ARCHIVÉ -  Décision Télécom CRTC 93-9

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Décision Télécom

Ottawa, le 23 juillet 1993
Décision Télécom CRTC 93-9
AGT - QUESTIONS RELATIVES AUX IMPÔTS SUR LES BÉNÉFICES DE LA SOCIÉTÉ
I HISTORIQUE
Avant le 4 octobre 1990, le service téléphonique en Alberta était fourni par l'Alberta Government Telephones Commission (l'AGT Commission). Cette dernière était une société d'État et, à ce titre, elle n'était tenue de verser aucun impôt fédéral ou provincial. Cela étant, elle ne s'est jamais prévalue de la déduction pour amortissement (DPA). Aux fins de comptabilisation, toutefois, elle a calculé un amortissement annuel qu'elle a inclus dans le calcul de ses besoins en revenus.
Le 24 juillet 1990, l'Assemblée législative de la province de l'Alberta a adopté l'Alberta Government Telephones Reorganization Act, qui prévoyait la restructuration, à compter du 4 octobre 1990, de l'AGT Commission. La TELUS Corporation (la TELUS) a été acquise par le gouvernement de l'Alberta (l'Alberta) afin d'agir comme société mère pour faciliter la privatisation de l'AGT Commission. La majorité des activités et des éléments d'actif téléphoniques ont été transférés à l'AGT Limited (l'AGT), filiale de la TELUS, qui est alors devenue assujettie à la réglementation du Conseil.
En vue de la réorganisation et de la privatisation de l'AGT Commission, l'Alberta a obtenu de Revenu Canada une Décision anticipée en matière d'impôt sur le revenu (la décision). Cette décision permet effectivement à la TELUS et à ses filiales (y compris l'AGT) de réclamer comme coût en capital non amorti, aux fins de l'impôt, le coût original de l'actif transféré de l'AGT Commission. Selon les estimations de l'AGT, son actif amortissable avait, à ce moment-là, une assiette d'imposition d'environ 4 milliards de dollars au 4 octobre 1990, soit une somme sensiblement supérieure à la valeur comptable (nette) de l'actif (quelque 2,2 milliards de dollars). La partie additionnelle de la DPA disponible de l'excédent du coût original par rapport à la valeur comptable nette de l'actif au moment de la privatisation crée des déductions d'impôt supplémentaires (DIS) d'environ 1,8 milliard de dollars.
Par suite de la privatisation, l'AGT a établi qu'à la réduction des coûts aux fins de l'impôt sur les bénéfices futurs résultant de la décision s'ajoutent des transactions se rapportant à la privatisation et à ses activités, avant et après la privatisation, qui devraient, selon elle, réduire davantage l'impôt sur les bénéfices qu'elle devra payer. Il s'agit en général de transactions se rapportant au traitement fiscal de certains revenus qui, tout en étant inscrits à des fins comptables après la privatisation, ont été reçus par l'AGT Commission avant la privatisation et que la compagnie considère donc comme non imposables. L'AGT estime que même si certains frais ont été engagés par l'AGT Commission avant la privatisation, elle peut les déduire pour fins fiscales. D'après ses estimations, ces autres DIS totaliseraient quelque 0,7 milliard de dollars.
Les DIS, qui totaliseraient environ 2,5 milliards de dollars selon l'AGT, ont été utilisées pour réduire les frais d'impôt sur les bénéfices de la compagnie jusqu'ici et continueront à le faire dans l'avenir. Dans l'instance ayant abouti à la décision Télécom CRTC 92-9 du 26 mai 1992 intitulée AGT Limited - Besoins en revenus pour 1992, l'AGT a déclaré que, pour présenter une perspective prudente de ses besoins en revenus, elle a préparé ses prévisions pour 1992 en posant par hypothèse que les avantages de ces DIS devraient revenir aux abonnés. Toutefois, l'AGT a fait valoir que la question de l'avantage pour les actionnaires par rapport aux abonnés dans l'avenir devrait faire l'objet d'une instance distincte.
Dans l'avis public Télécom CRTC 92-35 du 9 juin 1992 intitulé AGT Limited - Questions relatives aux impôts sur les bénéfices de la société, le Conseil a amorcé une instance publique visant à examiner les questions liées à la position prospective de l'AGT en matière de fiscalité, notamment :
(1) l'établissement du montant des DIS résultant de la décision;
(2) la disponibilité d'autres déductions fiscales non liées à la décision;
(3) le calcul des déductions fiscales annuelles disponibles;
(4) la répartition des avantages fiscaux supplémentaires entre les actionnaires et les abonnés;
(5) la méthode de comptabilisation des frais d'impôt sur les bénéfices (méthode des déductions d'impôt ou des impôts à payer);
(6) la méthode de comptabilisation du passif d'impôts futurs (méthode du report ou du passif), si la méthode des déductions d'impôt est utilisée pour comptabiliser les frais d'impôt sur les bénéfices; et
(7) les répercussions sur les besoins en revenus de la compagnie pour 1993.
L'instance incluait le dépôt de la preuve par l'AGT et par la ville de Calgary (Calgary), ainsi qu'un processus de demandes de renseignements et une audience orale. L'audience a eu lieu à Calgary (Alberta), du 28 avril au 30 avril 1993, devant les conseillers Louis R. (Bud) Sherman (président de l'audience), Adrian Burns et Peter Senchuk. Calgary était la seule intervenante active à l'instance.
II MONTANT ET DISPONIBILITÉ DES DIS
A. Généralités
Tel que souligné précédemment, l'AGT évalue les DIS maximums à quelque 2,5 milliards de dollars. Elle a déclaré qu'à cause de réévaluations futures possibles par Revenu Canada et d'éventuels appels subséquents concernant le montant des déductions admises pour fins fiscales, il se peut que le montant des DIS ne puisse être établi de façon définitive avant 1996 ou 1997.L'AGT a proposé d'amortir, sur une période maximale de cinq ans, l'écart résultant d'une réévaluation par Revenu Canada par rapport à sa position telle que déposée auprès du Conseil.
B. Position de l'AGT concernant le montant des DIS
En réponse à la demande de renseignements AGT(CRTC)22déc.92-1011b), la compagnie a notamment déclaré avoir adopté sa politique en matière de calcul des frais d'impôt sur les bénéfices par souci d'équité intergénérationnelle.
