ARCHIVÉ -Décision de radiodiffusion CRTC 2011-163

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Référence au processus : 2010-926

Ottawa, le 7 mars 2011

BCE inc.
L’ensemble du Canada

Demande 2010-1506-6, reçue le 24 septembre 2010
Audience publique dans la région de la Capitale nationale
1er février 2011

Modification du contrôle effectif des filiales de radiodiffusion autorisées de CTVglobemedia Inc.

Le Conseil approuve une demande déposée par BCE inc. (BCE), au nom de CTVglobemedia Inc. (CTVgm), afin d’obtenir l’autorisation de modifier le contrôle effectif des filiales de radiodiffusion autorisées de CTVgm à BCE. Le Conseil conclut que la transaction profitera au système canadien de radiodiffusion en garantissant la stabilité à long terme d’un important réseau canadien de télévision et en contribuant à l’objectif du Conseil d’offrir aux Canadiens une programmation canadienne pertinente et de haute qualité par l’intermédiaire de canaux de distribution traditionnels et néomédiatiques.

En approuvant la transaction, le Conseil a exigé de la part de BCE des engagements précis pour le bénéfice du système de radiodiffusion. Plus précisément, dans le cadre des avantages tangibles découlant de la présente transaction et afin de satisfaire à certains avantages tangibles impayés reliés au transfert du contrôle effectif de CTV Inc. à BCE en 2000, BCE consacrera 245 millions de dollars au cours des sept prochaines années de radiodiffusion aux projets suivants :

Le Conseil reconnaît la légitimité des inquiétudes des intervenants qui redoutent les problèmes d’exclusivité de programmation à la suite de l’acquisition du plus grand télédiffuseur du Canada par BCE, l’un des plus importants joueurs dans les secteurs de la distribution, d’Internet et du sans-fil. Par conséquent, le Conseil impose un moratoire sur les nouvelles ententes d’exclusivité de la programmation. Plus précisément, BCE ne peut, jusqu’à ce que le Conseil mette en œuvre ses décisions au terme de l’instance sur l’intégration verticale, signer avec les fournisseurs de contenu canadien des ententes d’exclusivité sur la programmation qui l’empêcherait de rendre disponible à ses compétiteurs, sur une base commerciale, des droits mobiles et de large bande reliés à la programmation de ses services traditionnels et spécialisés. Le Conseil s’attend également à ce que les autres entités intégrées verticalement se conforment à se moratoire et ne réalisent pas de telles ententes jusqu’à ce qu’il publie ses décisions quant à la question de l’intégration verticale.

Introduction

1.      Le Conseil a reçu de BCE inc. (BCE), au nom de CTVglobemedia Inc. (CTVgm), une demande en vue d’obtenir l’autorisation de modifier le contrôle effectif des filiales de radiodiffusion autorisées de CTVgm à BCE.

2.      BCE, société publique contrôlée par son conseil d’administration, détient actuellement 15 % des actions avec droit de vote dans le capital de CTVgm. Les autres actionnaires sont 1565117 Ontario Limited, une société contrôlée ultimement par M. David Kenneth R. Thomson (40 % des actions avec droit de vote), le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (25 %) et Torstar Corporation (20 %).

3.      En vertu de la convention datée du 10 septembre 2010, BCE acquerra les 85 % restants des actions avec droit de vote du capital de CTVgm et en exercera ainsi le contrôle effectif.

4.      Le Conseil a reçu plus de 500 interventions à l’égard de la présente demande, incluant des interventions en appui,  des interventions offrant des commentaires d’ordre général, ainsi que d’autres s’opposant à la demande. Le dossier complet de la présente instance peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, sous « Instances publiques ».

Analyse et décisions du Conseil

5.      Après examen de la demande à la lumière des politiques et règlements pertinents, des interventions ainsi que des répliques de BCE à ces interventions, le Conseil estime que les questions sur lesquelles il doit se prononcer dans sa prise de décisions sont les suivantes :

Valeur de la transaction

6.      Puisque le Conseil ne sollicite pas de demandes concurrentielles avant d’autoriser le transfert de la propriété ou du contrôle des entreprises de programmation de radio, de télévision ou autres, il incombe aux requérants de démontrer que la valeur qu’ils établissent pour la transaction est acceptable et raisonnable.

7.      BCE indique que la valeur totale de la transaction est de 3,2 milliards de dollars, soit une valeur comptable de 1,5 milliard et une dette de 1,7 milliard. De ce total, BCE évalue l’actif de radiodiffusion à environ 2,9 milliards.

8.      BCE a déposé un rapport d’évaluation de PricewaterhouseCoopers (PwC) qui répartit et évalue l’actif de CTVgm en plusieurs catégories. Pour établir les valeurs, PwC a fait, dans la plupart des cas, la moyenne entre les résultats de deux méthodes : 1) le rendement capitalisé avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement et 2) l’actualisation des flux de trésorerie. PwC indique que ses conclusions quant à la valeur se situent dans une marge probable de 10 %, compte tenu de la nature de l’actif de radiodiffusion et de la méthode d’évaluation utilisée.

9.      Le Conseil, pour sa part, détermine la valeur d’une transaction de la façon énoncée dans l’avis public 2008-57, en déterminant le pourcentage de la participation financière conférée par les actions acquises et en y ajoutant, selon le même pourcentage, certaines considérations comme les dettes prises en charge. Conformément à cette pratique, le rapport PwC a calculé la valeur des 85 % d’actions avec droit de vote dont BCE se porte acquéreur, puis réparti cette valeur pour l’actif de radiodiffusion comme suit :

Valeur de la transaction selon PwC

(millions de $)

Télévision traditionnelle

262

Télévision spécialisée

1 888

Total pour la télévision

2 150

Radio

318

Valeur de la transaction selon PwC

2 468

10.  Dans sa prise de décisions, le Conseil s’est fié aux chiffres de BCE pour ce qui est de la dette assumée, de l’actif non réglementé et de la valeur de l’actif vendu avant la présente transaction[1]. Cependant, comme il a l’habitude de le faire, le Conseil a établi la valeur des baux sur cinq ans, sans soustraire les paiements à venir.

11.  Le Conseil remarque que, dans son rapport, PwC a exclu du calcul de la transaction certains éléments d’actif comme les avantages découlant de pertes fiscales, l’intérêt minoritaire de CTVgm dans The NHL Network et Viewers Choice Canada, ainsi qu’un certain terrain excédentaire. BCE répond qu’il n’y a pas de précédent pour l’inclusion des pertes fiscales dans la valeur d’une transaction, et ajoute que ces pertes ne concernent pas ses entreprises de radiodiffusion. Selon elle, le terrain excédentaire a été exclu de l’évaluation de PwC parce qu’il ne contribue pas aux affaires de la radiodiffusion. BCE indique de plus que l’intérêt minoritaire de CTVgm dans The NHL Network et Viewers Choice Canada n’a pas été comptabilisé parce qu’aucun changement de contrôle n’a eu lieu.

