Politique réglementaire de télécom CRTC 2017-235

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Référence : Avis de consultation de télécom 2016-333

Ottawa, le 6 juillet 2017

Numéro de dossier : 1011-NOC2016-0333

Pratiques relatives au débranchement entre fournisseurs de services de télécommunication

La disponibilité des services de télécommunication de grande qualité au Canada dépend d’un réseau de fournisseurs de services interconnectés qui travaillent ensemble pour ultimement fournir des services aux clients finals canadiens. Cependant, il arrive que des différends surviennent entre divers fournisseurs de services, ce qui peut entraîner le débranchement d’un service et se répercuter sur les clients finals. Les conclusions de la présente décision contribueront à atténuer les répercussions d’un éventuel débranchement sur les clients finals canadiens.

Le Conseil ordonne aux fournisseurs de services, comme condition pour offrir et fournir tout service de télécommunication, d’aviser les clients finals au moins quatre jours ouvrables avant le débranchement des services de télécommunication d’une entreprise sous-jacente canadienne ou d’une entreprise autre qu’une entreprise de télécommunication dont dépend le fournisseur de services pour fournir des services aux clients finals, et de transmettre une copie de cet avis au Conseil au moment où celui-ci est envoyé aux clients finals.

Le Conseil s’attend à ce que les fournisseurs de services utilisent ses services de règlement des différends formels et informels, au besoin, afin de les aider à collaborer de manière à éviter ou à atténuer les répercussions sur les clients finals.

Introduction

  1. En janvier 2016, un différend en cours entre une entreprise canadienne de télécommunication (telle que définie à l’article 2 de la Loi sur les télécommunications [Loi], aussi connue sous le nom d’entreprise sous-jacente) et une entreprise autre qu’une entreprise de télécommunication (une personne offrant et fournissant des services de télécommunication qui n’est pas une entreprise canadienne, telle que définie à l’article 24.1 de la Loi, aussi connue sous le nom de revendeur) a mené cette entreprise canadienne de télécommunication à cesser de fournir certains services téléphoniques à l’entreprise autre qu’une entreprise de télécommunication. Par conséquent, les services téléphoniques fournis par l’entreprise autre qu’une entreprise canadienne de télécommunication à environ 27 000 Canadiens ont été débranchés durant plusieurs jours sans préavis. Le personnel du Conseil a publié une lettre sur cet incident le 8 juin 2016.
  2. Par la suite, le Conseil a publié l’avis de consultation de télécom 2016-333 dans lequel il a lancé un appel aux observations sur les pratiques de débranchement lorsqu’un fournisseur de services de télécommunication (fournisseur de services)Note de bas de page 1 cesse de fournir des services à un autre fournisseur de services pour des raisons telles que le non-paiement de services rendus. Le Conseil vise à atténuer les répercussions de ces pratiques sur les clients finals, soit les utilisateurs finals des services de télécommunication.
  3. Le Conseil a reçu des interventions des parties suivantes : Bell Canada; Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink (Eastlink); la Canadian Cable Systems Alliance Inc. (CCSA); le Canadian Independent Telephone Company Joint Task Force (JTF); le Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP); la Coalition pour le service 9-1-1 au Québec (Coalition); le Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunications inc. (CPRST); DERYtelecom inc.; Distributel Communications Limited (Distributel); Iristel Inc. (Iristel); la Province de la Colombie-Britannique (C.-B.); Québecor Média inc., au nom de Vidéotron s.e.n.c. (Vidéotron); Rogers Communications Canada Inc. (RCCI); Shaw Cablesystems G.P. (Shaw); la Société TELUS Communications (STC); TBayTel; TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy); et Zayo Canada Inc. (Zayo) [anciennement Allstream Inc.], ainsi que d’un particulier.
  4. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 6 décembre 2016. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Questions

  1. Le Conseil a établi qu’il devait se prononcer sur les questions suivantes dans la présente décision :
    • Le Conseil devrait-il imposer une mesure réglementaire obligeant les fournisseurs de services à aviser leurs clients finals dans l’éventualité où ils reçoivent un avis de débranchement des fournisseurs de services dont ils dépendent pour fournir des services à leurs propres clients finals?
    • Devrait-on imposer un délai minimal pour la transmission d’avis d’intention de débranchement entre les fournisseurs de services?
    • Les fournisseurs de services devraient-ils être tenus d’aviser le Conseil chaque fois qu’ils envoient un avis d’intention de débranchement à d’autres fournisseurs de services?