En réponse à la demande de renseignements AGT(CRTC)16avr.93- 2010, la compagnie a fait valoir que, compte tenu du fait que les abonnés avant la réévaluation par Revenu Canada (les abonnés d'avant la vérification) se rapprochent davantage en temps (et donc par leur composition) de ceux qui n'ont jamais absorbé de charges fiscales dans les tarifs (c.-à-d., tous les abonnés d'avant 1994), il serait équitable de soustraire, autant que possible, la génération qui a suivi la vérification à l'iniquité intergénérationnelle qui pourrait se produire si les réclamations d'impôt n'étaient pas utilisées comme base de comptabilisation. La compagnie a également déclaré que, comme ses DIS pondérées en fonction du risque reflètent ce qu'elle estime être l'issue la plus probable, utiliser une méthode de comptabilisation plus optimiste pour les fins des besoins en revenus imposerait un plus grand risque à la génération qui suit la vérification qu'à celle qui la précède.
L'AGT a également affirmé que la pénétration de la concurrence, à mesure qu'elle progresse, sera plus forte dans les zones plus peuplées. Elle conserverait ainsi, dans l'avenir, une plus grande proportion d'abonnés ruraux qui seraient moins en mesure d'éviter, en passant chez un concurrent, les prix plus élevés nécessaires pour recouvrer les coûts aux fins de l'impôt sur les bénéfices présents et passés.
C. Aspect juridique du traitement de la réévaluation faite par Revenu Canada
Au cours de l'instance, le Conseil a invité les parties à se pencher sur la question en litige :
Supposons qu'après une réévaluation par Revenu Canada, il y ait une différence entre le montant des déductions d'impôt supplémentaires utilisé pour des périodes antérieures aux fins des besoins en revenus et le montant permis par Revenu Canada. Cette différence, qui se rapporterait à des années antérieures, pourrait-elle être recouvrée des abonnés actuels ou futurs ou répartie entre eux, ou s'agirait-il alors d'une tarification rétrospective?
Si cela pouvait se faire, quel mécanisme faudrait-il faire intervenir? Par exemple, dans la décision relative à la présente instance, le Conseil serait-il tenu d'établir un "compte de report" afin de consigner la différence résultant d'une réévaluation, de manière qu'elle puisse être recouvrée ou répartie dans des années futures?
Selon l'AGT, le rajustement de ses tarifs pour une année future afin de tenir compte d'une différence entre une réévaluation par Revenu Canada du montant des DIS disponible et le montant des DIS imputé à des périodes antérieures est une question de méthode de comptabilisation. Un tel rajustement n'enfreindrait donc pas, d'après elle, la règle interdisant la tarification rétrospective. Pour appuyer sa position, elle a cité une affaire devant la cour d'appel du Nouveau-Brunswick, New Brunswick Telephone Company, Limited (1977), 19 N.B.R. (2d) 681 (la cause de la NBTel). À son avis, cette approche concorde avec celle que le Conseil a prise à l'égard du passif d'impôts futurs dans la décision Télécom CRTC 89-9 du 17 juillet 1989 intitulée Passif d'impôts futurs (la décision 89-9).
Comme solution de rechange, si le Conseil jugeait que le recouvrement ou la répartition de cette différence peut contribuer à une tarification rétrospective, selon l'AGT, le Conseil est habilité à créer un compte de report pour ces différences. Elle a déclaré que les ajouts au réductions à ses besoins en revenus dans le compte demeureraient des postes courants dont il faudrait tenir compte dans la tarification. Elle a demandé que le Conseil l'autorise à soumettre des mémoires sur la nature du compte de report s'il jugeait opportun d'en établir un.
Dans son plaidoyer, Calgary a fait savoir que, si l'AGT était autorisée à faire absorber par ses abonnés une partie des DIS et s'il est nécessaire de rajuster des tarifs futurs pour tenir compte de la différence résultant d'une réévaluation, les tarifs rajustés seraient rétrospectifs. Pour éviter les problèmes de rétrospectivité, le montant auquel les actionnaires ont droit devrait, selon elle, être autorisé provisoirement et être assujetti à une réévaluation. Comme solution de rechange, elle a recommandé l'établissement d'un compte de report. Par ailleurs, si les abonnés n'avaient pas été facturés pour les DIS dans des périodes antérieures, Calgary a indiqué que la rétrospectivité ne soulèverait pas de préoccupations, étant donné qu'un rajustement aux DIS dans les années futures équivaudrait à des rajustements périodiques aux réserves d'amortissement lorsqu'il est établi que le recouvrement de l'amortissement se rapportant à des périodes antérieures était excessif ou insuffisant.
Calgary a appuyé la distinction qu'elle a faite entre la cause de la NBTel et la situation actuelle sur le fait que les impôts supplémentaires à payer dans ce cas étaient des frais engagés au cours de l'année-témoin. Elle a soutenu que certaines DIS résultant de la privatisation de l'AGT ont été utilisées en 1990, 1991 et 1992. En dernier lieu, elle a ajouté que l'analogie entre les DIS et la façon dont le Conseil a traité le passif d'impôts futurs dans la décision 89-9 n'est pas pertinente.
En réplique, l'AGT a expliqué plus en détail la cause de la NBTel et elle a précisé que l'organisme de réglementation a été autorisé dans ce cas-là à majorer les tarifs à compter du milieu de 1977 pour recouvrer les impôts supplémentaires à payer pour l'année 1977. À son avis, la cause de la NBTel appuie la proposition voulant que ce n'est pas parce que des révisions prospectives des dépenses fiscales et des avantages fiscaux estimatifs résultant d'une réévaluation par Revenu Canada se rapportent à des bénéfices des années antérieures qu'elle sont rétrospectives.
La règle interdisant la tarification rétrospective établie dans la jurisprudence empêche le Conseil de fixer des tarifs qui tiennent compte des pertes ou des obligations passées ou encore des gains antérieurs d'une compagnie réglementée. En d'autres mots, on ne peut obliger les abonnés à payer plus ou moins pour un service, à cause d'une facturation passée excessive ou insuffisante, afin de garantir que le service public obtienne un taux de rendement juste et raisonnable. Le Conseil établit uniquement des tarifs qui satisfont les besoins en revenus futurs de la compagnie.
