Décision de télécom CRTC 2023-335

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Ottawa, le 10 octobre 2023

Dossier public : 8622-V3-202300416

Arbitrage de l’offre finale entre Bell Mobilité Inc . et Québecor Média inc. concernant des tarifs d’accès de gros pour les exploitants de réseaux mobiles virtuels

Sommaire

Le Conseil énonce sa décision découlant de l’instance d’arbitrage de l’offre finale amorcée par Québecor Média inc. (QMI) portant sur l’établissement de tarifs d’accès de gros pour les exploitants de réseaux mobiles virtuels (ERMV) entre Bell Mobilité Inc. (Bell Mobilité) et QMI.

Le Conseil choisit l’offre de Bell Mobilité et ordonne aux parties de conclure une entente d’accès pour les ERMV conforme à l’offre de Bell Mobilité afin que QMI puisse élargir le plus rapidement possible l’offre de ses services sans fil mobiles à la population canadienne. Les offres ont été évaluées en fonction de leur caractère juste et raisonnable et d’un nombre de facteurs stratégiques en matière de bien public. En fonction de ces facteurs, le Conseil a choisi l’offre proposée par Bell Mobilité, puisqu’elle répond le mieux aux critères d’évaluation. En outre, le Conseil détermine, en tant que conclusion de fait, que l’offre de Bell Mobilité est juste et raisonnable conformément à l’article 27 de la Loi sur les télécommunications (Loi).

La présente décision du Conseil contribue à promouvoir l’accès abordable aux services de télécommunication à la population canadienne et à favoriser la concurrence durable et l’investissement continu conformément à la Loi et aux Instructions de 2023.

Le Conseil conclut que l’offre de Bell Mobilité promouvra la concurrence, l’abordabilité et l’investissement continu des deux entreprises dans leurs réseaux. Le Conseil s’est engagé à fournir autant de transparence que possible sur les processus d’arbitrage de l’offre finale afin de fournir des directives à l’industrie, tout en maintenant la confidentialité des renseignements jugés comme tels par le Conseil.

En outre, comme dernière question de procédure, le Conseil détermine qu’il exclut le dépôt de QMI du 16 août 2023 du dossier de la présente instance.

Contexte

  1. Le 22 juin 2023, Québecor Média inc. (QMI) a demandé l’arbitrage de l’offre finale pour établir des tarifs d’accès de gros pour les exploitants de réseaux mobiles virtuels (ERMV) entre Bell Mobilité Inc. (Bell Mobilité) et elle-même.
  2. Le 13 juillet 2023, le Conseil a publié une lettre sur le déroulement acceptant la demande d’arbitrage de l’offre finale et définissant la portée et les procédures du processus d’arbitrage de l’offre finale, ainsi que les conditions suivantes :
    • la durée de la période pendant laquelle les tarifs à déterminer seront en vigueur;
    • les services auxquels ces tarifs seront appliqués.
  3. Le 4 août 2023, les parties ont déposé leurs offres finales respectives, dans lesquelles elles ont confirmé qu’elles cherchaient uniquement à obtenir un tarif pour les données par gigaoctet (Go).