Le Conseil devrait-il imposer une mesure réglementaire obligeant les fournisseurs de services à aviser leurs clients finals dans l’éventualité où ils reçoivent un avis de débranchement des fournisseurs de services dont ils dépendent pour fournir des services à leurs propres clients finals?

Positions des parties

  1. Bell Canada, Shaw et la STC étaient toutes d’avis qu’aucune nouvelle mesure n’était requise pour protéger les clients finals. Bell Canada a indiqué que l’établissement par le Conseil de nouvelles règles concernant la transmission d’un préavis raisonnable aux clients finals n’empêcherait pas les fournisseurs de services de gros d’exercer leurs droits contractuels.
  2. Distributel a soutenu qu’on pourrait ajouter au contrat des clauses exigeant que le fournisseur de services avise les clients finals qu’il dessert d’un éventuel débranchement, mais qu’un tel avis pourrait inciter les clients finals à annuler massivement leur abonnement auprès du fournisseur de services. De plus, bien que les conséquences d’un débranchement puissent être importantes pour les clients finals, Distributel a indiqué que, selon son expérience, ces situations se produisent peu fréquemment et que, dans la majorité des cas, on peut compter sur les fournisseurs de services pour résoudre les différends de manière à ne pas nuire aux clients finals.
  3. Zayo a indiqué que, si le Conseil détermine que des mesures réglementaires sont requises, elle serait favorable à ce que les fournisseurs de services soient tenus d’aviser leurs clients finals d’un éventuel débranchement.
  4. Bell Canada et la STC ont proposé de nouvelles règles concernant la transmission d’un préavis raisonnable aux clients finals dans l’éventualité où le Conseil serait convaincu que de nouvelles règles sont requises. De plus, d’autres parties ont proposé d’autres nouvelles règles potentielles. Toutes ces propositions sont décrites ci-dessous :
    • Bell Canada a proposé qu’un fournisseur de services ayant reçu un avis de débranchement de 30 jours d’un autre fournisseur de services soit tenu, dans les 14 jours suivant la réception d’un tel avis, de transmettre un avis à ses propres clients finals qui seraient touchés par un éventuel débranchement des services.
    • La Coalition a déclaré que, pour assurer la sécurité de la population canadienne, une obligation devrait être appliquée à tous les services de communication qui permettent : i) aux clients finals de communiquer directement ou indirectement avec les services 9-1-1; ii) aux centres d’appel de la sécurité publique ou à d’autres intervenants d’urgence de rappeler les appelants si la communication est interrompue.
    • Eastlink a indiqué que les entreprises canadiennes de télécommunication ont déjà des modalités de service clairement définies qui décrivent le processus de débranchement pour les clients finals. Elle a ajouté que les revendeurs devraient être assujettis à ces exigences, si ce n’est pas déjà le cas.
    • Iristel a proposé qu’un fournisseur de services qui reçoit un avis de débranchement d’un fournisseur de services en amont soit tenu d’aviser ses clients finals, mais que celui-ci puisse aussi demander au Conseil une renonciation à l’obligation de transmettre un avis raisonnable aux clients finals dans les cinq jours suivant la réception de l’avis de débranchement, si le fournisseur de services démontre au Conseil que le débranchement ne présente aucun risque d’interruption des services pour les clients finals.
    • Le CDIP et la STC ont proposé d’élargir la portée du Code sur les politiques de débranchement et de dépôtNote de bas de page 2, de manière qu’il s’applique aux services de télécommunication autres que les services locaux de base (SLB) de résidence offerts par des entreprises de services locaux (ESL) dans les marchés faisant l’objet d’une abstention de la réglementation, ainsi qu’aux autres fournisseurs de services.
    • Le CDIP a suggéré que les clients finals débranchés continuent d’avoir accès aux services 9-1-1 durant une période de 30 jours suivant la date du débranchement.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Au fil des ans et dans le cadre de plusieurs décisions, le Conseil a exigé, pour certains services de télécommunication, que les fournisseurs de services respectent les exigences relatives aux avis et les délais connexes liés au débranchementNote de bas de page 3 de leurs clients (qui peuvent être des clients finals ou d’autres fournisseurs de services). À l’heure actuelle, ces exigences relatives aux avis et ces délais, comme il est indiqué dans l’avis de consultation de télécom 2016-333 et dans le dossier de la présente instance, sont les suivantes :
