ARCHIVÉ - Décision CRTC 2001-45

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Décision CRTC 2001-45

Ottawa, le 6 février 2001
Télébec ltée
Angliers; Béarn; Cadillac; Duparquet; Fabre; La Sarre; Macamic; Malartic; Normétal; Notre-Dame-du-Nord et la région avoisinante; Poularies (La Sarre) et la région avoisinante; Rouyn-Noranda et la région; St-Bruno-de-Guigues; Ste-Germaine-Boulé; Taschereau; Temiscaming; Val d'Or; Vassan (Val d'Or) et la région avoisinante; Ville-Marie (Québec); Larder Lake et Virginiatown (Ontario)
2000-1767-5
Demande traitée par l'avis public CRTC 2000-135 du 27 septembre 2000
Sommaire
Le Conseil approuve, par vote majoritaire, la demande présentée par Télébec ltée (Télébec) en vue d'acquérir le contrôle effectif de Câblevision du Nord de Québec inc.(CVNQ) en transférant toutes les actions émises et en circulation de CVNQ à Télébec.
L'approbation de cette demande repose sur les avantages qui découleront de la transaction pour les communautés desservies et les engagements pris par Télébec pour répondre aux préoccupations du Conseil soulevées par la demande et à celles de certains intervenants. Le Conseil note aussi que Télébec est un acheteur qui, comme le fait valoir CVNQ, est en mesure de faire en sorte que cette acquisition se traduise par le développement de cette région à long terme.
Les parties
1. Câblevision du Nord de Québec inc., une entreprise familiale, détient une licence d'entreprise de distribution par câble de classe 1 (à Rouyn-Noranda) et 18 de classe 3 (ayant chacune moins de 2 000 abonnés), en plus de 4 licences d'entreprises de distribution de radiocommunication par système de distribution multipoint (SDM) en mode analogique, toutes situées en Abitibi-Témiscamingue. Elle dessert environ 32 000 abonnés répartis sur un territoire d'environ 2 400 kilomètres carrés. Plus de la moitié des abonnés (20 062) sont desservis par les entreprises de Val d'Or et de Rouyn-Noranda alors que les autres abonnés sont desservis par 16 entreprises. Ceci représente environ 28 abonnés par kilomètre carré pour l'ensemble du territoire desservi.
2. Télébec est la troisième entreprise de télécommunications en importance au Québec. Elle offre un service téléphonique principalement dans le nord du Québec. Télébec est une filiale à part entière de BCE Inc. (Bell Canada) et une société affiliée de Bell ExpressVu, le commandité de la société en commandite Bell ExpressVu. Les associés de la société en commandite Bell ExpressVu sont titulaires d'une entreprise de distribution par satellite de radiodiffusion directe (SRD), d'une entreprise de distribution par relais satellite (EDRS) et d'une entreprise de télévision à la carte par satellite de radiodiffusion directe.
3. Télébec a indiqué qu'elle possède déjàun vaste réseau de distribution de services de télécommunications qui couvre l'ensemble du territoire desservi par CVNQ. Elle a ajouté que CVNQ pourra profiter pleinement des synergies découlant de la présente transaction dans la mesure où les réseaux des deux entreprises (câble et téléphone) seront interconnectés et que les équipements en place seront compatibles.
4. Télébec a de plus fait valoir que la présente transaction représente plusieurs avantages pour les communautés desservies car elle permettra :
  • d'accélérer l'interconnexion et la modernisation des réseaux de transport et de distribution, d'en accroître la capacité et la fiabilité;
  • de diversifier l'offre de services de programmation canadiens à laquelle les abonnés auront accès;
  • d'offrir aux populations isolées un accès élargi à l'autoroute de l'information;
  • de maintenir des emplois en région et de continuer à diffuser du contenu local et régional en sus des services nationaux, notamment les services numériques dans leur ensemble;
  • d'offrir des occasions de développement de contenu régional (diffusion traditionnelle ou contenu Internet);
  • d'offrir à tous les fournisseurs de contenu un accès à la clientèle par le biais d'une architecture ouverte.
Préoccupations
