Décision de télécom CRTC 2023-317

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Référence : Demande de la Partie 1 affichée le 20 janvier 2023

Ottawa, le 15 septembre 2023

Dossier public : 8662-T117-202300268

TekSavvy Solutions Inc. – Demande de traitement d’une allégation de préférence indue découlant d’ententes hors tarif

Sommaire

Le Conseil a reçu une demande de TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy) pour traiter une allégation de préférence indue impliquant Rogers Communications Canada Inc. (RCCI) et Bell Canada. Bien que cette demande ait soulevé des préoccupations stratégiques d’ordre général concernant la concurrence dans les services de gros, l’allégation présentée par TekSavvy portait sur une question juridique ciblée, soit s’il existe une préférence indue ou non.

À la suite d’une analyse approfondie des faits, le Conseil a conclu que le demandeur ne répondait pas aux critères juridiques établis au paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications. Dans le cas des ententes entre RCCI et Vidéotron ltée (Vidéotron), les rabais disponibles sont similaires à ceux offerts dans le cadre d’autres ententes hors tarif existantes, et Vidéotron a indiqué sa volonté d’offrir les mêmes modalités à TekSavvy et à d’autres concurrents. En ce qui concerne Bell Canada et EBOX Inc. (EBOX), EBOX n’existant plus comme personne morale distincte, il n’y a pas d’entente hors tarif en place pour étayer une analyse concernant une préférence indue. Par conséquent, la demande de TekSavvy est refusée.

La demande de TekSavvy a été déposée peu après la publication de l’avis de consultation de télécom 2023-56 par le Conseil, lequel porte sur la facilitation d’une concurrence vibrante et durable dans le marché des services Internet de détail. Le Conseil continuera de travailler avec diligence pour trouver l’équilibre entre des bas prix et le maintien des investissements dans des réseaux fiables et de qualité.

Contexte

Évaluation de la préférence indue

  1. Les allégations de préférence indue sont évaluées en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications (Loi), qui précise ce qui suit :

    Il est interdit à l’entreprise canadienne, en ce qui concerne soit la fourniture de services de télécommunication, soit l’imposition ou la perception des tarifs y afférents, d’établir une discrimination injuste, ou d’accorder — y compris envers elle-même — une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature.

  2. L’analyse par le Conseil d’une allégation de préférence indue en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi se déroule en deux phases :

    (i) il doit d’abord déterminer si le comportement en question constitue une préférence;

    (ii) s’il le détermine, il doit alors décider si la préférence est indue.

  3. Selon l’approche générale du Conseil à l’égard des allégations de préférence indue, la partie qui avance les allégations doit d’abord établir la préférence. Une fois que cela est établi, le fardeau repose alors sur le répondant en vue d’établir qu’il ne s’agit pas d’une préférence indue, comme l’exige le paragraphe 27(4) de la Loi.

Ententes hors tarif

  1. Les fournisseurs de services de télécommunication (FST) peuvent négocier des ententes hors tarif qui établissent des taux et des modalités pour les services de télécommunication qui sont différents de ceux des tarifs approuvés par le Conseil. Le Conseil a indiqué par le passé qu’autoriser le recours aux ententes hors tarif offre aux entreprises de services locaux titulaires (ESLT), aux entreprises de câblodistribution et aux concurrents plus de flexibilité dans leurs ententes de service.
  2. De plus, le Conseil a déterminé antérieurement que les ententes hors tarif peuvent être utilisées pour les services d’accès haute vitesse (AHV) de gros.
  3. Le Conseil conserve un droit de regard sur les ententes hors tarif en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi.

Ententes entre Rogers Communications Canada Inc. et Vidéotron ltée

  1. Le 15 mars 2021, Rogers Communications Canada Inc. (RCCI) a annoncé le rachat de Shaw Communications Inc. (Shaw) pour 26 milliards de dollars.
  2. Le 12 août 2022, RCCI, Shaw et Vidéotron ltée (Vidéotron) ont conclu une entente concernant la vente de Freedom Mobile Inc. (Freedom Mobile) de Shaw à Vidéotron. Les ententes hors tarif entre RCCI et Vidéotron pour les services AHV de gros ont été négociées dans le cadre de la cession de Freedom Mobile par Shaw.
  3. Le 29 décembre 2022, le Tribunal de la concurrence a refusé l’appel du commissaire de la concurrence concernant la transaction et la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision le 24 janvier 2023.
  4. Innovation, Sciences et Développement économique Canada a approuvé le transfert des licences de spectre sans fil de Shaw à Vidéotron le 31 mars 2023 et les ententes entre RCCI et Vidéotron sont entrées en vigueur le 3 avril 2023.

