Décision de radiodiffusion CRTC 2023-183

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Référence : Demande en vertu de la Partie 1 affichée le 6 octobre 2022

Ottawa, le 20 juin 2023

Sirius XM Canada Inc.
L’ensemble du Canada

Dossier public : 2022-0328-0

Allégement réglementaire concernant le paiement des manques à gagner des contributions au titre du développement du contenu canadien pour l’année de radiodiffusion 2020-2021 en raison de l’incidence de la pandémie de COVID-19

Sommaire

Le Conseil refuse une demande présentée par Sirius XM Canada Inc. en vue d’obtenir un allégement réglementaire concernant le paiement des manques à gagner en matière de développement du contenu canadien pour l’année de radiodiffusion 2020-2021, en raison de l’incidence de la pandémie de COVID-19 sur l’exploitation de ses services.

Contexte

  1. Le 13 juillet 2020, l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) a déposé une demande en vue d’obtenir un allégement réglementaire immédiat concernant les exigences en matière de dépenses et de diffusion pour la programmation canadienne en ce qui concerne l’année de radiodiffusion 2019-2020 pour les radiodiffuseurs canadiens privés dans le contexte de la pandémie de COVID-19. L’ACR représente la grande majorité des services de programmation privés canadiens, y compris les stations de radio et de télévision, ainsi que les services payants audio et les services facultatifs et sur demande.
  2. Compte tenu des questions soulevées et du nombre d’intervenants susceptibles d’être touchés par l’allégement demandé, le Conseil a sollicité des observations sur la demande de l’ACR dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2020-336. Dans cet avis, le Conseil a aussi sollicité des observations sur l’approche proposée selon laquelle les titulaires auraient plus de temps pour satisfaire à leurs exigences de dépenses. Plus précisément, le Conseil a déclaré que les exigences financières pourraient être réparties sur plusieurs années de radiodiffusion afin de s’assurer que les radiodiffuseurs disposent de la souplesse dont ils ont besoin, tout en veillant à ce que le système de radiodiffusion continue de bénéficier des contributions financières des radiodiffuseurs à mesure que les industries de création au Canada retrouvent leur pleine capacité. L’avis déclarait que tout allégement réglementaire potentiel devait répondre aux quatre résultats attendus suivants :
    • la viabilité du secteur canadien de la radiodiffusion, dans la mesure où la pandémie l’a atteinte, n’est pas pénalisée davantage par l’allégement réglementaire proposé;
    • les parties qui profitent actuellement des exigences qu’impose le Conseil aux radiodiffuseurs ne sont pas déraisonnablement touchées par un éventuel allégement réglementaire;
    • les émissions de nouvelles et d’information dans leur ensemble et les services qu’elles procurent aux Canadiens sont maintenus;
    • toute mesure réglementaire qui en résulte et qui accorde un allégement potentiel est très peu contraignante sur le plan administratif pour les entités qui demandent un allégement, mais facilement contrôlée et supervisée par le Conseil afin de garantir une responsabilisation appropriée.
  3. Dans la décision de radiodiffusion 2021-274, le Conseil a refusé la demande de l’ACR puisqu’elle ne respectait pas le deuxième et le quatrième résultats attendus. Le Conseil a plutôt estimé que son approche relative aux périodes de paiement prolongées proposée dans cette décision respectait les quatre résultats attendus. Ainsi, le Conseil a accordé un délai supplémentaire aux radiodiffuseurs des secteurs de la radio et de la télévision pour le paiement des manques à gagner à l’égard des diverses contributions et dépenses engagées dans l’année de radiodiffusion 2019-2020 sur plusieurs années de radiodiffusion. Plus précisément :
    • les titulaires de services de radio ont été autorisés à verser 50 % de leurs manques à gagner à l’égard de la contribution au titre du développement du contenu canadien (DCC) [y compris les avantages tangibles] cumulés pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 au plus tard le 31 août 2022 et les 50 % restants au plus tard le 31 août 2023 (la formule 50-50 %) ;
    • les titulaires de services de télévision de grands groupes de propriété et les titulaires de services indépendants ont été autorisés à verser leurs manques à gagner en matière de dépenses en émissions canadiennes (DEC) respectivement au plus tard le 31 août 2023 et le 31 août 2024. Ils n’ont bénéficié d’aucune souplesse en ce qui concerne le paiement des avantages tangibles, car seul un nombre limité de radiodiffuseurs sont actuellement tenus de payer des avantages tangibles;
    • à partir de l’année de radiodiffusion 2020-2021, les titulaires de services de télévision ont été autorisés à se prévaloir d’une flexibilité de 10 % relative aux dépenses en moins en DEC et en émissions d’intérêt national (EIN), et ce, jusqu’à la fin de leur période de paiement respective, à l’exception de la dernière année. Toutefois, la flexibilité pour les dépenses en moins allouées aux nouvelles de reflet local a été maintenue à 5 %.
  4. Dans la décision de radiodiffusion 2022-221, le Conseil a refusé une demande d’allégement réglementaire présentée par Stingray Group Inc. (Stingray) concernant le paiement d’avantages tangibles pour les années de radiodiffusion 2019-2020 et 2020-2021, qui invoquait elle aussi l’incidence de la pandémie sur l’exploitation de ses services de télévision et de radio. Stingray est titulaire d’une entreprise nationale de programmation sonore payante, de services nationaux facultatifs, de deux stations de télévision en direct et de nombreuses stations de radio. Entre autres, le Conseil a estimé que l’allégement réglementaire n’était pas justifié étant donné que Stingray avait la capacité financière de s’acquitter de ses contributions au titre des avantages tangibles pour le DCC sans délai supplémentaire. Le Conseil a également conclu que l’approbation de l’allégement demandé par Stingray compromettrait la stabilité et la prévisibilité du financement des différents fonds et de leurs bénéficiaires.