12.  Après avoir étudié les raisons fournies par BCE pour exclure ces éléments, le Conseil juge au contraire qu’ils devraient faire partie de la valeur de la transaction pour les raisons suivantes :

C’est pourquoi, conformément à ses pratiques à l’égard des éléments qui ne relèvent pas d’une catégorie d’actif en particulier (comme la reprise d’une dette ou d’un bail), le Conseil a réparti la valeur du terrain excédentaire sur toutes les catégories d’actif dans la valeur de transaction dont il traite ci-après.

13.  Le tableau suivant illustre la valeur de la transaction telle qu’établie par le Conseil.

Valeur de la transaction selon le Conseil

 

(millions de $)

Prix d’achat (85 %)

 

1 296

Ajouter (85 %)

 

 

Reprise de dette

1 513

 

Reprise de baux

39

1 552

Sous-total

 

2 848

Déduire (85 %)

 

 

Éléments d’actif non réglementés

(139)

 

Stations de radio vendues (CHBN-FM et CHST-FM)

(23)

 

Service spécialisé vendu (travel + escape)

(6)

(168)

Évaluation de la transaction selon le Conseil

 

2 680

14.  Afin de déterminer le montant approprié pour le bloc d’avantages tangibles, il convient de répartir le montant de l’évaluation de la transaction entre les différentes catégories d’actif faisant l’objet de l’achat. Le Conseil s’est basé sur le rapport PwC pour calculer le pourcentage de la valeur totale que représentaient respectivement l’actif de télévision, l’actif de radiodiffusion et l’actif non comptabilisé pour les avantages tangibles. Le Conseil a appliqué ces pourcentages à sa propre évaluation de la transaction pour évaluer l’actif de télévision et l’actif de radio comptabilisés pour les avantages tangibles.

15.  Pour pouvoir juger la façon dont PwC répartit l’évaluation entre les différentes catégories d’actif, le Conseil a demandé à BCE de déposer son « modèle de calcul » contenant les calculs de référence sur lesquels s’appuie le rapport d’évaluation. Alléguant que le modèle de calcul était la propriété intellectuelle de PwC et que sa divulgation pourrait inciter à utiliser une méthode différente pour évaluer certains éléments du rapport PwC, BCE n’a pas déposé cette information.

16.  Le Conseil souhaitait avoir accès aux bases de calcul afin de pouvoir évaluer et valider les hypothèses et les projections sur lesquelles reposent l’évaluation PwC et sa répartition entre les différentes catégories d’actif. Devant le refus de BCE à fournir cette information, le Conseil a révisé la répartition de l’actif dans l’évaluation PwC. Ce réajustement est fondé sur une inférence négative à l’effet que la répartition PwC puisse avoir été formulée de manière à réduire le montant des avantages tangibles. Le Conseil a donc réduit de 10 % la valeur accordée à l’actif de radio dans l’évaluation PwC et ajouté une valeur équivalente à l’actif de télévision.

17.  Le tableau suivant montre les valeurs et leur répartition après analyse du Conseil.

 

Évaluation PwC

Évaluation PwC rajustée par le Conseil

Répartition du Conseil

 

Valeur

(en millions
de $)

Valeur

(en millions de $)

% de la valeur

Évaluation du Conseil

(en millions de $)

Valeur des avantages tangibles

(en millions de $)

Total télévision

2 150

2 182

82,77

2 218

221,8

Radio     

318

286

10,86

291

17,5

Sous-total

2 468

2 468

 

2 509

 

Éléments non réglementés et stations vendues

168

168

6,37

171

s/o

Total

2 636

2 636

 

2 680

239,3

Interprétation et application de la politique à l’égard des avantages tangibles

18.  Le Conseil précise dans l’avis public 1989-109 que la politique relative aux avantages vise à laisser au marché la gestion du transfert des licences de radiodiffusion associé à des transactions de propriété, tout en reconnaissant que les titulaires profitent de l’utilisation de propriétés publiques. Le but de cette politique est de s’assurer que les requérantes soumettent la meilleure proposition possible compte tenu des circonstances, afin de pallier l’absence d’appels publics de demandes. Le Conseil a conclu que le système de radiodiffusion devait obtenir des avantages proportionnels à l’ampleur et à la nature des transactions.

19.  Comme l’indiquent l’avis public de radiodiffusion 2007-53 et la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-499, les avantages tangibles devraient généralement correspondre à 10 % de la valeur des entreprises de télévision et à 6 % de la valeur des entreprises en radio. Si la transaction recouvre plusieurs types d’entreprises, la valeur de la transaction est répartie entre les différentes catégories d’actif en vue d’appliquer la politique des avantages tangibles.

20.  Dans sa demande, BCE fait valoir qu’elle a déjà versé des avantages tangibles lors de son achat de CTV Inc. en 2000. De plus, BCE est d’avis qu’elle n’a jamais complètement abandonné le contrôle de CTVgm et que lui imposer des avantages tangibles équivaudrait à une double imposition, non conforme à la politique du Conseil à l’égard des avantages tangibles.

21.  Cela dit, dans sa lettre du 25 octobre 2010 où elle répond aux questions du Conseil, BCE suggère un bloc d’avantages tangibles de 70,3 millions de dollars si le Conseil en venait à déterminer que les avantages tangibles sont justifiés. Dans cette lettre, BCE soutient que l’actif de radiodiffusion dont elle est devenue propriétaire en faisant l’acquisition de CTV Inc. en 2000, de même que les entreprises qu’elle a achetées et développées entre le moment de cet achat et 2006, devraient être exclus du calcul des avantages. BCE prétend aussi qu’elle ne devrait pas avoir à verser d’avantages tangibles sur l’actif que représentent les services de radiodiffusion dans les genres concurrentiels. Pour finir, BCE allègue que les avantages tangibles pour les stations de télévision traditionnelle devraient être calculés à raison de 5 % et non de 10 %. Selon BCE, ce pourcentage serait conforme à l’approche adoptée par le Conseil dans la décision de radiodiffusion 2010-782, qui traite d’un changement au contrôle effectif des filiales de radiodiffusion autorisées de Canwest Global Communications Corp (Canwest Global).

