Ordonnance de télécom CRTC 2017-95

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Ottawa, le 11 avril 2017

Numéros de dossiers : 8663-C12-201503186 et 4754-534

Demande d’attribution de frais concernant la participation de l’Affordable Access Coalition à l’instance ayant mené à la politique réglementaire de télécom 2016-496

Demande

  1. Dans une lettre datée du 30 juin 2016, l’Affordable Access Coalition (AAC)Note de bas de page 1 a présenté une demande d’attribution de frais pour sa participation à l’instance ayant mené à la politique réglementaire de télécom 2016-496, dans laquelle le Conseil a examiné ses politiques concernant les services de télécommunication de base au Canada (instance).
  2. Le Conseil a reçu des réponses de Bell CanadaNote de bas de page 2; de Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink (Eastlink); de MTS Inc. (MTS) et de la Société TELUS Communications (STC), toutes datées du 21 juillet 2016, ainsi que de Vaxination Informatique (Vaxination), datée du 25 juillet 2016. L’AAC a déposé une réplique datée du 29 juillet 2016.
  3. L’AAC a indiqué qu’elle avait satisfait aux critères d’attribution de frais énoncés à l’article 68 des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (Règles de procédure), car elle représentait un groupe ou une catégorie d’abonnés pour qui le dénouement de l’instance revêtait un intérêt, elle avait aidé le Conseil à mieux comprendre les questions examinées et elle avait participé à l’instance de manière responsable.
  4. Plus particulièrement, l’AAC a précisé qu’elle représentait le plus important groupe d’intervenants d’intérêt public, dont font partie les consommateurs en général, ainsi que les familles à faible revenu, les familles à revenu moyen et les aînés. L’AAC a déclaré que ses organismes membres : i) ont fait appel aux connaissances spécialisées de leur personnel et de leur conseil d’administration pour évaluer les intérêts de leurs membres respectifs; ii) ont obtenu des rétroactions concernant les questions ayant été examinées par leurs membres individuels respectifs dans le cadre de l’instance; iii) ont partagé des renseignements sur leurs sites Web et dans leurs forums de discussion; et iv) ont commandé une recherche sur l’opinion publique.
  5. L’AAC a indiqué qu’elle a participé à l’instance de manière responsable, en présentant : i) une perspective distincte, centrée sur l’utilisateur et axée sur l’intérêt public; ii) des propositions concrètes et pratiques, y compris l’élaboration de deux modèles de financement par un témoin expert; et iii) des observations claires et pratiques, y compris des réponses à toutes les demandes de renseignements. L’AAC a déclaré que cette participation a aidé le Conseil à mieux comprendre les questions examinées.
  6. L’AAC a demandé au Conseil de fixer ses frais à 455 089,49 $, ce qui représente 250 553,86 $ en honoraires d’avocats, 2 702,50 $ en honoraires d’experts-conseils, 175 788,52 $ en honoraires de témoin expert et 26 044,61 $ en débours. La somme réclamée par l’AAC comprenait la taxe de vente harmonisée (TVH) de l’Ontario appliquée aux frais, moins le rabais concernant la TVH auquel l’AAC a droit. L’AAC a joint un mémoire de frais à sa demande.
  7. En ce qui concerne ses honoraires d’avocats, l’AAC a réclamé 295,80 heures au taux horaire externe de 290 $ pour des avocats principaux, 478,14 heures au taux horaire externe de 206 $ et 14 heures au taux horaire externe de 165 $ pour des avocats adjoints, 30,75 jours aux taux quotidien interne de 175 $ pour deux assistants juridiques, 23,5 jours au taux quotidien interne de 600 $ pour des avocats internes, ainsi que 532,35 heures au taux horaire externe de 70 $ pour deux stagiaires en droit.
  8. L’AAC a aussi réclamé 5,75 jours au taux quotidien interne de 470 $ pour un analyste interne, ainsi que 453,5 heures au taux horaire de 225 $ pour un témoin expert.
  9. Concernant ses débours, l’AAC a réclamé des frais liés aux photocopies et aux appels téléphoniques interurbains, les frais de déplacement et d’hébergement pour la comparution à l’audience de deux représentants d’organisations membres et leur témoin expert, et les frais liés à la conduite de deux sondages pour l’audience.
  10. L’AAC a précisé que tous les fournisseurs de services de télécommunication qui ont participé à l’instance devraient être tenus de payer les frais attribués par le Conseil (intimés).

