Décision de télécom CRTC 2023-182

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Référence : Demande en vertu de la Partie 1 affichée le 18 novembre 2022

Ottawa, le 15 juin 2023

Dossier public : 8663-T133-202209452

TerreStar Solutions Inc. – Demande de déclaration selon laquelle la subordination des licences d’utilisation du spectre ne constitue pas un service de télécommunication

Sommaire

Le Conseil refuse la demande de TerreStar Solutions Inc. (TerreStar) voulant que le Conseil conclue que les entreprises peuvent déduire les revenus de la vente et de la subordination du spectre de leurs revenus d’exploitation canadiens totaux lorsqu’elles déterminent leurs revenus admissibles à une contribution aux fins du Fonds national de contribution.

Le Conseil détermine que la vente et la subordination du spectre est un service de télécommunication tel que défini dans la Loi sur les télécommunications et que, par conséquent, les revenus associés ne peuvent pas être déduits en tant que revenus des services canadiens autres que de télécommunication.

La Commission ordonne à TerreStar de déposer des rapports de contribution mensuels révisés auprès du gestionnaire de fonds central au plus tard le 17 juillet 2023.

Introduction

  1. Le 16 novembre 2022, TerreStar Solutions Inc. (TerreStar) a déposé une demande invitant le Conseil à indiquer que la subordination (location) de licences d’utilisation du spectre ne constitue pas un service de télécommunication. Le problème est survenu lorsque TerreStar, dans sa déclaration annuelle, a tenté de déduire les revenus de la vente de spectre et de la subordination du total de ses revenus d’exploitation. Auparavant, aucune autre entreprise n’avait tenté de déduire les revenus provenant de la vente ou de la location de spectre, bien qu’il s’agisse de services courants dans l’industrie.
  2. Le personnel du Conseil a envoyé une lettre à TerreStar pour l’informer que ces déductions n’étaient pas admissibles et ont donc été refusées. TerreStar a déposé une demande en réponse et a présenté des arguments juridiques et pratiques à l’appui de sa position, qui sont examinés en détail dans la présente décision.

Décisions du Conseil et Loi sur les télécommunications

  1. Dans la décision de télécom 2000-745, le Conseil a introduit un régime de contribution basé sur les revenus. Dans le cadre de ce régime, les fournisseurs de services de télécommunication (FST) dont les revenus annuels provenant des services de télécommunication canadiens sont supérieurs à 10 millions de dollars sont tenus de contribuer au Fonds de contribution national (FCN), selon leurs revenus admissibles à la contribution. Les revenus admissibles à la contribution sont calculés en soustrayant les déductions approuvées par le Conseil des revenus des services de télécommunication canadiens.
  2. Dans la même décision, le Conseil a déterminé que le point de départ de la déclaration des FST serait le total des revenus d’exploitation, suivi de la détermination des déductions admissibles pour les revenus non canadiens, les revenus des services canadiens autres que de télécommunication, les revenus provenant de l’équipement terminal et les paiements interentreprises versés à d’autres FST (pour un service de télécommunication et encourus pour gagner des revenus admissibles à la contribution).
  3. Dans l’ordonnance de télécom 2001-288, le Conseil a émis la définition suivante pour les revenus des services canadiens autres que de télécommunication :

    Les « revenus des services canadiens autres que de télécommunication » comprennent tous les revenus canadiens dérivés de services autres que de télécommunication tels que définis dans l’article 23 de la Loi sur les télécommunications, soit, « service de télécommunication » s’entend du service de télécommunication défini à l’article 2 [de la Loi sur les télécommunications], ainsi que de tout service accessoire à la fourniture de services de télécommunication.

  4. En vertu du paragraphe 2(1) de la Loi sur les télécommunications (Loi), un service de télécommunication est défini comme un « service fourni au moyen d’installations de télécommunication, y compris la fourniture — notamment par vente ou location —, même partielle, de celles-ci ou de matériel connexe ».
  5. La Loi définit également les installations de télécommunication comme « installation, appareils ou toute autre chose servant ou pouvant servir à la télécommunication ou à toute opération qui y est directement liée, y compris les installations de transmission ».