    • Les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) sont assujetties aux obligations réglementaires, notamment aux exigences en matière d’avis, au moyen de leurs modalités de service, lorsqu’elles ont l’intention de suspendre ou de résilier des services de télécommunication réglementés fournis à des clients finals ou à d’autres fournisseurs de services. Plus précisément, un avis est généralement requis au moins 30 jours avant la suspension ou la résiliation des services, et au moins 24 heures à l’avance lorsque la suspension ou la résiliation est imminente.
    • Conformément à la décision de télécom 2006-15, les modalités de service des ESLT concernant la suspension ou la résiliation d’un service d’un client s’appliquent également à la prestation de SLB autonomes de résidence dans les circonscriptions faisant l’objet d’une abstention de la réglementation. Au paragraphe 400 de cette décision, le Conseil a indiqué que, dans un marché faisant l’objet d’une abstention, les modalités de service demeureront intégralement en vigueur pour tous les services qui ne sont pas visés par cette instance, y compris les services des concurrents.
    • Les entreprises de câblodistribution, conformément aux tarifs du service d’accès Internet de tiers (AIT)Note de bas de page 4, et les entreprises de services locaux concurrentes (ESLC), conformément au modèle tarifaire pour les ESLCNote de bas de page 5, sont tenues de donner à leurs clients (c.-à-d. les autres fournisseurs de services) un avis de débranchement au moins 30 jours avant la suspension ou la résiliation du service, et au moins 24 heures à l’avance lorsque la suspension ou la résiliation est imminente.
    • Les ESL sont assujetties au Code sur les politiques de débranchement et de dépôt, qui établit les motifs des dispositions relatives au débranchement et aux avis applicables aux SLB de résidence fournis par les ESL dans les marchés faisant l’objet d’une abstention de la réglementation. Selon ce code, régi par le CPRST, un avis doit être donné au moins 14 jours avant le débranchement, et au moins 24 heures à l’avance lorsque le débranchement est imminent.
    • Quant aux fournisseurs de services sans fil, ils sont assujettis aux obligations réglementaires établies dans le Code sur les services sans fil, notamment les exigences en matière d’avis. Le Code sur les services sans fil, comme il est établi plus récemment dans la politique réglementaire de télécom 2017-200, s’applique aux particuliers et aux petites entreprises à titre de clients finals, et est régi par le CPRST. Conformément à ce code, un avis de débranchement doit être donné au moins 14 jours avant le débranchement, et au moins 24 heures à l’avance lorsque le débranchement est imminent.
  2. Cependant, aucune obligation réglementaire n’oblige les fournisseurs de services à aviser leurs propres clients finals si le fournisseur de services duquel ils obtiennent des services cesse la prestation de ces services, même si cette interruption de services est susceptible de toucher directement les clients finals.
  3. Compte tenu de l’importance des services de télécommunication pour la population canadienne, notamment pour ce qui est de la capacité à demander des services d’urgence, s’il existe une possibilité que les clients finals soient privés de services sans que cela soit de leur faute et sans avoir obtenu de préavis à cet égard, le Conseil doit aborder la question en mettant en œuvre une mesure réglementaire pour les avis de débranchement transmis aux clients finals.
  4. Pour être efficace, cette mesure doit s’appliquer à l’offre et à la prestation de tout service de télécommunication par une entreprise canadienne de télécommunication ou une entreprise autre qu’une entreprise de télécommunication aux clients finals qui pourraient être touchés par un débranchement. Ces services comprennent tous les services de télécommunication de détail, comme les services vocaux et Internet.
  5. De plus, lors de la mise en œuvre d’une telle mesure, il faut établir un équilibre approprié entre le moment où l’avis doit être transmis aux clients finals et le moment adéquat pour que les fournisseurs de services résolvent leur différend après avoir reçu l’avis de débranchement afin d’éviter un tel débranchement. Un fournisseur de services pourrait ne pas vouloir transmettre un avis à ses clients (clients finals ou autres fournisseurs de services) peu après avoir reçu un avis de débranchement, sachant que bon nombre de ces clients pourraient utiliser ce temps pour chercher un autre fournisseur de services, alors qu’il pourrait tenter de trouver une solution.