Cadre réglementaire

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2021-130, le Conseil a ordonné à Bell Mobilité, à Rogers Communications Canada Inc. (RCCI), à Saskatchewan Telecommunications, et à TELUS Communications Inc. de fournir l’accès de leurs réseaux aux entreprises régionales de services sans fil au moyen d’un service d’accès pour les ERMV. Le Conseil a indiqué que les entreprises devraient négocier entre elles des tarifs pour l’accès pour les ERMV et que, dans le cas où les négociations échouent, le Conseil pourrait établir des tarifs d’accès au moyen d’un arbitrage de l’offre finale. 
  2. L’arbitrage de l’offre finale est une méthode de règlement des différends utilisée pour les différends i) qui sont exclusivement de nature financière, ii) qui n’impliquent que deux parties et iii) qui répondent par ailleurs aux critères énoncés dans le bulletin d’information de radiodiffusion et de télécommunication 2019-184 . Dans le bulletin d’information de télécom 2022-337, le Conseil a fourni plus de directives sur l’arbitrage de l’offre finale en ce qui concerne les tarifs d’accès pour les ERMV, établissant des facteurs sur lesquels le Conseil pourrait s’appuyer pour établir les tarifs d’accès pour les ERMV.
  3. Comme il est indiqué dans la politique réglementaire de télécom 2021-130, l’objectif du cadre sur les services d’accès pour les ERMV est d’accélérer l’expansion concurrentielle des entreprises régionales de services sans fil dans le but de fournir plus de choix à la population canadienne. Conformément à cet objectif, le Conseil a opté pour l’utilisation de l’arbitrage de l’offre finale comme soutien à la négociation entre les entreprises afin de rendre des décisions en temps opportun, plutôt que de s’engager dans un long processus d’établissement des coûts de la Phase II pour établir des tarifs fondés sur les coûts pour l’accès pour les ERMV. De par sa conception, l’incitation intégrée au processus d’arbitrage de l’offre finale permet au Conseil de s’appuyer davantage sur des observations de haut niveau que sur ce qui serait typique d’une étude de coûts complète. Étant donné que le Conseil doit choisir l’une des offres présentées par les parties dans son intégralité ou aucune des deux offres, les parties sont motivées à présenter des offres incluant le meilleur tarif possible.
  4. Le Conseil évalue les propositions tarifaires en vue d’atteindre les objectifs stratégiques de la politique réglementaire de télécom 2021-130. Ceux-ci incluent l’objectif d’offrir un nouveau choix concurrentiel sur le marché des services sans fil mobiles de détail (marché des services de détail), tout en encourageant l’expansion du réseau et une concurrence durable à long terme. Ces objectifs stratégiques sont fondés sur les objectifs énoncés à l’article 7 de la Loi sur les télécommunications (Loi) et se reflètent dans le bulletin d’information de télécom 2022-337. Le Conseil applique les objectifs stratégiques de manière uniforme dans toutes les décisions d’arbitrage de l’offre finale.
  5. Le Conseil, en tant qu’arbitre, évalue les offres finales déposées par les parties dans le but de sélectionner une offre qui aboutirait le mieux à un tarif juste et raisonnable, comme l’exige le paragraphe 27(1) de la Loi et qui ferait le mieux avancer les objectifs pertinents de la politique. Le Conseil ne peut pas accepter une offre qu’il ne considère pas juste et raisonnable.
  6. Comme c’était le cas dans la décision de télécom 2023-217, le Conseil appliquera ces critères afin de déterminer quelle offre constitue la meilleure offre.
  7. Bien que le paragraphe 27(1) de la Loi exige que toutes les entreprises canadiennes facturent des tarifs justes et raisonnables pour les services de télécommunication, les articles 25, 32 et 47 de la Loi accordent au Conseil un large pouvoir discrétionnaire pour établir les tarifs des services de télécommunication. La Loi autorise expressément le Conseil à utiliser toute méthode qu’il estime appropriée pour évaluer si un tarif est juste et raisonnable.
  8. En outre, l’article 47 de la Loi exige que le Conseil prenne chaque décision non seulement en vue de s’assurer que les tarifs sont justes et raisonnables, mais aussi pour s’assurer que la décision fait progresser les objectifs énoncés à l’article 7 de la Loi et est conforme aux décrets pris par le gouverneur en conseil en vertu de l’article 8 de la Loi, y compris des Instructions de 2023Note de bas de page 1. Si les deux offres sont considérées justes et raisonnables, le Conseil doit déterminer laquelle est la plus à même de faire progresser les objectifs de la politique et les objectifs pertinents des Instructions de 2023.
  9. Conformément au paragraphe 27(3) de la Loi, la détermination du caractère juste et raisonnable des tarifs des services de télécommunication est une question de fait. En outre, l’article 52 de la Loi prévoit que les conclusions du Conseil sur les questions de fait sont contraignantes et concluantes.