Réponse

  1. Bell Canada, Eastlink, MTS et la STC ont soutenu que les montants réclamés par l’AAC pour sa participation à l’instance sont sans précédent et sont considérablement plus élevés que les frais attribués précédemment pour des instances semblables et les frais réclamés par d’autres participants à l’instance.
  2. Eastlink a soutenu que le nombre d’avocats, d’experts et d’autres ressources auxquels a eu recours l’AAC et les montants réclamés pour son travail sont disproportionnés par rapport à sa contribution à l’instance, et qu’il est irresponsable de la part de l’AAC de ne pas avoir mieux géré ses coûts. Eastlink a affirmé que son argument est d’autant plus vrai dans le cas d’une instance d’envergure où les fournisseurs de services de télécommunication se retrouvent devant des demandes d’attribution de frais de nombreux intervenants. Eastlink a argué que l’attribution de frais aussi importants : i) établirait un précédent dangereux; ii) n’inciterait pas vraiment les participants d’intérêt public à contrôler leurs coûts; et iii) forcerait les petits fournisseurs de services de télécommunication à envisager sérieusement de ne pas participer aux instances du Conseil afin d’éviter de payer d’importants frais.
  3. La STC a soutenu que l’AAC n’a pas participé de manière responsable à l’instance et que ses frais ont été engagés de manière déraisonnable. Plus particulièrement, la STC a précisé que :
    • le statut de l’un des avocats externes, M. John Lawford, a été incorrectement défini comme « Pratique privée » (et donc admissible en vertu des Lignes directrices pour l’évaluation des demandes d’attribution de frais [Lignes directrices] du Conseil pour appliquer les frais d’avocat externe), puisque M. Lawford relève du Barreau du Haut-Canada en tant qu’« employé et pratiquant le droit » (ce qui donnerait lieu à l’application du taux pour un avocat interne selon les Lignes directrices) et agit à titre de directeur administratif et avocat général du Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP);
    • les stagiaires en droit du CDIP ont été incorrectement définis en tant qu’avocats externes, du fait qu’ils relèvent d’un avocat externe principal, même s’ils sont embauchés par le CDIP et, partant, travaillent à l’interne;
    • même si M. Lawford et les stagiaires en droit sont désignés comme externes, la demande de frais juridiques de l’AAC devrait être réduite, puisqu’elle reflète une dépendance déraisonnable à des ressources juridiques externes (et donc plus coûteuses) plutôt qu’aux ressources internes du CDIP;
    • le nombre d’heures réclamées pour le témoin expert de l’AAC est excessif (selon les renseignements au dossier, le témoin expert semble avoir consacré l’équivalent de sept heures pour chaque réponse à la demande de renseignements, et huit heures par page du rapport d’expert);
    • le nombre d’heures réclamées pour l’avocat adjoint externe est également excessif, beaucoup trop de temps ayant été consacré à des tâches administratives, à l’examen du dossier et à la préparation à l’audience;
    • le nombre d’heures réclamées pour l’un des stagiaires en droit est excessif en ce qui concerne l’examen du dossier et la préparation à l’audience.
  1. Par conséquent, la STC a proposé que les frais globaux de l’AAC soient réduits à 287 754,55 $.