22.  Le 3 décembre 2010, le Conseil lui ayant réclamé une proposition qui refléterait mieux sa politique sur les avantages tangibles, BCE a déposé une proposition révisée d’avantages tangibles se chiffrant à 220,8 millions de dollars sur sept ans. Cette proposition évalue les avantages tangibles à 5 % de la valeur des entreprises de télévision traditionnelle, à 10 % de la valeur des services spécialisés et à 6 % de la valeur des actifs de radio.

23.  Le 1er février 2011, en cours d’audience, BCE s’est engagée à verser des avantages tangibles tout en maintenant sa position quant au ratio de 5 % pour l’actif de télévision traditionnelle. Dans son préambule, BCE a aussi présenté une nouvelle version de sa proposition du 3 décembre 2010, en modifiant la répartition des avantages.

24.  Le 4 février 2011, dans sa réplique orale, BCE tient compte de l’évaluation présentée par le Conseil à l’audience publique en rajustant la valeur totale du bloc d’avantages qu’elle chiffre maintenant à 223,1 millions de dollars. Toutefois, BCE maintient qu’en tenant compte de la décision de radiodiffusion 2010-782 et de la situation financière des entreprises de télévision traditionnelle de CTVgm, un ratio réduit de 5 % devrait s’appliquer à l’actif de télévision traditionnelle.

25.  Le Conseil rappelle que la décision de radiodiffusion 2010-782 mentionne clairement qu’il a accepté de se montrer plus souple en raison des incertitudes découlant de l’exploitation menée par Canwest Global sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Le Conseil est également conscient de la difficulté de maintenir un rendement opérationnel pour les actifs faisant l’objet de l’acquisition. C’est pourquoi le Conseil a déclaré à l’audience que concéder un ratio réduit de 5 % pour l’actif de télévision traditionnelle de CTV ne serait pas conforme à la politique sur les avantages tangibles.

26.  Dans sa réplique finale du 7 février 2011, BCE propose un bloc d’avantages tangibles de 217,1 millions de dollars qui représente 10 % de la valeur des actifs de télévision et un bloc de 19,9 millions qui représente 6 % de la valeur des actifs de radio.

Bloc d’avantages tangibles proposé pour la télévision

27.  En plus de représenter 10 % de la valeur de la transaction, les dépenses effectuées au titre d’avantages tangibles doivent s’effectuer en excédent aux obligations, s’appliquer à des initiatives et des projets qui n’auraient pas été entrepris ou réalisés n’était-ce de la transaction et, de manière générale, être dirigées vers des tiers, par exemple des producteurs indépendants.

28.  Dans sa proposition du 7 février 2011, BCE propose un bloc d’avantages tangibles pour la télévision d’une valeur de 217,1 millions payable en sept ans. Ce bloc mentionne des projets de programmation pour l’écran et de contenu multiplateforme, d’aide à la programmation locale sur les marchés du A-Channel, et de soutien des stations de télévision locales avec la distribution par satellite. La proposition est exposée sur le tableau qui suit.

Projets proposés par BCE

Montant
(en millions de $)

Programmation à l’écran et contenu multiplateforme

  • Émissions d’intérêt national (ÉIN) créées par des producteurs indépendants

  • Amélioration des nouvelles locales à Winnipeg, Regina, Saskatoon, Edmonton, Calgary et Vancouver

(Une portion des ÉIN pouvant atteindre 20 % irait au contenu multiplateforme.)

 

93,3 

28,8 

Total : 122,1 

Soutien des stations de télévision locales avec une distribution par satellite 

60

Aide à la programmation locale sur les marchés du A-Channel

  • Émissions locales

  • Régies centrales pour les stations A-Channel

 

30

5

Total des avantages tangibles en télévision

217,1 

Programmation à l’écran et contenu multiplateforme

29.  Le financement pour ce projet comprend deux enveloppes, l’une de 93,3 millions de dollars pour des émissions d’intérêt national (ÉIN) créées par des producteurs indépendants, l’autre de 28,8 millions pour des nouvelles locales additionnelles sur plusieurs marchés de l’Ouest, notamment Winnipeg, Regina, Saskatoon, Edmonton, Calgary et Vancouver.

Interventions

30.  Au cours de la période d’intervention et à l’audience publique, plusieurs intervenants, dont l’Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA), la Canadian Federation of Musicians, la Guilde canadienne des réalisateurs, la Guilde des écrivains du Canada et la Canadian Media Production Association (CMPA) (anciennement l’ACPFT) étaient d’avis que le bloc des avantages tangibles devrait englober un plus grand nombre de projets. Selon ces intervenants, le Conseil s’attend d’habitude à ce que 85 % des avantages tangibles consacrés à la télévision s’appliquent à des projets de programmation. En outre, selon la CMPA, tout projet portant sur une ÉIN devrait être confié à un producteur indépendant.

31.  Au cours de l’audience, l’Alberta Motion Picture Industries Association et On Screen Manitoba ont soutenu que les dépenses en avantages tangibles devraient s’accompagner d’une clause prévoyant des productions indépendantes régionales. Ces intervenants sont d’avis que le recours à des producteurs indépendants issus de toutes les régions du Canada constitue le meilleur moyen de s’assurer que les avantages tangibles découlant de cette transaction sont conformes aux objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.

Analyse et décisions du Conseil

32.  Le Conseil est persuadé que les avantages attribués à des projets de programmation et des ÉIN sont conformes à son approche normalisée et ses précédents, qu’ils reflètent la réalité de l’environnement multiplateforme dans lequel évoluent les télédiffuseurs et qu’ils sont proportionnels à la valeur de la transaction. Néanmoins, le Conseil note que selon la proposition de BCE, une portion des allocations aux ÉIN pouvant atteindre 20 % irait au contenu en ligne ou multiplateforme. Bien qu’il soit conscient de l’évolution des méthodes de livraison et de l’importance du contenu néomédiatique, le Conseil est préoccupé du fait que de telles allocations pourraient servir à subventionner un secteur non réglementé aux dépens du système de radiodiffusion réglementé.

33.  Dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-833, le Conseil estime que fixer un plafond accordera aux fonds de production indépendants certifiés la souplesse nécessaire pour soutenir des projets néomédiatiques tout en s’assurant de réserver un financement important à la production télévisuelle traditionnelle et à la production de films. Conformément à cette politique et à l’approche du Fonds des médias du Canada , le Conseil ordonne donc à BCE de réviser son bloc d’avantages de façon à ce qu’un maximum de 10 % des avantages destinés à des ÉIN de production indépendante soit appliqué à du contenu en ligne ou multiplateforme. De plus, pour se conformer à la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-167, le Conseil s’attend à ce que BCE commande des ÉIN en provenance de toutes les régions du Canada.