Demande

  1. Sirius XM Canada Inc. (SiriusXM), qui exploite les entreprises nationales de radio par satellite par abonnement Sirius Canada et XM Canada, a déposé une demande en vue de modifier la condition de licence 14 énoncée dans la décision de radiodiffusion 2019-431 afin d’obtenir un allégement de ses contributions au titre du DCC pour l’année de radiodiffusion 2020-2021 en raison de l’incidence de la pandémie de COVID-19. La condition de licence 14 se lit comme suit :
    1. a) Au cours de chaque année de radiodiffusion, le titulaire doit contribuer au moins 4 % des revenus bruts de son entreprise de radio par satellite par abonnement inscrite dans ses rapports annuels pour l’année précédente de radiodiffusion à des projets admissibles au titre du développement du contenu canadien (DCC).

      b) Au cours de chaque année de radiodiffusion de la période de licence, le titulaire doit répartir sa contribution en vertu du paragraphe a) susmentionné de la façon suivante :

      • au moins 22 % à la FACTOR;
      • au moins 12 % à MUSICACTION;
      • au moins 6 % au Fonds canadien de la radio communautaire;
      • le solde à d’autres projets admissibles (contribution discrétionnaire).

      c) Au plus 5 % de la contribution discrétionnaire au cours de toute année de radiodiffusion doit être consacré aux dépenses et aux salaires du personnel de coordination du DCC (c.-à-d. the Ambassador/l’Ambassadeur pour la musique canadienne). Aux fins de cette condition de licence, seuls les salaires des employés ne travaillant que sur des activités liées au DCC sont admissibles. Un employé doit consacrer au moins 95 % de son temps aux activités du DCC pour être considéré comme ayant pour seul objectif le DCC.

      d) Au moins 45 % de la contribution discrétionnaire du titulaire doit être alloué à des projets de développement du contenu canadien de langue française, et au moins 45 % doit être alloué à des projets pour le développement de contenu canadien de langue anglaise.

      e) Pour être considérées comme des dépenses admissibles au titre du DCC, les dépenses promotionnelles pour les projets gérés par des tierces parties doivent être effectuées par les tierces parties. Pour les projets gérés directement par le titulaire, les dépenses promotionnelles doivent être plafonnées à 30 % du budget total du projet concerné. De plus, au moins 20 % du montant total consacré à l’initiative doivent être versés directement aux artistes canadiens sous forme de frais de prestation.

      f) Dans le rapport annuel qu’il est tenu de soumettre au Conseil au plus tard le 30 novembre pour l’année de radiodiffusion se terminant le 31 août précédent, le titulaire doit fournir au Conseil des preuves que tous les enregistrements d’artistes réalisés à l’aide du financement au titre du DCC ont été remis directement aux artistes. Aux fins de la présente condition, un document signé ou un courrier électronique de l’artiste confirmant la réception de l’enregistrement constitue généralement une preuve suffisante de réception.

