ARCHIVÉ -  Décision Télécom CRTC 94-22

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Décision Télécom

Ottawa, le 4 novembre 1994
Décision Télécom CRTC 94-22
VILLE DE CALGARY - REQUÊTE EN RÉVISION ET MODIFICATION DES DÉCISIONS TÉLÉCOM CRTC 93-9 ET 93-18
I HISTORIQUE
Avant le 4 octobre 1990, le service téléphonique en Alberta était fourni par l'Alberta Government Telephones Commission (l'AGT Commission). Cette dernière était une société d'État et, à ce titre, elle n'était tenue de verser aucun impôt fédéral ou provincial. Cela étant, elle ne s'était jamais prévalue de la déduction pour amortissement (DPA).
Le 4 octobre 1990, après la réorganisation et la privatisation de l'AGT Commission, la plupart des activités et des éléments d'actif téléphoniques ont été transférés à l'AGT Limited (l'AGT), filiale de la Telus Corporation (la Telus), qui est alors devenue du ressort du Conseil.
En vue de la réorganisation et de la privatisation de l'AGT Commission, le gouvernement de l'Alberta a obtenu de Revenu Canada une Décision anticipée en matière d'impôt sur le revenu qui permet effectivement à la Telus et à ses filiales (y compris l'AGT) de réclamer comme coût en capital non amorti, aux fins de l'impôt, le coût original de l'actif transféré de l'AGT Commission. Selon les estimations de l'AGT, son actif amortissable avait, à ce moment-là, une assiette d'imposition d'environ 4 milliards de dollars au 4 octobre 1990, soit une somme sensiblement supérieure à la valeur comptable (nette) de l'actif (quelque 2,2 milliards de dollars). La partie additionnelle de la DPA disponible de l'excédent du coût original par rapport à la valeur comptable nette de l'actif au moment de la privatisation crée des déductions d'impôt supplémentaires (DIS) d'environ 1,8 milliard de dollars. D'après l'AGT également, un certain nombre de transactions se rapportant à la privatisation et à ses activités, tant avant qu'après la privatisation, devraient créer d'autres DIS de quelque 0,7 milliard de dollars, pour un total de DIS d'environ 2,5 milliards de dollars.
Dans la décision Télécom CRTC 93-9 du 23 juillet 1993 intitulée AGT - Questions relatives aux impôts sur les bénéfices de la société (la décision 93-9), le Conseil a établi, en autres choses, que les DIS constituaient un élément d'actif de service public et que le montant de 183 millions de dollars représentant le droit de l'actionnaire au titre des DIS ne serait pas déraisonnable. Il a accepté le montant de 183 millions de dollars comme droit maximum de l'actionnaire, sous réserve du règlement de certaines questions juridiques touchant celle de savoir si le recouvrement de la totalité des 183 millions de dollars constituerait d'une certaine façon une tarification rétrospective.
Dans la décision Télécom CRTC 93-18 du 29 octobre 1993 intitulée AGT Limited - Besoins en revenus pour 1993 et 1994 (la décision 93-18), le Conseil a conclu qu'un recouvrement intégral du droit de l'actionnaire n'entraînerait pas de tarification rétrospective et que le montant définitif du droit de l'actionnaire serait fixé à 183 millions de dollars.
Dans une lettre datée du 4 mars 1994, la ville de Calgary (Calgary) a déposé une requête, conformément à l'article 62 de la Loi sur les télécommunications (la Loi), demandant que le Conseil révise et modifie des parties des décisions 93-9 et 93-18. Plus particulièrement, Calgary a demandé que le Conseil (1) modifie la décision 93-9 dans la mesure où elle se rapporte au droit de l'actionnaire; (2) fournisse les raisons de sa décision concernant l'établissement du droit de l'actionnaire dans la décision 93-9 ainsi que de sa requête en révision et modification; et (3) modifie la décision 93-18 pour éliminer le droit de l'actionnaire qui doit être recouvré dans les tarifs pour 1994 et(ou) les années subséquentes.
Les critères dont le Conseil se sert pour décider s'il y a lieu de réviser et modifier ses décisions en matière de télécommunications (voir la décision Télécom CRTC 79-1 du 2 février 1979) exigent que, pour que le Conseil puisse exercer ses pouvoirs en vertu de l'article 62, la requérante doit démontrer qu'il existe, prima facie, un ou plusieurs des critères suivants :
(1) une erreur de droit ou de fait;
(2) une modification fondamentale des circonstances ou des faits depuis la décision;
(3) le défaut de considérer un principe de base qui a été soulevé au cours de la procédure initiale;
(4) un nouveau principe découlant de la décision.