5. La présente demande soulevait une préoccupation relativement à la position dominante dont pourrait bénéficier BCE Inc., par le biais de Télébec, Bell ExpressVu et CVNQ, au niveau de la distribution de services de programmation dans les localités mentionnées en rubrique. Le Conseil a aussi examiné :
  • la possibilité d'un interfinancement éventuel de services qui ne sont pas forcément des services de télécommunications, par les abonnés des services de télécommunications du segment Services publics de Télébec;
  • la nécessité d'établir une structure distincte pour la protection des consommateurs de services de câblodistribution.
5. Par ailleurs, certains intervenants se sont dits préoccupés par, notamment :
  • la longueur d'avance dont pourrait bénéficier Télébec dans le marché de la distribution par câble avant qu'un cadre de réglementation ne soit établi concernant la concurrence au niveau de la téléphonie locale dans son territoire;
  • la possibilité d'un monopole au niveau des services de l'inforoute;
  • la survie de la télévision communautaireprésentement disponible.
6. Pour répondre aux préoccupations du Conseil et de certains intervenants relatives à la propriété mixte et à l'interfinancement entre ses deux volets d'activités, la titulaire s'est engagée à ce que CVNQ continue de mener ses opérations de façon autonome par rapport à celles de Télébec. Le Conseil s'attend à ce que la titulaire respecte cet engagement.
7. Quant aux autres préoccupations soulevées par les intervenants, Télébec a pris plusieurs engagements. La titulaire s'est engagée à :
  • adopter une politique de réseau « ouvert », permettant à des tiers d'y avoir accès et d'offrir leurs propres services de distribution de programmation, d'application Internet ou de téléphonie, en concurrence ou en coopération avec CVNQ et Télébec;
  • maintenir la diversité de services nationaux, régionaux et communautaires offerts par CVNQ et possiblement à diffuser tous les signaux numériques actuels ou à venir, en utilisant une technologie économique, par le biais d'une alliance avec Bell ExpressVu;
  • s'assurer que les coûts de mise à niveau des réseaux de transmission et de distribution ne soient pas payés directement ou indirectement par ses abonnés du câble ou ses clients du service téléphonique, selon le cas;
  • inclure dans son rapport trimestriel sur les transactions intersociétés, des renseignements sur la présente transaction;
  • assurer la vitalité du canal communautaire;
  • augmenter les effectifs de CVNQ par le biais d'offres de services dans des domaines qui tireraient avantage des outils et de l'expertise disponibles, notamment au niveau des systèmes d'information et de facturation;
  • offrir, en autant que ce soit possible techniquement et économiquement, une gamme variée de services et d'applications intégrés à base Internet, qui ne se limitera pas aux données et aux images, mais pourra inclure la voix, comme l'accès à la téléphonie « Internet Protocol ».
8. Le Conseil s'attend à ce que la titulaire respecte les engagements susmentionnés.
La décision du Conseil
9. En approuvant cette demande, le Conseil a tenu compte des avantages qui découleront de la présente transaction, notamment du fait que Télébec dispose des ressources nécessaires pour offrir aux résidents de ces zones peu densément peuplées des services de distribution de qualité. Il a aussi tenu compte des engagements pris par Télébec pour répondre aux préoccupations du Conseil et à celles des intervenants et des garanties offertes par l'article 9 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion selon lequel CVNQ ne pourra bénéficier ou conférer d'avantages indus.
10. Le Conseil a tenu compte des nombreuses interventions soumises à l'appui de cette demande, notamment celles du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue et des municipalités régionales des comtés de Témiscamingue, d'Abitibi et de Rouyn-Noranda.
Secrétaire général
La présente décision devra être annexée à la licence. Elle est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consultée sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