Toutefois, de l'avis du Conseil, les frais ou crédits d'impôt supplémentaires résultant d'une réévaluation par Revenu Canada sont qualifiés à juste titre de frais ou de crédits courants au moment d'une réévaluation ou dans une comptabilisation, plutôt que comme des frais ou des crédits antérieurs. Spécifiquement, comme la réévaluation pourrait influer sur le montant de l'impôt à payer par la compagnie au cours de l'année de la réévaluation, elle devrait être considérée comme des frais ou des crédits courants pour cette année-là. En outre, une réévaluation pourrait entraîner des rajustements comptables au passif d'impôts futurs de l'AGT selon la méthode normalisée de comptabilisation des impôts sur les bénéfices (voir la partie IV ci-dessous). En conséquence, l'établissement des tarifs de l'AGT pour les années à venir, afin de tenir compte des frais (ou crédits) supplémentaires, ne constituerait pas une tarification rétrospective; il n'entraînerait pas plus d'iniquité intergénérationnelle que d'autres modifications aux estimations comptables du genre de celles qui se rapportent à l'amortissement ou au passif d'impôts futurs. Le Conseil estime donc qu'il pourra apporter des rajustements aux tarifs de l'AGT dans les années à venir afin de tenir compte de la différence entre le montant des DIS comptabilisé dans les périodes antérieures et celui que Revenu Canada a permis dans sa réévaluation.
Le Conseil fait remarquer, en passant, que des rajustements à l'impôt à payer par l'AGT pour rectifier les montants incorrectement évalués dans les périodes antérieures seraient conformes à l'approche qu'il a adoptée dans deux décisions antérieures. En effet, il a autorisé la BC TEL, dans la décision 89-9, et la Newfoundland Tel, dans la décision Télécom CRTC 90-15 du 12 juillet 1990 intitulée Newfoundland Telephone Company Limited - Besoins en revenus pour les années 1990 et 1991 et raccordement d'équipements terminaux multilignes fournis par l'abonné (la décision 90-15), à rajuster leur passif d'impôts futurs respectif afin de corriger des erreurs passées de comptabilisation de la provision pour fonds utilisés pendant la construction.
Le Conseil fait observer que les tribunaux ont donné aux organismes de réglementation beaucoup de latitude pour choisir la méthode comptable permettant à un service public d'obtenir un taux de rendement juste. Par exemple, les tribunaux ont sanctionné l'établissement de comptes de report. Grâce à cette méthode, un organisme de réglementation peut reporter l'examen d'un article de frais ou de revenu particulier qu'on ne peut estimer avec certitude pour l'année-témoin.
L'AGT et Calgary ont fait valoir que pour le Conseil, l'établissement d'un compte de report permet d'apaiser les préoccupations concernant la rétrospectivité. Comme on l'a souligné précédemment, le Conseil est d'avis qu'il peut rajuster des tarifs futurs au besoin pour tenir compte d'une réévaluation par Revenu Canada. Il signale que l'établissement de comptes de report à l'égard des questions comptables n'est pas une pratique courante. Toutefois, vu le montant des DIS en question, les circonstances particulières de la présente instance et l'opportunité de fournir la certitude à tous ceux qui sont concernés, il juge approprié que la compagnie établisse un compte de report pour comptabiliser les différences qui peuvent résulter d'une réévaluation par Revenu Canada. Il est ordonné à l'AGT d'établir le compte en question.
L'AGT a demandé que, si le Conseil adoptait une telle approche, il lui donne l'occasion de présenter des mémoires sur la nature du compte de report. Le Conseil est d'avis qu'aucun autre processus formel n'est nécessaire. Toutefois, le personnel du Conseil s'entretiendra avec l'AGT au sujet de la mise en oeuvre de procédures administratives et comptables à l'égard de l'établissement et de la tenue du compte de report.
En dernier lieu, le Conseil entend rajuster, au besoin, les tarifs de l'AGT dans les années à venir, afin de tenir compte de la différence entre le montant des DIS utilisé pour fins de réglementation et celui que Revenu Canada a autorisé.
D. Conclusions
Le Conseil fait remarquer qu'en général, les transporteurs relevant de sa compétence utilisent, pour leurs besoins en revenus, des montants pour des déductions d'impôt qui correspondent à ceux qui sont réclamés pour fins fiscales. Il estime que, même s'il est possible que Revenu Canada conteste certaines DIS, l'AGT doit avoir une certaine confiance dans l'admissibilité du montant de 2,5 milliards de dollars en DIS, puisqu'elle a consulté divers experts en matière de fiscalité et de privatisation.
Dans une entreprise non réglementée, la compagnie et ses vérificateurs consigneraient une provision pour impôts sur les bénéfices basée sur une certitude raisonnable que la provision reflète assez bien l'impôt à payer actuellement ou dans l'avenir. En établissant cette provision pour impôts sur les bénéfices, certaines déductions peuvent être exclues en raison de l'incertitude concernant leur admissibilité par Revenu Canada.
Dans un contexte de réglementation, la provision pour l'impôt à payer actuellement ou dans l'avenir fluctue en fonction qu'il est possible ou non de recouvrer des articles contestables au moyen de tarifs futurs. Si l'organisme de réglementation admet le recouvrement d'articles éventuellement refusés, quand on saura mieux s'ils sont admis ou non, les rajustements tarifaires nécessaires pourraient être apportés dans l'avenir, à un moment où la décision finale est prise plutôt qu'actuellement, alors qu'une très grande incertitude subsiste.
L'AGT a déclaré qu'elle entend rajuster les différences lorsque l'année d'imposition 1990 deviendra frappée d'une prescription (en février 1996). Toutefois, même dans ce cas, cela ne signifie pas nécessairement, selon elle, que Revenu Canada aura admis les valeurs comptabilisées. La compagnie a déclaré que, si ces valeurs ne sont pas fixées au cours du processus de vérification de l'année d'imposition 1990, étant donné que les déclarations d'impôt déposées pour l'année n'ont montré aucun impôt à payer, elles pourraient poser un problème dans les années subséquentes au moment où il faut réellement payer l'impôt à Revenu Canada. L'incertitude quant au montant exact des DIS à utiliser à ce moment-là, pour les fins des besoins en revenus, se trouve alors prolongée.
Le Conseil convient avec la compagnie que, lors du passage vers un marché concurrentiel, une certaine incertitude peut exister quant à la nature et la portée de la concurrence à venir. Il estime, cependant, que la compagnie l'amplifie probablement. En outre, l'incertitude est mitigée, étant donné qu'il entend traiter les différences résultant d'une réévaluation comme des frais ou des crédits de l'année courante devant être recouvrés des abonnés ou être répartis entre eux.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil ordonne à l'AGT d'utiliser pour les DIS, aux fins des besoins en revenus, un montant conforme aux déclarations d'impôt qu'elle a déposées ou qu'elle doit déposer.