En outre, nonobstant l'absence de preuve, prima facie, qu'un des critères susmentionnés n'ait été satisfait, il serait également possible au Conseil de déterminer qu'il y a un doute réel quant à la rectitude de sa décision originale et qu'en conséquence, une réévaluation est légitime. Ce n'est pas là cependant un cinquième critère, mais plutôt un état du pouvoir discrétionnaire résiduel conféré au Conseil en vertu de l'article 62 de la Loi.
Calgary a basé sa requête sur les motifs suivants :
(1) le Conseil a commis une erreur de droit ou de fait en agréant la demande de traitement confidentiel de l'AGT en ce qui concerne les renseignements déposés dans l'instance qui a abouti à la décision 93-9, alors que rien n'indiquait dans le dossier public ou ne visait à indiquer que la divulgation causerait un préjudice particulier à l'AGT;
(2) le Conseil a commis une erreur de droit ou de fait en ne donnant aucune raison ou en n'en donnant pas suffisamment pour permettre aux parties de comprendre la justification de la décision 93-9, en particulier au sujet de la décision voulant que le droit maximum de l'actionnaire de l'AGT (la Telus) soit fixé à 183 millions de dollars;
(3) le Conseil n'a pas considéré certains principes financiers lorsqu'il a comparé le droit de 183 millions de dollars de l'actionnaire aux 2,5 milliards de dollars de DIS;
(4) le Conseil a dérogé aux concepts de base de la réglementation des services publics lorsqu'il a établi que les DIS étaient un élément d'actif de service public, mais que l'actionnaire devrait recevoir une compensation en plus de ce que prévoit la méthode des besoins en revenus/coût du service utilisée dans la réglementation des services publics; et
(5) en concluant que l'actionnaire avait droit à 183 millions de dollars des DIS, le Conseil n'a tenu compte ni de l'ensemble de la preuve ni de l'incidence d'autres décisions prises dans la décision 93-9.
L'AGT a répondu à la requête de Calgary le 4 avril 1994. Calgary a déposé sa réplique le 18 avril 1994.
II QUESTIONS
A. Déni de justice naturelle
Calgary a fait valoir que le Conseil avait erré et qu'elle était victime d'un déni de justice naturelle de la part du Conseil qui a agréé à la demande de l'AGT visant à faire traiter à titre confidentiel une grande partie du dossier de l'instance qui a abouti à la décision 93-9. Elle a soutenu que le très grand recours à des documents confidentiels a rendu sa participation dans l'instance publique sensiblement moins efficace. Elle a ajouté que le Conseil lui a refusé l'occasion de connaître, officiellement, les raisons de la demande de l'AGT, ce qui est contraire à l'article 19 des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications (les Règles).
L'AGT a fait remarquer que lors d'une réunion officieuse avec Calgary, elle lui a donné les raisons pour lesquelles elle demandait un traitement confidentiel. Elle a souligné que le Conseil a constamment révisé ses procédures spécifiquement pour tenir compte des préoccupations de Calgary concernant la confidentialité et qu'en fait, il a infirmé plusieurs de ses décisions relatives au traitement confidentiel en faveur d'une divulgation. Elle a précisé que, des quatre réponses aux demandes de renseignements touchant la question du droit de l'actionnaire qui ont été déposées à titre confidentiel, deux n'ont fait l'objet d'aucune demande de divulgation de la part de Calgary, tandis que les deux autres n'ont fait l'objet que d'une demande de divulgation partielle de la part du Conseil. En outre, l'AGT a réfuté l'affirmation de Calgary selon laquelle le défaut de verser une demande de traitement confidentiel au dossier peut être considéré comme une erreur de droit.
En réplique, Calgary a désapprouvé la référence aux discussions informelles faite par l'AGT. Elle a déclaré que même si elle a été mise au courant de la position de l'AGT à la réunion officieuse, elle n'était pas d'accord avec l'opinion voulant que les renseignements ne pouvaient être versés au dossier public. Elle a en outre fait remarquer qu'elle ne savait pas si le Conseil s'était basé sur des renseignements confidentiels dans sa décision, étant donné qu'à son avis, rien n'indiquait dans ni l'une ni l'autre des deux décisions qu'il s'était effectivement appuyé sur ces renseignements.