 

  Opinion minoritaire du Conseiller Stuart Langford
  Pour plus de 100 000 Canadiens, la vision des multiples avantages d'une industrie des communications concurrentielle dans cette soi-disant ère de l'information vient de fondre au noir. Pour éviter que cela se produise, j'aurais rejeté cette demande. L'approuver c'est adopter une solution à court terme, au risque de créer un problème à long terme, en imposant pratiquement aux résidents du territoire de Câblevision du Nord du Québec (CVNQ) une situation de monopole, alors que les déclarations du Parlement et les politiques de communications de ce Conseil visent l'objectif opposé.
  La demande faisant l'objet de cette dissidence se réclame du règlement sur la radiodiffusion. Cependant, la décision majoritaire peut profondément et négativement affecter le statu quo, tant de la radiodiffusion que des télécommunications au Canada. Cette décision majoritaire représente un renversement de politique sans précédent pouvant provoquer d'énormes changements. Pour bien en évaluer l'ampleur et la portée, il faut l'analyser en regard du programme sur la concurrence que le Gouvernement et le Conseil ont adopté pour l'ensemble du portefeuille des communications, de la radiodiffusion et des télécommunications.
  Pendant longtemps, la législation canadienne des télécommunications a préparé pour ce pays, un système de télécommunications fiable, abordable et efficace. La Loi sur les télécommunications, adoptée en 1993, a renforcé ces objectifs de base; elle y a aussi ajouté celui de construire un système concurrentiel, et de plus en plus dépendant des forces du marché. Depuis lors, l'orientation du Parlement vers une approche concurrentielle en matière de fourniture et d'achat de produits de télécommunications au Canada fut souvent endossée et utilisée dans les déclarations politiques du CRTC. Considérez, par exemple, cet extrait des Conclusions générales de la décision de Télécom CRTC 94-19 (la décision 94-19), Examen du cadre de réglementation :
 

« Dans la présente décision, le Conseil a établi un cadre de réglementation qui favorisera l'établissement d'une infrastructure de télécommunications qui permettra à tous les Canadiens, et non à quelques privilégiés, d'avoir un accès abordable et généralisé à un assortiment toujours grandissant de produits et de services de communication et d'information de base et perfectionnés, fournis sur une base concurrentielle, afin de satisfaire aux exigences toujours plus diversifiées des usagers. Dans ce contexte, les usagers doivent pouvoir sélectionner le groupe de services et le fournisseur qui répondront le mieux à leurs attentes. »

  Dans la décision de Télécom CRTC 97-8 (la décision 97-8), intitulée Concurrence locale, le Conseil a réitéré, par référence directe à la décision 94-19, son adhésion aux principes de concurrence et il a établi « un ensemble de garanties sur le plan de la concurrence qu'il estime nécessaires pour assurer la protection contre les pratiques anticoncurrentielles. » L'intention du Conseil s'avérait clairement d'accélérer le passage, déjà amorcé, d'une situation de monopole à un environnement concurrentiel et ceci, dans l'intérêt des Canadiens :
 

« Tel que mentionné ci-dessus, dans la décision 94-19, le Conseil a conclu  qu'une augmentation de la concurrence locale est dans l'intérêt public. » (paragraphe 4) « Dans la présente décision, le Conseil établit un cadre pour la concurrence locale qui frappe un équilibre entre les intérêts et les besoins des consommateurs, des nouveaux venus dans le marché des services locaux, des fournisseurs de services interurbains concurrents et des compagnies de téléphone titulaires, tout en maintenant l'accès universel à des services de télécommunications abordables dans les secteurs à coût élevé. » (paragraphe 6)

  La Loi sur la radiodiffusion, qui ne dit rien sur les avantages de la concurrence industrielle, fait une référence claire au besoin d'un système qui facilite l'inclusion d'autant de voix et de visages du Canada que possible; et par inférence elle met donc en garde contre la concentration de propriété. En ce qui concerne le rôle d'entreprises de distribution comme CVNQ, par exemple, l'article 3 (1) (f) de la Loi reflète la volonté du Parlement d'éviter que les câblodistributeurs et autres distributeurs abusent de leur position de « portiers » entre les programmeurs et les consommateurs. La dominance du marché et des situations de monopole ou de quasi-monopole ne sont pas mentionnées directement, mais au fil du temps, le Conseil ne semble pas avoir eu de difficultés à lire entre les lignes.
  Le Conseil a identifié quelques risques associés à la dominance du marché : le potentiel de traitement préférentiel ou discriminatoire, le potentiel de contrôle de la diffusion des nouvelles et de l'information, le potentiel d'exclusion de quelques producteurs au profit d'autres. Dès sa création, le Conseil a signalé les dangers de telles possibilités. En 1989, il a énoncé ses inquiétudes dans l'avis public CRTC 1989-109 intituléÉléments dont le Conseil tient compte lorsqu'il étudie des demandes de transfert de propriété ou de contrôle d'entreprise de radiodiffusion.
  Dans cet avis public, le Conseil a commencé par rappeler aux Canadiens que parce qu'il ne sollicite pas de demandes visant l'autorisation de transférer la propriété ou le contrôle, « c'est à la requérante qu'il incombe de prouver au Conseil que la demande soumise représente la meilleure proposition possible dans les circonstances. » Il a poursuivi en élaborant sur le type d'inquiétude suscité par les demandes de transfert. Le passage suivant est instructif :
 

