Décision de télécom CRTC 2018-360

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Ottawa, le 11 septembre 2018

Dossier public : 8640-T66-201800251

TELUS Communications Inc. – Demande d’abstention de la réglementation des lignes locales dégroupées

Le Conseil approuve la demande d’abstention de la réglementation des lignes locales dégroupées déposée par TELUS Communications Inc. concernant les 34 circonscriptions pour lesquelles elle n’a pas encore obtenu une abstention. Les conclusions du Conseil dans la présente décision garantiront que les Canadiens continueront de profiter d’un système de télécommunications concurrentiel qui se fie, dans la plus grande mesure du possible, au libre jeu du marché pour atteindre les objectifs de la politique de télécommunication.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de TELUS Communications Inc. (TCI), datée du 19 janvier 2018, dans laquelle l’entreprise lui demandait de s’abstenir de réglementer la fourniture de lignes locales dégroupées (LLD)Note de bas de page 1 dans les 34 circonscriptions de son territoire d’exploitation pour lesquelles elle n’a pas encore obtenu une abstentionNote de bas de page 2.
  2. Plus précisément, TCI a demandé au Conseil de lui octroyer une abstention conformément à l’article 34 de la Loi sur les télécommunications (Loi), et que le Conseil s’abstienne d’exercer les pouvoirs et fonctions que lui confèrent les articles 24, 25, 27, 29 et 31 de la Loi [à l’exception des paragraphes 27(2) et 27(4)] de la Loi en ce qui concerne les LLD dans les circonscriptions où la fourniture de LLD est encore obligatoire.
  3. Le Conseil a reçu des interventions d’Allstream Business Inc. (Allstream), du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC) et de Shaw Communications Inc. (Shaw).

Contexte

  1. Dans la décision de télécom 97-8, le Conseil a déterminé que, pour soutenir la concurrence dans le secteur des services de détail, les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) seraient tenues de dégrouper leurs installations d’accès locales afin de rendre les LLD accessibles aux entreprises de services locaux concurrentes sous forme de services de gros.
  2. Cependant, le statut réglementaire des LLD a changé lorsque la politique réglementaire de télécom 2015-326 a été publiée. Dans cette décision, le Conseil a appliqué un critère des services essentiels (ci-après appelé « évaluation du caractère essentiel ») à différents services de gros, y compris aux LLD, afin de déterminer si la fourniture de ces services devrait continuer d’être obligatoireNote de bas de page 3. De plus, l’évaluation du caractère essentiel était corroborée par trois considérations stratégiques pour éclairer, soutenir ou infirmer une décision de prescrire ou non la fourniture d’un service de gros : i) bien public, ii) interconnexion, et iii) innovation et investissement.
  3. Le Conseil a conclu que les LLD ne satisfont pas à l’ensemble des trois conditions de l’évaluation du caractère essentiel à l’échelle du pays, et étant donné qu’il n’existe pas de raisons stratégiques valables de continuer à imposer la fourniture de ces installations, il a déterminé que les LLD ne sont pas essentielles et n’exige plus qu’elles soient fournies, sous réserve d’une période d’élimination progressive de trois ans. Dans les circonscriptions où il n’y avait aucune demande pour les LLD, le Conseil a déterminé qu’il s’abstiendrait de réglementer les installations à compter de la date de sa décision. La période d’élimination progressive ne s’appliquerait pas dans ces circonscriptions, et les ESLT pourraient continuer d’offrir les LLD ou cesser de les offrir immédiatement.
  4. Dans les circonscriptions où il y avait une demande pour les LLD, une ESLT pourra déposer une demande d’abstention de la réglementation concernant la fourniture de ses LLD si elle a l’intention de continuer d’offrir les LLD après la fin de la période d’élimination progressive. Les ESLT visées sont encouragées à définir un cadre d’analyse que le Conseil pourrait utiliser pour évaluer l’abstention de manière efficace sur le plan administratif, et doivent justifier pourquoi leur demande d’abstention n’aurait pas d’incidence sur les décisions d’abstention locale que le Conseil a auparavant prises en fonction de la disponibilité des LLDNote de bas de page 4.
  5. Si une ESLT avait l’intention de cesser d’offrir des LLD, elle devrait alors fournir un avis écrit aux clients existants et au Conseil. Notamment, elle devrait justifier pourquoi la cessation de l’offre des LLD n’aurait pas d’incidence sur les décisions d’abstention locale que le Conseil a prises auparavant en fonction de la disponibilité des LLDNote de bas de page 5.

Le Conseil devrait-il accepter la demande d’abstention de la réglementation des LLD déposée par TCI concernant les 34 circonscriptions en question?

  1. TCI a déclaré que sa demande visait l’abstention de la réglementation de ses LLD, et non le retrait de l’accès à celles-ci, et que les LLD demeureraient disponibles après l’obtention d’une abstention. TCI a proposé au Conseil un cadre d’analyse pour évaluer sa demande d’abstention.

Cadre d’analyse proposé par TCI

  1. TCI a proposé de classer chacune des 34 circonscriptions dans l’une des trois parties de son cadre d’analyse. Dans la partie a) du cadre d’analyse proposé, les LLD seraient automatiquement soustraites à la réglementation dans toutes les circonscriptions où aucune abstention des services vocaux locaux (de résidence ou d’affaires) n’a été octroyée (zéro circonscription au total). Dans la partie b) du cadre d’analyse proposé, les LLD seraient automatiquement soustraites à la réglementation dans toutes les circonscriptions (quatre circonscriptions au total) où l’abstention, dans la mesure où il y a une abstention des services locaux de détail, a apparemment été octroyée uniquement en raison de la concurrence suffisante exercée par un concurrent du secteur filaire (c.-à-d. Shaw) n’utilisant pas de LLD. Dans la partie c) du cadre d’analyse proposé, les LLD seraient soustraites à la réglementation dans toute circonscription (30 au total) où une abstention de réglementer les services locaux de détail a apparemment été octroyée parce qu’un fournisseur de services de télécommunication (FST) loue des LLD, à moins que le Conseil n’ait un doute raisonnable que les utilisateurs finals de la circonscription continueront de profiter d’une concurrence suffisante pour protéger leurs intérêts, conformément à l’article 34 de la Loi. TCI a classé ces 30 circonscriptions en tant que circonscriptions desservies par Shaw (24 circonscriptions) et desservies par une entreprise de câblodistribution autre que Shaw (6 circonscriptions). Une liste des 34 circonscriptions, situées en Alberta, en Colombie­Britannique et au Québec, figure à l’annexe de la présente décision.