  6. Par conséquent, pour établir l’équilibre entre les intérêts des clients finals et des fournisseurs de services qui ont reçu un avis de débranchement, il conviendrait d’exiger des fournisseurs de services qu’ils envoient à leurs clients finals un avis au moins quatre jours ouvrables avant le débranchement des services de télécommunication. De plus, l’avis aux clients finals devrait préciser les services de télécommunication qui pourraient être touchés par le débranchement, notamment les répercussions sur la capacité des clients finals à joindre les services 9-1-1.
  7. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil impose les obligations suivantes aux entreprises canadiennes de télécommunication et aux entreprises autres que les entreprises de télécommunication, conformément aux articles 24 et 24.1 de la Loi respectivement :
    • Les fournisseurs de services doivent aviser leurs clients finals au moins quatre jours ouvrables avant le débranchement des services de télécommunication par une entreprise sous-jacente canadienne ou une entreprise autre qu’une entreprise de télécommunication dont dépend le fournisseur pour fournir des services à ces clients finals;
      • l’avis doit décrire les services de télécommunication qui pourraient être touchés par le débranchement, notamment les répercussions sur la capacité des clients finals à joindre les services 9-1-1;
      • une copie de l’avis aux clients finals doit être envoyée au Conseil au même moment où l’avis est transmis aux clients finals.
  8. Cet avis permettra aux clients finals d’examiner les options de service auprès d’autres fournisseurs de services. De plus, l’obligation de fournir au Conseil une copie des avis transmis aux clients finals permettra à ce dernier de répondre aux éventuelles questions des clients finals et de faciliter leur transition vers un autre fournisseur de services, au besoin.
  9. Tout défaut de respecter cette nouvelle obligation d’informer les clients finals constituera une violation qui pourrait se traduire par l’imposition d’une mesure réglementaire, comme des sanctions administratives pécuniaires (SAP)Note de bas de page 6. Lorsqu’il examine des cas de non-conformité, le Conseil tiendra compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment si les renseignements sur l’éventuel débranchement potentiel ont été transmis rapidement entre les fournisseurs de services participant à la prestation des services qui sont ultimement fournis aux clients finals.
  10. Par souci de clarté, les obligations en vertu des articles 24 et 24.1 susmentionnées traitent de situations dans lesquelles les clients finals pourraient être privés de services sans que cela soit de leur faute, mais plutôt en raison d’un éventuel débranchement entre leur fournisseur de services et une entreprise sous-jacente canadienne ou une entreprise autre qu’une entreprise de télécommunication dont dépend leur fournisseur pour fournir des services. En revanche, les modalités de service, le Code sur les politiques de débranchement et de dépôt et les autres mesures réglementaires existantes demeurent pleinement en vigueur et traitent de situations où les clients, y compris les clients de services de résidence, d’entreprise ou de gros, sont débranchés, par exemple parce qu’ils ont négligé de payer pour les services fournis ou qu’ils ont violé les modalités en vertu desquelles les services sont fournis.
  11. Pour ce qui est des autres propositions présentées par plusieurs parties, la preuve au dossier de la présente instance n’est pas suffisante pour : i) étendre le Code sur les politiques de débranchement et de dépôt aux autres services de télécommunication et aux autres fournisseurs de services; ii) imposer aux revendeurs des modalités de service qui décrivent le processus de débranchement pour les clients finals; iii) autoriser une renonciation à l’obligation de transmettre un avis raisonnable aux clients finals.
  12. Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle les clients doivent continuer d’avoir accès aux services 9-1-1 durant une période de 30 jours suivant la date du débranchement, comme il a été mentionné précédemment, le Conseil a souligné l’importance des services 9-1-1 en exigeant que les clients finals soient informés des répercussions possibles du débranchement de leurs services sur les services 9-1-1.