Bell Canada et EBOX Inc.

  1. Le 24 février 2022, Bell Canada a annoncé qu’elle avait acquis EBOX Inc. (EBOX) et que Bell Canada continuerait d’offrir des services Internet de résidence aux consommateurs du Québec et de certaines parties de l’Ontario sous la marque EBOX.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy), datée du 20 janvier 2023, dans laquelle l’entreprise mentionnait deux cas de préférence indue présumée :
    • Les ententes entre RCCI et Vidéotron, en vertu desquelles RCCI offre à Vidéotron des tarifs préférentiels pour les services AHV de gros, parmi d’autres traitements préférentiels, dans le cadre de l’entente de fusion entre RCCI et Shaw. Cette entente avec Vidéotron est spécifiquement conçue pour permettre à Vidéotron et à sa filiale de vente des services de gros, VMedia Inc. (VMedia), d’être davantage concurrentielles qu’il ne serait possible de l’être en utilisant les tarifs actuels.
    • Bell Canada offre à sa filiale nouvellement acquise, EBOX, l’accès aux installations par fibre jusqu’aux locaux des abonnés (FTTP) pour des services AHV de gros groupés auxquels la concurrence n’a pas accès et pour lesquels il n’existe pas de tarif des services de gros. Compte tenu des prix de détail de l’accès Internet facturés par EBOX, Bell Canada semble également fournir ces services à des tarifs bien inférieurs à tout tarif de services AHV de gros dégroupés comparables.
  2. TekSavvy a demandé au Conseil de remédier aux causes sous-jacentes qui permettent la conclusion d’ententes hors tarif indûment préférentielles et de réexaminer l’utilisation de ces ententes par les ESLT et les entreprises de câblodistribution. TekSavvy a demandé au Conseil soit d’annuler intégralement les ententes hors tarif entre RCCI et Vidéotron, soit d’accorder à tous les concurrents, à titre provisoire, l’accès et les tarifs préférentiels que RCCI et Bell Canada ont déjà accordés à au moins une partie chacune, y compris l’accès aux installations FTTP pour des services AHV de gros groupés.
  3. Dans les deux cas cités par TekSavvy, il incombe à l’entreprise d’établir l’existence d’une préférence et, si celle-ci est établie, il incombe à RCCI et à Bell Canada, respectivement, d’établir que toute préférence n’est pas indue.
  4. Le Conseil a reçu les interventions de trois particuliers; de Bell Canada; du Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP); de Cogeco Communications inc. au nom de Cogeco Connexion inc. (Cogeco); de la Community Fibre Company; de Globalive; d’OpenMedia; des Opérateurs de réseaux concurrentiels Canadiens (ORCC); de Québecor Média inc. au nom de Vidéotron; de RCCI; de Shaw; de TELUS Communications Inc. (TCI); et de Vaxination Informatique.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • Les ententes hors tarif relatives à des services de gros entre RCCI et Vidéotron accordent-elles une préférence indue ?
    • La relation entre Bell Canada et EBOX comprend-elle des ententes relatives à des services de gros qui accordent une préférence indue?

Les ententes hors tarif relatives à des services de gros entre RCCI et Vidéotron accordent-elles une préférence indue?