      g) Concernant les tiers avec lesquels le titulaire entretient déjà des relations commerciales, le titulaire doit fournir d’autres documents appuyant l’admissibilité des frais réclamés en tant que dépenses au titre du DCC. Ces documents doivent inclure, sans toutefois s’y limiter, toutes les factures et tous les contrats payés par le tiers pour organiser et exploiter le projet de DCC, ainsi que des copies de tous les contrats conclus entre le titulaire et ce tiers.

      Aux fins de la présente condition de licence, un « projet admissible » s’entend au sens énoncé [au paragraphe] 15(1) du Règlement de 1986 sur la radio.

  2. Plus précisément, SiriusXM propose de payer les manques à gagner en matière de DCC cumulés au cours de l’année de radiodiffusion 2020-2021 en versant 50 % du manque à gagner dans l’année de radiodiffusion 2023-2024 (au plus tard le 31 août 2024) et l’autre 50 % dans l’année de radiodiffusion 2024-2025 (au plus tard le 31 août 2025). Les manques à gagner en matière de DCC ont une incidence directe sur les contributions à la FACTOR, à Musicaction et aux projets discrétionnairesNote de bas de page 1, mais pas sur le Fonds canadien de la radio communautaire (FCRC), étant donné que SiriusXM a versé ses contributions à ce fonds pour l’année de radiodiffusion 2020-2021.

Interventions

  1. Le Conseil a reçu des interventions en opposition de la part de la Fondation Musicaction (Musicaction), de la Canadian Independent Music Association (CIMA) et de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), auxquelles le demandeur a répondu. Les préoccupations des intervenants sont examinées dans les sections correspondantes de la présente décision.

Cadre réglementaire

  1. L’alinéa 3(1)e) de la Loi sur la radiodiffusion prévoit que tous les éléments du système canadien de radiodiffusion doivent contribuer, de la manière qui convient, à la création et la présentation d’une programmation canadienne. L’alinéa 3(1)s) de l’ancienne Loi sur la radiodiffusion stipule également que les réseaux et les entreprises de programmation privés devraient, dans la mesure où leurs ressources financières le leur permettent, contribuer de façon notable à la création et à la présentation d’une programmation canadienne.
  2. Le 27 avril 2023, la Loi sur la diffusion continue en ligne, qui apporte un certain nombre de modifications à la Loi sur la radiodiffusion, est entrée en vigueur. Avant cette date, en vertu du pouvoir conféré par le paragraphe 9(1) de l’ancienne Loi sur la radiodiffusion et conformément aux alinéas 3(1)e) et 3(1)s) de cette loi, le Conseil avait imposé des conditions de licence exigeant des entreprises de programmation qu’elles contribuent de diverses manières à la création d’une programmation canadienne, y compris en imposant des exigences de contribution au titre du DCC.
  3. En vertu de la nouvelle Loi sur la radiodiffusion, l’article 11.1 autorise le Conseil à prendre des règlements ou des ordonnances concernant les dépenses destinées à soutenir les créateurs canadiens ainsi que la production et la promotion d’émissions canadiennes audio. Le paragraphe 50(2) de la Loi sur la diffusion continue en ligne stipule en outre que toute condition de licence relative à ces dépenses, établie en vertu de l’ancienne Loi sur la radiodiffusion, est réputée être une ordonnance prise en vertu du paragraphe 11.1(2) de la nouvelle Loi sur la radiodiffusion. Ainsi, la condition de licence de SiriusXM concernant les contributions au titre du DCC continue de s’appliquer et est maintenant réputée être une ordonnance imposée en vertu du paragraphe 11.1(2) de la nouvelle Loi sur la radiodiffusion.

Approche du Conseil dans l’examen de la demande de SiriusXM

  1. Après avoir examiné la demande de SiriusXM compte tenu des politiques et réglementations applicables, le Conseil estime qu’il doit se pencher sur les questions suivantes :
    • le fait que SiriusXM ait démontré ou non un besoin financier justifiant l’allégement demandé;
    • l’incidence que l’approbation de la proposition aurait sur les fonds et leurs bénéficiaires ainsi que sur les bénéficiaires des contributions discrétionnaires de SiriusXM au titre du DCC;
    • l’incidence sur l’intégrité de la politique sur le DCC et sur l’équité envers les autres radiodiffuseurs;
    • les antécédents de SiriusXM concernant le respect des obligations en matière de DCC.