Devrait-on imposer un délai minimal pour la transmission d’avis d’intention de débranchement entre les fournisseurs de services?

Positions des parties

  1. Bell Canada, Eastlink, RCCI, Shaw et Zayo ont indiqué qu’il n’était pas nécessaire d’imposer de nouvelles obligations réglementaires en ordonnant l’inclusion d’exigences dans les contrats entre fournisseurs de services pour les motifs suivants :
    • les dispositions relatives aux avis constituent une pratique commerciale courante pour la prestation des services faisant l’objet d’une abstention de la réglementation, et le libre jeu du marché est suffisant pour s’assurer qu’un avis d’intention de débranchement approprié est transmis entre les fournisseurs de services;
    • le différend à l’origine de la publication de l’avis de consultation de télécom 2016-333 était heureusement un cas rare et inusité. Il ne devrait pas servir de fondement pour imposer de nouvelles exigences réglementaires aux fournisseurs de services de gros, car le fournisseur de services de gros visé par le différend avait donné un avis au revendeur, mais ce dernier n’avait pris aucune mesure immédiate pour réduire au minimum les risques de débranchement et les répercussions sur ses clients finals;
    • de nouvelles obligations réglementaires réduiraient la capacité d’un fournisseur de services à exécuter son contrat.
  2. Le CPRST a décrit quatre situations de débranchement qui ont été portées à son attention depuis 2013. Il a indiqué que dans ces situations, sa capacité à aider les clients de détail était limitée, car il n’était pas habilité à résoudre les problèmes entre fournisseurs de services.
  3. La CCSA et le JTF ont indiqué que l’introduction d’une nouvelle réglementation à l’échelle de l’industrie ne serait pas efficace ni adaptée à l’objectif d’une telle réglementation, et que les problèmes devraient être réglés au cas par cas.
  4. La C.-B., le CDIP, Distributel, Iristel, la STC, TekSavvy et Vidéotron se sont dits en faveur de l’imposition, par le Conseil, d’une obligation prévoyant que les contrats de services de télécommunication entre deux fournisseurs de services indiquent le délai minimal pour la transmission d’avis d’intention de débranchement.
  5. Distributel a indiqué qu’il devrait y avoir des circonstances dans lesquelles un débranchement sans préavis serait autorisé, par exemple pour se protéger contre un préjudice au réseau, dans les cas où il y a des motifs raisonnables de suspecter une activité frauduleuse, ou au besoin à la demande d’une autorité publique compétente.
  6. Iristel a fait valoir que le Conseil devrait éviter de prendre des décisions qui exigeraient que les fournisseurs de services modifient leurs accords contractuels existants.
  7. Le CDIP a indiqué que le préjudice causé aux clients finals à la suite du différend à l’origine de la publication de l’avis de consultation de télécom 2016-333 aurait pu être évité si le revendeur s’était conformé aux articles 3.1 à 3.7 du Code sur les politiques de débranchement et de dépôt.
  8. La STC a fait valoir que toute nouvelle obligation devrait être mise en œuvre d’une manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence à l’échelle de toutes les entreprises de télécommunication canadiennes et des revendeurs, conformément aux InstructionsNote de bas de page 7.
  9. TekSavvy a indiqué qu’une exigence prévoyant un avis de 30 jours permettrait de simplifier et de normaliser la gamme de dispositions réglementaires dont le libellé est semblable.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Pour ce qui est des services que le Conseil s’abstient de réglementer, aucun délai n’est prévu pour la transmission d’avis de débranchement entre les fournisseurs de services, comme c’est le cas pour les services réglementés (c.-à-d. les exigences en matière d’avis établies dans les modalités de service des ESLT, les tarifs du service AIT et le modèle tarifaire pour les ESLC [voir le paragraphe 10 ci-dessus]). Selon le dossier de la présente instance, il semble que les contrats commerciaux actuels entre les fournisseurs de services pour des services faisant l’objet d’une abstention traitent des périodes d’avis de débranchement (habituellement 30 jours).
  2. La preuve au dossier de la présente instance démontre que les pratiques contractuelles existantes entre les fournisseurs de services découlent de l’envoi d’un avis approprié à propos du débranchement. De plus, certains mémoires des parties jettent le doute sur la pertinence d’une nouvelle exigence en matière d’avis applicable à tous dans certaines situations (p. ex. dans les régions éloignées ou dans les cas où un certain nombre d’entreprises autres que des entreprises de télécommunication font partie d’une chaîne). Il ne serait pas pratique pour le Conseil d’imposer des exigences adaptées à chaque situation.
  3. Compte tenu de ce qui précède, il ne serait pas approprié ni nécessaire pour le Conseil d’imposer une obligation réglementaire aux contrats de services de télécommunication conclus entre les fournisseurs de services afin d’inclure un délai minimal pour les avis d’intention de débranchement.