Positions des parties
TekSavvy
  1. TekSavvy a précisé que le Tribunal de la concurrence avait conclu, sur la base des ententes relatives à des services de gros conclues entre RCCI et Vidéotron, que Vidéotron bénéficiait de tarifs préférentiels pour l’accès de gros et l’accès par fibre. Ces tarifs préférentiels faisaient partie des motifs invoqués par le Tribunal de la concurrence pour conclure que Vidéotron serait en mesure d’offrir des offres groupées de services sans fil mobiles et de services Internet à des prix concurrentiels. En outre, ces tarifs préférentiels n’ont pas été étendus à d’autres concurrents que Vidéotron et sa filiale VMedia.
  2. TekSavvy a soutenu que les concurrents sont préoccupés par les ententes hors tarif indûment préférentielles conclues entre RCCI et Vidéotron et estimaient qu’une enquête plus approfondie sur la nature et les incidences de ces préférences s’impose.
Répondants
  1. RCCI a précisé que TekSavvy n’acquiert pas d’entreprise de services sans fil, n’est pas une entreprise de services sans fil, ne participe pas aux marchés des services sans fil et n’a pas besoin d’itinérance nationale sans fil ni de fonctionnalité de raccordement sans fil. Elle a soutenu que TekSavvy n’est pas comparable à Vidéotron ou à des entreprises de services sans fil en général aux fins de l’établissement d’une préférence au sens du paragraphe 27(2) de la Loi et qu’elle n’est pas touchée par les ententes entre RCCI et Vidéotron.
  2. RCCI et Vidéotron ont précisé qu’il n’y avait pas de préférence indue. RCCI a soutenu que les incidences de la transaction à l’égard de la concurrence sur les marchés des services filaires n’ont même pas été contestées par le commissaire à la concurrence et que le Tribunal de la concurrence n’a pris aucune décision sur la capacité des fournisseurs de services Internet (FSI) revendeurs à faire face à la concurrence. Dans la mesure où le Tribunal de la concurrence a formulé des observations sur les marchés des services filaires, il a estimé que la fusion « contribuera vraisemblablement à une hausse de l’intensité de la concurrence dans ces marchés [de l’Alberta et de la Colombie-Britannique] ».
  3. Shaw a soutenu que TekSavvy demande à tort au Conseil de prendre des mesures correctives trop larges et disproportionnées pour remédier à ces violations présumées de la Loi, notamment en modifiant les tarifs de gros des services AHV existants et en imposant l’accès aux installations FTTP pour des services AHV de gros groupés. En outre, elle a précisé que les ententes hors tarif sont favorables à la concurrence et contribuent à l’atteinte des objectifs stratégiques de la politique de télécommunication énoncés à l’article 7 de la Loi (objectifs stratégiques), ce pour quoi les règles actuelles en matière d’ententes hors tarif ont été conçues.
  4. Shaw et Vidéotron ont indiqué qu’elles avaient conclu plusieurs ententes hors tarif avec des clients de services d’accès Internet de tiers (AIT) et que plusieurs autres entreprises avaient également conclu des ententes hors tarif pour des services AHV de gros. Selon Shaw, la prévalence de ces ententes, associée à l’absence de plaintes à leur sujet, contredit directement toute idée selon laquelle les ententes hors tarif sont intrinsèquement problématiques ou symptomatiques de problèmes profondément enracinés sur le marché des services AHV de gros.
  5. Vidéotron a précisé qu’elle restait disposée à envisager toute forme de nouvelle entente avec TekSavvy ou tout autre FSI susceptible d’être intéressé. Elle a déclaré qu’elle était même disposée à offrir à TekSavvy et à d’autres FSI intéressés les mêmes modalités que celles contenues dans les ententes hors tarif conclues avec RCCI, à condition que les exigences correspondantes soient respectées.
Autres intervenants