Besoin financier

  1. SiriusXM affirme que la pandémie de COVID-19 a eu une incidence profonde sur un grand nombre des projets au titre du DCC qu’elle avait prévus pour l’année de radiodiffusion 2020-2021. En raison de la pandémie, des événements en direct ont été annulés, reportés, réduits ou remplacés par des événements virtuels. Dans de nombreux cas, cela s’est traduit par une réduction des besoins budgétaires, ce qui a rendu difficile le paiement intégral des contributions au titre du DCC.
  2. SiriusXM indique qu’en tant que titulaire d’un service de radio par satellite par abonnement, elle tire la majorité de ses revenus des frais d’abonnement. Le modèle d’entreprise de SiriusXM, basé sur l’abonnement, est directement touché par la diminution des ventes de véhicules neufs et d’occasion, car une grande partie de ses revenus repose sur l’offre d’un abonnement gratuit à durée limitée aux acheteurs de voitures neuves. Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale des semiconducteurs utilisés dans les voitures ont créé des pénuries de stocks de voitures, ce qui limite le nombre de nouveaux abonnés dans un avenir prévisible.
  3. SiriusXM soutient également que les défis économiques auxquels est confronté le secteur des véhicules neufs laissent présager une diminution du nombre d’abonnés et une baisse des revenus dans les années à venir. SiriusXM précise que cela est particulièrement vrai compte tenu de l’inflation élevée et persistante et de l’évolution générale vers le travail à distance, qui a entraîné une diminution du nombre de personnes qui passent du temps dans leur véhicule et donc une baisse de l’utilisation des services de SiriusXM.
  4. SiriusXM affirme que cette incertitude et l’incidence négative prévue de la pandémie sur ses activités l’ont forcée à adopter une approche prudente à l’égard de ses contributions non discrétionnaires au titre du DCC, c’est-à-dire ses contributions aux fonds indépendants comme la FACTOR et Musicaction, ce qui a entraîné un manque à gagner dans ses contributions non discrétionnaires au titre du DCC pour l’année de radiodiffusion 2020-2021.
Interventions
  1. L’ADISQ a répondu à l’argument de SiriusXM selon lequel la pandémie a fait en sorte qu’il lui a été difficile de dépenser tous les fonds qu’elle avait alloués à des projets discrétionnaires au titre du DCC. Elle fait remarquer que les contributions à des fonds tels que la FACTOR ou Musicaction peuvent également être considérées comme des projets discrétionnaires et que les contributions restantes auraient pu leur être affectées. L’ADISQ soutient que ces organismes ont une connaissance approfondie des besoins de leurs clients et qu’ils disposent donc de toute l’expertise nécessaire pour administrer efficacement les fonds.
  2. L’ADISQ affirme également qu’au printemps 2022, les événements culturels comme les concerts en direct et les festivals de musique s’étaient largement rétablis.
Réplique de SiriusXM
  1. SiriusXM maintient qu’elle a fourni une justification substantielle de la nécessité de reporter les contributions au titre du DCC, étant donné qu’elle est confrontée à des risques pour son flux de revenus en raison de la baisse des ventes de véhicules neufs. Elle soutient également avoir respecté ses obligations en matière de contributions au titre des avantages tangibles tout au long des dernières années.
  2. SiriusXM réitère également ses arguments concernant les défis auxquels est confrontée l’industrie des véhicules neufs et l’évolution vers le travail à distance, qui pourraient entraîner une diminution de l’utilisation des services de SiriusXM.
  3. Elle fait également remarquer que d’autres services audio, comme les stations de radio commerciale, ont connu une baisse immédiate de leurs revenus publicitaires après le début de la pandémie, puis ont commencé à se redresser plus rapidement à mesure que les revenus publicitaires remontaient, ce qui contraste avec sa situation particulière.
Analyse du Conseil
  1. Le Conseil reconnaît que la pandémie de COVID-19 a eu une incidence sur de nombreux événements en direct qui ont été annulés, reportés, réduits ou transformés en événements virtuels.
  2. Toutefois, comme l’a affirmé l’ADISQ, les événements culturels tels que les concerts de musique en direct et les festivals de musique en personne s’étaient largement rétablis au printemps 2022. De même, en supposant que SiriusXM n’ait pas été en mesure de trouver des bénéficiaires appropriés pour ses contributions discrétionnaires au titre du DCC, elle aurait pu allouer ces contributions à des fonds indépendants comme la FACTOR, Musicaction et le FCRC au lieu de les retenir.
  3. Le Conseil reconnaît également que le modèle d’entreprise de SiriusXM, qui repose essentiellement sur l’abonnement, diffère du modèle publicitaire des radiodiffuseurs traditionnels et peut être touché différemment par divers facteurs, tels que la COVID-19. Toutefois, le Conseil n’est pas convaincu que ces différences ont eu une incidence sur ses revenus de la manière suggérée par SiriusXM. Le Conseil fait remarquer que les revenus totaux du secteur de la radio commerciale ont diminué de 26,2 % entre les années de radiodiffusion 2018-2019 et 2020-2021, et que la marge de bénéfice avant intérêts et impôt (BAII) a diminué de 11,7 points de pourcentageNote de bas de page 2. En revanche, SiriusXM a bénéficié d’une plus grande stabilité de ses revenus et, par conséquent, n’a pas connu de baisse similaire de sa rentabilité. Le Conseil estime donc que, si le modèle d’entreprise de SiriusXM a été touché différemment de celui de la radio commerciale au cours des années en question, SiriusXM n’a pas été en mesure de démontrer que cette incidence était plus grave que celle du secteur de la radio commerciale.