  2. Bell Canada a soutenu que l’AAC n’a pas participé à l’instance de manière responsable et que ses frais n’ont pas été engagés en fonction de leur caractère nécessaire et raisonnable, puisqu’ils étaient trop fortement fondés sur des ressources externes plutôt que sur des ressources internes ou plus économiques. Bell Canada a fourni une répartition des tâches qui, à son avis, un non-avocat, un avocat adjoint ou des ressources internes auraient pu exécuter, mais qui ont été affectées à un avocat principal externe. Bell Canada a ajouté que si l’AAC n’avait pas présumé que ses frais seraient recouvrés, elle aurait choisi une approche plus rentable pour participer à l’instance.
  3. Bell Canada a indiqué que les stagiaires en droit occupent des postes qui sont clairement annoncés comme des postes à l’interne au CDIP et pour lesquels le CDIP reçoit de l’aide financière du programme des bourses d’études sur les questions d’intérêt public de la Fondation du droit de l’Ontario (Programme de bourses d’études). Bell Canada a indiqué que sans preuve indiquant que les stagiaires en droit sont employés directement par l’avocat principal externe, leurs heures consacrées au travail doivent être réclamées au taux horaire interne seulement. Bell Canada a ajouté que si les stagiaires en droit sont de véritables ressources externes, les frais réclamés pour leur travail n’ont pas été engagés en fonction de leur caractère nécessaire et raisonnable, puisque ces frais sont considérablement plus élevés que les salaires qu’ils ont reçus dans le cadre du Programme de bourses d’études.
  4. Enfin, Bell Canada a mis en doute la valeur pour les Canadiens, qui, au bout du compte, paient les frais attribués par le biais de leurs tarifs de services de télécommunication, du travail affecté à des témoins experts. Bell Canada a soutenu qu’en l’espèce, une grande partie du travail effectué par le témoin expert de l’AAC aurait pu être entièrement réalisé par des ressources internes ou plus économiques. En outre, Bell Canada a souligné que, selon les Lignes directrices, au moment de déterminer si une réclamation de frais est excessive, le Conseil examinera l’expérience et les connaissances spécialisées relatives de la personne dont les heures de travail sont réclamées. Bell Canada a donc soutenu que, tous les frais liés à l’examen du rapport du témoin expert, qui suppose des corrections et des ajouts que l’expert aurait dû raisonnablement connaître au moment où il a écrit le rapport, doivent être refusés.
  5. Par conséquent, Bell Canada a proposé que les frais globaux de l’AAC soient réduits à 247 986,58 $.
  6. En ce qui a trait à la répartition de la responsabilité du paiement des frais, Bell Canada a signalé que les frais devraient être répartis entre les fournisseurs de services de télécommunication qui ont participé à l’instance en fonction de leurs revenus d’exploitation provenant d’activités de télécommunication (RET), conformément aux Lignes directrices.
  7. La STC a fait valoir que le Conseil doit s’assurer que la répartition de la responsabilité du paiement des frais reflète véritablement la prépondérance et l’intérêt relatifs des intimés, ainsi que leur capacité à absorber les coûts. De l’avis de la STC, la répartition des frais fondée sur les RET pourrait être appropriée en l’espèce, mais le Conseil doit veiller à calculer les RET de manière exacte et neutre sur le plan de la concurrence. Plus précisément, la STC a indiqué que le Conseil doit attribuer ces frais en fonction des RET des sociétés mères des intimés qui les ont engagés. 