Le Conseil fait remarquer que l'AGT a l'option d'inscrire le même montant de frais d'impôt sur les bénéfices à des fins de comptabilité et de réglementation, étant donné que les pratiques comptables réglementaires peuvent être considérées comme des principes comptables généralement acceptés lorsque l'organisme de réglementation juge ces frais recouvrables au moyen de tarifs. À son avis, un rajustement réglementaire ne devrait donc pas s'imposer.
Le Conseil traitera les différences dans la provision pour impôts sur les bénéfices qui peuvent résulter d'une réévaluation par Revenu Canada après que l'AGT aura reçu son avis de réévaluation pour l'année d'imposition 1990. Toutes autres différences, résultant de réévaluations d'années fiscales subséquentes ou de décisions au cours d'un processus d'appel relatif à des réévaluations, seront traitées au moment où elles surviendront.
III RÉPARTITION DES AVANTAGES FISCAUX DES DIS ENTRE L'ACTIONNAIRE ET LES ABONNÉS
A. Généralités
L'AGT a fait valoir que l'actionnaire (la TELUS) a droit de recevoir les avantages fiscaux résultant de l'utilisation des DIS. Selon elle, ce droit repose sur le fait que les DIS sont un élément d'actif autre que de service public pour lequel la TELUS détient un droit de propriété. Elle a proposé que les abonnés acquièrent les DIS à la valeur de ces déductions pour une tierce partie. Le montant des DIS auquel l'actionnaire a droit devrait, selon sa proposition, se chiffrer à environ 207 millions de dollars.
Comme solution de rechange, l'AGT a fait valoir que, si le Conseil établissait que les DIS sont un élément d'actif de service public, la TELUS devrait se voir attribuer une partie des DIS proportionnelle au supplément qu'elle a versé au cours de la privatisation. Compte tenu de ce facteur, elle a proposé le chiffre approximatif de 183 millions de dollars comme montant des DIS auquel l'actionnaire aurait droit.
L'AGT a estimé que ce montant (avec intérêts) serait recouvré sur au plus 15 ans, et elle a proposé de recouvrer des abonnés, en 1994, environ 25 millions de dollars du montant auquel l'actionnaire a droit.
Dans sa preuve, Calgary a soutenu qu'il n'y aurait pas eu de DIS sans les activités et les éléments d'actif de service public de l'AGT Commission. Ainsi, à son avis, les DIS sont un élément d'actif de service public, dont les avantages fiscaux devraient revenir aux abonnés. Elle a ajouté que l'Alberta ne comptait pas vendre les DIS et que, contrairement à ce qu'affirme l'AGT, la TELUS n'a pas payé une valeur comptable nette supérieure pour les éléments d'actif de l'AGT Commission. Compte tenu de ces facteurs, les actionnaires n'ont pas droit, selon elle, aux avantages fiscaux associés aux DIS.
B. DIS - Élément d'actif de service public ou autre que de service public?
Selon l'AGT, les DIS sont considérés à juste titre comme un élément d'actif autre que de service public, et elle a cité les facteurs suivants pour appuyer ses dires :
(1) aucun frais d'impôt sur les bénéfices n'a été absorbé par les abonnés avant la privatisation;
(2) les DIS sont des déductions d'impôt sur les bénéfices qui excèdent la valeur comptable nette de l'actif détenu par l'AGT Commission, et les déductions n'ont pas été utiles dans la fourniture du service public par l'AGT Commission;
(3) la décision a été obtenue et la structure de privatisation a été élaborée et mise en oeuvre par l'actionnaire, au moment où l'AGT Commission n'était pas réglementée en fonction d'une base tarifaire ou d'un taux de rendement; et
(4) l'actionnaire a payé un supplément pour acquérir l'actif et mettre en oeuvre la structure de privatisation exigée par la décision, et les DIS n'auraient pas été créées dans d'autres formes de transactions de privatisation.
Dans son plaidoyer final, l'AGT a reconnu que le quatrième facteur confirme son opinion que les DIS appartiennent à l'actionnaire, mais pas nécessairement que les DIS soient un élément d'actif autre que de service public.
Dans son plaidoyer, Calgary a déclaré que, pour la privatisation, l'Alberta a choisi une structure (1) qui donnerait le montant potentiel maximum de DIS, et (2) une méthode grâce à laquelle ces déductions pourraient être transférées à l'AGT plutôt qu'à l'actionnaire. Entre autres choses, Calgary a soutenu que les DIS sont un élément d'actif de service public parce qu'elles résultent de la fourniture de services de télécommunications aux Albertains par l'AGT Commission, société d'État provinciale appartenant en bout de ligne aux Albertains. Elle a en outre fait valoir que les abonnés paient un rendement sur le capital investi par l'AGT Commission dans l'élément d'actif de télécommunications.
Selon elle, les acheteurs d'actions de la TELUS n'avaient aucune raison de s'attendre à tirer des avantages fiscaux des DIS. Elle a ajouté que l'Alberta n'a pas facturé la TELUS/AGT pour les DIS pas plus qu'il s'attendait à ce que les actionnaires de la TELUS les absorbent.
Dans sa réplique, l'AGT a affirmé, entre autres choses, que la prétention de Calgary selon laquelle les DIS découlaient des activités de l'AGT Commission ne tient pas compte du fait que la privatisation et la vente étaient une condition nécessaire à la création des DIS. Ainsi, à son avis, comme l'actionnaire a créé les DIS qui n'existaient pas au moment de la privatisation, la TELUS ne devrait pas maintenant voir son droit aux DIS refusé.
De l'avis du Conseil, les facteurs invoqués par l'AGT n'appuient pas son affirmation selon laquelle les DIS sont un élément d'actif autre que de service public. Il juge non pertinent le premier facteur cité par l'AGT, à savoir qu'aucun frais d'impôt sur les bénéfices n'a été absorbé par les abonnés de l'AGT Commission. Les abonnés ne payaient pas, pas plus qu'ils auraient dû payer les frais d'impôt sur les bénéfices dans des tarifs avant la privatisation, étant donné qu'à titre de société d'État, l'AGT Commission était exempte d'impôt.