« La requérante doit également prouver que la transaction proposée sert l'intérêt public. Outre les questions comme la concentration de la propriété, la propriété multimédias et la participation locale à la propriété, le Conseil, dans ses délibérations sur la meilleure façon de servir l'intérêt public, doit être convaincu que les ressources humaines et financières de la requérante sont suffisamment solides pour lui permettre d'améliorer l'entreprise en question et de contribuer à la mise en valeur du système de la radiodiffusion canadienne. »1

  Il y a fort peu de doutes que Télébec, en tant que bras de Bell Canada, puisse remplir cette condition relative aux ressources humaines et financières. Il n'y a pas poche plus profonde dans le système canadien des communications. La décision majoritaire met l'accent sur les ressources de Télébec (paragraphe 10). À cela, il est juste d'ajouter que la famille des entreprises Bell, si je peux l'appeler ainsi, est reconnue pour ses efforts et ses réalisations en matière de promotion de la propriété canadienne, de création d'emploi, de bien-être de la communauté et de développement culturel. La requérante a consenti à se soumettre à certaines conditions et le Conseil en a ajouté d'autres. Elles sont rassurantes mais non suffisantes.
  En un mot, la pierre d'achoppement est la dominance. L'approbation de cette demande, malgré ses balises de sécurité, est équivalente à renvoyer les consommateurs affectés sous la dépendance d'un seul fournisseur, pour presque tous leurs besoins en communications. Avec Bell, Télébec fournira pour toute la région l'accès au téléphone et à la télévision par câble, la télévision par satellite par Bell ExpressVu, SDM ou « télédistribution sans fil », et les seuls accès par câble à l'Internet. Le guichet unique pour tous les services deviendra la réalité de tous ces abonnés, et c'est ce que sera la vie dans un monopole des communications étroitement contrôlé. La disponibilité des services d'un autre fournisseur SRD, Star Choice, peut à peine être considérée comme atténuant la dominance créée par la décision majoritaire.
  Pour le consommateur, les avantages inhérents à une telle situation pourraient être significatifs. Par exemple, si par l'intermédiaire de Télébec, Bell choisissait d'investir ses ressources au profit de cette clientèle captive, elle aurait les moyens de lui assurer un service de haute qualité doté des derniers développements technologiques. Malheureusement, on ne garantit en aucun cas de tels avantages, et même s'ils revenaient aux abonnés, le prix à payer pour la perte des avantages de la concurrence serait énorme.
  Bien qu'il ait été longtemps encouragé et alimenté et par le Gouvernement et les politiques du Conseil, l'environnement concurrentiel sera perdu pour ces abonnés. Finalement, il pourrait être perdu pour tous les Canadiens si ce précédent devait marquer le début d'une tendance. Dans un tel cas, la saine turbulence des forces du marché serait figée probablement pour toujours. Pourquoi la majorité risquerait-elle un tel compromis, en particulier à la lumière des objectifs de concurrence si souvent énoncés par le Conseil pour l'industrie des communications? C'est difficile à comprendre. La simple référence à une initiative de politique conjointe Gouvernement /Conseil, au cours de la dernière décennie, donne une idée de l'ampleur du changement de direction.
  Dans son rapport au Gouvernement appelé, Concurrence et culture sur l'autoroute canadienne de l'information, datant de 1995,le Conseil a distillé sept mois de recherche intensive, de consultations publiques et de délibérations dans 48 pages d'évaluation, d'analyse et de prévisions. Les citations suivantes, extraites de l'introduction du rapport, sont représentatives de la politique canadienne jusqu'à ce jour, sur des questions fondamentales à la base de la demande de Télébec/CVNQ.
 