Justification de l’abstention soumise par TCI

Abstention de la réglementation des LLD de TCI en vertu du paragraphe 34(1) de la Loi
  1. TCI a soutenu que l’abstention de la réglementation des LLD dans les circonscriptions de l’entreprise mentionnées aux parties b) et c) est conforme au paragraphe 34(1)Note de bas de page 6 de la Loi et, plus précisément, aux objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7f) et 7g)Note de bas de page 7 de la Loi. TCI a indiqué que les décisions sur l’abstention locale se rapportant aux circonscriptions mentionnées à la partie b) ne dépendaient pas de la présence d’une entreprise utilisant les LLD et que le retrait de l’accès aux LLD ne peut donc pas modifier les conditions de concurrence ayant mené à l’abstention locale. Compte tenu de la présence de ces installations concurrentes, de la présence de multiples entreprises de services sans fil offrant des services vocaux, et de la disponibilité de l’accès Internet par lequel des services vocaux peuvent être obtenus de divers fournisseurs de services de voix sur protocole Internet (VoIP), le libre jeu du marché déterminera comment sont fournis les services de télécommunication, ce qui est conforme à l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7f) de la Loi.
  2. TCI a indiqué que les décisions sur l’abstention des services locaux de résidence se rapportant aux circonscriptions mentionnées à la partie c) étaient fondées sur la présence des réseaux de l’entreprise de câblodistribution. TCI a déclaré que, si l’on suppose que les LLD ne représentent pas une part importante des réseaux d’accès des entreprises de câblodistribution en vue de la fourniture de services, l’abstention des LLD n’aura pas d’incidence sur l’accès des consommateurs à un choix de fournisseurs de services locaux de résidence.
  3. TCI a indiqué que les décisions sur l’abstention des services locaux d’affaires se rapportant aux circonscriptions mentionnées à la partie c) étaient fondées sur la présence de différents FST qui ne sont pas des entreprises de câblodistribution, mais qui peuvent avoir utilisé les LLD. Cependant, la construction subséquente du réseau avancé de Shaw dans les zones d’affaires des 24 circonscriptions qui sont mentionnées à la partie c) et qu’elle dessert (ce qui, selon TCI, peut être suivi sur le site Web Go WiFi de Shaw, puisque ce nouveau réseau est également compatible avec le service Go WiFi de Shaw) a modifié les conditions de concurrence de façon que l’abstention des services locaux d’affaires puisse être octroyée aujourd’hui sans que cela dépende des LLD. TCI a donc fait valoir que le retrait de l’accès aux LLD ne peut modifier les conditions de concurrence actuelles qui continuent de favoriser l’abstention locale dans ces circonscriptions.
  4. TCI a signalé que les capacités en matière d’accès concurrentiel des autres fournisseurs de services filaires dans les circonscriptions énoncées à la partie c) qui ne sont pas desservies par Shaw n’ont pas encore été établies. Toutefois, TCI a soutenu que, même dans les circonscriptions mentionnées à la partie c) où il n’y a pas de concurrent du secteur filaire utilisant un réseau fixe (s’il y a de telles circonscriptions), la concurrence locale ne dépend plus de la disponibilité des LLD en raison de la présence concurrentielle des services sans fil mobiles et de l’accès aux services VoIP.
  5. TCI a argué qu’en présence d’installations concurrentes, de multiples entreprises de services sans fil offrant des services vocaux, ainsi que d’accès Internet et de circuits de données par lesquels des services vocaux peuvent être obtenus de divers fournisseurs de services VoIP, les LLD présentes dont les prix sont établis arbitrairement faussent le marché en ce qui concerne l’accès des clients et, ainsi, les services locaux de détail que soutiennent les LLD. TCI a indiqué que la réglementation continue des LLD irait donc à l’encontre de l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7f) de la Loi, puisqu’elle ne favoriserait pas le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication.
  6. TCI a précisé que l’abstention de la réglementation des LLD respecte l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7g) de la Loi, puisque l’élimination de l’obligation de fournir des LLD pourrait encourager les concurrents à utiliser des technologies avancées.
Abstention de la réglementation des LLD de TCI en vertu du paragraphe 34(3) de la Loi
  1. TCI a soutenu que l’abstention des LLD ne contreviendrait pas au paragraphe 34(3)Note de bas de page 8 de la Loi. En particulier, l’abstention des LLD n’aura pas d’incidence sur le maintien d’un marché concurrentiel puisque la concurrence locale ne dépend plus de la disponibilité des LLD, mais plutôt des services sans fil et VoIP et, dans certains cas, des entreprises possédant leurs propres installations d’accès sans fil. Comme l’abstention n’aura pas de répercussions sur la capacité des fournisseurs de services sans fil, des fournisseurs de services VoIP ou des entreprises ayant leurs propres installations d’accès à servir leurs clients, cela ne peut pas nuire au maintien du marché concurrentiel existant pour ce qui est des services locaux dans les circonscriptions de TCI.
Abstention des LLD et autres services de gros
  1. TCI a soutenu que la conclusion du Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, conclusion selon laquelle les LLD ne satisfaisaient pas à la condition relative à la concurrence de l’évaluation du caractère essentiel, était fondée sur deux facteurs indépendants des solutions de rechange pour les services de gros. D’abord, le Conseil estimait que la demande de LLD avait diminué de façon constante au cours des années précédant cette décision. Ensuite, le Conseil a reconnu que les services concurrentiels qui dépendaient des LLD constituaient une très faible part de l’ensemble du marché de détail pour ces servicesNote de bas de page 9.
  2. TCI a indiqué que la justification du Conseil pour ce qui est de déclarer les LLD non essentielles est importante sur le plan de l’application. À cet égard, TCI a argué que le Conseil n’avait pas mis l’accent sur la disponibilité des solutions de rechange pour les services de gros en ce qui concerne les LLD elles-mêmes, mais qu’il l’avait plutôt mis sur la disponibilité de services de détail autres que les services locaux fournis au moyen des LLD. TCI a soutenu que le Conseil avait déterminé que les LLD n’étaient pas essentielles parce qu’il y aurait quand même une concurrence suffisante dans le secteur des services de détail. Le Conseil s’attendait à ce que les FST qui utilisent les LLD perdent peut-être certains clients en raison de l’abstention des LLDNote de bas de page 10.
  3. TCI a soutenu que les prévisions selon lesquelles les clients devraient changer de FST en raison du prix ou de la disponibilité des LLD ou d’autres services de gros ne devraient pas avoir d’incidence sur l’abstention des LLD; TCI a déclaré que le Conseil avait déjà accepté cette éventualité lorsqu’il avait déclaré les LLD non essentielles. Si l’on tenait compte de la disponibilité des autres services de gros convenables dans l’évaluation pour l’abstention des LLD, cela ajouterait un critère non pertinent aux conclusions du Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2015-326.
  4. TCI a soutenu que la concurrence de la part des fournisseurs de services sans fil et de services VoIP garantira que les utilisateurs finals continueront de profiter d’un choix de fournisseurs de services dans les 34 circonscriptions de TCI lorsque les LLD seront soustraites à la réglementation.