Le Conseil fait observer qu'il a le droit de s'appuyer sur des renseignements confidentiels pour prendre ses décisions, sous réserve qu'il tienne compte des demandes de traitement confidentiel. La préoccupation de Calgary, à savoir qu'elle a été victime d'un déni de justice naturelle (c.-à-d., qu'elle a été empêchée de participer efficacement à l'instance publique) à cause de l'utilisation de renseignements confidentiels, doit être évaluée par rapport au pouvoir législatif qu'a le Conseil (en vertu de la Loi sur les chemins de fer, à la date de l'instance), de garder confidentiels certains renseignements.
Les Règles stipulent que, quand une demande de traitement confidentiel est contestée, le document doit être versé au dossier public lorsque le Conseil estime qu'aucun préjudice direct n'est susceptible de résulter de la divulgation, ou lorsque ce préjudice direct est démontré qu'il ne l'emporte pas sur l'intérêt public de la divulgation du document. Si le Conseil juge qu'un préjudice direct particulier résultera probablement de la divulgation, il peut (entre autres choses) ordonner que le document confidentiel ne soit pas versé au dossier public.
Quand il a examiné les demandes de traitement confidentiel de l'AGT dans l'instance qui a abouti à la décision 93-9, le Conseil a conclu que verser au dossier public les renseignements qui font l'objet de la requête de Calgary causerait un préjudice direct particulier à l'AGT qui l'emporterait sur l'intérêt public de la divulgation. Il fait en outre remarquer que presque tous les renseignements concernant le droit de l'actionnaire ont été versés au dossier public.
Pour ce qui est de l'argument de Calgary selon lequel elle n'a pas pu connaître, officiellement, les raisons de la demande de traitement confidentiel de l'AGT, le Conseil souligne qu'il s'agit d'un cas exceptionnel, étant donné qu'inclure les raisons de la demande dans le dossier aurait causé à l'AGT un préjudice direct spécifique qui l'aurait emporté sur l'intérêt public de la divulgation.
À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut qu'il n'a pas commis d'erreur de droit ou que Calgary n'a pas été victime d'un déni de justice naturelle de sa part parce qu'il a agréé la demande de traitement confidentiel de l'AGT ou qu'il n'a pas inclus dans le dossier public les raisons de la demande de l'AGT.
B. Défaut de fournir les raisons
Calgary a reconnu qu'en vertu de la Loi, le Conseil n'est pas tenu de fournir les raisons. Toutefois, a-t-elle affirmé, qu'il s'agisse des tribunaux ou que ce soit dans les textes législatifs ou dans l'expression de la politique de réglementation, il a été maintes fois répété qu'il était souhaitable de le faire. Elle a en outre soutenu que les Règles, y compris les objectifs des Règles, exigent que l'on donne toutes les raisons afin de permettre aux intervenants et au public de participer de façon informée aux instances du Conseil.
Calgary a affirmé que le Conseil peut avoir jugé qu'il expliquait en partie son raisonnement dans sa décision 93-9 en citant de nouveau les arguments de l'AGT à l'égard du supplément de 183 millions de dollars et en acceptant ensuite les 183 millions comme n'étant pas déraisonnables. Toutefois, comme elle l'a fait remarquer, le Conseil a spécifiquement nié, antérieurement, avoir adopté la méthode du supplément pour calculer le droit de l'actionnaire (à la page 37 de la décision 93-18).
Selon l'AGT, la plupart des sources de référence citées par Calgary comme appuyant la justification des décisions ne s'appliquaient pas au Conseil. Quoi qu'il en soit, elle a fait valoir que les raisons fournies dans la décision 93-9 atteignent effectivement les objectifs cités par ces sources. Elle a déclaré que, si la décision 93-9 n'était pas suffisante, l'instance qui a abouti à la décision 93-18 et la décision 93-18 elle-même clarifiaient le fait que le paiement d'un supplément n'était pas un facteur déterminant dans l'établissement du quantum du droit de l'actionnaire. Elle a également soutenu que, contrairement à ce que Calgary affirme, un tribunal n'est pas tenu d'expliciter par écrit chaque élément constituant d'une conclusion, pour subordonné qu'il soit, qui conduit à une conclusion finale, et encore moins de préciser la preuve qui l'a aidé à rendre son jugement.