  1. Benjamin Klass et Vaxination Informatique ont soutenu la demande de TekSavvy. Benjamin Klass a argué qu’en offrant à Vidéotron des tarifs pour des services de gros qui ne sont pas offerts à d’autres fournisseurs de services se trouvant dans une situation semblable, comme TekSavvy, les ententes hors tarif entre RCCI et Vidéotron menacent de redéfinir les périmètres de la concurrence sur les marchés des services filaires dans l’ensemble de leurs territoires d’exploitation en excluant potentiellement la concurrence de parties qui ne sont pas au courant de l’entente. Vaxination Informatique a précisé que les ESLT et les entreprises de câblodistribution ne devraient pas être en mesure de choisir leurs concurrents et que les ententes hors tarif ne devraient être autorisées que si elles sont proposées à tous les clients, avec des limites raisonnables en matière d’admissibilité.
  2. Les ORCC ont précisé que la portée des ententes hors tarif de RCCI est largement inconnue et pourrait potentiellement inclure des ententes indûment préférentielles impliquant des services d’accès aux installations FTTP.
  3. Cogeco et OpenMedia étaient favorables à un examen par le Conseil des ententes hors tarif qui font l’objet de la présente instance ainsi qu’à un examen général des ententes hors tarif. Elles ont soutenu que les ententes hors tarif indûment préférentielles sont profondément préjudiciables à la concurrence et à l’abordabilité des services Internet et qu’elles constituent donc un problème d’intérêt public majeur. OpenMedia a également demandé au Conseil d’accorder à TekSavvy les mesures provisoires figurant dans la demande.
  4. Globalive a précisé que les modalités préférentielles contenues dans les ententes hors tarif n’ont pas été obtenues par des négociations fondées sur des considérations commerciales légitimes et pertinentes en fonction de l’activité sous-jacente (envisagée) de Vidéotron. Elles sont plutôt le résultat des efforts déployés par RCCI pour surmonter un obstacle réglementaire majeur dans le cadre de l’acquisition de Shaw. Elle a également fait part de sa préoccupation quant à l’effet négatif que ces ententes préférentielles auraient sur le développement de la concurrence sur le marché des services sans fil au Canada et, plus particulièrement, sur le retour de Globalive sur le marché des services sans fil au Canada.
  5. Le CDIP a soutenu la proposition de révoquer les ententes hors tarif entre RCCI et Vidéotron. Toutefois, il s’est généralement opposé à la mesure provisoire proposée parce qu’il existe de nombreuses instances en cours qui traitent directement des questions sous-jacentes. Il a argué que le Conseil devrait plutôt se concentrer sur la conclusion de ces longues instances et sur l’élimination progressive du cadre opaque et anticoncurrentiel des ententes hors tarif.
  6. TCI a soutenu la demande de TekSavvy d’enquêter pour savoir si les ententes hors tarif entre RCCI et Vidéotron enfreignent le paragraphe 27(2) de la Loi en raison des préoccupations potentielles soulevées au cours de l’instance du Tribunal de la concurrence portant sur la fusion entre RCCI et Shaw. Elle a soutenu que le Conseil devrait exiger que les parties produisent leurs ententes pour examen et qu’il devrait refuser ces ententes en utilisant le pouvoir que lui confère le paragraphe 32d) de la Loi si elles enfreignent effectivement le paragraphe 27(2).
Analyse du Conseil
Phase 1 : Déterminer s’il y a une préférence
  1. Tout ce qui est exigé d’un plaignant pour démontrer une préférence est de fournir des éléments de preuve suffisants afin d’établir une prétention à première vuequ’une préférence existe parce que les éléments de preuve nécessaires sont le plus souvent inaccessibles ou non disponibles pour les plaignants. Dans le cas présent, TekSavvy a apporté la preuve que le Tribunal de la concurrence a qualifié les ententes entre RCCI et Vidéotron de « très favorables » alors que TekSavvy n’avait aucune connaissance des modalités de ces ententes.