  4. SiriusXM indique que la pandémie a entraîné une pénurie de semiconducteurs, ce qui a fait baisser les ventes de véhicules neufs. Toutefois, le Conseil fait remarquer que cette incidence s’est surtout fait sentir entre mars et mai 2020. Depuis cette période, le secteur a largement retrouvé les tendances saisonnières qui prévalaient avant la pandémie, même si le pic des ventes au printemps a légèrement diminuéNote de bas de page 3.
  5. SiriusXM soutient en outre qu’une augmentation du nombre de personnes travaillant à domicile aurait une incidence sur son nombre d’abonnés. Selon Statistique Canada, 22,3 % de la population active travaillait à domicile en décembre 2021, soit un peu plus de la moitié de la proportion observée au sommet de la pandémie en avril 2020, qui était de 40,5 %. Bien que 22,3 % soit encore nettement supérieur à la proportion enregistrée avant la pandémieNote de bas de page 4, les données suggèrent que la proportion de la main-d’œuvre travaillant à domicile diminue progressivement, ce qui permet d’écarter la menace d’un passage généralisé au travail à domicile.
  6. Compte tenu de ce qui précède et de la santé financière globale du service, le Conseil estime que SiriusXM n’a pas démontré l’existence d’un besoin financier justifiant un report de ses contributions au titre du DCC pour l’année de radiodiffusion 2021-2022.
Incidence sur les sommes versées au titre du DCC et leurs bénéficiaires ainsi que sur les bénéficiaires des contributions discrétionnaires de SiriusXM au titre du DCC
  1. SiriusXM soutient que l’approbation de sa demande aurait un effet stabilisateur sur le financement au titre du DCC pour les quatre prochaines années, en particulier pour les contributions aux projets discrétionnaires au titre du DCC. SiriusXM fait valoir que la décision de radiodiffusion 2021-274, qui a autorisé les titulaires de licence de radio canadiens à payer la dernière moitié des manques à gagner en matière de DCC au plus tard le 31 août 2023 au lieu du 31 août 2020, soit la date initiale, entraînerait un financement record au titre du DCC. Elle estime que l’approbation de sa demande permettrait d’obtenir un financement supplémentaire au titre du DCC lorsque les effets négatifs de la pandémie seront plus éloignés et que la planification financière des organisations sera plus simple.
  2. Selon SiriusXM, l’approbation de sa demande permettrait un dépassement constant des dépenses au titre du DCC au cours de chacune des quatre prochaines années de radiodiffusion. Cela garantirait un déploiement optimal des fonds du DCC vers les meilleurs projets et permettrait d’orienter les contributions au titre du DCC vers une reprise post-pandémie durable.
  3. SiriusXM soutient que la FACTOR et Musicaction disposent d’importants fonds non déployés. Elle affirme que, selon ses rapports financiers de 2020-2021, la FACTOR détient 55,6 millions de dollars d’actifs d’investissement, soit une augmentation de plus de 7 millions de dollars d’une année sur l’autre. Elle ajoute que Musicaction détient 6,51 millions de dollars d’actifs d’investissement, ce qui représente une augmentation d’environ 50 % par rapport à l’année précédente. Selon SiriusXM, la retenue d’un pourcentage de ses contributions au titre du DCC ne toucherait pas substantiellement ces fonds ou les artistes qu’ils sont chargés de soutenir. SiriusXM précise que le paiement de 70 % de ses contributions au titre du DCC dues à la FACTOR et à Musicaction pour l’année de radiodiffusion 2020-2021 serait suffisant.
  4. Enfin, SiriusXM soutient que sa demande répond aux quatre résultats attendus énoncés dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2020-336, puisque tous les paiements au titre du DCC seraient remboursés à un moment plus opportun.
Interventions
  1. Musicaction, l’ADISQ et la CIMA soutiennent tous que l’approbation de la demande de SiriusXM aurait une incidence négative sur la FACTOR et Musicaction, ainsi que sur les bénéficiaires de ces fonds.
  2. Musicaction indique que la proposition de SiriusXM de retenir 1 404 311 $ en paiements non discrétionnaires au titre du DCC pour l’année de radiodiffusion 2020-2021 représente 24 % des contributions annuelles du fonds pour cette année de radiodiffusionNote de bas de page 5. En tenant compte de la contribution différée de 232 500 $ de SiriusXM due pour l’année de radiodiffusion 2019-2020Note de bas de page 6, Musicaction précise que SiriusXM retiendrait un total de 728 139 $ pour cette année de radiodiffusion si la présente demande est approuvée.
  3. Musicaction soutient également qu’au cours des dernières années, elle a été confrontée à une baisse de ses revenus due en partie à la diminution des paiements d’avantages tangibles découlant d’importantes transactions d’acquisition dans le secteur francophone de la radiodiffusion. Pour son budget 2022-2023, elle fait face à un déficit approximatif de 1,6 million de dollars et a donc demandé une aide financière d’urgence au ministère du Patrimoine canadien. La planification financière de Musicaction a une incidence directe sur le financement de l’ensemble du secteur musical francophone canadien.