Pour ce qui est du deuxième facteur, le Conseil estime également non pertinent le fait que les DIS soient des déductions dépassant la valeur comptable nette de l'actif et qu'elles n'aient pas été utilisées ou utiles avant la privatisation. Les DIS n'ont vu le jour qu'après la conclusion d'une transaction de privatisation spécifique. Que les DIS n'aient été créées qu'après la privatisation reflète tout simplement le fait que ces déductions ne pourraient être créées à moins qu'il n'y ait eu une série de transactions particulières.
En se fondant sur le dossier de l'instance, le Conseil estime que les DIS dépendent des activités et des éléments d'actif en télécommunications de l'AGT Commission et que ces éléments d'actif ont été utilisés pour fournir des services de télécommunications en Alberta.
Quant au troisième facteur, le Conseil estime la méthode par laquelle l'AGT Commission était réglementée sans rapport avec la question. Ce qui importe c'est que les éléments d'actif soient demeurés ceux de l'AGT Commission jusqu'à la transaction de privatisation, qu'ils étaient absolument indispensables à la création des DIS et qu'ils ont été utilisés pour fournir des services de télécommunications. De plus, les abonnés de l'AGT Commission ont financé l'achat de cet actif dans les tarifs qu'ils ont payés. Le fait que des frais d'impôt sur les bénéfices n'aient pas été inclus dans les tarifs des abonnés avant la privatisation n'influe en rien sur la propriété de l'actif à ce moment-là (celui-ci demeure la propriété de l'AGT Commission), ni sur le fait que cet actif était nécessaire pour créer les DIS.
Le Conseil fait également remarquer qu'on s'attend des actionnaires, par l'entremise du conseil d'administration et en bout de ligne, de ses directeurs, qu'ils prennent de saines décisions d'affaires pour maximiser les avantages fiscaux, que ce soit à la suite d'une restructuration générale ou autrement, et que par suite de décisions d'affaires judicieuses, les éléments d'actif ne deviennent pas des éléments d'actif autre que de service public.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil juge que les DIS sont considérées à juste titre comme un élément d'actif de service public.
C. Montant auquel l'actionnaire a droit
Comme on l'a souligné dans la partie I, le 4 octobre 1990, tous les éléments d'actif que possédait l'AGT Commission, à titre de mandataire de l'Alberta, ont été transférés à la TELUS en échange des actions ordinaires de la TELUS et des effets à payer à l'AGT Commission. Les effets reflètent sensiblement les obligations de l'AGT Commission détenues par l'Alberta. La TELUS a transféré à l'AGT la plupart des éléments d'actif utilisés dans les services de télécommunications de l'AGT Commission en échange du capital-actions et des billets à ordre productifs d'intérêt de l'AGT.
L'AGT a déclaré dans son plaidoyer final qu'afin de créer les DIS conformément à la décision, la juste valeur marchande des actions cédées par la TELUS à l'Alberta en échange des éléments d'actif téléphoniques incluait un montant en sus de la valeur comptable nette de l'actif. La compagnie a déclaré que l'Alberta et la TELUS ont convenu par écrit du montant du supplément dans l'imprimé administratif de Revenu Canada intitulé Choix relatif à la disposition de biens par un contribuable en faveur d'une corporation canadienne (le choix). L'AGT a déclaré que, compte tenu du choix, l'Alberta et la TELUS ont convenu que le transfert de l'actif de l'AGT Commission comprenait une considération de 16,53 $ par action, qui se traduit par un supplément total de 756 millions de dollars par rapport à la valeur comptable nette. Toutefois, pour être prudente, elle a calculé le supplément estimatif payé en abaissant l'estimation de la juste valeur marchande, qui repose sur la vente subséquente (mais presque simultanée) d'actions au public par l'Alberta. Selon l'AGT, pour être traitée équitablement sur le plan réglementaire, la TELUS doit avoir droit à au moins une part des avantages fiscaux découlant des DIS.
L'AGT a fait valoir que, bien que la transaction pertinente pour les fins d'établir et d'évaluer le montant des DIS auquel l'actionnaire a droit soit une transaction entre l'AGT Commission et la TELUS, les actionnaires publics de la TELUS auraient eu raison de s'attendre à partager les avantages fiscaux résultant des DIS. Premièrement, comme elle l'a déclaré, compte tenu du fait que d'après le Prospectus, il était possible de se prévaloir de déductions d'impôt excédant la valeur comptable nette et que le prix de l'action recherché par l'Alberta incluait un supplément à la valeur comptable nette, les actionnaires publics auraient conclu, à juste titre, qu'au moins la partie du montant payé en sus de la valeur comptable nette provenait des avantages fiscaux au titre des DIS. Deuxièmement, l'AGT a souligné qu'un de ses témoins-experts a déclaré, lorsqu'il a été contre-interrogé par Calgary, que les maisons d'investissements connaissent les pratiques courantes de tarification qui permettraient aux actionnaires de profiter des déductions d'impôt se rapportant au supplément versé. Troisièmement, elle a déclaré que les investisseurs publics, qui étaient au courant des jugements rendus par le Conseil dans la décision 90-15 relativement au recouvrement par les actionnaires des économies d'impôt sur les bénéfices associés à un supplément d'achat s'attendraient probablement à une décision semblable du Conseil dans la présente instance et à recevoir une partie des avantages fiscaux au titre des DIS. Elle a fait remarquer en dernier lieu que, dans une note aux états financiers du rapport annuel de la TELUS pour 1990, il est indiqué que le Conseil, dans le cadre de ses fonctions réglementaires, devait se prononcer sur la disposition des avantages fiscaux réalisés. Ainsi, la compagnie ajouta que les actionnaires publics de la TELUS se seraient attendus à recevoir, comme détenteurs d'actions de la TELUS, des avantages fiscaux au titre des DIS au moins égaux au supplément payé par la TELUS en sus de la valeur comptable nette des éléments d'actif téléphoniques nécessaires.
Dans son plaidoyer final, Calgary a convenu que les DIS résultaient de la privatisation de l'AGT Commission. Elle indique, cependant, que les activités et les éléments d'actif téléphoniques de l'AGT Commission sont le fondement de la création des DIS. Elle a déclaré que, comme les abonnés ont absorbé le coût initial moins l'amortissement accumulé et un rendement sur le capital investi (c.-à-d. par l'amortissement), ils avaient droit aux avantages fiscaux résultant des DIS. Elle a ajouté que la documentation publique au sujet de l'offre initiale d'actions secondaires par l'Alberta ne renfermait pas de renseignements pouvant amener les actionnaires à s'attendre à recevoir des avantages fiscaux au titre des DIS.