  2. Le Conseil a examiné l’allégation de TekSavvy relative à la préférence indue uniquement en ce qui concerne les ententes visant des services AHV de gros. Alors que les mesures correctives demandées par TekSavvy incluaient toutes les ententes conclues entre RCCI et Vidéotron, ses arguments concernant la préférence indue étaient presque entièrement axés sur les ententes visant des services AHV de gros.
  3. Le Conseil reconnaît que TekSavvy et Vidéotron sont des concurrents directs sur les marchés des services Internet de détail. Les deux parties achètent des services AHV de gros et les proposent aux clients des services de détail. En outre, Vidéotron a acquis VMedia, un concurrent offrant des services de gros, qui est également un concurrent direct de TekSavvy et qui achète les mêmes services AHV de gros.
  4. Par conséquent, le Conseil estime que TekSavvy a établi l’existence d’une préférence en ce qui concerne les ententes hors tarif entre RCCI et Vidéotron pour des services AHV de gros.
Phase 2 : Déterminer le caractère indu de la préférence
  1. Le Conseil doit désormais examiner si cette préférence a causé ou pourrait causer un préjudice important au plaignant ou à une autre personne. Il doit également examiner l’incidence que la préférence exerce, ou risque d’exercer, sur l’atteinte des objectifs stratégiques.
  2. Le Conseil a examiné toutes les ententes hors tarif déposées dans le dossier de la présente instance, en accordant une attention particulière aux tarifs et modalités du service AHV de gros inclus dans les ententes entre RCCI et Vidéotron, ainsi qu’à ceux présents dans d’autres ententes hors tarif en vigueur ou récemment expirées.
  3. Le Conseil estime que les ententes hors tarif entre RCCI et Vidéotron pourraient constituer une discrimination ou une préférence au sens de la Loi, mais qu’elles n’atteindraient pas le seuil de la préférence indue, tel que défini au paragraphe 27(2), pour les raisons indiquées ci-dessous.
  4. Dans le passé, le Conseil a reconnu que des facteurs tels que la réciprocité, la date de l’entente, la couverture géographique et le volume de trafic pouvaient expliquer certaines différences dans les prix des services de gros non tarifésNote de bas de page 1. Dans le cas des services AHV de gros, il est très courant dans le secteur d’accorder des remises pour les services de gros sur la base de conditions telles que la réciprocité et un volume établi.
  5. Dans le cas présent, il serait plus approprié que le Conseil examine la réciprocité, la couverture géographique et le volume de trafic en ce qui concerne les ententes hors tarif entre RCCI et Vidéotron, et qu’il examine les autres ententes hors tarif déposées dans le dossier de l’instance à titre de points de comparaison.
  6. Le Conseil estime notamment que les remises associées aux services de gros proposés dans le cadre des ententes hors tarif répertoriées sont conformes aux normes en vigueur dans le secteur et semblent être justifiées par les facteurs déterminés.
  7. Le Conseil estime également que si une entente hors tarif prescrite était proposée à un fournisseur et que si un autre fournisseur se voyait refuser une entente hors tarif comparable, cette situation donnerait probablement lieu à des préoccupations concernant une préférence indue.
  8. Dans ce cas, rien ne prouve qu’une entente hors tarif comparable ait été refusée à une autre partie. Vidéotron a indiqué qu’elle était disposée à offrir à TekSavvy et à d’autres FSI intéressés les mêmes modalités que celles contenues dans l’entente hors tarif conclue avec RCCI, à condition que les exigences correspondantes soient respectées.
  9. Sur la base du dossier de l’instance, le Conseil ne s’attend pas raisonnablement à ce que les ententes hors tarif existantes entre RCCI et Vidéotron aient une incidence sur l’atteinte des objectifs stratégiques.
  10. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil détermine que les ententes hors tarif entre RCCI et Vidéotron ne sont pas contraires au paragraphe 27(2) de la Loi et ne constituent pas une préférence indue en ce qui concerne les tarifs des services AHV de gros convenus mutuellement.