Les fournisseurs de services devraient-ils être tenus d’aviser le Conseil chaque fois qu’ils envoient un avis d’intention de débranchement à d’autres fournisseurs de services?

Positions des parties

  1. Bell Canada, Distributel, Eastlink, RCCI, Shaw, Vidéotron et Zayo étaient toutes d’avis que l’imposition d’une obligation d’aviser le Conseil d’une intention de débrancher les services d’un autre fournisseur de services n’était pas nécessaire ni appropriée. Bell Canada a fait valoir que, dans la grande majorité des cas, les avis de débranchement n’entraînaient pas en fait le débranchement des services d’un fournisseur de services, mais incitaient plutôt d’autres réponses, comme le paiement en règle des comptes en souffrance.
  2. Distributel a soutenu qu’un fournisseur de services envisageant de résilier des services ne prendra pas la décision à la légère, et qu’il attendra d’avoir épuisé toutes les autres options pour tenter de résoudre le différend.
  3. RCCI, appuyée par TBayTel, a indiqué qu’il est fréquent qu’un fournisseur de services envoie plusieurs avis d’intention de suspendre ou de débrancher un service et qu’il s’agit là d’une pratique courante, en particulier pour les problèmes de factures impayées.
  4. Vidéotron a indiqué qu’un fournisseur de services ayant reçu un avis de débranchement pourrait abuser de l’exigence d’aviser le Conseil d’une intention de débranchement comme moyen de retarder le débranchement.
  5. Zayo a soutenu qu’un fournisseur de services avec un problème d’encaisse ou des pratiques commerciales sans scrupules pourrait tirer avantage d’une telle exigence, et qu’au lieu d’assurer la continuité des services aux clients finals, cette exigence transférerait simplement le risque et le fardeau financiers aux fournisseurs de services en amont qui offrent les services susceptibles d’être débranchés.
  6. La STC, appuyée par TBayTel, a indiqué que toute exigence en matière d’avis concernant le débranchement de services de gros devrait permettre au Conseil de répondre aux demandes de renseignements des clients finals et de mettre à la disposition des fournisseurs de services et des clients finals des outils afin de trouver un nouveau fournisseur de servicesNote de bas de page 8.
  7. La C.-B. a soutenu que dans les cas où d’autres fournisseurs de services sont disponibles, un avis de débranchement raisonnable transmis aux clients finals devrait être suffisant pour permettre aux clients de prendre des dispositions pour obtenir les services d’un autre fournisseur.
  8. Le CDIP, la Coalition et Iristel ont indiqué que les fournisseurs de services devraient être tenus d’aviser le Conseil d’une intention de débranchement.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Selon le dossier de la présente instance, les fournisseurs de services envoient de nombreux avis de débranchement à d’autres fournisseurs de services, mais peu d’avis entraînent une résiliation ou une suspension réelle du service offert aux clients finals. Dans certains cas, les avis de débranchement semblent servir principalement de catalyseurs pour régler les problèmes commerciaux entre fournisseurs de services. Par conséquent, il n’y a pas de répercussions sur les clients finals en règle générale.
  2. Par conséquent, le Conseil n’est pas convaincu que tous les fournisseurs de services tireraient un avantage public clair de la transmission d’un avis au Conseil chaque fois qu’un autre fournisseur envoie un avis d’intention de débranchement.