Calgary n'a pas contesté le fait que l'Alberta ait vendu une partie de ses actions de la TELUS à des investisseurs publics à la fin de 1990, à 12 $ l'action, soit 12,5 % de plus que la valeur comptable nette par action. Elle a toutefois fait valoir que le supplément de 12,5 % dans ce cas-ci ne diffère pas du cas d'un actionnaire qui, après avoir acquis les actions d'une corporation publique, décide de les vendre à profit.
L'AGT a répliqué que la valeur comptable nette inscrite dans les états financiers de 1990 de la TELUS pour les éléments d'actif téléphoniques acquis de l'AGT Commission ne devrait pas être considérée comme le montant payé par la TELUS. La compagnie a déclaré que ce n'était que le résultat d'un traitement comptable particulier utilisé par la TELUS parce qu'il s'agissait d'une transaction avec lien de dépendance. Elle a ajouté que ce traitement comptable était conforme aux principes comptables courants.
La répartition des avantages fiscaux associés aux DIS est un aspect de réglementation difficile compte tenu de l'absence d'ententes écrites entre les parties. La privatisation et la restructuration de l'AGT Commission, qui ont abouti à l'émission d'actions de la TELUS au grand public en Alberta, s'est révélé un processus complexe qui a comporté nécessairement diverses conditions économiques, régionales, sociales et politiques uniques. De l'avis du Conseil, le rôle de la TELUS était essentiel à la réalisation du processus. Il fait également remarquer que l'ampleur des DIS est attribuable à ce processus et entraînera pour les abonnés une baisse beaucoup plus importante que ce n'aurait été le cas autrement. Compte tenu de ces considérations, le Conseil estime que la TELUS devrait recevoir une partie des avantages fiscaux des DIS.
Tel que souligné précédemment, l'AGT a fait valoir que, si le Conseil établissait que les DIS sont un élément d'actif de service public, la TELUS devrait se voir attribuer une partie des DIS proportionnelle au supplément qu'elle a payé au cours de la privatisation. Elle a donc proposé que le montant des DIS auquel l'actionnaire a droit s'établisse à quelque 183 millions de dollars. Compte tenu de l'ampleur des DIS (estimés à 2,5 milliards de dollars) et à la lumière des jugements ci-dessus, le Conseil estime que le montant de 183 millions de dollars ne serait pas déraisonnable. Il l'accepte comme montant maximum auquel l'actionnaire a droit, sous réserve du règlement des questions décrites dans la section D, ci-dessous. Il entend trancher ces questions dans sa décision relative à l'instance portant sur la requête en majoration tarifaire générale de l'AGT. Dans cette décision, il fixera également le montant définitif auquel l'actionnaire a droit et la période de recouvrement du montant.
Comme, de l'avis du Conseil, les circonstances spéciales et uniques mentionnées ci-dessus ne se produiront probablement pas en même temps, il ne faudrait pas interpréter la décision dans la présente instance comme une décision de politique qui s'appliquerait dans d'autres cas de privatisation ou de vente de compagnie de téléphone.
D. Questions juridiques touchant le montant auquel l'actionnaire a droit
Dans la pièce CRTC 1, le Conseil a demandé que les parties fournissent un exposé sur les questions suivantes :
(1) L'AGT a proposé de calculer le montant auquel l'actionnaire a droit à partir du 31 décembre 1992, mais de ne pas l'imputer avant le 1er janvier 1994. Elle a soutenu que la juridiction du Conseil à l'égard du montant auquel l'actionnaire a droit est rétroactive au 24 janvier 1992, auquel moment la [compagnie] a demandé que les questions fiscales soient reportées à une instance distincte de celle qui porte sur les besoins en revenus de la compagnie pour 1992. Elle a également indiqué que le Conseil aurait le pouvoir d'établir le montant auquel l'actionnaire a droit à partir de la date où les tarifs seraient approuvés provisoirement. Dans la lettre-décision CRTC 93-6 du 28 avril 1993 intitulée Objet : Requêtes en approbation de majorations tarifaires provisoires, de tarifs provisoires et d'utilisation de la réserve de stabilisation des tarifs, le Conseil a approuvé provisoirement les tarifs existants de l'AGT, à compter du 1er mai 1993, et a invité les parties intéressées à formuler des observations sur la question de savoir s'il peut établir les besoins en revenus de l'AGT pour l'ensemble de 1993 au moment où le plaidoyer final sera présenté dans le cadre de l'instance portant sur la requête en majoration tarifaire générale de la compagnie.
Le Conseil peut-il donner à l'actionnaire un droit aux avantages fiscaux associés aux DIS pour la période du 1er janvier 1993 au 30 avril 1993, ou s'agirait-il d'une tarification rétrospective?
(2) À l'annexe 1 de sa preuve en réplique, l'AGT a indiqué que, si les DIS sont considérées comme un élément d'actif de service public, aucun rajustement ne serait apporté aux DIS utilisées au cours de la période 1990 à 1992. Si le Conseil établissait que les DIS sont un élément d'actif de service public, l'absence de rajustement signifierait-elle alors le recouvrement du montant auquel l'actionnaire a droit à compter de 1990? Si oui, s'agirait-il d'une tarification rétrospective?
Après avoir reçu le plaidoyer de l'AGT et de Calgary, de même que la réplique de la compagnie, le Conseil conclut qu'il ne conviendrait pas, à ce moment-ci, de se prononcer sur les questions décrites ci-dessus.
Tel que souligné précédemment, dans la lettre-décision CRTC 93-6, le Conseil a invité les parties intéressées à participer à l'instance portant sur la requête en majoration tarifaire générale de l'AGT pour 1993 et 1994 et à faire savoir, au moment du plaidoyer final, si le Conseil peut établir les besoins en revenus de l'AGT pour l'ensemble de 1993, plutôt que sur la période suivant leur approbation provisoire par le Conseil.
Le Conseil estime que les questions soulevées dans la pièce CRTC 1 sont, pour la plupart, du même type que celles qu'il examinera dans le cadre de la requête en majoration tarifaire générale de l'AGT. Il juge donc approprié de verser la partie du dossier de l'instance traitant des questions ci-dessus dans celui de l'instance portant sur une majoration tarifaire générale. Les parties à cette instance auront l'occasion, dans leur plaidoyer, de traiter ces questions dans le contexte des jugements pris dans la décision, ainsi que celle qui a été cernée dans la lettre-décision CRTC 93-6. Comme il l'a souligné ci-dessus, le Conseil se prononcera sur ces questions dans sa décision relative à l'instance en majoration tarifaire générale.