34.  Quant à la somme totale des avantages réservés à la télévision, elle se chiffre maintenant à 221,8 millions de dollars au lieu de 217,1 millions, pour refléter la valeur de la transaction rajustée par le Conseil. Une dépense additionnelle de 4,7 millions s’avérera donc nécessaire, représentant la différence entre la proposition de BCE du 7 février 2011 et les avantages tangibles proportionnels à la valeur révisée de la transaction. Compte tenu de l’importance de la communauté de la production indépendante au sein du système canadien de radiodiffusion, le Conseil ordonne à BCE de consacrer cette somme à des ÉIN créées par des producteurs indépendants et s’attend à ce que BCE lui démontre, dans le cadre de son rapport financier annuel, comment elle a satisfait à cet engagement.

Soutien des stations de télévision locales avec une distribution par satellite

35.  Dans son bloc d’avantages tangibles du 7 février 2011, BCE propose de fournir la distribution par satellite à 43 services additionnels de télévision locale. Ce projet serait réalisé dans un délai de 12 à 15 mois en remplaçant tous les boîtiers de décodage Haute définition (HD) MPEG-2 installés antérieurement par BCE par des boîtiers de capacité MPEG-4. Selon BCE, la capacité générée par cette démarche suffirait pour augmenter la distribution de stations locales en direct. BCE indique que cette initiative se chiffre à 84 millions de dollars, dont 60 millions seraient tirés de son bloc d’avantages tangibles.

Interventions

36.  Quebecor Média inc. (Quebecor), Cogeco Câble inc. (Cogeco) et Shaw communications Inc. (Shaw), sont de l’avis que permettre à BCE de se servir des avantages tangibles pour investir dans des améliorations techniques pour son entreprise de distribution de radiodiffusion (EDR) par satellite de radiodiffusion directe (SRD) lui donnerait un avantage concurrentiel par rapport aux autres EDR canadiennes. De l’avis d’autres parties, incluant le Groupe de diffuseurs indépendants (GDI), la distribution de stations locales de télévision traditionnelle profiterait à l’ensemble du système canadien de radiodiffusion.

Analyse et décisions du Conseil

37.  Le Conseil a indiqué, en particulier lors de son récent examen de la politique sur la distribution par SRD, que l’augmentation de la distribution par satellite de stations locales de télévision traditionnelle, en donnant aux Canadiens un plus grand accès à davantage de programmation locale, s’avérait bénéfique pour le système. En même temps, le Conseil reconnaît que la distribution des stations locales traditionnelles par les services de SRD soulève des difficultés, à cause des limites de capacité du satellite.

38.  La proposition de BCE permettrait de réaliser des progrès substantiels en donnant à tous ses abonnés de la SRD l’accès à une plus grande quantité d’émissions locales de télévision traditionnelle. Le Conseil est conscient que l’adoption de la MPEG-4 par BCE créera une capacité excédentaire pour des services additionnels. Tout surplus de capacité servira néanmoins à augmenter le choix dont peuvent bénéficier les Canadiens, entre autres avec la distribution de services canadiens additionnels. C’est pourquoi le Conseil juge que la distribution de services locaux et la création d’une capacité additionnelle avantagent le système canadien de radiodiffusion. Par conséquent, le Conseil accepte la proposition de BCE d’allouer 60 millions de dollars de son bloc total d’avantages à ce projet et ordonne au service SRD de BCE de distribuer au moins 43 nouveaux services de télévision en définition standard qui répondent aux critères suivant, d’ici le 31 août 2012, et de les rendre disponible au service de base dans les marchés locaux pertinents :

39.  Tel que mentionné plus haut, la capacité de distribution engendrée par ce projet dépassera celle des 43 services additionnels. Dans les circonstances, le Conseil s’attend à ce que l’excédent de capacité serve à faciliter la distribution par BCE d’autres services de télévision canadiens indépendants.

40.  En outre, le Conseil ordonne à BCE de faire séparément rapport sur les coûts encourus à ce titre dans ses rapports annuels sur les avantages tangibles et de dépenser la somme allouée de 60 millions de dollars d’ici le 31 août 2012. Advenant que les fonds prévus ne soient pas écoulés à cette date, tout solde doit être réaffecté à des productions indépendantes d’ÉIN aux conditions énoncées ci-dessus. Pour plus de précision, le Conseil ordonne aussi à BCE de déposer, dans les 30 jours en date de cette décision, la liste complète des services additionnels qu’elle compte distribuer dans le cadre de ce bloc d’avantages tangibles.

Aide à la programmation locale dans les marchés du A-Channel

41.  À l’audience, BCE a plusieurs fois répété que l’avenir des stations A-Channel était compromis et que ces stations avaient besoin d’aide pour maintenir leur programmation actuelle. C’est pourquoi, dans son bloc d’avantages tangibles du 7 février 2011, BCE propose de consacrer 35 millions de dollars aux stations A-Channel, dont 30 millions pour la programmation locale et 5 millions pour apporter des améliorations aux régies centrales des stations. La proposition de BCE s’assortit d’une promesse de garder les stations A-Channel en activité pendant trois ans, quel que soit leur rendement financier. Ces avantages serviraient à soutenir le volume actuel d’émissions locales que fournissent les stations A-Channel individuelles, plutôt qu’à l’augmenter. BCE fait valoir que les stations A-Channel présentent actuellement plus d’émissions locales que ne l’exige le règlement et que sans l’apport des avantages la survie de ces stations n’est pas assurée.

Interventions

42.  Plusieurs intervenants, dont le député fédéral de Barrie (Ontario) Patrick Brown, la Banque alimentaire d’Ottawa, la Fondation régionale de lutte contre le cancer d’Ottawa et l’Association des marchands du Quartier Vanier à Ottawa, ont comparu à l’audience pour appuyer les projets d’avantages tangibles destinés à venir en aide aux stations A-Channel.

43.  D’autre part, plusieurs intervenants, dont Quebecor et l’ACTRA, étaient d’avis que le Conseil ne devrait pas accepter comme avantages tangibles les améliorations techniques visant la télévision HD, tel le projet d’investir dans les régies centrales des stations A-Channel, puisque les améliorations de ce type entrent maintenant dans la catégorie des coûts inhérents de n’importe quelle entreprise.