  4. L’ADISQ indique que le report ou l’annulation des contributions au titre du DCC crée des variations et de l’imprévisibilité dans les montants que reçoivent les bénéficiaires. Certaines productions et certains projets peuvent devoir être reportés ou abandonnés si les contributions attendues ne sont pas reçues à temps. Selon l’ADISQ, cette imprévisibilité nuit à l’écosystème de la musique, qui a connu ces deux dernières années une baisse massive des revenus provenant des spectacles en direct, des ventes d’albums, de l’écoute en continu et des droits connexes. Cela aurait une incidence encore plus importante à l’heure actuelle, étant donné le besoin d’aide financière entraîné par la reprise des événements musicaux en direct et des enregistrements à partir du printemps 2022.
  5. La CIMA est également préoccupée par les ramifications des contributions différées au titre du DCC sur le flux de financement prévisible à un moment où l’industrie de la musique commence à reprendre de l’élan. Bien que le gouvernement fédéral ait apporté une aide financière à la FACTOR et à Musicaction au moyen de fonds d’urgence, les sommes reçues sont restées bien inférieures aux pertes subies par le secteurNote de bas de page 7. La CIMA soutient que le financement d’urgence du gouvernement n’a pas été créé pour permettre aux radiodiffuseurs d’abandonner leurs responsabilités, et que la décision du gouvernement d’aider le secteur de la musique reconnaissait l’ampleur des défis auxquels le secteur a été confronté et la nécessité de le soutenir.
  6. La CIMA soutient également que les niveaux de contributions de SiriusXM sont destinés à compenser les niveaux inférieurs de sélections musicales canadiennes qu’elle est tenue de diffuser sur toutes les chaînes qu’elle offre. De plus, les montants des contributions de SiriusXM au titre du DCC sont en grande partie établis en fonction de ses revenus plus élevés que ceux de tous les autres titulaires particuliers.
  7. Enfin, la CIMA fait valoir que SiriusXM ne répond pas au critère énoncé dans la décision de radiodiffusion 2021-274 pour l’allégement des contributions au titre du DCC, qui stipule que « les parties qui profitent actuellement des exigences qu’impose le Conseil aux radiodiffuseurs ne sont pas déraisonnablement touchées par un éventuel allégement réglementaire ». La CIMA affirme que l’approbation de la demande toucherait de manière déraisonnable la communauté musicale indépendante canadienne en reportant les prétendus problèmes financiers du demandeur sur une communauté de petites entreprises déjà vulnérable.
Réplique de SiriusXM
  1. Dans sa réplique, SiriusXM réitère sa position selon laquelle sa demande répond aux critères utilisés par le Conseil pour évaluer les propositions d’allégement réglementaire des obligations en matière de DCC. Elle reste d’avis que le plan de remboursement proposé ne toucherait pas de manière déraisonnable les parties qui bénéficient actuellement du financement au titre du DCC par les radiodiffuseurs.
  2. SiriusXM réitère que le report de ses contributions au titre du DCC aurait un effet stabilisateur sur les bénéficiaires et que les dates de remboursement assureraient un flux de financement prévisible. SiriusXM fait également valoir qu’étant donné que la FACTOR et Musicaction disposent d’importants actifs non déployés, le calendrier de remboursement des manques à gagner ne serait pas déraisonnable pour les fonds ou les artistes qui en dépendent.
Analyse du Conseil
  1. SiriusXM est un contributeur majeur aux projets au titre du DCC. Si le Conseil approuvait la demande de SiriusXM, une grande partie du financement au titre du DCC serait encore retardée. Cette somme s’ajouterait au manque à gagner en matière de DCC que SiriusXM a cumulé à partir de l’année de radiodiffusion 2019-2020Note de bas de page 8 et qu’elle n’a commencé à rembourser que récemment. Ce retard aurait une incidence supplémentaire sur les fonds au titre du DCC qui prévoient des déficits importants dans leurs budgets de 2022-2023Note de bas de page 9. En outre, la reprise des spectacles en direct, des enregistrements musicaux et de la promotion des artistes à partir du printemps 2022 a fourni de nombreux bénéficiaires admissibles aux contributions au titre du DCC, et elle met en évidence la nécessité d’une aide financière pendant que l’industrie musicale tente de se remettre de l’incidence de la pandémie.
  2. Le Conseil estime que les fonds indépendants tels que la FACTOR et Musicaction ont besoin de contributions annuelles prévisibles pour assurer leur stabilité. SiriusXM propose de reporter ses manques à gagner de l’année de radiodiffusion 2020-2021 en payant 50 % au plus tard le 31 août 2024 et l’autre 50 % au plus tard le 31 août 2025. Il s’agit d’un report de trois ans pour la première moitié et de quatre ans pour la deuxième moitié. Le Conseil estime que l’approbation de la demande de SiriusXM pourrait entraîner le report ou l’annulation d’événements ou de projets déjà prévus.
  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que les parties bénéficiant du financement de SiriusXM au titre du DCC seraient touchées négativement par l’approbation de la proposition de SiriusXM.