La relation entre Bell Canada et EBOX comprend-elle des ententes relatives à des services de gros qui accordent une préférence indue?

Positions des parties
  1. TekSavvy a précisé que Bell Canada semble offrir à sa société affiliée nouvellement acquise, EBOX, l’accès aux installations FTTP pour des services AHV de gros groupés qui ne sont pas également disponibles pour les concurrents et pour lesquels il n’existe pas de tarif de gros. Les services semblent également être fournis à des taux bien inférieurs à ceux contenus dans tout tarif comparable que Bell Canada a pour l’accès aux installations FTTP pour des services AHV de gros groupés.
  2. TekSavvy a soutenu que le comportement de Bell Canada en matière d’autoréférencement ne devrait pas être protégé par sa structure juridique. Si la conduite de Bell Canada enfreignait le paragraphe 27(2) de la Loi dans le cas où EBOX était une entité distincte, elle devrait être tout aussi problématique maintenant qu’EBOX fait partie de Bell Canada. Une conclusion contraire ignorerait la formulation du paragraphe 27(2) de la Loi, qui s’étend explicitement aux comportements d’autoréférence.
  3. Bell Canada a soutenu que l’allégation de TekSavvy était dénuée de tout fondement, puisqu’EBOX a été fusionnée avec Bell Canada et constitue désormais une division de Bell Canada, et non une entité commerciale autonome. Bell Canada et EBOX n’ont pas de relation entre fournisseur et client, et Bell Canada ne fournit à EBOX aucun service de gros, qu’il s’agisse d’un service de télécommunication ou autre.
  4. Cogeco s’est opposée à la demande de TekSavvy de réduire les tarifs des services AHV de gros, mais ne s’est pas opposée à la demande de cette dernière pour l’accès provisoire aux installations FTTP pour des services AHV de gros groupés. Elle a également affirmé que le Conseil devrait  :
    • lancer un examen des services filaires de gros, dont l’un des objectifs devrait être de corriger l’asymétrie réglementaire qui existe entre les ESLT et les entreprises de câblodistribution pour la fourniture de services AHV de gros, ce qui a indûment pénalisé les entreprises de câblodistribution;
    • appliquer plus vigoureusement ses pouvoirs de surveillance en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi en ce qui concerne les ententes hors tarif conclues entre les ESLT et les entreprises de câblodistribution, ou entre les ESLT et les entreprises de câblodistribution et leurs sociétés affiliées;
    • adopter des mesures provisoires qui permettraient aux concurrents d’accéder en temps opportun aux installations FTTP pour des services AHV de gros groupés, selon des modalités et des tarifs qui, au minimum, sont comparables à ceux que les entreprises de câblodistribution doivent respecter pour fournir des services de large bande à des vitesses plus élevées aux clients des services de gros.
  5. La Community Fibre Company a soutenu la demande de TekSavvy concernant les ententes hors tarif de l’accès aux installations FTTP pour des services AHV de gros groupés, et ce, selon des modalités équivalentes à celles offertes par Bell Canada à EBOX. L’accès aux installations FTTP pour des services AHV de gros à des tarifs équivalents est une nécessité urgente pour permettre aux petites entreprises comme la Community Fibre Company de se battre sur un pied d’égalité et d’accéder à « l’échelle d’investissement » nécessaire pour introduire efficacement la concurrence sur le marché canadien des services de télécommunication.
  6. Les ORCC ont fermement soutenu la demande de TekSavvy et sa requête de mesures provisoires afin de remédier aux ententes hors tarif indûment préférentielles. Ils ont indiqué que leur propre mesure corrective temporaire concernant la revente de l’accès aux installations FTTP serait une solution appropriée, car elle fournirait une solution provisoire qui s’attaquerait aux causes profondes des ententes hors tarif indûment préférentielles concernant l’accès aux installations FTTP.
  7. Le CDIP a précisé que le Conseil devrait examiner de près si Bell Canada fournit effectivement à sa société affiliée un accès aux installations FTTP pour des services AHV de gros groupés qui n’est pas offert à d’autres concurrents. Si tel est le cas, le Conseil doit interdire cette pratique, car il s’agit d’un cas évident de préférence indue, non seulement pour Bell Canada, mais aussi pour d’autres FST qui pourraient profiter de l’acquisition récente de filiales de vente de services de gros pour se favoriser eux-mêmes. Bien que TekSavvy ait demandé que Bell Canada soit tenue d’offrir à ses concurrents des services de gros le même accès aux installations FTTP pour des services AHV de gros groupés qu’à EBOX, le CDIP a fait remarquer qu’il n’existe toujours pas de tarifs pour un tel accès par fibre.
  8. Shaw a précisé qu’il est inexact de qualifier l’entente entre Bell Canada et EBOX d’entente hors tarif parce que le Conseil n’a pas exigé la fourniture de l’accès aux installations FTTP de services AHV de gros groupés. Étant donné qu’il n’est pas nécessaire que ce service soit fourni dans le cadre d’un tarif, il n’est pas correct de qualifier d’entente hors tarif toute entente portant sur sa fourniture.
  9. Vidéotron a soutenu que le Conseil doit agir rapidement et ordonner à Bell Canada de rendre ses services d’accès Internet de détail fournis au moyen de l’accès aux installations FTTP disponibles pour la revente dans un format groupé à un rabais de 25 % par rapport au tarif de détail le plus bas facturé à un client, y compris les rabais ou les crédits.
Analyse du Conseil
  1. Le Conseil confirme qu’EBOX n’est aujourd’hui qu’une marque exploitée par Bell Canada, à l’instar de Virgin Plus. Bell Canada a acheté EBOX en 2022 et ne fournit actuellement aucun service à EBOX.
  2. Le 7 juillet 2022, la société 14192052 Canada Inc. a été constituée et, peu après, rebaptisée EBOX Telecommunications Inc.
  3. En vue de sa dissolution, EBOX a cédé le 21 août 2022 à EBOX Telecommunications Inc. certains contrats de travail relatifs aux employés de son centre d’appels. Le lendemain, EBOX Telecommunications Inc. a été fusionnée avec Bell Canada.
  4. EBOX n’existe plus que sous la forme d’une marque exploitée par Bell Canada. Toutes les activités relatives aux services de télécommunication sous la marque EBOX se déroulent au sein de Bell Canada et non dans une société affiliée distincte. EBOX Telecommunications Inc. reste une filiale à 100 % de Bell Canada et n’est pas impliquée dans la fourniture de services de détail sous la marque EBOX.
  5. Par conséquent, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle Bell Canada fournissait un accès aux installations FTTP pour des services AHV de gros groupés à une entreprise affiliée, soit EBOX, le Conseil conclut qu’il n’y a pas de société affiliée ni d’entente hors tarif en place et que, par conséquent, il n’y a pas de préférence au sens de la Loi.
  6. En ce qui concerne l’argument de TekSavvy selon lequel Bell Canada s’accorde une préférence indue en ne fournissant pas d’accès aux installations FTTP pour des services AHV de gros groupés aux concurrents, le Conseil fait remarquer qu’il n’a rendu obligatoire que l’accès aux installations par FTTP pour des services AHV de gros dégroupés jusqu’à présent. L’accès obligatoire aux installations FTTP pour des services AHV de gros groupés est actuellement envisagé, sur une base accélérée, dans le cadre de l’instance de révision du cadre des services AHV de gros amorcée par l’avis de consultation de télécom 2023-56.
  7. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu’il n’y a pas de préférence indue en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi en ce qui concerne la relation entre Bell Canada et EBOX.