Offre de Bell Mobilité

  1. Bell Mobilité a proposé, en tant que son offre finale, un tarif d’accès de données par Go qui, selon elle, permettrait à QMI d’être concurrentielle et permettrait à
    Bell Mobilité d’obtenir une compensation plus équitable qui est mieux alignée sur les ententes comparables que l’offre de QMI. Dans ce contexte, Bell Mobilité a déposé un rapport confidentiel qui incluait une analyse quantitative de l’incidence de son tarif proposé sur la rentabilité de QMI selon plusieurs hypothèses. Bell Mobilité a également déposé une analyse de coûts pour fournir un service d’accès pour les ERMV à QMI et quelques ententes qu’elle soutenait comme plus comparables au tarif étant déterminé dans la présente instance d’arbitrage de l’offre finale.
  2. Bell Mobilité a fourni une fourchette de coûts par Go pour les services d’accès de données pour les ERMV en reprenant une ancienne étude de coûts mise à jour avec les derniers paramètres financiers qu’elle a déposés au Conseil en décembre 2022. Bell Mobilité a indiqué que le tarif le plus juste et raisonnable serait celui qui s’approcherait le plus de la fourchette de coûts déposée.
  3. Bell Mobilité a ajouté que la fourchette de coûts était basée sur les coûts moyens de son réseau, qui sous-estiment les coûts différentiels potentiels pour fournir le service à QMI. Ceci est dû au fait que, selon l’allégation de Bell Mobilité, QMI utiliserait de manière disproportionnée le service d’accès de données pour les ERMV pour desservir les régions suburbaines et rurales, où les coûts du service sont plus élevés que la moyenneNote de bas de page 2, puisque QMI dispose déjà d’un réseau étendu couvrant la quasi-totalité des grands centres de population urbains du Canada. Bell Mobilité a argué qu’en raison des coûts plus élevés pour desservir les régions suburbaines et urbaines, QMI serait peu incitée à étendre son réseau dans les régions suburbaines et rurales si le Conseil choisissait ce que Bell Mobilité considère être un tarif artificiellement bas proposé par QMI.
  4. Bell Mobilité a expliqué qu’elle ne croit pas que sa propre offre fournirait une compensation équitable et qu’elle a fait son offre à contrecœur, afin de limiter les conséquences négatives potentielles si l’offre de QMI était retenue dans ce cas. Selon Bell Mobilité, l’acceptation de l’offre de QMI entraînerait une réduction substantielle de ses investissements dans l’expansion ou l’amélioration du réseau de la part de Bell Mobilité. À cet égard, Bell Mobilité a fait valoir que le fait que les ententes conclues pour les ERMV sont temporaires n’atténue pas sa préoccupation sous-jacente.
  5. QMI a répliqué que l’offre de Bell Mobilité est injuste et déraisonnable parce qu’elle ne donne pas suffisamment de flexibilité à QMI pour continuer à discipliner le marché en commercialisant des forfaits à bas prix, pour réagir aux offres concurrentes des entreprises titulaires et pour générer des flux de trésorerie afin d’investir dans le réseau, le tout dans une nouvelle réalité de marché dans laquelle les entreprises offrent des limites de données plus élevées pour des prix identiques ou inférieurs à ceux d’avant, ce qui entraîne une baisse des revenus des services de détail par Go.
  6. Sur la question de la compensation équitable, QMI a argué que le Conseil devrait prendre en compte ce que QMI estime être le profit excédentaire que Bell Mobilité a réalisé grâce à son pouvoir de marché au cours des dernières décennies ainsi qu’aux tarifs d’itinérance de gros prétendument gonflés en vigueur depuis 2015.
  7. En ce qui concerne les tarifs comparables, Bell Mobilité a fait remarquer qu’elle avait conclu une entente commercialement négociée avec une entreprise régionale de services sans fil pour fournir un accès pour les ERMV, qui prévoit un prix par Go plus élevé que son offre actuelle. Bell Mobilité a indiqué que cette entente constitue un précédent déterminant, et que plus qu’un tarif proposé s’écarte de ce tarif commercialement négocié, moins il sera juste et raisonnable.
  8. En ce qui concerne les ententes d’itinérance , Bell Mobilité a indiqué que celles qui sont pertinentes dans le cadre de la présente instance sont celles dans lesquelles elle est indemnisée principalement par le tarif convenu, plutôt que par une compensation en nature. À cet égard, l’entreprise a présenté son entente d’itinérance unidirectionnelle avec une entreprise et ses ententes d’itinérance permanente avec deux autres entreprises.
  9. Bell Mobilité a argué que les plafonds des frais d’itinérance de gros en Europe , que le Conseil a relevés comme un facteur à prendre en considération dans le bulletin d’information de télécom 2022-337, ne sont pas pertinents dans le cadre de la présente instance, parce que i) l’itinérance internationale est réciproque par nature, alors que l’accès pour les ERMV est unilatéral; ii) des facteurs tels qu’une densité de population plus faible et des coûts de spectre plus élevés signifient que les entreprises canadiennes engagent des dépenses d’investissement beaucoup plus élevées que les entreprises européennes; et iii) les plafonds sont destinés à soutenir la politique du marché européen unique et non à encourager la concurrence fondée sur les installations.