Incidence sur l’intégrité du cadre du DCC et sur l’équité envers les autres radiodiffuseurs

Interventions
  1. La CIMA indique que l’approbation de la demande de SiriusXM créerait un précédent pour les futures demandes d’allégement réglementaire d’autres radiodiffuseurs fondées sur des préoccupations liées à la pandémie ou à d’autres ralentissements économiques. Cela irait à l’encontre de l’intérêt public, des objectifs de politique énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion et des politiques du Conseil en matière de DCC.
  2. Musicaction affirme qu’à sa connaissance, tous les autres radiodiffuseurs ont versé leurs contributions à Musicaction pour l’année de radiodiffusion 2020-2021.
Analyse du Conseil
  1. Le Conseil estime que l’approbation de la demande de SiriusXM sans motif suffisant pour justifier une exception à ses obligations serait injuste pour les autres radiodiffuseurs qui ont respecté leurs obligations en matière de DCC, malgré les difficultés engendrées par la pandémie. Le Conseil craint que, s’il approuve la demande de SiriusXM en l’absence de justification suffisante, d’autres radiodiffuseurs demandent des allégements réglementaires semblables sans preuve ou justification appropriées.
  2. L’approbation ajouterait également un fardeau administratif à toutes les parties, y compris les bénéficiaires des contributions et le Conseil, pour surveiller les paiements différés supplémentaires de SiriusXM.