De l'avis du Conseil, ce motif particulier n'est pas un fait, mais strictement une question de droit. Il fait remarquer qu'il n'est nullement tenu de motiver ses décisions. En outre, les tribunaux ont déclaré que, même lorsqu'il a le devoir de donner des raisons, le tribunal n'est pas tenu de traiter chaque argument particulier soulevé par les parties ou de stipuler quelle preuve examinée l'a aidé dans ses délibérations.
Quoi qu'il en soit, aux pages 26 et 27 de la décision 93-9, le Conseil a donné la justification du droit de l'actionnaire et du montant permis. De plus, dans la décision 93-18, il a souligné que le droit de l'actionnaire n'a pas été basé sur le paiement d'un supplément.
À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut qu'il n'a pas commis d'erreur de droit en ce qui concerne les raisons fournies dans la décision 93-9.
C. Défaut de considérer certains principes financiers
Calgary a soutenu qu'en comparant le droit de 183 millions de dollars de l'actionnaire aux 2,5 milliards de DIS, le Conseil n'a pas tenu compte du fait :
(1) que les DIS sont des déductions et non pas des économies d'impôt, tandis que le droit que reçoit l'actionnaire est net d'impôt;
(2) que les DIS risquent d'être rajustées par suite de réévaluations, de sorte que les 2,5 milliards de dollars sont le montant maximum possible, tandis que le droit de l'actionnaire n'est pas soumis à un tel risque si les DIS n'égalent pas le montant maximum; et
(3) qu'il faudra de nombreuses années aux abonnés pour pouvoir réaliser des économies d'impôt ultimes provenant des DIS, alors que le droit de l'actionnaire a été fixé au moment où la décision 93-9 a été rendue et qu'une compensation doit être versée à l'actionnaire sous forme d'intérêt pour les bénéfices qu'il tarderait à réaliser sur ce droit.
De l'avis de Calgary, lorsqu'il a décidé que le droit de l'actionnaire de 183 millions de dollars n'était pas déraisonnable en comparaison des 2,5 milliards de dollars des DIS, le Conseil n'a tenu compte ni de la valeur temporelle de l'argent ni de la probabilité que les DIS soient recouvrées. Elle a fait remarquer que les DIS sont des déductions et non pas des économies d'impôt et que les 2,5 milliards de dollars seraient le montant maximum des DIS, s'il n'y a pas réévaluation. Elle a déclaré qu'il faudra de nombreuses années aux abonnés pour pouvoir profiter des DIS et que les DIS pourraient être rajustées par suite de réévaluations. L'AGT, cependant, profiterait du droit de l'actionnaire presque immédiatement, étant donné que (conformément à la décision 93-18), elle recevrait un rendement sur le droit de l'actionnaire au taux de la dette à long terme et serait ainsi compensée pour la réception tardive du montant intégral du droit. Elle a ajouté que le fait que le Conseil n'a pas tenu compte du principe financier de base, de la valeur temporelle de l'argent et de la différence entre des déductions d'impôt et un montant reçu net d'impôt indique qu'il existe un doute réel quant à la rectitude de la décision 93-9.
Calgary a également affirmé que la preuve dans l'instance qui a abouti à la décision 93-9 indiquait que les DIS ont une valeur actualisée nette (VAN) maximum de 532 millions de dollars pour les abonnés (en supposant que l'utilisation est maximum et qu'il n'y a pas réévaluation) et que le droit de l'actionnaire a une VAN de 183 millions de dollars. Comme la décision du Conseil n'assujettissait pas le droit de l'actionnaire à un rajustement par suite de réévaluations, les abonnés assument le risque associé à la réalisation des économies d'impôt d'une VAN de 532 millions de dollars.