Allstream

  1. Allstream a indiqué que, dans la partie b) du cadre d’analyse proposé par TCI, où l’abstention des services de détail ne dépend pas des LLD, TCI n’a pas réussi à démontrer que les faits ayant mené à l’abstention des services de détail n’ont pas changé l’environnement concurrentiel dans ces circonscriptions ou que les LLD ne favorisent pas celui-ci.
  2. Allstream a soutenu que, pour les circonscriptions de la partie c) du cadre d’analyse proposé par TCI, où l’abstention des services de détail repose sur l’utilisation des LLD, TCI a déclaré, en ne disposant pratiquement d’aucun élément de preuve, qu’il ne serait plus nécessaire de compter sur les LLD pour satisfaire aux critères d’abstention des services de détail. Allstream a proposé, en tant que bonne façon d’évaluer la déclaration de TCI, que celle­ci soumette les renseignements requis dans le cadre d’une demande d’abstention des services de détail pour ces circonscriptions.
  3. Allstream était d’avis que même si TCI a déclaré que des solutions de rechange aux LLD sont disponibles en matière de services, elle n’a pas fourni de détails sur la mesure dans laquelle ces services sont utilisés par les clients des services de résidence ou d’affaires. De plus, TCI n’a pas présenté d’éléments de preuve selon lesquels il s’agit de solutions de rechange viables aux services fournis au moyen des LLD. Par exemple, Allstream a noté que TCI, dans 24 des 30 circonscriptions mentionnées à la partie c) du cadre d’analyse qu’elle a proposé, s’est appuyée sur la couverture du réseau Go WiFi de Shaw pour prouver l’existence de solutions de rechange pour les clients des services d’affaires. Toutefois, TCI n’a pas fourni d’éléments de preuve démontrant que les clients des services d’affaires estiment que ce service est une solution de rechange concurrentielle viable. Allstream a indiqué que de nombreuses entreprises exigent la fiabilité et la sécurité d’une connexion par ligne terrestre spécialisée.
  4. Allstream a soutenu que les services d’accès haute vitesse (AHV) de gros dégroupés constituent la voie de migration logique pour la plupart des LLD; or, il ne s’agit pas encore de solutions de rechange viables, et le Conseil n’a pas commencé le processus d’établissement des services AHV de gros dégroupés dans le territoire de TCI à titre de titulaire. Allstream a indiqué que les LLD devraient continuer à être réglementées dans une circonscription pendant au moins deux ans après le déploiement dans celle-ci des services AHV de gros dégroupés, à un tarif définitif approuvé.
  5. Allstream a argué que, si l’abstention est octroyée, le Conseil devrait conserver ses pouvoirs concernant l’imposition de conditions relatives à un service (article 24 de la Loi), la nécessité d’établir des tarifs justes et raisonnables [paragraphes 27(1) et 27(5) de la Loi], les questions de fait [paragraphes 27(3) de la Loi], et la protection contre toute préférence indue ou discrimination injuste [paragraphes 27(2) et 27(4) de la Loi].
  6. Allstream a déclaré que si le Conseil détermine qu’il est approprié de prendre des mesures de transition supplémentaires, mais qu’il considère qu’elles correspondent à la période d’élimination progressive de trois ans, il pourrait exercer son pouvoir conformément à l’article 24 de la Loi en établissant un prix plafond pour les LLD selon les tarifs en vigueur.