Analyse et décisions du Conseil

44.  Le Conseil reconnaît qu’au cours des dernières années, la survie globale des stations de télévision traditionnelle a été remise en question. Certaines décisions récentes du Conseil, tout comme la mise sur pied du FAPL, ont eu pour but de maintenir et d’améliorer la programmation des stations locales de télévision traditionnelle et de voir à ce que les Canadiens aient accès à des émissions de télévision locales en direct.

45.  Le Conseil rappelle que la programmation financée par des avantages tangibles est censée constituer un ajout (c’est-à-dire un apport supplémentaire au nombre actuel d’émissions). Toutefois, la politique des avantages tangibles énoncée dans l’avis public 1993-68 admet que dans certains cas, les dépenses courantes peuvent être vues comme des dépenses additionnelles lorsque leur maintien est compromis par des difficultés financières. Dans l’espèce, BCE affirme que sans le financement additionnel, les niveaux actuels de programmation sur les stations A-Channel serait impossible à maintenir. Le Conseil approuve donc le projet de BCE d’utiliser les avantages tangibles pour venir en aide à la programmation locale dans les marchés du A-Channel. Nonobstant ce qui précède, le Conseil exige que les émissions d’A-Channel rendues possibles par les dépenses en avantages tangibles s’ajoutent aux émissions qui seraient éventuellement produites pour répondre aux critères du FAPL. En outre, le Conseil exige que BCE honore l’engagement pris à l’audience quant au maintien des stations A-Channel en activité pendant au moins trois ans à compter du 1er septembre 2011.

46.  Dans l’avis public de radiodiffusion 2006-74, le Conseil déclare que le coût de la transition à la HD fait partie des dépenses commerciales, tant pour le distributeur que pour le programmeur. Par conséquent, le Conseil conclut que l’investissement proposé dans les régies centrales des stations A-Channel n’est pas admissible en tant qu’avantage tangible. Le Conseil ordonne à BCE de réaffecter un montant de 2 millions prévu à cette fin dans des ÉIN créées par des producteurs indépendants, aux conditions énoncées ci-dessus, et les 3 millions restants dans un nouveau Fonds canadien de participation à la radiodiffusion (FCPR), comme l’a proposé le Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP) dans son intervention et dont il est question dans la section qui suit.

Le Fonds canadien de participation à la radiodiffusion (FCPR)

47.  Le CDIP a déposé une proposition qui consiste à créer un fonds indépendant pour défendre les intérêts des consommateurs non commerciaux devant le Conseil lors des instances de radiodiffusion.

Analyse et décisions du Conseil

48.  Le Conseil est d’avis que la proposition du CDIP constitue un bon point de départ pour établir le mandat du FCPR, sa gouvernance et son fonctionnement. Dans l’esprit du CDIP, le but de ce nouveau fonds serait de défendre les intérêts des usagers non commerciaux devant le Conseil lors des instances de radiodiffusion. En outre, le Conseil estime que le FCPR devrait encourager la participation des groupes de défense de l’intérêt public et des regroupements de consommateurs de l’ensemble du Canada et des deux langues officielles. Le fonds devrait les aider à représenter, documenter et défendre ces intérêts. Le Conseil ordonne donc à BCE de déposer, dans les 60 jours à compter de la date de la présente décision, une proposition quant au FCPR. BCE doit inclure dans sa proposition des renseignements détaillés sur le mandat du fonds, ses structures de financement et de gouvernance, ainsi qu’un mécanisme clair pour faire rapport. Les autres parties à la présente instance auront le loisir de commenter la proposition au cours d’un processus de suivi à définir. D’autres détails concernant la mise sur pied de ce fonds figurent à l’annexe 2.

Conclusion

49.  En tenant compte des révisions décrites ci-dessus, le Conseil ordonne à BCE de se conformer au bloc d’avantages tangibles énoncé dans l’annexe 1. À l’audience, BCE a confirmé que les avantages tangibles s’étendraient sur une période de sept ans et elle a joint à ses derniers commentaires un calendrier des paiements. Puisque la présente décision modifie plusieurs aspects de la proposition de BCE, le Conseil ordonne à BCE de déposer un calendrier révisé des paiements dans les 30 jours qui suivront la présente décision.

50.  De plus, le Conseil exige que BCE se conforme à son calendrier des paiements, une fois déposé, et qu’elle fasse rapport au Conseil au plus tard le 30 novembre de chaque année sur la façon dont elle s’acquitte de ses obligations en matière d’avantages tangibles.

Avantages pour la télévision qui n’ont pas été versés

51.  À l’audience, le Conseil a fait remarquer qu’il restait à dépenser la somme de 9,9 millions de dollars en avantages tangibles découlant du transfert de contrôle effectif de CTV inc. à BCE, autorisé dans la décision 2000-747. Interrogée sur cette question, CTV a répondu que 5,7 millions avaient été récupérés sur les dépenses liées aux avantages découlant de la transaction de 2000. Le reste, soit 4,2 millions, avait été alloué, dans le bloc d’avantages original, à des films de style « héros, champions et vilains ».

52.  Le Conseil s’attend à ce que les 4,2 millions d’avantages qui restent soient attribués à des avantages pour l’écran, comme prévu, et plus précisément à des ÉIN créées par des producteurs indépendants. En outre, le Conseil exige que BCE lui présente, dans ses rapports annuels sur les avantages tangibles, des mises à jour très claires quant aux sommes dépensées avec les avantages tangibles qui restent.

53.  Dans sa réplique finale du 7 février 2011, BCE a proposé de faire, avec les sommes récupérées, un paiement unique 5,7 millions à un fonds indépendant pour l’accessibilité de la radiodiffusion, qui fait l’objet de la section suivante.

Le Fonds pour l’accessibilité de la radiodiffusion

54.  En cours d’audience, plusieurs intervenants, dont Media Access Canada au nom de Access 2020 Coalition, ont souligné l’importance de travailler à rendre le système de radiodiffusion entièrement accessible aux personnes handicapées. Le Conseil accorde beaucoup d’importance au respect de l’article 3(1)p) de la Loi sur la radiodiffusion qui déclare que « le système devrait offrir une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d’une déficience, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens ». Le Conseil estime que les solutions à l’accessibilité sont réalisables, pourvu d’adopter les projets et la réglementation appropriés. C’est pourquoi le Conseil accepte la proposition de BCE d’allouer 5,7 millions de dollars à la création d’un fonds permanent pour l’accessibilité de la radiodiffusion et lui ordonne de déposer une proposition à cette intention dans les 60 jours à compter de la date de la présente décision. Dans sa proposition, BCE doit inclure des renseignements détaillés quant au mandat du fonds pour l’accessibilité, ses structures de financement et de gouvernance, ainsi qu’un mécanisme clair de rapport. Les autres parties à la présente instance auront le loisir de commenter la proposition au cours d’un processus de suivi à définir.