Calgary a fait valoir que le Conseil a commis une erreur en omettant apparemment de tenir compte du fait que la valeur pour les abonnés des DIS en termes équivalant au droit de l'actionnaire n'était pas de 2,5 milliards de dollars, mais plutôt les DIS rajustées aux fins de réévaluations probables, d'économies d'impôt et de la valeur temporelle de l'argent. Elle a ajouté que la preuve relative aux réévaluations probables ainsi que le montant des DIS rajustées pour fins de réévaluations probables indiquent que le droit de l'actionnaire était supérieur à 60 % de la VAN des économies d'impôt provenant des DIS. Voilà pourquoi Calgary a jugé déraisonnable le droit de l'actionnaire. À son avis, on demande aux abonnés de payer à l'actionnaire une valeur actualisée de 183 millions de dollars pour avoir l'occasion, en supposant qu'il n'y a pas réévaluation ou rajustement, de recevoir une VAN maximum de 532 millions de dollars (non pas de 2,5 milliards de dollars) en économies d'impôt provenant des DIS.
L'AGT a examiné l'argument de Calgary selon lequel le Conseil n'a pas considéré les principes financiers comme relevant du critère du défaut de considérer un principe de base soulevé dans l'instance initiale. Elle a précisé que tous les principes financiers soulevés dans la requête de Calgary ont été longuement débattus et qu'ils ont été examinés antérieurement par le Conseil. Elle a ajouté que le Conseil savait pertinemment que les DIS devaient être multipliées par le taux d'imposition des bénéfices de la compagnie pour être comparées au droit de 183 millions de dollars de l'actionnaire.
L'AGT a signalé que son analyse dans la pièce 6 qu'elle a déposée dans l'instance qui a abouti à la décision 93-9 (en réponse à la demande que le Conseil lui avait faite d'établir une comparaison entre les DIS et le droit de l'actionnaire) révèle que la VAN du droit de l'actionnaire serait de 130 millions de dollars, contre une VAN totale des DIS de 603,4 millions de dollars (c.-à-d., 21,5 %). Comme le calcul dans la pièce 6 de l'AGT est basé sur un montant de 207,3 millions de dollars (par opposition à 183 millions de dollars), l'AGT a fait valoir que les abonnés profiteront encore plus de la décision 93-9 qu'elle ne l'a démontré dans la pièce 6.
L'AGT a en outre souligné que Calgary avait tort de déclarer que la VAN de 2,5 milliards de dollars de DIS n'est que de 532 millions de dollars. Elle a déclaré que la preuve dans l'instance initiale indiquait clairement que ce montant de 532 millions de dollars exclut toutes les DIS utilisées pour réduire les tarifs des abonnés avant 1993. Elle a soutenu que l'omission par Calgary des DIS utilisées avant 1993 est très trompeuse. De plus, les principes financiers cernés par Calgary sont une répétition de l'argument et des questions dont le Conseil a été saisi antérieurement.
Calgary a répliqué qu'elle ne cherchait ni à remettre la question en litige ni à plaider de nouveau sur ce sujet, mais qu'elle tentait de souligner les faits ou positions qui ont été présentés au Conseil mais dont celui-ci ne semble pas avoir tenu compte dans la décision 93-9, étant donné que, de l'avis de Calgary, le fait de les prendre en compte aurait donné lieu à une discussion dans la décision 93-9 ainsi qu'à une conclusion différente.
Calgary a déclaré qu'on ne savait pas clairement si le montant de 532 millions de dollars incluait ou excluait des montants réclamés avant 1993. Elle a fait savoir que l'AGT a admis qu'une réévaluation par Revenu Canada était probable, et que, compte tenu de cette très forte probabilité, la VAN des DIS était sans doute inférieure à 532 millions de dollars.
Calgary a affirmé qu'avant la décision 93-9, les abonnés bénéficiaient de tous les avantages et assumaient tous les risques associés aux DIS. Elle a précisé qu'après la décision 93-9, une partie des avantages est revenue à l'actionnaire de l'AGT, mais que les abonnés continuaient d'assumer la totalité des risques.
Le Conseil souligne que le fait que les DIS soient des déductions d'impôt (non pas des économies d'impôt), alors que le droit de l'actionnaire est net d'impôt, était très évident dans le dossier de l'instance qui a abouti à la décision 93-9. Il en a donc tenu compte lorsqu'il a rendu sa décision dans cette instance.