IV MÉTHODE DE COMPTABILISATION DES IMPÔTS SUR LES BÉNÉFICES DE LA SOCIÉTÉ
A. Généralités
On retrouve des différences chronologiques entre les bénéfices comptables et les bénéfices imposables lorsque la date d'inclusion des articles de revenu et de frais dans le calcul des bénéfices comptables et celle de leur inclusion dans le calcul des bénéfices imposables ne coïncident pas (par exemple, les DPA en sus de l'amortissement). Deux méthodes peuvent être utilisées pour calculer l'impôt des sociétés (frais) lorsqu'il y a des différences chronologiques entre les bénéfices comptables et les bénéfices imposables : la méthode des déductions d'impôt (méthode normalisée) et la méthode de l'impôt à payer (méthode de l'impôt exigible).
La méthode normalisée lie la provision pour impôts sur les bénéfices (frais) aux bénéfices comptables pour la période. Si l'on utilise la méthode de l'impôt exigible, la provision pour impôts sur les bénéfices (frais) représente le montant estimatif des impôts qui seront réellement évalués (à payer) pour la période. Si l'Institut canadien des comptables agréés (l'ICCA) recommande cette méthode pour toutes les corporations, il reconnaît qu'une exception peut être justifiée dans le cas des services publics réglementés par un organisme qui n'admet comme élément de coût dans l'établissement des tarifs que le montant des impôts à payer actuellement. Dans la décision Télécom CRTC 78-1 du 13 janvier 1978 intitulée Enquête sur les méthodes comptables et analytiques des sociétés exploitantes de télécommunications - Phase I: Questions financières et comptables (la décision 78-1), le Conseil a ordonné à tous les transporteurs relevant de sa compétence d'utiliser la méthode normalisée.
À propos de la méthode normalisée, deux types différents peuvent être utilisés pour comptabiliser le passif d'impôts futurs. La méthode du report calcule le montant des impôts sur les bénéfices reportés à chaque période au moyen du taux d'imposition en vigueur au cours de cette période. Ce montant est alors reporté d'une année à l'autre. La méthode du passif, elle, calcule le montant total des impôts reportés en fonction du taux d'imposition adopté plutôt que du taux d'imposition en vigueur au moment où les impôts reportés ont été acquis. Dans la décision 89-9, le Conseil a ordonné à tous les transporteurs relevant de sa compétence d'utiliser la méthode du passif.
B. Méthode de comptabilisation des frais d'impôt sur les bénéfices
Dans son plaidoyer, l'AGT a demandé que le Conseil continue d'exiger qu'on utilise la méthode normalisée pour comptabiliser les impôts sur les bénéfices. Elle a en outre demandé qu'il ne la traite pas différemment des autres compagnies de téléphone au Canada en exigeant qu'elle emploie la méthode de l'impôt exigible.
L'AGT a fait remarquer qu'aucune partie n'a prétendu que la décision 78-1 était erronée ou qu'il existait un doute réel quant à la rectitude de la méthode normalisée que le Conseil préconise. En l'absence de ce qui précède, le Conseil ne devrait pas, selon elle, changer sa politique à l'égard de l'industrie canadienne de la téléphonie.
L'AGT a maintenu que ce n'est pas parce que l'environnement devient de plus en plus concurrentiel qu'il n'est pas opportun de reconsidérer la méthode normalisée utilisée par l'industrie des télécommunications. À son avis, il est difficile d'appuyer le critère du recouvrement futur spécifié par l'ICCA en ce qui concerne la méthode de l'impôt exigible. Elle a également maintenu qu'il est encore plus mal avisé de n'imposer cette méthode qu'à elle. Comme question de principe, l'AGT a soutenu que tous les transporteurs relevant de la compétence du Conseil devraient être réglementés selon les mêmes principes comptables à des fins fiscales (c.-à-d., la normalisation). En plus de ce point de principe, la compagnie a fait remarquer qu'elle subirait un préjudice en vertu du Régime de partage des revenus (RPR) si elle était tenue d'utiliser la méthode de l'impôt exigible.
De l'avis de l'AGT, l'iniquité intergénérationnelle est minimisée dans le cas de la méthode normalisée. Plus spécifiquement, avec la concurrence accrue, la composition de ses futurs abonnés sera différente de l'actuelle. Elle a ajouté qu'avec la méthode de l'impôt exigible, les futurs abonnés seraient responsables des impôts acquis par l'AGT en fournissant le service tant à eux qu'à des générations antérieures, d'où une iniquité intergénérationnelle.
Dans son plaidoyer, Calgary a fait savoir que l'AGT devrait comptabiliser les impôts sur les bénéfices au moyen de la méthode de l'impôt exigible pour plusieurs raisons, notamment :
(1) dans le cas des entreprises réglementées, les décisions comptables officielles (c.-à-d. le Manuel de l'ICCA) admettent l'utilisation soit de la méthode de l'impôt exigible, soit de la méthode normalisée;
(2) la méthode de l'impôt exigible est une méthode fondée sur le prix de revient et basée sur les bénéfices imposables (calculés au moyen des règles de la Loi de l'impôt sur le revenu), plutôt que sur les bénéfices comptables;
(3) lorsque l'AGT doit soutenir la concurrence, l'utilisation de la méthode de l'impôt exigible lui permet de le faire de façon plus intense et de capturer une part du marché au cours de la période critique des premières années;
(4) l'AGT a reconnu que ses abonnés seraient plus avantagés en ayant des coûts réduits supérieurs aux revenus additionnels qu'elle pourrait recevoir du RPR selon la méthode normalisée;
(5) dans un avenir indéfini, il est fort probable que l'AGT engagera des dépenses d'immobilisation en sus de l'amortissement, ce qui reporterait indéfiniment le moment du paiement des montants perçus comme impôts reportés (le point de "démarcation"); et
(6) la méthode de l'impôt exigible et la méthode normalisée impliquent le même degré d'iniquité intergénérationnelle.