55.  À première vue, le Conseil croit que le mandat de ce fonds devrait être de chercher à innover avec des solutions neutres quant à la plateforme, de manière à assurer l’accessibilité à tout le contenu de radiodiffusion. Le Conseil rappelle que, comme pour toute autre utilisation des avantages tangibles, ce fonds doit servir de manière générale à financer des projets qui s’additionneront à ceux qui ont déjà cours. En insistant sur l’innovation, le Conseil reprend un principe déjà mis de l’avant, que la meilleure façon de s’éviter des coûts est de rendre accessible aux personnes handicapées dès le départ toute nouveauté en termes de technologie, d’applications et de services. D’autres détails concernant la mise sur pied de ce fonds figurent à l’annexe 2.

Bloc d’avantages proposé pour la radio

56.  Conformément à la politique du Conseil sur les avantages tangibles énoncée dans l’avis public de radiodiffusion 2006-158, BCE offre un bloc d’avantages tangibles pour la radio qui équivaut à 6 % de la valeur de la transaction proposée.

57.  Dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-499, le Conseil a modifié son approche sur la répartition des avantages tangibles. Les avantages tangibles pour les entreprises de radio devront donc être répartis comme suit sur sept années de radiodiffusion :

58.  Compte tenu de la valeur révisée de la transaction et de la répartition de cette valeur de la façon décrite plus haut, la valeur du bloc d’avantages tangibles de 19,9 millions de dollars pour la radio est réduite à 17,5 millions. Par conséquent, le Conseil ordonne à BCE de répartir ses contributions en avantages de la façon indiquée à l’annexe 1. En outre, vu l’ampleur des avantages en jeu, le Conseil ordonne à BCE de soumettre, au cours de chacune des sept prochaines années, en même temps que son rapport financier annuel, un rapport circonstancié sur la façon dont ces avantages tangibles ont été déboursés.

59.  À l’audience, BCE a confirmé que les avantages tangibles seraient dépensés sur une période de sept années et a fourni un échéancier des versements dans le cadre de ses commentaires finaux. Puisque la présente décision modifie plusieurs aspects de la proposition de BCE, le Conseil exige en outre que BCE lui soumette un échéancier révisé des versements dans les 30 jours à compter de la date de la présente décision.

Avantages tangibles restants

60.  Le Conseil s’attend à ce que BCE honore tout ce qui reste des engagements pris par CTVgm et ses filiales lors de transferts précédents impliquant l’achat de stations qui font partie de la présente transaction, conformément aux décisions 2004-402, 2007-165, 2007-368 et 2010-964.

Non-conformité

61.  En vertu du présent transfert de propriété, BCE se retrouve propriétaire de toutes les stations de radio de CTVgm. Des analyses du Conseil ont démontré que CJCH-FM Halifax, CFBT-FM Vancouver, CFWM-FM Winnipeg et CKCE-FM Calgary pourraient avoir omis de se conformer à leurs conditions respectives de licence en ce qui a trait à leurs contributions au DCC. Le Conseil rappelle qu’il évaluera la conformité de chacune de ces stations quant à leurs obligations en matière de DCC au moment de renouveler sa licence.

Ententes commerciales

62.  Plusieurs intervenants, dont la CMPA, ont commenté la question des ententes commerciales. La CMPA réclamait de la part du Conseil qu’il ordonne à BCE de continuer à assumer le leadership de CTVgm dans les négociations devant mener à des ententes commerciales et de conclure sa propre entente avant le prochain renouvellement des licences de la télévision traditionnelle.

63.  La question des ententes commerciales a été abordée pour la première fois au cours de l’instance ayant mené à l’avis public de radiodiffusion 2007-53. À l’époque, le Conseil avait émis l’opinion que la signature d’ententes commerciales entre télédiffuseurs et producteurs indépendants assurerait la stabilité et la clarté à toutes les parties et qu’elle serait dans l’intérêt de l’ensemble de l’industrie de la radiodiffusion. Depuis lors, dans le cadre de plusieurs instances publiques, le Conseil a signalé qu’il s’attendait à ce qu’au moment du prochain renouvellement des licences de télévision traditionnelle, les télédiffuseurs aient signé une entente commerciale ou du moins démontré qu’ils avaient négocié de bonne foi en vue d’une entente de ce type avec les producteurs indépendants.

64.  À l’audience, BCE a déclaré que les négociations avec la CMPA allaient bon train. Elle a d’ailleurs laissé poindre la possibilité d’une entente commerciale dans un avenir rapproché.

65.  Le Conseil voit d’un bon œil l’intention de BCE de signer l’entente commerciale avant l’audience de renouvellement des licences. Toutefois, advenant que l’entente n’ait pas été signée avant l’audience, BCE doit déposer des propositions fermes au Conseil qui les versera au dossier de l’instance, afin que le Conseil puisse intégrer à ses décisions les dispositions qu’il juge appropriées pour les ententes commerciales.

Intégration verticale et distribution

66.  Chaque fois qu’une transaction implique l’achat par une partie de l’actif d’un de ses fournisseurs de produits, le Conseil cherchera à savoir, par exemple, si la transaction risque de soulever des problèmes de contrôle d’accès, de préférence indue ou d’autres comportements anticoncurrentiels associés à l’intégration verticale et à la propriété mixte en général.

67.  Dans le cas présent, CTVgm fournit à BCE des services de programmation que BCE distribue à ses abonnés par l’entremise de ses installations terrestres ou satellitaires. Le Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement sur les EDR) énonce certaines modalités et conditions selon lesquelles BCE doit fournir à CTVgm et à d’autres télédiffuseurs l’accès à ses installations de distribution. De la même façon, d’autres dispositions du Règlement sur les EDR, du Règlement de 1987 sur la télédiffusion, du Règlement de 1990 sur la télévision payante et du Règlement de 1990 sur les services spécialisés prévoient des modalités et conditions auxquelles CTVgm doit offrir sa programmation aux distributeurs.

68.  Le Conseil rappelle qu’il a annoncé dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2010-783 son intention de tenir une audience publique en juin 2011 pour examiner l’ensemble du cadre réglementaire concernant l’intégration verticale (le fait qu’une seule et même entité soit propriétaire à la fois d’entreprises de programmation et de distribution ou encore d’entreprises de programmation et de sociétés de production). Au cours de cette instance, le Conseil a l’intention d’étudier la pertinence d’étoffer les balises existantes, en particulier les clauses de renversement de la preuve applicables aux allégations de désavantage indu ou de préférence indue, afin de mieux tenir compte des changements dans l’industrie de la radiodiffusion.