Respect des obligations en matière de DCC

  1. SiriusXM a également démontré qu’elle ne respectait pas ses conditions de licence en ce qui concerne les contributions au titre du DCC. La décision de radiodiffusion 2019-431, qui a renouvelé pour la dernière fois la licence de radiodiffusion du demandeur, portait sur la non-conformité de SiriusXM à l’égard des contributions non discrétionnaires au titre du DCC pour les années de radiodiffusion 2013-2014, 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017Note de bas de page 10.
  2. Compte tenu de ses antécédents de non-conformité et de l’attente habituelle que les titulaires se conforment à toutes les obligations réglementaires avant de soumettre des demandes de modification des conditions de licence, le Conseil prend note du fait que le titulaire n’a pas reçu d’approbation préalable avant de retenir une partie de ses contributions au titre du DCC pour l’année de radiodiffusion 2020-2021. En fait, SiriusXM devait payer ses contributions au titre du DCC pour l’année de radiodiffusion 2020-2021 au plus tard le 31 août 2021 et a soumis la présente demande au Conseil en juin 2022. Par conséquent, SiriusXM était en situation de non-conformité possible à l’égard de l’obligation de payer ses contributions au titre du DCC au moment où elle a présenté sa demande d’allégement réglementaire. Comme c’est généralement le cas, la conformité de SiriusXM sera examinée dans le cadre du prochain processus de renouvellement de sa licence.
  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que les pratiques passées et actuelles de SiriusXM ne sont pas de nature à permettre une mise en conformité rapide et complète avec la réglementation. Il serait donc inapproprié d’approuver la demande de SiriusXM tant que le Conseil n’aura pas obtenu l’assurance qu’elle exploite ses entreprises conformément à la condition de licence 14.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil refuse la demande de SiriusXM Canada Inc. visant à modifier la condition de licence 14 énoncée dans la décision de radiodiffusion 2019-431 afin d’obtenir un allégement de ses contributions au titre du DCC pour l’année de radiodiffusion 2020-2021 en raison de l’incidence de la pandémie de COVID-19.
  2. Comme indiqué ci-dessus, le Conseil estime que SiriusXM n’a pas clairement démontré qu’elle n’était pas en mesure de remplir ses obligations réglementaires et estime qu’elle a la capacité financière de remplir ses obligations au titre du DCC sans délai supplémentaire.
  3. Le Conseil craint en outre que l’approbation de la demande de SiriusXM compromette la stabilité et la prévisibilité des contributions allouées aux bénéficiaires des fonds indépendants et des projets discrétionnaires choisis par SiriusXM. Cela pourrait avoir une incidence importante sur le travail de ces fonds pour soutenir la musique canadienne et le contenu de créations orales et avoir un impact négatif sur le système canadien de radiodiffusion dans son ensemble, compte tenu de l’importance de SiriusXM en tant que contributeur au DCC.
  4. En outre, tout retard de paiement supplémentaire serait injuste pour les autres radiodiffuseurs qui ont rempli leurs obligations en matière de DCC malgré leurs propres difficultés liées au ralentissement économique engendré par la pandémie.
  5. Par conséquent, le Conseil ordonne à SiriusXM de payer tous les manques à gagner en matière de DCC de l’année de radiodiffusion 2020-2021 au plus tard le 31 août 2023 et de soumettre les preuves de paiement appropriées au Conseil au plus tard le 30 novembre 2023.

Rappel

  1. SiriusXM doit fournir, dans le cadre de sa déclaration annuelle, des renseignements supplémentaires permettant de suivre l’évolution des paiements des manques à gagner jusqu’à la fin de la période de paiement. Ainsi, au moment de soumettre son rapport annuel, SiriusXM devrait détailler ses paiements de l’année de radiodiffusion 2022-2023 séparément des paiements des manques à gagner de l’année de radiodiffusion 2019-2020 et de ceux de l’année de radiodiffusion 2020-2021.

Secrétaire général

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