Offre de QMI

  1. QMI a proposé, en tant que son offre finale, un tarif d’accès de données par Go qui, selon elle, assurerait sa capacité continue à discipliner les prix sur le marché des services de détail avec une marge de profit pour financer ses investissements dans le réseau. QMI a ajouté que son offre s’alignait sur les plafonds de données européens. Dans ce contexte, QMI a souligné ses efforts continus pour promouvoir l’abordabilité en offrant plusieurs forfaits avec une grande allocation de données depuis mai 2023, particulièrement ses forfaits de 20 Go à 39 $, 30 Go à 45 $, 40 Go à 50 $ et 50 Go à 65 $.
  2. Pour justifier le caractère raisonnable de son offre, QMI a fait valoir que la marge de profit sur la vente de services sans fil dans les zones d’accès pour les ERMV ne peut pas être déficitaire, faute de quoi la possibilité de commercialiser avec succès une offre de services basée sur l’accès pour les ERMV serait illusoire. Dans ce contexte QMI a déposé une analyse de sensibilité qui illustre la rentabilité de divers forfaits en fonction du tarif par Go qu’elle doit payer. L’analyse incluait les coûts qu’elle dit devoir encourir pour fournir des services à ses abonnés et les marges attendues pour différents forfaits .
  3. En réplique, Bell Mobilité a décrit l’offre et les justifications de QMI comme une tentative pour dégager des marges élevées sans risque, sans tenir compte des coûts de Bell Mobilité en tant que fournisseur de services. Dans ce contexte, Bell Mobilité a indiqué que le cadre d’accès pour les ERMV défini dans la politique réglementaire de télécom 2021-130 n’est pas destiné à garantir les profits des entreprises régionales de services sans fil.
  4. Bell Mobilité a ajouté que la rentabilité et la capacité concurrentielle d’un exploitant devraient être évaluées de manière globale en considérant l’ensemble des tarifs de ses forfaits et de ses services, à la fois en tant qu’ERMV et sur son propre réseau, plutôt qu’en examinant certains forfaits isolément.
  5. En ce qui concerne les tarifs comparables, QMI a fait valoir que l’offre choisie par le Conseil dans la décision de télécom 2023-217, ainsi qu’une récente entente d’itinérance hors tarif qu’elle a signée, sont pertinentes dans le cadre de la présente instance. Elle a indiqué que, contrairement aux taux tarifés d’itinérance de gros, le tarif de l’entente récente n’inclut pas la majoration de 40 % approuvée dans l’ordonnance de télécom 2018-99 Note de bas de page 3 et n’a pas été établi sur la base de données relatives aux coûts obsolètes et gonflées datant de 2015.
  6. De plus, QMI a indiqué que les plafonds des frais d’itinérance de gros en Europe sont pertinents dans le cadre de la présente instance, puisqu’ils s’appliquent à la fois aux ententes d’itinérance unidirectionnelle et bidirectionnelle. QMI a ajouté que les entreprises européennes s’entendent souvent sur des tarifs d’accès de données pour les ERMV nationaux inférieurs à un euro par Go.

Comparaison des offres

  1. À titre de question préliminaire, le Conseil fait remarquer qu’il ne pouvait pas entièrement valider les coûts déposés par Bell Mobilité. Le Conseil a cerné des renseignements précis sur les coûts et a demandé à demandés à deux reprises à Bell Mobilité de les fournir afin d’évaluer ses coûts en tant que fournisseur de services, ce que Bell Mobilité a refusé de faire. En outre, en ce qui concerne les éléments de preuve relatifs aux coûts que Bell Mobilité a fournis, le Conseil fait remarquer qu’ils étaient incomplets et que Bell Mobilité n’a pas fourni une explication suffisante sur ses hypothèses. Néanmoins, cette lacune a été atténuée par le fait que le processus d’arbitrage de l’offre finale fournit d’autres moyens significatifs pour évaluer le caractère raisonnable des tarifs proposés en plus des coûts de fourniture du service.

Faire progresser les objectifs pertinents énoncés à l’article 7 de la Loi et les objectifs pertinents des Instructions de 2023