Dans sa réplique, l'AGT a déclaré que Calgary a préféré exposer sa propre preuve plutôt que de répliquer à son plaidoyer. À certains points soulevés par Calgary, l'AGT a répondu que :
(1) la méthode normalisée est plus conforme à la concurrence accrue, et fixer des prix trop élevés pour de futurs services empêcherait ultérieurement l'AGT de soutenir la concurrence;
(2) dans la décision 78-1, le Conseil a jugé que la méthode normalisée "... est la plus conforme au principe de la concordance des coûts avec les dépenses";
(3) la preuve de Calgary concernant le point de démarcation repose sur des renseignements qui sont sans rapport, tandis que la compagnie utilise des données plus pertinentes dans sa preuve;
(4) l'AGT serait grandement désavantagée sur le plan de la concurrence si elle était la seule à devoir utiliser la méthode de l'impôt exigible; et
(5) Calgary n'a fourni aucune preuve à l'appui de l'affirmation selon laquelle la méthode de l'impôt exigible produit le même degré d'iniquité intergénérationnelle que la méthode normalisée.
Le Conseil fait remarquer que des principes comptables généralement acceptés permettent l'utilisation de l'une ou l'autre méthode dans le cas de services publics réglementés comme l'AGT. Il convient que la méthode de l'impôt exigible donnerait à la compagnie la chance de soutenir la concurrence dans les premières années, étant donné que ses frais d'impôt sur les bénéfices seraient inférieurs à ceux de la méthode normalisée. Il fait également observer que les coûts réduits entraîneraient des économies supérieures aux revenus additionnels que la compagnie recevrait du RPR, avec la méthode normalisée.
Toutefois, le Conseil ne juge pas approprié pour le moment que l'AGT utilise la méthode de l'impôt exigible pour calculer les impôts sur les bénéfices. Il signale que l'industrie des télécommunications subit en ce moment d'importantes transformations, en particulier l'avènement de la concurrence dans le marché de l'interurbain. En outre, le Conseil a amorcé une instance visant à examiner le cadre de réglementation actuel des compagnies de téléphone et les modifications qu'il y a lieu d'apporter. Même si changer de méthode de comptabilisation des impôts sur les bénéfices pour la méthode de l'impôt exigible donnerait à la compagnie un avantage sur le plan de la concurrence au cours des prochaines années, on ne connaît pas précisément les répercussions que ce changement dans un cadre de réglementation modifié aurait sur un environnement concurrentiel plus évolué.
Calgary et l'AGT ont fourni des éléments de preuve et des vues contradictoires concernant le point où l'amortissement dépasse les DPA réclamées. En outre, les DPA réclamées par l'AGT ou devant l'être se rapportent en grande partie aux DIS et n'ont pas d'équivalent dans le calcul des bénéfices comptables. Les DIS associés à ces DPA différentielles produiront des DPA totales plus élevées que ce n'aurait été le cas autrement et pourraient donc reporter artificiellement le point de démarcation. Par conséquent, le Conseil juge non concluante la preuve relative au point de démarcation.
Les concurrents dans le marché de l'interurbain utilisent ou utiliseront probablement la méthode normalisée pour calculer les impôts sur les bénéfices, et le Conseil admet que l'AGT pourrait éventuellement être désavantagée sur le plan de la concurrence si elle était la seule à devoir employer la méthode de l'impôt exigible. Il convient donc que tous les transporteurs de compétence fédérale devraient recourir à la même méthode comptable pour les impôts sur les bénéfices.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime qu'il ne conviendrait pas pour l'instant de changer la méthode de comptabilisation des frais d'impôt sur les bénéfices dans le cas de l'AGT ni dans celui des transporteurs de compétence fédérale. Il ordonne donc que l'AGT continue d'utiliser la méthode normalisée pour calculer les frais d'impôt sur les bénéfices.
C. Méthode de comptabilisation du passif d'impôts futurs
Dans sa preuve, l'AGT a dit accepter la politique actuelle du Conseil qui préconise l'emploi de la méthode du passif pour comptabiliser le passif d'impôts futurs, même si, comme il le souligne, l'ICCA exige encore la méthode du report. À son avis, il serait possible d'éliminer le risque associé aux modifications aux taux d'imposition en fonction des différences chronologiques passées en reportant l'incidence des modifications aux taux d'imposition, le montant reporté étant amorti sur des périodes futures et recouvré dans des tarifs futurs. Comme ces changements imprévus sont indépendants de la volonté de la direction, l'AGT a jugé opportun de recouvrer des abonnés ou de reporter 1sur eux l'incidence des modifications dans des tarifs futurs.
Comme il le fait également dans le cas des autres transporteurs, le Conseil ordonne que l'AGT utilise la méthode du passif pour comptabiliser son passif d'impôts futurs. Quant à la question des modifications périodiques aux taux d'imposition, le Conseil a déclaré ce qui suit dans la décision 89-9 :
De l'avis du Conseil, les modifications subséquentes des taux d'imposition seront probablement moins importantes que celle qui est actuellement à l'étude. Ainsi, les redressements correspondants du PIF d'une année à l'autre devraient également être moins importants que le redressement actuel. Par conséquent, une longue période d'amortissement pourrait se révéler inutile pour ces redressements subséquents.
En conséquence, le Conseil conclut que les redressements d'impôts futurs résultant de modifications subséquentes mineures aux taux d'imposition doivent, dans des circonstances normales, être portés à l'exercice en cours. Toutefois, si tout redressement du PIF devait avoir d'importantes répercussions sur le rendement de l'avoir d'un transporteur, on pourrait envisager une période d'amortissement plus longue.
De l'avis du Conseil, il n'y a eu aucun changement de circonstance ou de preuve produite dans l'instance qui justifie la révision de la décision susmentionnée. Les modifications périodiques aux taux d'imposition seront donc calculées selon la méthode prescrite dans la décision 89-9.
V AUTRES QUESTIONS
Dans une lettre datée du 26 février 1993, le Conseil a indiqué que les questions concernant les tarifs et la tarification qui peuvent découler de la présente instance seraient traitées dans le cadre de la requête en majoration tarifaire générale de l'AGT. Par suite de la présente décision, il est nécessaire d'apporter plusieurs révisions à la preuve déposée par l'AGT dans le cadre de l'instance portant sur sa requête en majoration tarifaire générale du 16 avril 1993. Dans une lettre datée du 23 juillet 1993, le Conseil a ordonné à l'AGT de mettre à jour sa preuve et il lui a adressé des demandes de renseignements complémentaires.
Le Secrétaire général
Allan J. Darling

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