  3. Au besoin, le Conseil est en mesure de régler les différends entre fournisseurs de services, même s’il n’est pas informé du différend au moment où un avis de débranchement est envoyé par un fournisseur de services à un autre.
  4. Comme on l’a mentionné précédemment, le Conseil a imposé une exigence obligeant les entreprises canadiennes de télécommunication ou les entreprises autres que les entreprises de télécommunication à lui transmettre une copie de l’avis envoyé aux clients finals au moins quatre jours ouvrables avant un éventuel débranchement. Cette mesure met suffisamment l’accent sur l’avis aux clients finals et permet de s’assurer que le Conseil dispose des renseignements pertinents pour aider le client à examiner les options en matière de services.
  5. Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire que le Conseil impose une exigence réglementaire afin que les fournisseurs de services l’avisent chaque fois qu’ils envoient un avis d’intention de débranchement à d’autres fournisseurs de services.
  6. Le Conseil s’attend toutefois à ce que les parties envisagent de recourir à la médiation assistée par le personnel du Conseil lorsqu’un débranchement touchant les clients finals constitue une réelle possibilitéNote de bas de page 9. Cette médiation permettrait au personnel du Conseil (et au Conseil lui-même, au besoin) : i) d’aider les parties à trouver une solution pour prévenir l’interruption des services offerts aux clients finals; ii) d’atténuer les répercussions d’un éventuel débranchement sur les clients finals; iii) de répondre aux demandes de renseignements des clients finals.

Instructions

  1. Les Instructions prévoient que, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi, le Conseil doit mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux alinéas 1a), 1b) et 1c) des Instructions.
  2. Le Conseil estime que les mesures réglementaires établies dans la présente décision contribuent à l’atteinte des objectifs des Instructions. Plus précisément, elles sont efficaces et proportionnelles à leur but et ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans la mesure minimale afin d’atteindre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément au sous-alinéa 1a)(ii) des Instructions. Plus précisément, les obligations des entreprises canadiennes ou des entreprises autres que les entreprises de télécommunication d’aviser leurs clients finals si le fournisseur auprès duquel ils obtiennent des services cesse de fournir ces services aideront à s’assurer que les clients finals sont informés d’une interruption potentielle des services, y compris la perte éventuelle des services 9-1-1.
  3. Conformément au sous-alinéa 1b)(i) des Instructions, le Conseil estime que les mesures réglementaires établies dans la présente décision contribuent à l’atteinte des objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7a), 7b), 7c) et 7f) de la LoiNote de bas de page 10.
  4. Enfin, conformément au sous-alinéa 1b)(iii) des Instructions, les mesures réglementaires établies dans la présente décision sont, dans toute la mesure possible, symétriques et neutres sur le plan de la concurrence. Plus précisément, les mesures réglementaires s’appliquent directement à toutes les entreprises canadiennes de télécommunication et les entreprises autres que les entreprises de télécommunication qui offrent et fournissent des services de télécommunication.

Secrétaire générale

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