRN) pour les propos racistes tenus à l'émission The John Michael Talk Show des 6 et 11 mars et 16 avril 1987.
Matière de l'émission
CJRN, de Niagara Falls (Ontario), diffuse The John Michael Talk Show en matinée en semaine, durant trois heures et demie. Cette émission peut être captée dans toute la péninsule du Niagara et les régions frontalières des États-Unis. Au cours des émissions des 6 et 11 mars, puis de nouveau le 16 avril 1987, l'animateur a formulé de nombreuses observations, tant de lui-même qu'au cours de conversations avec des appelants, dont certains ont tenu des propos semblables, au sujet de la population amérindienne du Canada. Les propos avaient, au départ, été suscités par la visite de l'ambassadeur de l'Afrique du Sud, M. Glenn Babb, à la réserve indienne de Peguis au Manitoba.
M. Michael a, à plusieurs reprises, exprimé l'opinion que les Amérindiens sont inefficaces et irresponsables pour ce qui est de l'utilisation des importantes ressources, financières ou autres, qui sont à leur disposition et qu'ils sont incapables de secouer leur dépendance du reste de la société. Il a avancé que, lorsque les Amérindiens ont de l'argent, ils achètent des frivolités et se saoûlent. Il a, de plus, soutenu que tout autre groupe au Canada aurait beaucoup mieux réussi, compte tenu des terres et de l'appui dont jouissent les Amérindiens.
M. Michael s'est déclaré irrité de ce que les Amérindiens refusent de s'intégrer dans le flot principal de la société canadienne. Il considérait cela comme un échec de leur part. M. Michael s'est dit agacé par le désir des Amérindiens de préserver et de promouvoir leurs traditions et leur mode de vie. Il a de plus ridiculisé leur culture et leurs coutumes, qualifiant leur façon de revêtir leurs habits traditionnels et d'exécuter des chants traditionnels de [TRADUCTION] "fatigant, enfantin et immature dans tous les sens du terme".
M. Michael a aussi dénigré les Amérindiens qui, a-t-il dit, choisissent de vivre dans des conditions sordides dans les réserves faisant valoir qu'ils y restent par paresse et que seulement ceux qui les quittent pour joindre le flot principal de la société canadienne et y travailler sont dignes de respect.
A l'émission du 16 avril, M. Michael a parlé à maintes reprises du fait qu'on lui avait demandé de renoncer à son rôle de maître de cérémonies d'un festival d'accueil ethnique, à la suite de plaintes du Centre d'accueil autochtone de Fort Erie au sujet de ses observations antérieures. Il a alors déclaré [TRADUCTION]:
 ce que ces gens oublient, et c'est ce qui m'agace, c'est qu'ils croient que le monde tourne autour de leur pénis, et ce n'est pas lecas[souligné dans l'original].
Les plaintes et la réponse de CJRN
Le Conseil a reçu des plaintes du Centre autochtone régional de Niagara, du Centre d'accueil autochtone de Fort Erie et de la Bande indienne de Peguis contre CJRN. De l'avis des plaignants, la station a passé outre à l'interdiction du Règlement de 1986 sur la radio (le Règlement) relative à la radiodiffusion de propos qui risquent d'exposer une personne ou un groupe à la haine ou au mépris pour des motifs fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou la déficience physique ou mentale. Dans sa correspondance avec le Conseil, le Centre d'accueil autochtone de Fort Erie a déclaré, qu'après la diffusion de l'émission du 16 avril 1987, il avait reçu plusieurs appels téléphoniques anonymes de personnes qui exprimaient leur haine contre les Amérindiens. De plus, il a déclaré qu'il n'avait jusque-là jamais reçu d'appel de ce genre et il estime par conséquent qu'il existe un lien direct entre l'émission et les appels.
Le Conseil a demandé à CJRN de répondre aux plaintes, et la station a expliqué que les émissions [TRADUCTION]
 se veulent une tribune visant à discuter de la politique du gouvernement relative aux autochtones. Malheureusement, la discussion s'est envenimée au point de dépasser les paramètres des intentions de l'animateur au départ.