Pour ce qui est de la crainte de Calgary qu'il faille de nombreuses années aux abonnés pour pouvoir réaliser les économies d'impôt ultimes provenant des DIS, alors que l'actionnaire doit être compensé sous forme d'intérêt pour les bénéfices qu'il tarderait à recevoir, le Conseil fait observer que la question du recouvrement du droit de l'actionnaire a été examinée dans la décision 93-18. Dans cette décision, il a déclaré que, même si le droit de l'actionnaire est fonction du montant total des DIS, il n'est pas lié à une année en particulier. Il a considéré le droit de l'actionnaire, qui n'existait pas avant la publication de la décision 93-9, comme une obligation ou un élément de passif que l'actionnaire doit recouvrer auprès des abonnés par l'entremise des tarifs. Comme tel, il n'est pas nécessaire que le droit de l'actionnaire soit recouvré au cours de la même période pendant laquelle des économies d'impôt seront réalisées.
Dans la décision 93-18, le Conseil a établi un calendrier de recouvrement du droit de l'actionnaire qui n'entraînerait pas de fortes fluctuations tarifaires au cours de la période d'amortissement et qui garantirait que le droit de l'actionnaire est recouvré sur une période raisonnable. Comme il n'était pas possible de recouvrer auprès des abonnés l'élément de passif en une seule année, le Conseil a jugé dans la décision 93-18 que l'actionnaire devait recevoir un rendement équivalant au taux obligataire à long terme sur le solde impayé du droit de l'actionnaire.
À la lumière de ce qui précède, le Conseil rejette les arguments de Calgary à l'égard des points (1) et (3) susmentionnés. Toutefois, il estime que le deuxième point de Calgary est fondé, c.-à-d. que les DIS (2,5 milliards de dollars) risquent d'être réévaluées, ce qui n'est pas le cas du droit de l'actionnaire.
Dans la décision 93-9, à cause de l'ampleur des DIS (estimées à 2,5 milliards de dollars), le Conseil a accepté le montant de 183 millions de dollars comme le droit maximum de l'actionnaire, sous réserve du règlement de certaines questions juridiques. Dans la décision 93-18, après avoir examiné les questions juridiques, le Conseil a décidé de fixer "à 183 millions de dollars le montant définitif du droit de l'actionnaire". Dans ni l'une ni l'autre des décisions, le Conseil n'a lié explicitement le droit de l'actionnaire au montant des DIS qui serait permis en bout de ligne par Revenu Canada.
Toutefois, lorsqu'il a établi le droit de l'actionnaire dans la décision 93-9 et qu'il a fixé le montant définitif dans la décision 93-18, le Conseil voulait que les abonnés conservent un pourcentage sensiblement plus élevé des avantages associés aux DIS. Tel qu'indiqué dans l'instance qui a abouti à la décision 93-9, le montant des DIS peut ne pas être finalisé avant plusieurs années à cause de réévaluations possibles par Revenu Canada. Si le montant des DIS que ce ministère permettra en bout de ligne est inférieur à 2,5 milliards de dollars et que le droit de l'actionnaire demeure inchangé, l'actionnaire recevra davantage des DIS que ce qui était initialement prévu dans la décision 93-9.
Le Conseil fait observer également que, dans la décision 93-9, il a déclaré qu'il comptait rajuster dans l'avenir les tarifs de l'AGT, au besoin, pour tenir compte des différences entre le montant des DIS utilisé à des fins de réglementation (comptables) et celui que Revenu Canada permettrait. En d'autres mots, si le montant des DIS permis par ce ministère est inférieur à 2,5 milliards de dollars, il exigera que les abonnés paient les charges fiscales qui en résultent par voie de tarifs plus élevés. Comme le montant des DIS sur lequel le droit de l'actionnaire a été basé serait inférieur à 2,5 milliards de dollars, il serait asymétrique de ne pas abaisser le droit de l'actionnaire.
À la lumière de ce qui précède, le Conseil estime qu'en établissant dans la décision 93-9 que le droit de l'actionnaire de 183 millions de dollars ne serait pas déraisonnable, il aurait dû lier ce droit au montant définitif des DIS permis par Revenu Canada. Quant à la décision 93-18, il aurait dû encore une fois assujettir le droit définitif de l'actionnaire à des réévaluations futures des DIS par Revenu Canada.
D. Dérogation aux concepts de base de la réglementation des services publics
Calgary a fait valoir que le fait de consentir un droit de l'actionnaire de 183 millions de dollars donne à l'actionnaire de l'AGT, c.-à-d. la Telus, une compensation sur le rendement des actions ordinaires de l'AGT en sus des marges que le Conseil a jugées raisonnables dans la décision Télécom CRTC 92-9 du 26 mai 1992 intitulée AGT Limited - Besoins en revenus pour 1992 (la décision 92-9) et dans la décision 93-18, ce qui crée un gain fortuit pour l'actionnaire. Elle a également soutenu que la partie du droit de l'actionnaire dont il faut tenir compte dans les bénéfices de 1994 de l'AGT augmentera le rendement des actions ordinaires à environ 2 % de plus que la marge que le Conseil a jugée juste et raisonnable dans la décision 93-18.