Réplique

  1. L’AAC a soutenu que Bell Canada et la STC avaient indûment regroupé les critères d’admissibilité à l’attribution de frais, qui exigent une participation responsable (à l’audience et dans les questions touchant l’instance), et que le critère ayant servi à déterminer le montant des frais réclamés est adéquat. L’AAC a indiqué que son respect des procédures dans le cadre de l’instance était irréprochable et que, comme les parties n’avaient pas contesté l’admissibilité de l’AAC pour l’attribution de frais relativement aux autres critères, l’AAC est clairement admissible.
  2. En réponse à l’argument selon lequel le montant total réclamé par l’AAC est excessif, l’AAC a soutenu qu’il n’y a aucune limite supérieure quant au montant qui peut être réclamé, à condition que les montants soient conformes aux Lignes directrices et qu’ils aient été engagés dans la mesure où ils sont nécessaires et raisonnables, tel qu’énoncé au paragraphe 56(1) de la Loi sur les télécommunications. L’AAC a déclaré que l’objectif de l’attribution de frais est d’encourager la participation du public aux instances du Conseil. L’AAC a fait valoir qu’il serait déraisonnable que le Conseil exige des organismes comme elle de participer au même titre qu’un cabinet d’avocats privé, comme l’ont défendu Bell Canada et la STC. L’AAC a indiqué que le Conseil doit seulement déterminer si l’AAC a défendu efficacement l’intérêt public afin d’obtenir les meilleurs résultats pour les consommateurs.
  3. En ce qui concerne l’argument selon lequel le montant réclamé était excessif, au motif que les consommateurs devront ultimement l’acquitter, l’AAC a indiqué que ce n’est pas nécessairement le cas, et que les parties ont négligé le rôle important que la participation de groupes d’intérêt public peut jouer pour veiller à ce que les coûts pour les consommateurs canadiens soient réduits dans les secteurs où le marché n’est pas en mesure d’offrir une telle réduction.
  4. L’AAC a soutenu que le montant revendiqué n’est pas sans précédent, puisqu’un montant qui, en dollars d’aujourd’hui, équivaudrait à 382 973,95 $, a été attribué à une coalition semblable à l’AAC (en l’occurrence, Action Réseau Consommateur) pour sa participation à l’instance amorcée par l’avis public 2001-37. L’AAC a soutenu que l’instance se comparait davantage sur le plan de la prépondérance et de la portée aux services de télécommunication de base que les exemples d’instances fournis par Bell Canada et la STC. En outre, l’AAC a soutenu que selon l’application des critères du Conseil pour évaluer si les frais réclamés sont excessifs : i) sa participation à l’instance était importante; ii) l’instance était complexe; iii) la responsabilité assumée par l’AAC, particulièrement par le CDIP en tant que membre coordonnateur de la coalition, était grande; iv) ses observations et son point de vue étaient uniques; et v) il n’y avait aucun recoupement avec d’autres intervenants d’intérêt public.
  5. En réponse à l’argument voulant que l’AAC s’est appuyée trop fortement sur les services d’un avocat externe, l’AAC a précisé que comme le CDIP est une petite organisation qui s’occupait de nombreux autres dossiers pendant la même période au cours de laquelle se déroulait l’instance, l’avocat général du CDIP a estimé qu’il serait moins coûteux de recourir à des ressources internes et moins expérimentées pour d’autres dossiers moins complexes, surtout que l’avocat principal externe avait déjà participé à d’autres instances liées aux services de télécommunication de base et était déjà au fait des enjeux connexes. L’AAC a ajouté que, bien que le CDIP ait soumis la demande d’attribution de frais, il l’a fait au nom de plusieurs organismes d’intérêt public qui constituaient la coalition, et que tous ces organismes étaient admissibles au montant total des frais réclamés. 
  6. En réponse à l’allégation voulant que M. Lawford était en fait un employé du CDIP et relevait également du Barreau du Haut-Canada, l’AAC a soutenu que sa situation était unique. Selon elle, même si cet avocat a été nommé directeur administratif et avocat général du CDIP par le Conseil d’administration du CDIP, il ne reçoit aucun salaire ni revenu d’emploi. Il exécute plutôt tout travail juridique demandé par le CDIP et il est libre de représenter d’autres clients, puisqu’il exploite un cabinet d’avocats indépendant. Bien que son statut auprès du Barreau du Haut-Canada soit celui d’« employé et pratiquant le droit », il reflète une entente de longue date avec le Barreau du Haut-Canada pour le poste de directeur administratif du CDIP, ce qui permet au titulaire de ce poste de payer des frais d’assurance moins élevés. L’AAC a indiqué qu’il peut s’agir d’une entente inhabituelle, mais qu’elle ne change en rien la réalité, soit que M. Lawford est l’avocat externe de l’AAC et a toujours été accepté ainsi par le Conseil.