  1. Pour déterminer quelle offre choisir, le Conseil doit examiner i) laquelle permettrait le mieux de faire progresser les objectifs pertinents énoncés à l’article 7 de la Loi et les objectifs pertinents des Instructions de 2023 et ii) si les offres sont justes et raisonnables.
  2. En se fondant sur les pratiques et procédures décrites dans le bulletin d’information de télécom 2022-337 et sur les arguments présentés par Bell Mobilité et QMI, le Conseil estime que certains ensembles d’objectifs énoncés à l’article 7 de la Loi et d’objectifs principaux des Instructions de 2023 sont les plus pertinents pour l’évaluation des offres déposées.
  3. Le premier ensemble d’objectifs porte sur l’abordabilité des services : 
    • l’objectif énoncé à l’alinéa 7b) de la Loi : permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions – rurales ou urbaines – du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité;
    • l’alinéa 2b) des Instructions de 2023 qui exige que le Conseil examine dans quelle mesure sa décision favoriserait l’abordabilité et des prix plus bas, notamment lorsque les fournisseurs de services de télécommunication exercent un pouvoir de marché.
  4. La question de savoir si les tarifs proposés permettraient d’offrir des forfaits des services de détail plus abordables que ceux actuellement disponibles et, d’une manière générale, d’exercer des pressions concurrentielles accrues sur le marché des services de détail est un axe de réflexion important que le Conseil a employé lors de l’évaluation des offres au regard de ces deux premiers objectifs.
  5. Le deuxième ensemble d’objectifs porte sur l’amélioration et le fait d’accroître la compétitivité dans le secteur des télécommunications :
    • l’objectif énoncé à l’alinéa 7c) de la Loi : accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;
    • l’alinéa 2a) des Instructions de 2023 qui exige que le Conseil examine dans quelle mesure ses décisions encouragent toutes formes de concurrence et d’investissement.
  6. Le Conseil a examiné s’il existait une compensation équitable pour Bell Mobilité, en tant que fournisseur de services, qui maintient sa capacité et son incitation à investir dans son réseau et qui ne compromet pas sa capacité à faire concurrence. Parallèlement, le Conseil a tenu compte de l’incidence des tarifs sur la capacité de QMI à être compétitive sur le marché des services de détail, à innover et à développer son propre réseau.
  7. Enfin, le troisième objectif est lié à l’efficacité de la réglementation et au fait de favoriser le libre jeu du marché: 
    • l’objectif énoncé à l’alinéa 7f) de la Loi : favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire.
  8. Pour évaluer cet objectif, le Conseil a examiné comment les tarifs proposés se comparent à ceux des précédentes ententes d’accès pour les ERMV auxquelles sont parties le fournisseur d’accès de gros pour les ERMV et l’entreprise régionale de services sans fil en question. Le Conseil a aussi examiné comment les tarifs proposés se comparent aux taux tarifés d’itinérance et aux plafonds des frais d’itinérance de gros en Europe.

Capacité de QMI à promouvoir l’abordabilité

  1. Il semble que les efforts continus que déploie QMI pour étendre sa part de marché au niveau national ait déjà une incidence sur les prix des services de détail. À la suite de l’introduction commençant en mai 2023 par QMI de plusieurs forfaits avec des allocations de données plus généreuses à des prix inférieurs à ce qui étaient déjà disponibles, ses concurrents ont introduit des forfaits à des prix similaires. Ces forfaits sont maintenant considérablement moins chers que les forfaits de mars 2023, ceux utilisés dans l’analyse dans l’instance ayant mené à la décision de télécom 2023-217. Par conséquent, il y a des indications qu’il y a déjà des progrès réalisés en ce qui concerne l’objectif stratégique énoncé au paragraphe 7b) de la Loi et l’objectif énoncé au paragraphe 2b) des Instructions de 2023.
  2. Sans tenir compte de ces tendances, d’après l’analyse de sensibilité ajustée de QMI dans laquelle elle a incorporé le tarif proposé par Bell Mobilité, le Conseil estime que l’offre de Bell Mobilité permettrait à QMI de continuer de promouvoir l’abordabilité en maintenant au moins ses prix actuels. Par conséquent, le Conseil est d’avis que l’une ou l’autre des offres permettrait à QMI d’offrir ses forfaits actuels de services sans fil mobiles à bas prix sur de nouveaux marchés.