Objections de TerreStar et conclusion du Conseil

  1. Le 30 mars 2022, TerreStar a déposé son rapport annuel sur ses revenus auprès du Conseil, comme l’exige le régime de contribution fondé sur les revenus. Dans son rapport annuel présentant ses revenus, TerreStar a fait état d’une déduction pour la sous-location du spectre des composantes auxiliaires terrestres et pour la vente du spectre.
  2. Le 22 juin 2022, le Conseil a envoyé une lettre à TerreStar pour l’informer que la déduction n’était pas admissible et qu’elle était donc rejetée.
  3. Le Conseil a informé TerreStar que la génération de revenus à partir d’une licence d’utilisation du spectre est un service de télécommunication au sens de la Loi. Le Conseil a ajouté que, en conséquence, les revenus connexes, qu’ils proviennent de la location, de la vente ou de la subordination, ne pourraient pas être déduits en tant que revenus des services canadiens autres que de télécommunication aux fins de la détermination des revenus admissibles à la contribution dans le cadre du régime de contribution.
  4. TerreStar n’était pas d’accord avec l’évaluation du Conseil et, en réponse, elle a déposé une demande auprès du Conseil le 16 novembre 2022 pour qu’il indique que la subordination de licences d’utilisation du spectre ne constitue pas un service de télécommunication en vertu de la Loi.

Question

  1. TerreStar a déposé une demande invitant le Conseil à indiquer que la subordination de licences d’utilisation du spectre ne devrait pas constituer un service de télécommunication en vertu de la Loi. Si la subordination du spectre n’est pas considéré un service de télécommunication, elle serait alors déduite des revenus de télécommunication canadiens de TerreStar (et de tout autre contributeur) aux fins de la production de rapports et de paiements au titre du FCN. Le fait que la subordination du spectre soit ou non considérée comme un service de télécommunication a une incidence sur les montants qu’une entreprise verse au FCN et, dans certains cas, sur le fait qu’elle verse ou non une contribution au FCN.

Positions des parties

  1. Aucune intervention n’a été reçue concernant cette demande. Les positions énumérées ci-dessous sont celles du demandeur.
  2. TerreStar a indiqué que la subordination de licences d’utilisation du spectre ne constitue pas un service de télécommunication en vertu de la Loi. Par conséquent, les revenus tirés d’une telle entente de subordination ne sont donc pas des revenus des services canadiens de télécommunication aux fins du Sondage annuel sur les télécommunications et du régime de contribution fondé sur les revenus du Conseil.
  3. TerreStar a argué qu’étant donné que l’utilisation du spectre en question, conformément à la subordination de licences est autorisée et réglementée séparément par Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE), l’accord entre TerreStar et ses titulaires de licences subordonnées est nettement différent des autres services que le Conseil a dû examiner en vertu de la Loi.
  4. TerreStar a en outre argué que le spectre ne devait pas être considéré comme une installation de télécommunication en vertu de la Loi, car la définition est la suivante : « installation, appareils ou toute autre chose servant ou pouvant servir à la télécommunication ou à toute opération qui y est directement liée ».
  5. TerreStar a indiqué que le spectre n’est pas une installation ou un appareil, de sorte que le seul domaine dans lequel il pourrait entrer est celui des « autres choses ». TerreStar a déclaré que l’expression « autre chose » devrait être interprétée de manière restrictive. Elle a ajouté que selon la règle ejusdem generis d’interprétation des lois, lorsque des mots généraux suivent des mots particuliers et précis, les mots généraux doivent être limités aux choses du même genre que les mots plus particuliers. Les termes « installation » et « appareil » se réfèrent tous deux à des éléments tangibles; le mot « chose » devrait donc également être interprété comme se référant à des objets tangibles.
  6. En outre, TerreStar a fait remarquer que, puisque la définition d’une installation de télécommunication fait également référence à une installation de transmission, la définition d’une installation de transmissionNote de bas de page 1 en vertu de la Loi ne s’applique pas non plus à la subordination du spectre. En effet, même s’il fait référence aux systèmes radio, le mot « système » signifie, selon elle, un ensemble de choses ou de dispositifs connectés qui fonctionnent ensemble, et le spectre ne peut pas fonctionner comme un système de télécommunication sans d’autres pièces d’équipement.
  7. Enfin, TerreStar a fait valoir que l’incidence globale d’une telle conclusion serait minime, voire nulle, sur le pourcentage ou le montant perçu dans le cadre du régime de contribution fondé sur les revenus. Le fardeau passerait des titulaires primaires aux titulaires de licences subordonnées, qui ne pourraient plus déduire les paiements interentreprises de leurs dépenses d’exploitation totales. TerreStar a ajouté que c’est ainsi qu’ISDE aborde les droits de licence d’utilisation du spectre, en demandant au titulaire de licence subordonnée de payer les droits annuels de licence d’utilisation du spectre dans le cadre de l’entente concernant la licence d’utilisation du spectre.