Position des parties

69.  Plusieurs intervenants ont invoqué l’urgence d’augmenter les balises actuelles de manière à limiter les risques de voir BCE-CTV abuser de sa position dominante sur le marché ou afficher un comportement anticoncurrentiel. Tout en étant conscients que le Conseil se propose de vérifier l’efficacité des balises existantes dans l’instance imminente sur l’intégration verticale, ces intervenants soutiennent que si la demande est approuvée, la nouvelle entité BCE-CTV aura suffisamment d’emprise sur le marché pour faire un tort considérable aux entreprises plus petites en attendant les résultats de l’audience à venir.

70.  Quelques intervenants, dont Cogeco, TELUS Communications Company et Bragg Communications Inc., ont proposé des mesures précises, comme l’élargissement des clauses de renversement de la preuve et de préférence indue à toutes les plateformes de distribution, l’imposition d’une séparation structurelle pour empêcher le volet de distribution de BCE d’avoir accès auprès de CTVgm à des renseignements concernant d’autres distributeurs qui s’avéreraient cruciaux pour la concurrence, le renforcement des clauses concernant la résolution des conflits et l’introduction de nouvelles clauses sur les rapports et la divulgation. Cogeco a ajouté que si ces mesures n’étaient pas adoptées dans le cadre de la présente demande, l’une des conditions d’approbation devrait être que BCE-CTV soit pleinement assujettie à toutes les balises et toutes les obligations additionnelles qui résulteront de l’instance sur l’intégration verticale.

71.  La Canadian Cable Systems Alliance (CCSA) a pour sa part fait valoir, puisque BCE serait pour les EDR indépendantes à la fois concurrente directe et fournisseur de contenu, qu’il fallait fixer d’autres balises avant même d’approuver la présente demande. Plus précisément, la CCSA réclame des mécanismes de résolution de différend plus rapides et plus efficaces pour éviter que les membres indépendants de l’industrie aient à négocier des ententes commerciales avec de grandes entreprises intégrées verticalement.

72.  En guise de réponse, BCE affirme qu’il n’y a aucune raison de modifier le cadre réglementaire actuel pour le système canadien de radiodiffusion, puisqu’il a démontré son efficacité depuis plusieurs années à l’égard des entreprises intégrées. BCE note que Quebecor, Rogers Broadcasting Inc. (Rogers) et Shaw contrôlent toutes deux des entreprises à la fois de programmation et de distribution avec les balises actuelles, et que celles-ci ont suffi pour empêcher ces entreprises d’afficher un comportement anticoncurrentiel. BCE ajoute qu’elle était déjà actionnaire majoritaire de CTVgm depuis plus de cinq ans en 2006 et qu’il n’a jamais été question de comportement anticoncurrentiel au cours de cette période. Selon elle, le retour de BCE comme actionnaire majoritaire de CTVgm ne devrait pas créer davantage de préoccupations.

73.  BCE fait aussi valoir qu’il serait asymétrique d’imposer de nouvelles restrictions réglementaires dans le cadre de la présente instance, étant donné qu’aucune autre grande entreprise intégrée déjà sur le marché ne serait assujettie à ces restrictions et que, du reste, le Conseil n’a pas imposé de restrictions de ce genre à Shaw en approuvant sa récente acquisition de Canwest Global.

74.  BCE s’est malgré tout dite prête à déposer en toute confidentialité auprès du Conseil les ententes d’affiliation qui lient actuellement CTVgm à BCE après avoir été négociées dans des conditions normales de concurrence.

Analyse et décisions du Conseil

75.  Dans le passé, le Conseil a approuvé des demandes autorisant une même entité à détenir à la fois des entreprises de programmation et de distribution, notamment avec l’acquisition précédente de CTV par BCE, celle de TVA par Quebecor, celle des stations Citytv par Rogers et celle de Canwest Global par Shaw[2].

76.  Compte tenu de la tendance croissante des fusions dans l’industrie, aussi bien que des inquiétudes exprimées par plusieurs intervenants au cours de l’instance ayant mené à l’acquisition de Canwest Global par Shaw, le Conseil a conclu qu’il était justifié de lancer une instance de politique afin d’étudier la pertinence de nouveaux outils et de nouvelles mesures réglementaires pour mieux régler les questions d’intégration verticale et prévenir les risques de comportement anticoncurrentiel.

77.  Le Conseil prend bonne note des inquiétudes exprimées par différents intervenants concernant le risque qu’une grande entité intégrée verticalement n’abuse de son emprise sur le marché. Toutefois, il n’est pas convaincu qu’il faut instaurer des précautions additionnelles avant l’instance de juin 2011 en vue d’étudier l’intégration verticale. Le Conseil estime qu’il serait plus pertinent d’examiner dans le contexte plus large d’un examen de politique les mesures susceptibles de prévenir les comportements anticoncurrentiels de la part d’entreprises intégrées verticalement, plutôt que de se limiter à l’examen des entreprises BCE-CTV.

78.  Le Conseil estime que l’instance sur l’intégration verticale constituera la tribune la plus appropriée pour examiner la possibilité de renforcer les mesures actuelles à l’égard de l’intégration verticale. Le Conseil ajoute qu’advenant que l’instance l’amène à conclure que des précautions additionnelles s’avèrent nécessaires, ces mesures s’appliqueront à BCE et à d’autres entreprises intégrées, lorsque le Conseil estimera qu’il est pertinent de le faire. Entre temps, le Conseil exige que BCE lui soumette, au plus tard dans les 30 jours à compter de la date de la présente décision, les ententes d’affiliation existant actuellement entre elle et CTVgm et ayant été négociées dans des conditions normales de concurrence.

Exclusivité de programmation

79.  La disponibilité du contenu sur de multiples plateformes (télévision, sans-fil, Internet, tablettes, etc.) dans un environnement où certaines entreprises contrôlent plusieurs de ces plateformes soulève des préoccupations possibles quant à l’exclusivité du contenu. 

Positions des parties

80.  De nombreux intervenants ont fait valoir que la transaction proposée placerait BCE en position de détenir l’exclusivité des émissions de CTVgm, surtout sur les plateformes mobiles. D’autres ont noté que BCE avait déjà annoncé ses couleurs en déclarant que cette transaction, en lui donnant la capacité d’exploiter du contenu exclusif, lui conférait un avantage sur ses concurrents. Certains intervenants ont proposé des mesures pour empêcher cet état de choses, comme une interdiction ou un moratoire sur l’exclusivité de la programmation.