CORC

  1. Le CORC a soutenu que le cadre d’analyse proposé par TCI ne tient pas compte de la demande continue pour les LLD du point de vue de l’article 34 de la Loi. S’il existe une offre concurrentielle de la part des FST qui utilisent les LLD et que la demande pour ces services se poursuit, le Conseil devrait appliquer un critère pour évaluer si l’abstention des LLD est susceptible de nuire au maintien ou à l’établissement d’un marché concurrentiel pour la fourniture de services vocaux locaux de résidence et d’affaires dans ces circonscriptions. Si cela nuisait au marché concurrentiel, l’abstention serait alors prématurée et non conforme au paragraphe 34(3) de la Loi.
  2. Le CORC a soutenu que, dans la mesure où les augmentations tarifaires à la suite de l’abstention ou la modification des modalités des LLD en service représentent un obstacle pour les FST en ce qui concerne la fourniture de services vocaux locaux concurrentiels par l’utilisation des LLD, le marché concurrentiel des services vocaux locaux de détail dans ces circonscriptions en souffrira.
  3. Le CORC était d’avis que l’abstention des LLD dans les circonscriptions classées dans chaque partie du cadre d’analyse proposé par TCI perturbera la continuité du marché concurrentiel existant des services vocaux locaux. Le CORC a déclaré que, dans tous ces cas, l’abstention n’est pas appropriée conformément au paragraphe 34(3) de la Loi.
  4. Le CORC a indiqué que, lorsque l’abstention des services vocaux locaux repose sur la présence d’une entreprise de câblodistribution [services de résidence et d’affaires fournis dans les quatre circonscriptions mentionnées à la partie b), et services de résidence fournis dans les 30 circonscriptions mentionnées à la partie c)], le Conseil ne devrait pas accepter l’hypothèse de TCI selon laquelle les LLD ne représentent pas une part importante des réseaux des entreprises de câblodistribution, à moins que des éléments de preuve ne puissent le confirmer. Le CORC a fait valoir que, dans la mesure où il y a une demande continue pour les LLD dans ces circonscriptions, l’abstention de la réglementation des LLD nuirait à la capacité des FST d’offrir des services locaux concurrentiels au moyen des LLD, ce qui va à l’encontre du paragraphe 34(3) de la Loi.
  5. Le CORC a précisé que, dans les 30 circonscriptions mentionnées à la partie c), l’utilisation des LLD a été prise en compte lors des décisions sur l’abstention des services locaux d’affaires. De l’avis du CORC, dans la mesure où il existe une demande continue pour les LLD, l’abstention des LLD utilisées pour fournir des services d’affaires dans ces circonscriptions nuirait à la capacité des FST d’y offrir des services locaux concurrentiels au moyen des LLD, ce qui est contraire au paragraphe 34(3) de la Loi. Le CORC a soutenu que la présence du réseau de Shaw dans 24 des 30 circonscriptions ne change pas les conditions de la demande en LLD et que le marché concurrentiel des services vocaux locaux serait perturbé après l’abstention. Selon le CORC, dans la mesure où Shaw n’offre pas de LLD, de services de réseau numérique propre aux concurrents (RNC)Note de bas de page 11 ou d’autres services substituables dans les circonscriptions d’affaires, sa présence dans ces circonscriptions n’est pas un facteur qu’il est pertinent de prendre en compte en ce qui concerne l’abstention des LLD de TCI. Le CORC a déclaré que le même principe s’appliquerait dans les 6 circonscriptions où TCI a indiqué que Shaw ne couvre pas le marché d’affaires.
  6. Le CORC était d’avis que la poursuite de la réglementation des LLD dans les circonscriptions de TCI jusqu’à ce qu’il existe des conditions différentes évidentes quant à la demande en LLD favorisera le maintien des objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, en particulier ceux énoncés aux alinéas 7c) et 7f)Note de bas de page 12.

Shaw

  1. Shaw ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé de la demande; elle a plutôt donné des précisions sur son réseau Shaw Go WiFi. Elle a déclaré que ce service complète, sans toutefois la remplacer, l’infrastructure réseau que l’entreprise déploie pour desservir ses clients des services d’affaires (en soi, cela n’est pas comparable à une installation spécialisée et ne vise pas à remplacer une telle installation). Shaw a indiqué qu’elle n’utilise pas son réseau Shaw Go WiFi pour étendre ses services aux emplacements d’affaires en l’absence d’installation d’accès filaire, et qu’elle continue à compter sur des installations d’accès de FST titulaires louées lorsqu’il lui est impossible d’étendre son réseau filaire.
  2. Shaw a déclaré que les cartes de la couverture de son réseau Shaw Go WiFi accompagnant la demande de TCI ne sont pas représentatives de la couverture de son réseau d’accès par fibre coaxiale hybride, et que la mention d’une couverture du marché d’affaires par le réseau de Shaw est inexacte. Shaw a indiqué que les points d’accès de son réseau Shaw Go WiFi figurant sur ces cartes sont une combinaison de points d’accès d’installations externes, d’installations desservies par son installation d’accès par fibre coaxiale hybride, et d’installations desservies au moyen d’installations d’accès qu’elle loue au FST titulaire.
  3. Shaw a conclu son intervention en affirmant qu’elle n’utilise les LLD pour fournir des services aux clients des services d’affaires dans aucune des circonscriptions mentionnées dans la demande de TCI.

Réplique de TCI

  1. Dans sa réplique à la demande d’Allstream afin que l’abstention des LLD de la réglementation ne soit pas octroyée moins de deux ans après l’établissement des services AHV de gros dégroupés, TCI a soutenu que, dans la décision de télécom 2016-246Note de bas de page 13, le Conseil a rejeté la proposition d’Allstream de reporter l’élimination progressive des LLD afin de la réaliser une fois que ces services sont prêts.
  2. Dans sa réplique à la suggestion d’Allstream, à savoir que TCI ne devrait pas se voir octroyer une abstention en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi pour ce qui est de l’établissement de tarifs justes et raisonnables, TCI a déclaré qu’il n’est ni nécessaire ni justifié de limiter les prix pour les LLD faisant l’objet d’une abstention en tant que condition d’admissibilité à l’abstention; cela irait à l’encontre de la justification en matière d’abstention (le libre jeu du marché aura cours pour protéger les intérêts des utilisateurs finals). TCI a également indiqué qu’elle compte établir des prix concurrentiels pour ses LLD après l’obtention d’une abstention.
  3. Dans sa réplique à la proposition du CORC selon laquelle le Conseil devrait appliquer un critère pour évaluer si l’abstention des LLD est susceptible de compromettre la création ou le maintien d’un marché concurrentiel pour les services vocaux locaux de résidence et d’affaires dans ces circonscriptions, TCI a argué que le Conseil a déjà examiné les répercussions de l’abstention des LLD sur le marché des services locaux de détail; dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a déclaré que l’abstention des LLD n’empêcherait pas ni ne diminuerait grandement la concurrence en ce qui concerne les services vocaux locaux de détail. TCI a affirmé que, par conséquent, les critères d’abstention des LLD du CORC ont été respectés, et que le fondement de l’affirmation selon laquelle l’abstention des LLD ne serait pas conforme au paragraphe 34(3) de la Loi ne s’applique pas.
  4. Dans sa réplique à Shaw, TCI a déclaré qu’elle ne fournissait les cartes du réseau Shaw Go WiFi qu’à titre d’indication de la couverture du réseau filaire sous-jacent de Shaw dans les zones d’affaires. TCI a soutenu que les cartes de la couverture qui accompagnaient sa demande constituent une indication raisonnablement précise, et peut-être sous-estimée, de la présence du réseau filaire de Shaw dans les zones d’affaires. TCI a déclaré que l’utilisation par Shaw de services loués pour joindre certaines entreprises ou certains points d’accès n’est pas un élément pertinent quant à l’abstention de la réglementation des LLD. TCI a fait valoir que son cadre d’analyse de l’abstention de la réglementation tient compte des endroits où les services vocaux locaux peuvent être fournis sans l’utilisation des LLD, mais pas nécessairement sans l’utilisation d’autres services d’accès loués.