« Le Conseil partage l'avis du gouvernement selon lequel la concurrence dans les installations et les services est la clé de la création de richesses et d'idées dans l'économie de l'information. » (p. 5)

 

« Les Canadiens veulent et méritent un choix accru. Le Conseil est d'avis qu'à cette fin, un modèle plus compétitif pour les services tant de distribution que de programmation s'impose. » (p. 6)

 

« La politique du gouvernement favorise une concurrence juste, efficace et durable dans les installations et les services. Pour atteindre ces objectifs généraux, il faut absolument abattre les obstacles à la concurrence qui se dressent par suite du pouvoir de monopole ou de la position de dominance des compagnies de téléphone et des entreprises de câblodistribution. Comme les organismes de réglementation et les législateurs des États-Unis et d'autres pays l'ont reconnu, si la concurrence doit être durable, il faut établir des règles qui permettent une concurrence réelle dans les marchés du service téléphonique local et de la câblodistribution et qui assurent aux fournisseurs de services un accès équitable aux abonnés du câble comme aux abonnés du téléphone. » (p. 6)

  La décision de la majorité pourrait, à cet égard, être interprétée comme un rejet global de la philosophie de base du rapport du Conseil, de 1995, et du décret gouvernemental qui en était l'origine. La décision majoritaire ne semble pas adopter l'idée que « la concurrence dans les installations et les services est la clé. » Cette même décision semble aussi fermer les yeux sur la conclusion que, « Les Canadiens veulent et méritent un choix accru. » La décision majoritaire a le potentiel de créer des « obstacles à la concurrence qui se dressent par suite du pouvoir de monopole ou de la position de dominance » de Bell, par l'intermédiaire de Télébec. Le plus alarmant est la possibilité que la décision majoritaire soit utilisée comme un précédent par de puissantes forces industrielles cherchant à dominer le marché canadien.
  On pourrait arguer que cette demande vise simplement l'autorisation d'une proposition et qu'en l'absence d'autres options, le Conseil approuverait ce type de demande. Si Télébec n'avait pas offert d'acheter cette entreprise familiale isolée de distribution par câble, celle-ci aurait pu péricliter et finalement échouer, alors que ses propriétaires vieillissants devenaient de moins en moins intéressés ou capables de l'exploiter et de l'améliorer. Peut-être, mais rien sur le dossier ne soutient une telle affirmation. CVNQ a été, et continue d'être, une entreprise rentable. Le dossier ne prouve nullement que ses propriétaires meurent d'envie de vendre ou que ses abonnés ont été mal servis.
  Le dossier ne révèle pas qu'il s'agisse d'une situation - ce fut le cas d'une demande d'acquisition précédente (décision CRTC 99-752) impliquant deux minuscules entreprises de distribution par câble isolées - où les propriétaires, ayant fait de leur mieux pour attirer un acheteur, n'ont plus que deux options : mettre la clef sous la porte et laisser les clients sans câble ou vendre à la société locale de téléphone. En fait, le dossier ne contient absolument aucune preuve que les propriétaires de CVNQ aient fait quelque effort pour intéresser un autre acheteur. Télébec a fait une offre et elle a été acceptée.
  Face aux inconvénients de toute situation de monopole, aux risques inhérents à l'établissement d'un précédent l'approuvant et en l'absence complète, dans le dossier, de preuves d'efforts diligents de la part des propriétaires de CVNQ pour attirer d'autres acheteurs, j'aurais rejeté cette demande et conseillé aux actionnaires de CVNQ d'envisager d'autres options s'ils désiraient vraiment vendre.
  _____________________________________________________
1
Sept ans après cette déclaration, dans l'avis public 1996-69, le Conseil a considérablement modifié son mode d'évaluation des demandes d'acquisition d'entreprises de distribution de radiodiffusion comme CVNQ, en abandonnant ce qu'on est convenu d'appeler le « test des avantages ». Cependant, dans cet avis public, il a réitéré sa position établie de longue date, selon laquelle la concurrence sert l'intérêt public : « Le Conseil continuera d'examiner ces demandes pour s'assurer que l'acheteur éventuel est admissible et que l'approbation sert l'intérêt public, en tenant compte des préoccupations relatives au service aux abonnés, à la propriété mixte des médias, à la concentration de la propriété dans la mesure où celle-ci réduit la concurrence dans un marché, ou à d'autres questions pouvant être soulevées dans une demande particulière. »
  2 Dans le paragraphe 2 de sa décision unanime d'approbation des ventes de Télécâble Blouin et Électro-Vision à Télébec, le Conseil a souligné les circonstances exceptionnelles justifiant son approbation, et le fait que les propriétaires des sociétés avaient, essentiellement, été à court d'options : « Les actionnaires principaux des deux compagnies veulent prendre leur retraite. Ils ont déclaré essayer depuis plusieurs années de vendre leur compagnie respective et que la proposition de Télébec est la première offre sérieuse qu'ils aient reçue. »