Analyse du Conseil

  1. Une bonne interprétation des lois exige que le Conseil applique une approche intentionnelle, c’est-à-dire qu’il examine non seulement la formulation, mais aussi le contexte et l’objectif que le législateur a voulu atteindre avec la législation. Il doit commencer par le texte de la loi dans son sens ordinaire et grammatical, puis examiner son contexte et son objectif, ainsi que l’intention du législateurNote de bas de page 2. Bien qu’il existe de nombreux principes que les tribunaux utilisent pour souligner des éléments spécifiques de ce processus, tels que la règle ejusdem generis citée par TerreStar, ces principes font simplement partie de cette approche plus large et plus fondamentale.
  2. Le Conseil, lorsqu’il a établi ses règles concernant les revenus qui seront pris en compte pour déterminer si les entreprises doivent cotiser au FCN et, le cas échéant, le montant de cette cotisation, s’est appuyé sur la définition figurant dans la Loi. Il s’est notamment référé à l’article 23 de la Loi qui énonce que le « service de télécommunication s’entend du service de télécommunication défini à l’article 2, ainsi que de tout service accessoire à la fourniture de services de télécommunication ».
  3. Le Conseil a déclaré dans l’ordonnance de télécom 2001-288 qu’aux fins du calcul des revenus admissibles à la contribution conformément à la décision de télécom 2000-745, les services qui sont accessoires à l’activité de fournir des services de télécommunication sont des services que le Conseil a considéré ou déterminé comme des services de télécommunication, conformément à l’article 23 de la Loi. En outre, le Conseil avait précédemment déclaré dans l’ordonnance de télécom 2001-221 qu’à son avis, il est conforme aux objectifs de la Loi d’obliger les FST à contribuer au fonds un montant calculé par rapport à leurs revenus provenant des services de télécommunication canadiens, étant donné que le terme est défini à l’article 23 de la Loi.
  4. TerreStar a adopté un point de vue restreint dans l’élaboration de son argumentation et s’est appuyé uniquement sur le paragraphe 2(1) de la Loi pour définir le service de télécommunication. Cette définition ne tient pas compte de l’inclusion dans l’article 23 de « […] ainsi que de tout service accessoire à la fourniture de services de télécommunication ».
  5. En raison de cette interprétation restreinte, TerreStar a donc soutenu que le spectre devrait être considéré comme une installation de télécommunication pour répondre à la définition énoncée dans la Loi aux fins du régime de contribution. TerreStar a ajouté que le spectre ne peut pas être considéré comme une « autre chose » dans le cadre de cette définition, conformément à la règle ejusdem generis.
  6. Toutefois, le Conseil conclut qu’une telle interprétation n’est pas conforme avec une analyse large et intentionnelle qui considère le régime de contribution dans son contexte approprié et complet. En outre, elle n’a pas abordé la définition de service de télécommunication, à l’article 23 de la Loi, qui comprend les services accessoires à la fourniture de services de télécommunication.
  7. L’interprétation des revenus de la vente et de la subordination du spectre utilisé pour des services de télécommunication est conforme aux décisions antérieures du Conseil concernant ce qui peut constituer un service de télécommunication en vertu de l’article 23 de la Loi sur la base du fait qu’il est accessoire à un service de télécommunication en vertu du paragraphe 2(1) de la Loi. Le spectre est une ressource rare, attribuée avec diligence à des fins spécifiques. Les revenus tirés du spectre attribué en vue de fournir des services de télécommunication doivent au moins être accessoires par rapport à l’activité de fourniture de services de télécommunication.
  8. Le Conseil estime que les revenus tirés de la subordination ou de la vente du spectre ne sont pas admissibles à la déduction des revenus tirés de services canadiens autres que de télécommunication. Par conséquent, le Conseil estime également que les paiements effectués à d’autres FST pour l’achat de spectre ou sa sous-location peuvent être déduits en tant que paiements interentreprises.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil refuse la demande de TerreStar et détermine que la vente et la subordination du spectre est un service de télécommunication tel que défini dans la Loi et que, par conséquent, les revenus associés ne peuvent pas être déduits en tant que revenus des services canadiens autres que de télécommunication.
  2. Le Conseil ordonne à TerreStar de déposer des rapports de contribution mensuels révisés auprès du gestionnaire du fonds central au plus tard le 17 juillet 2023.

Secrétaire général

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