Résultats de l’analyse du Conseil

Options d’évaluation de l’abstention

  1. La Loi prévoit deux approches différentes par lesquelles le Conseil peut s’abstenir de réglementer la totalité ou une partie d’un service de télécommunication. L’une de ces approches consiste à effectuer une analyse de la politique de télécommunication en vertu du paragraphe 34(1) de la Loi, et l’autre approche consiste à déterminer, en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi, si la concurrence est suffisante pour protéger les intérêts des utilisateursNote de bas de page 14. Le Conseil procède habituellement à une évaluation du pouvoir de marché pour déterminer si les exigences du paragraphe 34(2) de la Loi sont respectéesNote de bas de page 15. Puisque le Conseil a déjà évalué de la même façon le pouvoir de marché des LLD lors de l’évaluation du caractère essentiel décrite dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, et qu’il a déterminé que le retrait du service ne devrait pas empêcher ou diminuer grandement la concurrence, le Conseil estime qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer une autre évaluation complète du pouvoir de marché en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi. Par conséquent, le Conseil examinera la demande d’abstention en vertu du paragraphe 34(1) de la Loi.

Paragraphe 34(1) de la Loi

  1. Selon le paragraphe 34(1) de la Loi, « [l]e Conseil peut s’abstenir d’exercer en tout ou en partie et aux conditions qu’il fixe les pouvoirs et fonctions que lui confèrent normalement les articles 24, 25, 27, 29 et 31 à l’égard des services ou catégories de services de télécommunication fournis par les entreprises canadiennes dans les cas où il conclut, comme question de fait, que son abstention serait compatible avec la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication ». Les objectifs de la politique les plus pertinents pour ce qui est de la demande de TCI sont ceux qui figurent aux alinéas 7c)Note de bas de page 16, 7f) et 7g) de la Loi.
  2. Les LLD permettent aux concurrents d’offrir un service vocal filaire et un service Internet à basse vitesse aux utilisateurs finals. Le Conseil est d’avis que la décision de s’abstenir de réglementer les LLD serait conforme à l’alinéa 7c) de la Loi. Plus précisément, les ESLT et les clients des services de gros pourraient délaisser de plus en plus les LLD afin d’adopter des technologies plus avancées pour fournir des services vocaux et Internet aux utilisateurs finals. Cette migration aurait pour effet d’accroître l’efficacité et la compétitivité des télécommunications canadiennes et de contribuer à offrir un système de communication de calibre mondial au Canada.
  3. Le Conseil estime que la décision de s’abstenir de réglementer les LLD serait conforme à l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7f) de la Loi. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a déterminé que le retrait de l’accès obligatoire aux LLD ne devrait probablement pas empêcher ou diminuer grandement la concurrence dans les marchés de détail des services vocaux filaires locaux de résidence ou d’affaires peu importe la circonscription ou le territoire d’exploitation des ESLT viséesNote de bas de page 17. Le Conseil estime donc que l’abstention de la réglementation favoriserait le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture des services de télécommunication en amont (de gros) et en aval (de détail). Inversement, le maintien de la réglementation d’un service qui a peu d’incidences sur la concurrence constituerait une application inefficace de la réglementation.
  4. De plus, l’abstention de réglementer les LLD pourrait pousser les clients des services de gros à délaisser les LLD au profit de solutions de rechange avancées sur le plan technologique pour fournir des services vocaux de détail (p. ex. services sans fil) ou des services Internet de détail (p. ex. services AHV de gros) aux utilisateurs finals. Inversement, le maintien de la réglementation des LLD pourrait entraîner les clients des services de gros à continuer de recourir à la technologie traditionnelle pour fournir des services vocaux ou Internet aux utilisateurs finals, ce qui, d’après le Conseil, constituerait une application inefficace de la réglementation.
  5. Le Conseil estime que la décision de s’abstenir de réglementer les LLD serait conforme à l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7g) de la Loi. Plus précisément, le Conseil estime que le retrait des LLD pourrait encourager les concurrents à prendre d’autres dispositions d’approvisionnement, ce qui stimulerait la recherche et le développement dans l’industrie canadienne des télécommunications et encouragerait l’innovation dans la fourniture des services de télécommunication. Comme il est indiqué dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, la décision de ne plus imposer la fourniture des LLD pourrait favoriser l’adoption par les consommateurs de services évolués ou nouveaux; par exemple, les concurrents qui font passer leurs utilisateurs finals des LLD à leurs propres installations ou à des services fournis grâce aux services AHV de gros permettraient à leurs utilisateurs finals d’accéder à de nouveaux contenus ou applications qui étaient auparavant inaccessiblesNote de bas de page 18.