Le 22 avril 1987, la titulaire a diffusé le message ci-après dont M. Michael a donné lecture au cours de son émission [TRADUCTION]:
 CJRN a toujours eu pour politique, dans ses émissions de tribune téléphonique, d'encourager tous les points de vue. C'est une politique dont je respecte l'esprit comme la lettre. CJRN n'a pas et n'a jamais eu pour politique, pas plus que moi d'ailleurs, de favoriser la haine raciale, la bigoterie ou le dénigrement à l'égard de toute personne ou de tout groupe de personnes.
 Il a été porté à notre attention que certains groupes et particuliers autochtones estiment que certains propos tenus aux émissions The John Michael Talk Show des 6 et 11 mars n'étaient pas conformes à cette politique.
 Si une telle impression s'est dégagée de ces émissions, CJRN s'excuse et je m'excuse auprès de toute personne ou de tout groupe qui estime que nous avons enfreint notre politique d'équité et nous nous rétractons [souligné dans l'original].
Dans des observations formulées par écrit au Conseil, la titulaire a indiqué qu'elle avait également offert de rencontrer des représentants des groupes autochtones pour discuter de la question, qu'elle leur avait offert du temps d'antenne à l'émission The John Michael Talk Show pour exprimer leurs préoccupations et qu'elle avait offert de travailler avec eux à des messages et à des émissions qui renseigneraient les Canadiens sur des questions relatives aux autochtones.
En réponse, les plaignants ont déclaré que, dans ses excuses, CJRN n'a pas reconnu qu'elle avait enfreint le Règlement, mais qu'elle a plutôt présenté leurs préoccupations comme étant un sentiment subjectif de la part de certains autochtones que les propos pouvaient favoriser la haine raciale, la bigoterie ou le dénigrement de toute personne ou de tout groupe de personnes. Ils estimaient également que l'offre de temps d'antenne à l'émission The John Michael Talk Show ou de messages et d'émissions était insultante et absolument insatisfaisante, du fait que les propos, étant clairement désobligeants, ne se prêtaient pas à débat. Un plaignant a conclu que [TRADUCTION]:
 ... les autochtones (ni aucun autre groupe de personnes) n'ont pas pour rôle d'éduquer les gens contre les préjugés et la bigoterie, dans les cas où des propos de l'animateur d'une tribune téléphonique ont activement encouragé ces préjudices et cette bigoterie.
Conclusions
Le Conseil tient à préciser qu'il juge absolument inacceptables les généralisations désobligeantes exprimées par M. Michael et certains de ses appelants. La pure intolérance manifestée à l'égard des Amérindiens comme groupe qui cherche à préserver et à favoriser son identité collective est également répréhensible. En orientant comme il l'a fait la discussion sur le sujet, M. Michael a anéanti toute possibilité de débat raisonnable sur une importante question d'intérêt public. Au contraire, l'exercice qu'il a activement stimulé en était un de stéréotype négatif, de dénigrement et de ridicule dont l'effet nettement prévisible était de favoriser les préjugés raciaux et la malveillance à l'égard des autochtones du Canada. Il s'agissait là d'une utilisation déraisonnable et regrettable des ondes publiques pour laquelle le Conseil blâme fortement la titulaire.
L'alinéa 3b) du Règlement stipule que:
 Il est interdit au titulaire de diffuser ...b) des propos offensants qui, mis dans leur contexte, risquent d'exposer une personne, un groupe ou une classe de personnes à la haine ou au mépris pour des motifs fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou la déficience physique ou mentale.
Le Conseil ne met pas en doute l'objectif de la titulaire d'offrir [TRADUCTION] "aux auditeurs une tribune pour exprimer leurs vues sur des questions qui les intéressent". Néanmoins, tel qu'il était signalé dans l'avis public CRTC 1983-187 du 17 août 1983, intitulé Avis concernant une plainte faite par la Media Watch à l'égard de CKVU Television, Vancouver (Colombie-Britannique):
 ... de l'avis du Conseil, le droit à la liberté d'expression sur les ondes publiques ne peut pas l'emporter sur le droit du public de recevoir des émissions radiodiffusées de haute qualité, libres de commentaires dévalorisants ... envers tout groupe identifiable.