Calgary a soutenu que, comme on s'attend à ce que les actionnaires et la direction prennent de saines décisions d'affaires, le Conseil ne donne pas généralement aux actionnaires de compensation additionnelle pour les inciter à prendre de saines décisions de gestion. À son avis, obtenir les DIS était une saine décision d'affaires qui aurait dû être prise de toute façon. D'après elle, consentir à la Telus le droit de l'actionnaire pour le rôle qu'il a joué dans le processus de privatisation ressemble à un régime de réglementation incitative qu'avant d'adopter, il faudrait, comme le Conseil l'avait indiqué dans la décision 92-9, étudier attentivement et produire une preuve que le mécanisme actuel de réglementation n'était plus satisfaisant ou approprié. Elle a fait remarquer que, dans l'instance qui a abouti à la décision 93-9, il n'y a pas eu de preuve ou de discussion concernant des régimes de réglementation incitative ou autres de rechange.
L'AGT a déclaré que la décision du Conseil relative au droit de l'actionnaire ne violait pas les concepts de base de la réglementation des services publics. En effet, les circonstances uniques, comme celles qui sont citées aux pages 26 et 27 de la décision 93-9, l'emportent parfois sur ce que Calgary a décrit comme des [TRADUCTION] "concepts de réglementation des services publics". Elle a précisé que le Conseil a reconnu dans d'autres décisions qu'il doit tenir compte des circonstances uniques (par exemple, la décision Télécom CRTC 90-15 90-15 du 12 juillet 1990 et la décision Télécom CRTC 91-21 du 19 décembre 1991); ainsi, la décision 93-9 est entièrement conforme aux propres décisions du Conseil.
L'AGT a également maintenu que Calgary cherche à remettre en litige l'argument du gain fortuit qu'elle a soulevé dans l'instance qui a abouti à la décision 93-9. Elle a souligné que le Conseil a déclaré précédemment qu'il n'autorisera pas d'examen, même suivant le critère du doute réel, lorsqu'un requérant ne présente pas de nouveaux arguments ou ne produit pas de nouveaux renseignements qui n'ont pas déjà été considérés dans l'instance initiale. Selon l'AGT, le Conseil a le droit de rejeter une requête en révision et en modification pour ce seul motif.
En soutenant que le Conseil a dérogé aux principes de base de la réglementation des services publics, Calgary conteste essentiellement le fait que le Conseil n'a pas appliqué le principe approprié. Cela étant, l'argument tombe sous le critère d'une erreur de droit.
Comme Calgary l'a souligné, le droit de l'actionnaire de 183 millions de dollars fournit à la Telus une compensation sur les actions ordinaires de l'AGT en sus de la marge que le Conseil a jugée raisonnable. Toutefois, celui-ci a le droit de tenir compte des circonstances uniques lorsqu'il traite la question des DIS par exemple, et il ne lui est pas interdit, en droit, de tenir compte du rôle que jouent les actionnaires dans ces circonstances uniques. Il doit également se rappeler que, même si la Telus obtient un avantage important à l'égard des DIS, il en va de même pour les abonnés de l'AGT.
Le Conseil prend également note que la requête de Calgary à cet égard ne soulève pas de nouveaux arguments ou ne présente pas de nouveaux renseignements qui n'ont pas déjà été examinés dans l'instance qui a abouti à la décision 93-9.
À la lumière de ce qui précède, le Conseil juge qu'il a appliqué les principes appropriés dans les décisions 93-9 et 93-18 et qu'il n'a donc pas commis d'erreur de droit à cet égard.