81.  BCE s’est opposée aux mesures proposées, alléguant que rien ne justifiait d’adopter un règlement uniquement pour BCE et non pour ses concurrents. À l’audience, BCE a en outre déclaré qu’elle comptait certainement mettre ses produits de télévision linéaire à la disposition du marché selon un modèle présentement à l’étude.

Analyse et décisions du Conseil

82.  Le Conseil répète qu’à son avis, l’instance sur l’intégration verticale s’avère la tribune idéale pour examiner les questions que soulève l’intégration verticale, et notamment l’exclusivité de la programmation. Néanmoins, le Conseil reconnaît la légitimité des inquiétudes des intervenants qui redoutent les problèmes d’exclusivité de programmation à la suite de l’acquisition du plus grand télédiffuseur du Canada par BCE, l’un des plus importants joueurs dans les secteurs de la distribution, d’Internet et du sans-fil. Le Conseil est d’avis que cette crainte se voit intensifiée parles déclarations publiques de BCE qui insiste sur la fourniture d’un contenu exclusif à ses abonnés et en particulier aux abonnés du sans-fil.

83.  Compte tenu de ce qui précède, le Conseil impose le moratoire suivant. En attendant les décisions du Conseil au terme de l’instance sur l’intégration verticale, BCE ne peut conclure d’entente d’exclusivité de la programmation qui l’empêcherait de rendre disponible à ses compétiteurs, sur une base commerciale, des droits mobiles et de large bande reliés à la programmation de ses services traditionnels et spécialisés. Le Conseil s’attend également à ce que les autres entités intégrées verticalement se conforment à se moratoire et ne réalisent pas de telles ententes jusqu’à ce qu’il publie ses décisions quant à la question de l’intégration verticale.

Propriété

84.  Le Conseil ordonne à BCE de lui soumettre, à la signature de la transaction, des renseignements complets et à jour quant à la propriété des différentes sociétés concernées.

Conclusion

85.  Compte tenu de ce qui précède, le Conseil approuve la demande déposée par BCE inc. au nom de CTVglobemedia inc. afin d’obtenir l’autorisation de modifier le contrôle effectif des filiales de radiodiffusion autorisées de CTVgm à BCE.

Secrétaire général

Documents connexes

*La présente décision doit être annexée à chaque licence.

Annexe 1 à la décision de radiodiffusion CRTC 2011-163

Bloc d’avantages tangibles révisé (239,3 millions de dollars)

Télévision (221,8 millions de dollars)

Programmation à l’écran et contenu multiplateforme (128,8 millions)

o   Au maximum 10 % des fonds alloués à la création d’ÉIN pourront constituer du contenu en ligne ou multiplateforme.

o   100 % des ÉIN seront créées par des producteurs indépendants.

o   Nouveaux bulletins de nouvelles additionnels le matin et nouveau contenu additionnel de programmation à :

o   Nouvelles émissions d’information additionnelles :

Appui aux stations de télévision locale par l’entremise de la distribution satellite (60 millions)

Aide à la programmation locale sur les marchés du A-Channel (30 millions)

Fonds canadien de participation à la radiodiffusion (3 millions de dollars)

Radio (17,5 millions de dollars)

Annexe 2 à la décision de radiodiffusion CRTC 2011-163

Lignes directrices pour la création de fonds indépendants découlant des avantages

Quoique le Fonds d’accès à la radiodiffusion et le Fonds canadien de participation à la radiodiffusion ne soient pas à proprement parler des fonds de production, le Conseil estime que les critères de gouvernance et de comptabilité établis pour la mise sur pied de fonds indépendants de production (avis publics 1997-98 et 1999-29, et politique réglementaire de radiodiffusion 2010-833) constituent un modèle approprié pour les deux fonds qui verront le jour en vertu du bloc d’avantages tangibles de BCE. Des règles claires sur la gouvernance, sur l’obligation de rendre des comptes et sur les décisions en matière de financement feront en sorte que ces fonds sont admissibles à des contributions émanant d’autres sources, comme les contributions annuelles des entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) au système de radiodiffusion et de futurs avantages tangibles découlant de transferts de propriété ou de contrôle.

Les propositions déposées par BCE devront renfermer des dispositions claires et détaillées sur le mode de sélection des deux conseils d’administration (y compris leur composition initiale) et une disposition pour la répartition du fonds dans l’éventualité peu probable de sa dissolution, de manière à ce que l’argent soit investi dans d’autres fonds admissibles. Les propositions pour les deux fonds devront aussi fournir des renseignements détaillés sur le mandat, la structure et la gestion de ces fonds, sans oublier les renseignements sur le processus de sélection des projets admissibles à bénéficier de ces fonds.

Conformément aux critères énoncés dans l’avis public 1999-29, la composition des conseils d’administration des deux fonds doit respecter les critères suivants : 1) tous les membres doivent être canadiens; 2) un tiers des membres au maximum peut consister de représentants d’EDR ou de télédiffuseurs, et ceux-ci détiennent au maximum un tiers des droits de vote lors d’une assemblée; 3) toutes les décisions sont adoptées par vote majoritaire.

Le Conseil estime que les autres administrateurs doivent être représentatifs des regroupements de parties prenantes. Dans le cas du Fonds d’accès à la radiodiffusion, ces administrateurs seront des personnes handicapées, des représentants d’organismes œuvrant pour les personnes handicapées ou toute autre personne détenant une expertise dans l’élaboration et l’application de solutions à l’accessibilité. Pour le Fonds canadien de participation à la radiodiffusion, les autres administrateurs représenteront des organismes de consommateurs ou de défense de l’intérêt public dotés de mandats non commerciaux. Les personnes qui représentent les regroupements de parties prenantes détiennent les deux tiers des droits de vote dans une assemblée.

Pour les fonds de production indépendants certifiés, le Conseil décrète habituellement que les frais de gestion ne doivent pas dépasser 5 % des contributions versées au fonds. Dans le cas du Fonds d’accès de la radiodiffusion, étant donné qu’il y aura des frais additionnels liés à l’accommodement des personnes handicapées qui siègent au conseil, le Conseil fera montre de souplesse. Dans sa proposition, BCE doit préciser et justifier l’écart qu’il propose par rapport aux maximums habituels pour les frais de gestion.

Notes de bas de page

[1] Pour les actifs ayant fait l’objet d’une vente préalable, voir les décisions de radiodiffusion 2010-792, 2010-953 et 2010-972.

[2] Voir les décisions de radiodiffusion 2000-747, 2001-384, 2007-360 et 2010-782.

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