  7. En réponse à l’argument voulant que les stagiaires travaillaient également pour le CDIP à l’interne, l’AAC a argué qu’il s’agit des stagiaires de M. Lawford seulement. Bien que les salaires versés aux stagiaires dans le cadre du Programme de bourses d’études soient acquittés au nom du CDIP, ce dernier n’en conserve aucune part et retient simplement les fonds pour les étudiants afin de leur remettre des versements périodiques. Cette entente permet aux étudiants de M. Lawford d’accéder au Programme de bourses d’études et de travailler avec lui aux dossiers du CDIP, à d’autres dossiers et aux différentes questions liées au CDIP, si le temps le permet. Bien que cette situation soit inhabituelle, elle est acceptée par le Barreau du Haut-Canada, le CDIP et le Programme de bourses d’études. Elle a également toujours été acceptée par le Conseil. Enfin, l’AAC a fait valoir qu’il n’est aucunement exigé que les frais liés aux stagiaires aient en réalité été engagés par le CDIP ou par d’autres membres de l’AAC, ni que les montants soient réduits en raison du salaire versé dans le cadre du Programme de bourses d’études, puisque ce financement n’était pas propre à l’instance.
  8. En réponse à l’argument selon lequel l’avocat principal externe exécutait des travaux qui auraient pu être réalisés par des ressources internes et moins expérimentées, l’AAC a prétendu que cet argument démontre une compréhension superficielle des feuilles de temps remises. L’AAC a indiqué que, par souci d’efficacité et de confidentialité à l’égard du client, le personnel principal utilise les catégories générales requises pour remplir les formulaires de demande d’attribution de frais du Conseil. L’AAC a affirmé que même si ces catégories pouvaient être précisées, les avocats ont l’obligation de franchise envers leurs clients et qu’on ne peut supposer, sans aucune autre preuve que les notations génériques sur des formulaires de demande d’attribution de frais, que les avocats gonflent le nombre d’heures travaillées. En outre, l’AAC a précisé que le fait d’exiger des notes détaillées sur l’inscription du nombre d’heures travaillées constituerait un lourd fardeau administratif et, dans la plupart des cas, ces notes ne pourraient pas être fournies au Conseil en toute confiance en raison du secret professionnel.
  9. L’AAC a également précisé que le taux réclamé pour l’avocat adjoint externe était différent au cours des trois premières semaines de l’instance, puisque cet avocat avait atteint, au cours de l’instance, six années de pratique. L’AAC a soutenu le fait que même si les Lignes directrices indiquent que le taux réclamé doit viser les années de pratiques terminées au début de l’instance, en l’espèce, étant donné la durée et la complexité de l’instance, ainsi que la période relativement courte entre le début de l’instance et le moment où l’avocat adjoint a gagné une année d’expérience, il s’agit d’un contexte approprié dans lequel on peut déroger aux Lignes directrices.
  10. En réponse à l’argument selon lequel les montants réclamés pour les témoins experts étaient excessifs, l’AAC a déclaré que ces montants étaient entièrement justifiés. Elle a fait valoir qu’en raison de la contribution du témoin expert, l’AAC était la seule partie à produire une proposition de subvention adéquatement et entièrement élaborée. L’AAC a indiqué que le nombre d’heures réclamées pour le rapport du témoin expert était justifié, puisque le rapport était exhaustif et comprenait des analyses quantitatives et qualitatives originales, une recherche historique et internationale de même que les paramètres principaux de conception de deux programmes précis dont le coût a ensuite été établi selon des critères objectifs appliqués à la situation canadienne. En outre, l’AAC a soutenu que comme le rapport est la seule proposition concrète au dossier, il a fait l’objet d’un examen minutieux et d’un nombre important de demandes de renseignements.
  11. L’AAC a précisé qu’au moins 90 % de son temps a été consacré à répondre à des demandes de renseignements touchant des sujets complexes, demandes qui n’auraient pu être traitées par quelqu’un d’autre, ce qui signifie qu’au plus 18 heures auraient pu être facturées à une ressource plus rentable. L’AAC a affirmé que le rapport révisé ne fait pas que corriger des erreurs ou des omissions; il fournit des renseignements supplémentaires qu’il n’était pas possible de présenter dans le délai limité accordé pour la présentation du premier rapport. Même si l’on établissait que certaines des révisions apportées au rapport sont des omissions relevées dans le premier rapport, cela ne représenterait que 19 heures des 99 heures supplémentaires consacrées au rapport, puisque le reste de ces heures a été réservé à la recherche pour répondre aux demandes de renseignements et à l’adaptation des modèles de financement au contexte canadien.
  12. L’AAC a fait valoir que, dans l’ensemble, la preuve du témoin expert était essentielle à une meilleure compréhension des questions par le Conseil. Les modèles mis au point par le témoin expert sont devenus un élément central de l’audience et ont suscité des discussions approfondies sur la façon dont les subventions fonctionneraient. L’AAC a déclaré que, par conséquent, les dépenses connexes ont été engagées dans la mesure où elles étaient nécessaires et raisonnables.