Conclusion

  1. Comme indiqué ci-dessus, le Conseil estime que, dans les deux cas déterminés par TekSavvy, il n’y a pas de préférence indue au sens du paragraphe 27(2) de la Loi. Par conséquent, le Conseil refuse, par un vote majoritaire, la demande de TekSavvy de révoquer ou de prolonger les ententes hors tarif déterminées.
  2. Le Conseil fait également remarquer que la demande de TekSavvy précède l’examen du cadre des services AHV de gros amorcé par l’avis de consultation de télécom 2023-56. Cette instance porte sur la facilitation d’une concurrence vibrante et durable dans le marché des services Internet de détail. Le Conseil continuera de travailler avec diligence pour trouver l’équilibre entre des bas prix et le maintien des investissements dans des réseaux fiables et de qualité.
  3. En ce qui concerne le cadre réglementaire des ententes hors tarif, le Conseil estime que ces ententes présentent des avantages. Plus précisément, le Conseil a indiqué par le passé qu’autoriser le recours aux ententes hors tarif offre davantage de flexibilité aux ESLT, aux entreprises de câblodistribution et aux concurrents lors d’ententes de service. De plus, le Conseil estime que le recours à ces ententes sera croissant et visera divers services.
  4. Étant donné que le cadre entourant les ententes hors tarif n’a pas fait l’objet d’un examen général depuis sa création, le Conseil estime qu’une révision du cadre serait appropriée pour s’assurer qu’il soutient efficacement la concurrence et les consommateurs. Le Conseil a l’intention de procéder à un tel examen dans un avenir proche, après la conclusion de l’examen des services AHV de gros.

Instructions de 2023

  1. Le Conseil a tiré ses conclusions dans la présente instance en tenant compte des objectifs des Instructions de 2023Note de bas de page 2.

Secrétaire général

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