Plus particulièrement, le Conseil est conscient que des événements portant à controverse comme la visite de l'ambassadeur Babb à la réserve indienne de Peguis susciteront souvent un débat animé, en particulier dans le cadre de tribunes téléphoniques. Toutefois, la titulaire doit veiller à ce que ce débat reste raisonnablement sous contrôle et à ce que l'animateur de l'émission et tout autre employé de la station sachent toujours quand tirer la ligne, pour eux comme pour les appelants.
Le Conseil n'accepte pas l'explication selon laquelle ce qui s'est produit constituait un envenimement de la discussion, indépendant de la volonté de la titulaire. A cet égard, le Conseil note que les propos offensants ont été tenus à diverses reprises au cours de trois émissions différentes sur une période de plus de cinq semaines et que M. Michael lui-même était le principal protagoniste. Dans ce contexte, la tentative de M. Michael, à l'émission du 16 avril, de considérer les propos comme n'étant pas sérieux et étant sans conséquence et devant ainsi être ignorés n'influe pas sensiblement sur la situation. Rien ne permet de douter que M. Michael ait émis ses propos avec conviction. Ces propos ne peuvent pas, non plus, par leur portée et leur ton, être considérés comme étant sans conséquence.
Le Conseil juge que les excuses formulées en ondes sont absolument inadéquates et que l'offre de temps d'antenne à titre de réparation n'a rien à voir avec l'affaire. La déclaration du 22 avril 1987 a été lue de manière à semer un grave doute quant à sa sincérité. Elle n'a pas, par son fond, reconnu le caractère objectif du préjudice causé par les propos en question, confinant la situation à un sentiment de la part de certains groupes et particuliers autochtones et à une impression créée par CJRN. Il semble aussi, d'après la déclaration, qu'il s'agissait simplement d'une question d'infraction à la politique de la station. Ce n'est pas le cas: l'exigence en question est celle qui se trouve dans la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) et le Règlement.
L'offre de temps d'antenne aux plaignants n'a rien à voir avec la ques tion. Le Conseil a exposé sa position à cet égard dans l'avis public CRTC 1985-236 du 4 novembre 1985, intitulé Plaintes du Conseil tribal Nishga et de la Bande indienne Musqueam contre CKNW New Westminster (C.-B.):
 Il ne convient absolument pas de emander aux groupes autochtones d'"équilibrer" des propos racistes. Le Conseil est d'accord avec les plaignants qui ont déclaré que l'on ne saurait justifier des propos offensants par l'offre de temps d'antenne égal aux offensés. Le Conseil n'acceptera pas d'émissions racistes du simple fait que du temps de réplique soit offert.
Dans sa correspondance avec le Conseil, la titulaire a indiqué que des mesures correctives étaient en voie d'être prises pour éviter toute récidive. A cette fin, CJRN est en voie de tenir des réunions avec les conseillers juridiques et les employés de la station pour faire en sorte que l'on comprenne bien et remplisse adéquatement les obligations de la station en vertu de la Loi et du Règlement. Le Conseil s'attend à ce que la titulaire prenne toute autre mesure supplémentaire qui peut s'imposer pour assurer la conformité. Ce n'est pas la première fois que le Conseil fait état de ses graves préoccupations au sujet de propos tenus par M. Michael et diffusés par CJRN. Dans les circonstances, le Conseil entend suivre de près le rendement de CJRN et mettre en particulier l'accent sur l'émission qui a donné lieu à la plainte. En cas de récidive, dans les émissions de la titulaire, d'une situation semblable à celle qui fait l'objet du présent avis, le Conseil serait appelé à prendre des mesures rigoureuses.
Le Conseil publie le présent avis public en tant que blâme à l'égard de CJRN et aussi pour la gouverne de tous les radiodiffuseurs. Conformément à la politique du Conseil en matière de plaintes, toute la correspondance dans cette affaire et le présent avis public seront versés au dossier public de CJRN. Le public, y compris les plaignants, aura le droit de formuler des observations complémentaires sur la question et tout autre comportement de la titulaire, au moment du renouvellement de la licence de CJRN.
Le Secrétaire général Fernand Bélisle

Date de modification :