Résultats de l’analyse du Conseil

Admissibilité

  1. Les critères d’attribution de frais sont énoncés à l’article 68 des Règles de procédure, qui prévoit :

    68. Le Conseil décide d’attribuer des frais définitifs et fixe le pourcentage maximal de ceux-ci en se fondant sur les critères suivants :

    a) le fait que le dénouement de l’instance revêtait un intérêt pour le demandeur ou pour le groupe ou la catégorie d’abonnés qu’il représentait;

    b) la mesure dans laquelle le demandeur a aidé le Conseil à mieux comprendre les questions qui ont été examinées;

    c) le fait que le demandeur a participé à l’instance de manière responsable.

  1. Dans le bulletin d’information de télécom 2016-188, le Conseil a donné des directives sur la manière dont un demandeur peut démontrer qu’il répond au premier critère en ce qui a trait à la représentation d’abonnés intéressés. L’AAC représente un vaste spectre de consommateurs canadiens, y compris les personnes à faible revenu et les aînés. L’AAC a démontré cette représentation : i) en s’appuyant sur les conseils d’administration élus de ses organismes membres; ii) en informant, et parfois en consultant, ces membres directement; et iii) en menant des recherches qualitatives pour confirmer les opinions et les besoins de ses membres.
  2. L’AAC a satisfait les critères restants par sa participation à l’instance. Plus particulièrement, l’AAC a présenté une position concrète, pratique et éclairée, y compris deux modèles de financement, lesquels ont stimulé un débat important pendant l’instance.
  3. Par conséquent, l’AAC est admissible à une attribution de frais liée à sa participation à l’instance.

Honoraires d’avocats

  1. Dans les Lignes directrices, qui sont établies dans la politique réglementaire de télécom 2010-963, le Conseil a traité la manière la plus efficiente et efficace pour déterminer si les avocats sont internes ou externes. Plus précisément, le Conseil a énoncé que « compte tenu des répercussions réelles découlant de fausses déclarations relatives à l’appartenance à un barreau, le Conseil estime que le fait d’exiger qu’un réclamant pratiquant le droit atteste la manière dont il déclare sa situation d’emploi à tout barreau dont il est membre est un moyen efficace d’évaluer si l’avocat peut réclamer des frais d’avocat externe. » Le Conseil a ensuite modifié les formulaires d’attribution de frais en conséquence.
  2. Le dossier de la présente instance révèle que, même si M. Lawford a indiqué sur le formulaire de demande d’attribution de frais que son statut inscrit auprès du Barreau du Haut-Canada était « en pratique privée », il a ensuite été admis que son véritable statut, tel qu’inscrit auprès du Barreau du Haut-Canada, était « employé et pratiquant le droit ». Cependant, les Lignes directrices exigent explicitement qu’un avocat qui réclame des frais atteste son statut tel qu’inscrit auprès du barreau concerné, et que la question connexe sur le formulaire de demande d’attribution de frais ne soit pas ambigüeNote de bas de page 3. Ce n’est qu’une fois confronté à cet écart que l’AAC a argué que le statut déclaré de M. Lawford ne constitue pas une mesure appropriée de son titre d’avocat interne ou externe. Le Conseil conclut donc qu’en fait, les renseignements fournis sur le formulaire de demande d’attribution de frais sont inexacts.
  3. Le Conseil rappelle aux parties qu’il faut répondre précisément et honnêtement aux questions du formulaire de demande d’attribution de frais. Il est possible pour les demandeurs : i) de fournir des explications s’ils estiment qu’une question ne s’applique pas précisément dans leur cas ou ii) de demander une exemption aux Lignes directrices. Ainsi, on peut garantir la transparence des instances du Conseil et le respect du rôle de ce dernier en tant que décideurNote de bas de page 4. Dans les cas où un éventuel demandeur d’attribution de frais n’est pas sûr de son admissibilité à des frais selon un tarif donné, les Lignes directrices lui permettent de soumettre une demande au Conseil au début d’une instance afin qu’une décision soit rendue concernant son admissibilité.
  4. Le Conseil a maintenant examiné la question du taux à accorder pour les heures de travail de M. Lawford, tel qu’alléguée par les parties dans la présente instance sur l’attribution de frais. Bien que le Conseil constate que M. Lawford est inscrit auprès du Barreau du Haut-Canada en tant qu’« employé et pratiquant le droit », il estime que les circonstances particulières de l’instance justifient une exception à l’échelle tarifaire normale qui s’applique en vertu des Lignes directrices. Plus précisément, l’AAC est une coalition de cinq grands groupes d’intérêt public nécessitant une coordination importante. L’instance a été longue et complexe, une grande importance ayant été accordée aux groupes de consommateurs et à l’intérêt public. La contribution de l’AAC à l’instance était détaillée, recherchée et, surtout, a permis d’établir une base de référence pour le débat sur les modèles de financement qui peuvent être adoptés. Par conséquent, compte tenu des circonstances particulières de l’instance, le Conseil exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer les Lignes directrices et d’adjuger les frais réclamés au taux horaire externe pour M. Lawford et ses deux stagiaires.
  5. Quant au taux horaire réclamé pour l’avocat adjoint, étant donné la durée de l’instance par rapport à la courte période pendant laquelle le taux horaire pour un avocat adjoint se serait appliqué, le Conseil estime qu’il est pertinent, dans les circonstances, de déroger aux Lignes directrices, et d’adjuger les frais réclamés. Cependant, après avoir examiné la demande d’attribution de frais, le Conseil a découvert une erreur d’écriture, faisant en sorte que 0,2 heure a été mal calculée et que le montant réel réclamé avant l’application de la TVH et le rabais des 492,14 heures, doit correspondre à 100 806,84 $ plutôt qu’à 100 847,89 $. Cela donne lieu à un ajustement, après l’application de la TVH et du rabais calculés, à une réclamation totale pour l’avocat adjoint de l’AAC de 104 778,63 $. Par conséquent, le Conseil réduit les frais réclamés de 42,67 $.
  6. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil réduit les frais réclamés pour les honoraires d’avocats de l’AAC à 250 511,19 $, et le montant total à 455 046,82 $.