Paragraphe 34(3) de la Loi

  1. Le Conseil est également tenu d’évaluer la demande de TCI conformément au paragraphe 34(3) de la Loi, lequel indique ce qui suit : « Le Conseil ne peut toutefois s’abstenir, conformément au présent article, d’exercer ses pouvoirs et fonctions à l’égard des services ou catégories de services en question s’il conclut, comme question de fait, que cela aurait vraisemblablement pour effet de compromettre indûment la création ou le maintien d’un marché concurrentiel pour leur fourniture. »
  2. En se fondant sur les éléments de preuve soumis dans la présente instance, le Conseil est d’avis que l’abstention de réglementer les LLD dans les circonscriptions de TCI où des décisions sur l’abstention des services vocaux locaux ont été prises en fonction de la présence des réseaux d’une entreprise de câblodistributionNote de bas de page 19 ne risque pas de nuire indûment au maintien d’un marché concurrentiel pour la fourniture de services vocaux de détail. Comme les entreprises de câblodistribution n’utilisent pas les LLD pour une grande partie de leurs réseaux d’accès dans ces circonscriptions, l’abstention de réglementer les LLD dans ces circonscriptions n’aura vraisemblablement pas pour effet de nuire indûment au maintien d’un marché concurrentiel pour la fourniture de services vocaux de détail.
  3. Le Conseil est également d’avis que l’abstention de réglementer les LLD dans les circonscriptions de TCI où des décisions sur l’abstention des services vocaux locaux d’affaires ont été prises en fonction de la disponibilité des LLD n’aura vraisemblablement pas pour effet de nuire indûment au maintien d’un marché concurrentiel pour la fourniture de services vocaux de détail.
  4. Les conditions du marché ont changé depuis l’établissement du cadre d’abstention des services locaux dans la décision de télécom 2006‑15. Plus précisément, les LLD sont de moins en moins utilisées pour fournir des services vocaux et Internet de détail. Selon le Rapport de surveillance des communications de 2017 du Conseil, les revenus de l’ensemble de l’industrie provenant de la fourniture de LLD ont diminué de 17,5 % entre 2014 et 2016, et de 29,8 % entre 2012 et 2016. Selon le dossier confidentiel de la présente instance, le nombre total de LLD en service dans les 34 circonscriptions où TCI a présenté une demande d’abstention constitue un très faible pourcentage du marché potentiel qu’y dessert TCI. Les éléments de preuve susmentionnés démontrent que la demande en LLD est faible et qu’elle est en baisse depuis plusieurs années, car les clients et les concurrents passent de plus en plus à la technologie sans fil et à large bande.
  5. En outre, la présence d’un concurrent doté d’installations de ligne fixes, plus précisément d’un concurrent se servant des LLD pour offrir des services de détail, n’est pas aussi importante qu’elle l’était en 2006 pour ce qui est d’instaurer une discipline dans l’établissement des prix des services filaires de détail en raison de l’évolution des services sans fil mobiles. Les services sans fil de détail sont de plus en plus utilisés au lieu des services vocaux filaires. Selon le Rapport de surveillance des communications de 2017, les services sans fil représentaient la part la plus importante des revenus des services de télécommunication de détail en 2016 (52 %), alors que les services vocaux filaires représentaient environ 18 %. En 2016, on comptait près de 31 000 000 d’abonnements aux services sans fil au Canada, les réseaux sans fil couvraient 99,4 % de l’étendue géographique du Canada, et la pénétration des appareils mobiles était de 84,3 %.
  6. Le Conseil est également d’avis que l’abstention de réglementer les LLD dans les 30 circonscriptions de TCI mentionnées à la partie c) où des décisions sur l’abstention des services vocaux locaux d’affaires ont été prises en fonction de la disponibilité des LLD n’aura vraisemblablement pas pour effet de nuire indûment au maintien d’un marché concurrentiel pour la fourniture de services Internet de détail.
  7. Les services AHV de gros sont la principale solution de rechange aux LLD pour la fourniture des services Internet. Le Rapport de surveillance des communications de 2017 indique que les revenus des services AHV de gros à l’échelle de l’industrie ont augmenté de 30,2 % entre 2014 et 2016, tandis que les abonnements aux services AHV de gros ont augmenté de 28,2 % au cours de la même période. Aussi, selon les données du Conseil, les abonnements aux services AHV de gros de TCI et les revenus provenant de ces services ont également augmenté entre 2014 et 2016.
  8. Le Conseil est d’avis que l’abstention de réglementer les LLD ne devrait pas avoir d’incidence sur les décisions concernant l’abstention des services vocaux locaux de détail dans les circonscriptions où l’abstention, dans la mesure où les services vocaux locaux de détail font l’objet d’une abstention, a apparemment été octroyée uniquement en raison de la concurrence suffisante exercée par un concurrent du secteur filaire ne louant pas de LLD [c’est-à-dire la partie b) du cadre d’analyse proposé par TCI]. Le Conseil fait remarquer que le critère de présence de concurrents tel qu’il existe actuellementNote de bas de page 20 a été respecté dans les quatre circonscriptions pour les services locaux de résidence et d’affaires, puisqu’une concurrence suffisante est exercée par un compétiteur du secteur filaire (c’est-à-dire une entreprise de câblodistribution) qui n’utilise pas de LLD.
  9. De plus, le Conseil est d’avis que l’abstention de réglementer les LLD ne devrait pas avoir d’incidence sur les décisions concernant l’abstention des services vocaux locaux de détail dans les circonscriptions où des décisions sur l’abstention des services vocaux locaux d’affaires ont été fondées, à des degrés variables, sur la disponibilité des LLD, à savoir dans les 30 circonscriptions classées dans la partie c) du cadre d’analyse proposé par TCI. L’élargissement des réseaux filaires concurrentiels depuis la prise de ces décisions sur l’abstention, jumelé à la disponibilité accrue de solutions de rechange concurrentielles dans les marchés de gros et de détail, sera suffisant pour atténuer toute condition d’abstention locale négative découlant d’éventuels changements à la disponibilité des LLD dans ces circonscriptions.
  10. Dans sa demande, TCI a déclaré que les prévisions selon lesquelles les clients devraient changer de FST en raison du prix ou de la disponibilité des LLD ou d’autres services de gros ne devraient pas avoir d’incidence sur l’abstention des LLD. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a reconnu que certains abonnés qui obtiennent leurs services locaux de concurrents qui utilisent des LLD pourraient être tenus de changer de fournisseurs de services locaux si les ESLT cessaient la fourniture de LLD. Toutefois, le Conseil estimait aussi que, dans de telles circonstances, ces abonnés auraient habituellement accès à plusieurs autres offres de services (p. ex. les services sans fil)Note de bas de page 21.
  11. En ce qui concerne le service Go WiFi de Shaw, le Conseil reconnaît que le réseau Go WiFi de Shaw complète, sans toutefois les remplacer, les installations d’accès filaires existantes de l’entreprise, installations que celle-ci utilise pour fournir des services à ses clients des services d’affaires. Or, le service Go WiFi de Shaw démontre que différents types de technologies peuvent être employés pour fournir des services de détail. De plus, l’abstention de réglementer les LLD pourrait donner lieu à la création d’autres plateformes technologiques novatrices permettant de fournir des services vocaux et Internet aux utilisateurs finals, ce qui serait conforme aux objectifs de la politique énoncés à l’alinéa 7g) de la Loi.