Capacité de QMI à être compétitive

  1. Le Conseil estime que, comme a argué Bell Mobilité, le cadre d’accès pour les ERMV n’est pas destiné à garantir une marge de profit sans risque pour les activités pour les ERMV de QMI, et que la capacité de QMI à être compétitive ne devrait pas être évaluée seulement en fonction de la rentabilité de forfaits précis, mais plutôt en fonction de l’ensemble des forfaits des services sans fil qu’elle offre.
  2. Dans ses observations, QMI s’est fortement appuyée sur la prise en compte de marges de profit raisonnables pour ses forfaits de données pour les ERMV résultant de son offre ou de celle de Bell Mobilité. Toutefois, le Conseil estime que son rôle ne consiste pas à garantir des marges de profit pour chaque forfait pour les ERMV, d’autant plus que QMI introduit des forfaits à plus grande allocation de données qui sont généralement moins rentables.   
  3. Dans tous les cas, quelle que soit le dénouement de la présente instance, QMI est déjà en mesure d’introduire de nouveaux forfaits moins chers depuis la mise en place du cadre d’accès pour les ERMV. Bien que le Conseil appuie l’introduction de forfaits à plus bas prix, afin de faire progresser les objectifs stratégiques pertinents, il doit également prendre en compte les conséquences négatives potentielles qui pourraient découler des tarifs d’accès pour les ERMV de plus en plus bas sur la durabilité de la concurrence et l’incitation à investir.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que les deux offres maintiendraient au moins la capacité démontrée de QMI à être compétitive.

Compensation équitable pour Bell Mobilité

  1. Dans son offre, QMI a argué qu’une compensation équitable pour Bell Mobilité devrait être envisagée compte tenu de ce que QMI qualifie de profit excédentaire réalisé par Bell Mobilité grâce à son pouvoir de marché pendant de plusieurs décennies. QMI a également souligné, qu’en raison de cette situation, d’après elle, les tarifs d’itinérance de gros que reçoit Bell Mobilité ont été gonflés depuis 2015.
  2. Bien que le Conseil ait déclaré dans la décision de télécom 2023-217 qu’il ne doit pas nécessairement s’assurer que les coûts sont recouvrés à court terme pour qu’un tarif soit considéré juste et raisonnable, une compensation équitable pour le fournisseur d’accès de gros pour les ERMV est toujours une considération importante lors de l’évaluation des offres, tel que souligné dans le bulletin d’information de télécom 2022-337. L’analyse de QMI, qui minimise l’importance de la récupération des coûts du fournisseur d’accès de gros pour les ERMV en raison de la position dominante, n’est ni conforme au cadre d’accès pour les ERMV ni aux objectifs de la Loi.
  3. La position de QMI concernant le profit excédentaire allégué par Bell Mobilité n’est pas appuyée par le cadre d’accès pour les ERMV qui n’est pas destiné à récupérer tout profit excédentaire allégué que la titulaire aurait pu réaliser dans le passé.
  4. Bien que les éléments de preuve relatifs aux coûts déposés par Bell Mobilité n’aient pas permis au Conseil d’évaluer quantitativement quelle serait la compensation équitable pour Bell Mobilité sur la base des éléments de preuve et des observations déposés par les parties, le Conseil conclut qu’il est peu probable que l’offre de QMI indemnise équitablement Bell Mobilité, et que l’offre de Bell Mobilité lui offrirait probablement une compensation plus équitable.

Incitation des deux parties à investir

  1. Bell Mobilité a allégué que l’offre de QMI, comparativement à sa propre offre, aurait une incidence considérablement plus grande sur son incitation à investir dans son réseau, ce qui se ferait sentir de manière disproportionnée dans les régions suburbaines et rurales. Toutefois, le Conseil estime que Bell Mobilité n’a pas prouvé son allégation, étant donné qu’elle n’a pas fourni au Conseil tous les renseignements nécessaires pour entièrement valider ses coûts déposés.
  2. Quoi qu’il en soit, le Conseil estime que l’entente envisagée dans la présente décision aurait une incidence négligeable par rapport à l’ensemble des activités des services sans fil de Bell Mobilité, que ce soit en termes d’empreinte de données estimée ou de revenus générés par les activités des ERMV de QMI. Par conséquent, le Conseil estime que l’une ou l’autre offre maintiendrait l’incitation de Bell Mobilité à investir, en particulier en considérant l’ensemble de ses activités des services sans fil.
  3. Néanmoins, le Conseil estime que Bell Mobilité a soulevé une préoccupation valide en ce qui concerne l’incidence à long terme que des tarifs des services de gros artificiellement bas aurait sur l’objectif stratégique de promouvoir l’investissement dans le réseau, ce qui est particulièrement pertinent dans les régions suburbaines et rurales. Bien que des prix des services de détail plus bas soutenus par des tarifs des services de gros sont souhaitables, tel que discuté plus haut, ces intérêts différents doivent être équilibrés avec l’incitation du fournisseur d’accès de gros pour les ERMV pour un investissement continu dans le réseau. Par conséquent, le Conseil est d’avis que l’offre de Bell Mobilité est celle qui permet le mieux de trouver le juste équilibre entre l’incitation à investir des deux parties.
  4. En ce qui concerne l’incitation de QMI à investir, elle a fait valoir que, même si les tarifs d’accès pour les ERMV faciliteraient ses investissements, son incitation à investir est principalement motivée par le cadre d’accès pour les ERMV et sa durée limitée. Par conséquent, le Conseil est d’avis que l’offre de Bell Mobilité n’aurait probablement pas une incidence importante sur l’incitation de QMI à investir, en particulier en examinant l’ensemble des activités des services sans fil de QMI.
  5. À ce titre, le Conseil estime que l’offre de Bell Mobilité maintiendra l’incitation à investir pour les deux parties et qu’elle fera plus progresser cet objectif que l’offre de QMI.