 

  Opinion minoritaire des conseillers Andrew Cardozo, Barbara Cram, David McKendry et Martha Wilson
  Nous rejetterions la demande de Télébec ltée (Télébec) visant l'acquisition du contrôle effectif de Câblevision du Nord de Québec inc. (Câblevision).
  La demande de Télébec soulève d'importantes questions relatives à la concentration de propriété dans la prestation de services de divertissement, d'information et de télécommunications à environ 102 000 personnes, incluant les citoyens de Rouyn-Noranda et de Val-d'Or. La population de Rouyn-Noranda est de 39 096 personnes et celle de Val-d'Or est de 32 648.1
  Étant donné le grand nombre de villes canadiennes ayant une population comparable, nous ne voudrions pas que cette décision crée un précédent.
  Nous partageons l'avis exprimé par le conseiller Stuart Langford, dans son opinion minoritaire, sur les problèmes soulevés par la concentration de propriété.
  Sans vouloir préjuger de toute demande, ni des faits et circonstances propres à chacune, nous aurions pu approuver la demande de Télébec si le dossier de cette instance avait adéquatement prouvé que Télébec était le seul acheteur viable de Câblevision, à un juste prix et à des conditions raisonnables. Cependant, le dossier ne contient aucune preuve que Câblevision ait sollicité des offres d'achat d'autres sociétés que Télébec. Compte tenu des questions de concentration de propriété, le Conseil aurait dû chercher cette preuve, et en tenir compte, comme il l'a fait au moins une fois précédemment. La décision CRTC 98-57 a approuvé l'acquisition de CJCY Medicine Hat appartenant à Medicine Hat Broadcasting Ltd., par Monarch Broadcasting Ltd. (Monarch). Comme le Conseil l'a noté dans sa décision, la demande de Monarch a soulevé la question de concentration de propriété dans Medicine Hat.2 Le Conseil a déclaré :
 

« En approuvant les demandes, le Conseil a tenu compte du fait que le vendeur est à la recherche d'un acheteur pour CJCY depuis les deux dernières années et qu'aucun acheteur sérieux ne s'est manifesté. »

  Est-il raisonnable de supposer que d'autres offres acceptables auraient pu être déposées? Oui. Rouyn-Noranda et Val-d'Or ne sont pas de petites communautés. Il existe au Canada d'autres communautés de taille semblable, où la compagnie de câblodistribution n'appartient pas à la compagnie de téléphone. Le tableau donne quelques exemples de ces communautés.
 
Ville Population
Stratford (Ont) 28 987
Campbell River (C.-B.) 35 183
Sept-Îles (Qué) 28 005
Corner Brook (T.-N.) 21 893
Yorkton (Sask.) 17 713
Whitehorse (Yukon) 19 157
  De plus, nous notons que Câblevision est une société rentable, un fait qui porte à croire que d'autres offres que celle de Télébec auraient pu se matérialiser. Enfin, on ne peut tenir pour acquis que de petits systèmes de câblodistribution n'offrent pas d'occasions d'affaires viables. Par exemple, Télécâble Régional Inc. fournit des services de câblodistribution « à approximativement 250 000 clients dans près de 1 100 collectivités non métropolitaines de la Colombie Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario, du Québec et de Terre-Neuve. » 4 L'année dernière, Régional a annoncé des accords avec des fournisseurs d'accès à Internet pour offrir l'accès à haute vitesse, dans cinq collectivités non métropolitaines de l'est de l'Ontario, incluant Chesterville dont la population est de 1 497 habitants.5
  _______________________________________________
1
Les données sur la population proviennent du recensement de Statistique Canada sur les communautés desservies par Câblevision. Les données les plus récentes datent de 1996. Les données sur la population de Rouyn-Noranda et de Val-d'Or viennent du recensement de l'Agglomération.

2 Décision CRTC 98-57, Monarch Broadcasting Ltd. Medicine Hat, Alberta - 199707733 - 199707858, 24 février 1998, paragraphe 8.

3 Id., paragraphe 10.

4 www.regionalcable.com

5 Id. Les données sur la population de Chesterville proviennent du recensement de Statistique Canada.

Mise à jour : 2001-07-23

Date de modification :