Interventions des parties à l’instance

  1. En ce qui concerne l’analyse d’Allstream à propos de la viabilité des services AHV de gros dégroupés, le Conseil estime que la rapidité du lancement de ces services ne devrait pas avoir d’incidence sur la substituabilité accrue des services AHV pour les LLD. Des services AHV de gros groupés sont offerts dans les 34 circonscriptions (par TCI et des entreprises de câblodistribution), et la migration future de clients des services de gros vers des services AHV de gros dégroupés s’effectuerait en général sans heurt pour les utilisateurs finals des services de résidence (si l’on suppose que l’entreprise sous-jacente demeure la même).
  2. Pour ce qui est de la demande d’Allstream afin que l’abstention de réglementer les LLD dans une circonscription ne soit pas octroyée moins de deux ans après que les modalités et les taux tarifés permanents pour les services AHV de gros dégroupés y eurent été établis et rendus disponibles, le Conseil fait remarquer que, dans la décision de télécom 2016-246, il estimait que la demande d’Allstream de ne pas éliminer progressivement les LLD avant que ne soient accessibles des solutions de rechange fonctionnelles pour les services de gros, équivalant aux LLD des ESLT, allait à l’encontre de la décision qu’il a rendue dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. En particulier, les LLD ne répondent pas à la condition relative à la concurrence de l’évaluation du caractère essentiel, c’est-à-dire que l’accès obligatoire aux LLD n’est plus nécessaire pour assurer le maintien de la concurrence dans le marché en aval. En outre, dans la décision de télécom 2016-247, le Conseil estimait que, même si la demande en LLD augmentait dans une circonscription donnée, l’élimination progressive de l’accès obligatoire aux LLD n’aurait probablement pas une incidence négative importante sur le marché des services vocaux filaires locaux en avalNote de bas de page 22. Par conséquent, l’acceptation des observations d’Allstream à cet égard ne concorderait pas avec les décisions précédentes du Conseil concernant les LLD.
  3. Étant donné que les services AHV de gros groupés sont disponibles dans l’ensemble des 34 circonscriptions de TCI, le Conseil estime que le délai que les clients des services de gros devraient respecter pour passer aux services AHV serait très court si les LLD devaient être retirées du service ou si TCI devait augmenter considérablement le prix de son service de LLD. Cependant, le Conseil est d’avis que TCI devrait être tenue de fournir un préavis écrit d’au moins six mois aux clients des services de gros si, après l’obtention d’une abstention, l’entreprise décide de retirer du service les LLD dans une ou plusieurs de ses circonscriptions. Ce préavis laisserait suffisamment de temps aux concurrents pour qu’ils puissent prendre d’autres dispositions.
  4. Pour ce qui est de la proposition d’Allstream d’établir un prix plafond pour les LLD, le Conseil estime que cela irait à l’encontre de l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7f) de la Loi, c’est‑à‑dire favoriser le libre jeu du marché, et du sous­alinéa 1a)(i) des InstructionsNote de bas de page 23, lequel ordonne au Conseil de se fier, dans la plus grande mesure du possible, au libre jeu du marché comme moyen d’atteindre les objectifs de la politique de télécommunication.
  5. En ce qui concerne la préoccupation soulevée par Allstream et le CORC, à savoir la possibilité que TCI augmente les tarifs des LLD ou change les modalités des services après l’obtention d’une abstention, TCI a indiqué qu’elle prévoit établir des prix concurrentiels pour les LLD à ce moment-là. Le Conseil reconnaît toutefois qu’après avoir obtenu une abstention, TCI pourrait augmenter le prix de son service de LLD, en changer les modalités ou éliminer complètement le service.
  6. Bien que ces possibles effets représentent des risques associés à l’octroi d’une abstention à TCI pour son service de LLD, il existe des solutions autres que les LLD (dont les services AHV de gros groupés) auxquelles les clients des services de gros peuvent passer pour fournir des services aux utilisateurs finals, en attendant la mise en œuvre des services AHV de gros dégroupés. Malgré ces solutions de rechange, le Conseil estime qu’il est approprié de conserver les pouvoirs que lui confèrent l’article 24 et les paragraphes 27(2) et 27(4) de la Loi en ce qui concerne la fourniture du service de LLD de TCI, afin de régler les éventuelles plaintes portant sur ce service. Ce faisant, le Conseil pourrait appliquer des conditions de service ou traiter les plaintes liées à une préférence indue ou à la discrimination injuste, le cas échéant.
  7. Le Conseil réitère qu’il a déterminé et réaffirmé dans des décisions précédentesNote de bas de page 24 que les LLD sont un service non essentiel que les ESLT ne devraient plus être tenues de fournir à titre obligatoire. Ces conclusions ont été tirées en se fondant sur les nombreux éléments de preuve et arguments présentés, qui portaient, entre autres choses, sur la disponibilité de solutions de rechange aux LLD, y compris les services AHV de gros. Les clients des LLD avaient trois ans pour prendre d’autres dispositions, sachant que les LLD ne seraient plus obligatoires et qu’elles pourraient être retirées des offres de services ou faire l’objet d’une abstention de la réglementation à la fin de la période de trois ans.