E. Défaut de tenir compte de la preuve
Calgary a fait valoir que le Conseil a ignoré ou n'a pas pris en compte la preuve suivante dans l'instance qui a abouti à la décision 93-9 :
(1) l'AGT a exprimé l'avis que, dans un service public réglementé, les gains découlant des DIS seraient crédités aux abonnés;
(2) l'AGT a reconnu que la réorganisation et la privatisation n'ont pas été entreprises pour le bénéfice des actionnaires, mais pour l'intérêt public, y compris les abonnés de l'AGT;
(3) lors de la privatisation de l'AGT Commission, les ministres du gouvernement de l'Alberta prévoyaient que l'AGT ne serait pas imposable et que la transaction de privatisation n'entraînerait pas de tarifs supérieurs à ce qu'ils auraient été autrement; et
(4) ce n'est pas avant le 23 décembre 1991, soit plus de 14 mois après la privatisation que l'AGT a établi qu'elle devait demander une compensation pour les DIS.
Calgary a maintenu qu'à la lumière de cette preuve, le Conseil n'aurait pas dû établir le droit de l'actionnaire, et son incidence connexe sur les tarifs.
L'AGT a fait valoir que ce motif ne relève d'aucun des critères traditionnels du Conseil, étant donné que Calgary ne fait que répéter la preuve et les arguments considérés dans l'instance initiale. Selon elle, en n'avançant aucun nouvel argument, Calgary demande effectivement que le Conseil réentende, dans le cadre d'un processus administratif restreint, une question qui a été traitée en profondeur dans une audience publique avec comparution.
Le Conseil n'est pas d'accord avec l'AGT pour dire que l'argument de Calgary, s'il est exact, ne correspond pas aux critères de révision ou de modification du Conseil. À son avis, l'argument de Calgary relève du critère de l'erreur de fait ou de droit et dans cet ordre d'idées, il s'agit de savoir si le dossier de l'instance renfermait une preuve pouvant fournir une justification aux conclusions du Conseil.
Le Conseil fait remarquer que Calgary n'a soulevé aucun argument ou renseignement nouveau dont le Conseil n'était pas déjà au courant lorsqu'il a pris sa décision. Il était saisi de la preuve citée par Calgary lorsqu'il a tiré ses conclusions dans la décision 93-9, et il en a effectivement tenu compte. On pourrait soutenir qu'en soi, la preuve en question ne penche pas en faveur des conclusions du Conseil. Toutefois, le dossier renfermait d'autres preuves que le Conseil a pris en compte et qui fournissaient une justification à ses conclusions.
À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut qu'il était saisi d'une preuve qui appuyait sa conclusion concernant le droit de l'actionnaire et qu'il n'a pas commis d'erreur de droit ou de fait comme le soutient Calgary.
III DÉCISION AU SUJET DE LA REQUÊTE
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu'il n'a pas commis d'erreur de droit ou de fait dans les décisions 93-9 et 93-18, pas plus qu'il n'a omis de considérer les principes (1) et (3) cités dans la partie II, section C, ci-dessus, et qui ont été soulevés au cours des instances. Toutefois, il conclut qu'il aurait dû tenir compte du fait que les DIS risquent d'être réévaluées et qu'il aurait dû lier explicitement le droit de l'actionnaire au montant des DIS que Revenu Canada permettra en bout de ligne. Il modifie donc les décisions 93-9 et 93-18 pour prévoir que si, par suite d'une réévaluation, le montant des DIS permis par Revenu Canada est inférieur à 2,5 milliards de dollars, le droit de l'actionnaire soit rajusté proportionnellement.
L'AGT a fait remarquer que les motifs (1), (2) et (4) de la requête de Calgary en révision et modification étaient les mêmes que ceux que Calgary a indiqués comme étant des erreurs de droit ou de compétence, ou les deux, dans un avis de demande d'autorisation d'interjeter appel de la décision 93-9 auprès de la Cour d'appel fédérale. Elle a soutenu que parce que la Cour d'appel fédérale a déjà refusé à Calgary l'autorisation d'en appeler pour ces mêmes motifs, le Conseil doit rejeter la requête de Calgary pour ces motifs. Elle a ajouté que, même si la Cour fédérale n'avait pas encore statué sur l'avis de demande de Calgary, l'existence d'un droit d'en appeler auprès de la Cour fédérale de toutes les questions de droit ou de juridiction empêche le Conseil d'exercer sa compétence à l'égard de questions juridiques dans une requête en révision et modification.
À la lumière du fait qu'il n'a pas accepté les motifs en question comme fondement de la révision et de la modification des décisions 93-9 et 93-18, le Conseil ne juge pas nécessaire de statuer sur les arguments de l'AGT à cet égard.
Le Secrétaire général
Allan J. Darling

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