Tarifs comparables

  1. En ce qui concerne les ententes pour les ERMV comparables, le Conseil estime que le nombre limité d’ententes à ce jour n’a qu’une valeur probante minimale pour évaluer les offres de QMI et de Bell Mobilité.
  2. Le Conseil dispose de deux ententes d’accès pour les ERMV dans le dossier de la présente instance, incluant celle entre RCCI et QMI en cause dans la décision de télécom 2023-217, et une entente commercialement négociée entre Bell Mobilité et une entreprise régionalede services sans fil. Étant donné que les tarifs choisis dans le cadre des instances d’arbitrage de l’offre finale ne sont pas commercialement négociés, on ne peut s’appuyer sur l’entente entre RCCI et QMI pour établir une juste valeur marchande.
  3. En ce qui concerne l’entente commercialement négociée, le Conseil fait remarquer que le tarif qu’elle contient est plus près de l’offre de Bell Mobilité que celle de QMI. Toutefois, bien qu’elle fournisse quelques directives, une entente commercialement négociée est insuffisante pour établir une juste valeur marchande.
  4. En ce qui concerne les ententes d’itinérance nationale, le Conseil est d’avis que les ententes de Bell Mobilité sont trop éloignées des deux offres actuelles pour peser lourd dans leur évaluation. L’entente de QMI avec l’autre entreprise régionale de services sans fil n’est pas non plus directement comparable à une entente d’accès pour les ERMV.
  5. En ce qui concerne les plafonds des frais d’itinérance de gros en Europe que QMI a désignés pertinents, le Conseil estime qu’ils ont une valeur comparative très limitée en raison des contextes différents dans lesquels les entreprises européennes et canadiennes sont exploitées, ce qui se traduit par des structures de coûts différentes.
  6. Compte tenu du manque relatif de renseignements du marché à l’heure actuelle, le Conseil accordera plus de poids aux autres facteurs qu’aux tarifs comparables déposés dans le cadre du présent processus d'arbitrage de l’offre finale.

Conclusion du Conseil sur une offre juste et raisonnable

  1. Conformément à la Loi, le Conseil ne peut approuver que des tarifs justes et raisonnables pour les services de télécommunication. Après avoir évalué les offres, le Conseil détermine, en tant que conclusion de fait, que l’offre de Bell Mobilité est juste et raisonnable, en fonction des raisons ci-dessus.

Conclusion sur le processus d’arbitrage de l’offre finale

  1. Dans la présente décision, le Conseil détermine les tarifs du service d’accès de données pour les ERMV que Bell Mobilité fournira à QMI pendant une période d’entente prédéterminée. Le Conseil estime que la présente décision est conforme aux objectifs pertinents énoncés à l’article 7 de la Loi et aux Instructions de 2023.
  2. Le Conseil a évalué les offres et les éléments de preuve déposés par les parties dans le contexte du présent processus structuré d’arbitrage de l’offre finale afin de déterminer l’offre qui favoriserait le mieux la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation. Le Conseil a examiné laquelle des offres présentées permettrait le mieux d’encourager toutes formes de concurrence et d’investissement et de promouvoir l’abordabilité et des prix plus bas pour les services sans fil mobiles de détail. Pour les raisons susmentionnées, le Conseil conclut que l’offre de Bell Mobilité est juste et raisonnable et qu’elle contribuerait le mieux à atteindre ces objectifs.
  3. Par conséquent, le Conseil choisit l’offre de Bell Mobilité et ordonne aux parties de conclure une entente d’accès pour les ERMV conforme à l’offre de Bell Mobilité afin que QMI puisse élargir le plus rapidement possible l’offre de ses services sans fil mobiles concurrentiels à la population canadienne.