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que le service de LLD de TCI répond aux critères d’abstention en vertu du paragraphe 34(1) de la Loi; ainsi, la décision de s’abstenir de réglementer les LLD dans les 34 circonscriptions de TCI où il y a une demande pour le service serait conforme aux objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7c), 7f) et 7g) de la Loi.
  2. Le Conseil conclut également que l’exception décrite au paragraphe 34(3) de la Loi ne s’applique pas. Plus précisément, le personnel ne peut conclure, comme question de fait, que l’abstention de réglementer les LLD dans les 34 circonscriptions en question aurait vraisemblablement pour effet de nuire indûment au maintien d’un marché concurrentiel pour les services vocaux et Internet de détail dans ces circonscriptions.
  3. Par conséquent, le Conseil approuve la demande d’abstention de TCI. Plus précisément, le Conseil déclare que, à compter de la date de la présente décision, les articles 25, 29 et 31 et les paragraphes 27(1), 27(5) et 27(6) de la Loi ne s’appliqueront pas à l’égard des 34 circonscriptions pour lesquelles TCI n’a pas déjà obtenu une abstention de la réglementation pour ses LLD.
  4. Le Conseil conserve le pouvoir d’imposer des conditions relatives à un service conformément à l’article 24 de la Loi, ainsi que le pouvoir d’éviter toute préférence indue ou discrimination injuste conformément aux paragraphes 27(2) et 27(4) de la Loi. Ces dispositions fourniront au Conseil la souplesse nécessaire pour aborder les plaintes futures.
  5. Conformément à l’article 24 de la Loi, le Conseil exige de TCI qu’elle fournisse un préavis écrit d’au moins six mois aux clients de services de gros si, après l’obtention d’une abstention, l’entreprise décide de retirer du service les LLD dans l’une de ses circonscriptions.

Instructions

  1. Le Conseil est tenu, dans l’exercice de ses pouvoirs et fonctions aux termes de la Loi, de mettre en œuvre les objectifs de la politique exposés à l’article 7 de la Loi, conformément aux Instructions. Le Conseil estime que les conclusions énoncées dans la présente décision sont conformes aux Instructions pour les raisons mentionnées ci-dessous.
  2. Les questions à l’examen dans le cadre de la présente instance concernent la fourniture des services et leur incidence connexe sur la concurrence au sein du marché en aval de services locaux de détail et de services Internet de détail, notamment la question de savoir si le Conseil devrait s’abstenir de réglementer les services. Par conséquent, les sous-alinéas 1a)(i) et 1a)(ii) et les sous-alinéas 1b)(i), 1b)(ii) et 1b)(iv) des Instructions s’appliquent aux conclusions du Conseil dans la présente instance.
  3. En vertu du sous-alinéa 1b)(i) des Instructions, le Conseil estime que les conclusions tirées dans la présente décision favorisent l’atteinte des objectifs de politique énoncés aux alinéas 7c), 7f) et 7g) de la Loi.
  4. Conformément aux sous-alinéas 1a)(i), 1a)(ii) et 1b)(ii) des Instructions, le Conseil estime que les mesures réglementaires prises sont efficaces et proportionnelles aux buts visés, qu’elles ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans une mesure minimale, qu’elles ne découragent pas un accès au marché qui est propice à la concurrence et qui est efficace économiquement et qu’elles n’encouragent pas un accès au marché qui est non efficace économiquement. Le Conseil estime que l’abstention des LLD de la réglementation favorise le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services vocaux et Internet de détail aux utilisateurs finals de TCI et à ses clients de gros.
  5. Conformément, au sous-alinéa 1b)(iv) des Instructions, le Conseil estime que les mesures réglementaires prises donnent lieu, dans toute la mesure du possible, à des ententes d’interconnexion de réseaux ou à des régimes d’accès neutres sur le plan de la technologie et de la concurrence, pour permettre aux nouvelles technologies de faire concurrence et pour ne pas favoriser artificiellement les entreprises canadiennes ou les revendeurs.

Secrétaire général

Documents connexes

Annexe à la Décision de télécom CRTC 2018-360

Liste des circonscriptions selon le cadre d’analyse proposé par TCI

Partie a) [0 circonscription]

Partie b) [4 circonscriptions]

Aldergrove (Colombie-Britannique)
Cloverdale (Colombie-Britannique)
North Kamloops (Colombie-Britannique)
Whistler (Colombie-Britannique)

Partie c) [30 circonscriptions]Note de bas de page 25

Abbotsford (Colombie-Britannique)
Baie-Comeau (Québec)
Calgary (Alberta)
Chilliwack (Colombie-Britannique)
Edmonton (Alberta)
Fort McMurray (Alberta)
Grande Prairie (Alberta)
Hauterive (Québec)
Kelowna (Colombie-Britannique)
Langley (Colombie-Britannique)
Lethbridge (Alberta)
Medicine Hat (Alberta)
Nanaimo (Colombie-Britannique)
New Westminster (Colombie-Britannique)
Newton (Colombie-Britannique)
North Vancouver (Colombie-Britannique)
Penticton (Colombie-Britannique)
Port Coquitlam (Colombie-Britannique)
Port Moody (Colombie-Britannique)
Prince George (Colombie-Britannique)
Red Deer (Alberta)
Richmond (Colombie-Britannique)
Rimouski (Québec)
Saint-Georges-de-Beauce (Québec)
Sainte-Marie-de-Beauce (Québec)
South Kamloops (Colombie-Britannique)
Vancouver (Colombie-Britannique)
Vernon (Colombie-Britannique)
Victoria (Colombie-Britannique)
Whalley (Colombie-Britannique)

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