Questions procédurales

Observations de QMI du 16 août 2023

  1. Outre la question de fond, le Conseil fait remarquer que plusieurs questions procédurales ont été soulevées dans le cadre de la présente instance.
  2. Le 16 août 2023, après la date de clôture du dossier du 14 août 2023, QMI a déposé des remarques sur les observations en réplique de Bell Mobilité à son offre et des réponses aux demandes de renseignements du personnel du Conseil.
  3. Le 17 août 2023, Bell Mobilité a déposé une réponse aux observations de QMI, demandant au Conseil de rejeter les observations « hors instance » ou d’accorder une prolongation de deux semaines pour permettre aux parties de formuler des observations sur les répliques des autres.
  4. Le Conseil estime qu’en plus d’avoir été déposées après la date limite, les observations de QMI contenaient des renseignements qui n’étaient pas nécessaires à la décision du Conseil dans la présente instance, puisqu’ils se rapportent à des renseignements techniques très précis concernant la capacité de transfert ininterrompu entre les réseaux de Bell Mobilité et de QMI.
  5. Par conséquent, le Conseil exclut du dossier de la présente instance les observations de QMI du 16 août 2023. Les renseignements contenus dans ces observations, ainsi que la réplique de Bell Mobilité du 17 août 2023, n’ont pas été pris en compte dans la décision d’arbitrage de l’offre finale.

Remarque sur l’équité procédurale, les renseignements désignés confidentiels et le processus d’arbitrage de l’offre finale

  1. Au cours de l’instance, Bell Mobilité, en particulier, a exprimé son point de vue selon lequel le processus d’arbitrage de l’offre finale est imparfait et que la position de Bell Mobilité a subi un préjudice. Le Conseil reconnaît le point de vue des parties et souhaite clarifier l’utilisation de renseignements confidentiels dans le cadre d’instances d’arbitrage de l’offre finale.
  2. Le Conseil est responsable de ses propres processus et doit faire en sorte que ses procédures soient équitables pour les parties qui se présentent à lui. Le Conseil peut s’appuyer sur des éléments de preuve obtenus en dehors d’un processus d’arbitrage de l’offre finale donné, et dans de tels cas, il a l’intention d’en informer les parties en temps opportun. Dans le cadre de la présente instance, le Conseil s’est appuyé sur certains renseignements relatifs aux coûts de l’arbitrage de l’offre finale entre RCCI et QMI pour évaluer les offres. En effet, une grande partie des renseignements contenus dans cette instance ont été versés au dossier de la présente instance, ce qui a donné aux parties un préavis approprié de la possibilité pour le Conseil de prendre en compte ces renseignements.
  3. En ce qui concerne les renseignements confidentiels déposés dans les observations de l’offre finale, le Conseil fait remarquer que la nature du processus d’arbitrage de l’offre finale n’exige pas que les parties disposent d’information parfaite pour répondre aux offres concurrentes. L’arbitrage de l’offre finale est plutôt un exercice d’établissement de tarifs destiné à produire efficacement un tarif exécutoire. Le Conseil procède à un arbitrage de l’offre finale pour les services d’accès pour les ERMV en vue de rendre une décision dans un bref délai en fonction des offres présentées par les parties, en déterminant si les offres sont justes et raisonnables et quelle offre permettrait le mieux de faire progresser les objectifs pertinents de l’article 7 de la Loi et les objectifs des Instructions de 2023.
  4. Les offres finales des parties contiendront presque toujours des renseignements commercialement sensibles désignés confidentiels. Ainsi, la possibilité de répliquer à l’offre finale de l’autre partie se traduira presque toujours par des répliques fondées sur des renseignements incomplets. Cela ne porte pas nécessairement préjudice à la réplique d’une partie donnée, surtout si l’on considère que chaque partie a le même recours au régime de confidentialité en vertu de la Loi et que chaque partie a la même compréhension des échéanciers et du processus entourant l’arbitrage de l’offre finale.
  5. Puisque le processus d’arbitrage de l’offre finale suit des échéanciers stricts, il n’y a souvent pas assez de temps pour contester les désignations de confidentialité avant la date limite de réplique stricte. En l’absence de tout élément de preuve de mauvaise foi de la part des parties dans leur demande de désignation de confidentialité, le Conseil est d’avis que tout préjudice subi par l’une ou l’autre des parties serait minime, le cas échéant, compte tenu de la rapidité du processus et du fait que le Conseil aurait lui-même accès à tous les renseignements confidentiels figurant dans le dossier.

Secrétaire géneral

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