Le caractère raisonnable du nombre d’heures réclamées pour l’avocat externe et le témoin expert

  1. Après avoir examiné la demande d’attribution de frais, le Conseil conclut que la répartition des travaux par l’AAC à un avocat principal et externe, ainsi qu’au témoin expert, était raisonnable et que les frais connexes ont été engagés dans la mesure où ils étaient nécessaires et raisonnables. L’instance était d’une envergure et d’une complexité inhabituelles; par conséquent, il était raisonnable dans le contexte de recourir à un avocat d’expérience pour veiller à ce que la défense soit la plus efficiente et efficace possible. Le fait d’avoir retenu les services d’un témoin expert a donné lieu à des propositions concrètes qui ont fait l’objet d’un débat important et qui n’auraient clairement pas pu être réalisées par des ressources internes.
  2. Bien que le montant global des frais réclamés soit important, il n’est pas différent des montants réclamés dans des instances antérieures de portée ou d’envergure semblable. Le montant reflète la décision particulière de l’AAC de proposer deux modèles de financement, lesquels ont été utiles pour le Conseil. Le Conseil estime que l’attribution de frais selon le montant réclamé, tel que modifié ci-dessus, n’affectera pas la capacité et le désir des fournisseurs de services de télécommunication à participer aux instances du Conseil, puisque i) des instances d’envergure et de portée semblables, présentant de telles répercussions manifestes et directes pour les consommateurs, sont relativement rares; et ii) lorsque de telles instances se produisent, elles ont également des répercussions manifestes et directes sur les fournisseurs de services de télécommunication, suffisantes pour l’emporter sur les frais éventuels que les fournisseurs pourraient être obligés de payer.

Conclusion

  1. Le Conseil conclut que le montant total réclamé par l’AAC, tel que modifié ci-dessus, correspond à des dépenses nécessaires et raisonnables et qu’il y a lieu de l’attribuer.
  2. Il convient dans le cas présent de sauter l’étape de la taxation et de fixer le montant des frais attribués, conformément à la démarche simplifiée établie dans l’avis public de télécom 2002-5.

Intimés et attribution

  1. Le Conseil désigne généralement comme intimés à une attribution de frais les parties qui sont particulièrement visées par le dénouement de l’instance et qui y ont participé activement. Compte tenu de l’ampleur de l’instance, un grand nombre de parties étaient à la fois particulièrement visées par le dénouement de l’instance et y ont participé activement.
  2. Tel qu’il est indiqué dans les Lignes directrices, le Conseil limitera le nombre d’intimés à un maximum de 10 pour une attribution de frais qui s’élève jusqu’à 20 000 $ et il ajoutera un intimé supplémentaire par tranche additionnelle de 5 000 $. Toutefois, dans l’ordonnance de télécom 2015-160, le Conseil a estimé que 1 000 $ devrait être le montant minimal à payer par un intimé étant donné le fardeau administratif que l’attribution de petits montants impose autant au demandeur qu’aux intimés.
  3. Par conséquent, Bell Canada; le Canadian Independent Telephone Company Joint Task Force (JTF); Cogeco Communications Inc. (Cogeco)Note de bas de page 5; le Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC)Note de bas de page 6; Eastlink; Freedom Mobile Inc. (Freedom Mobile)Note de bas de page 7; MTS; Québecor Média inc., au nom de Vidéotron s.e.n.c. (Vidéotron); Rogers Communications Canada Inc. (RCCI)Note de bas de page 8; Saskatchewan Telecommunications (SaskTel); Shaw Cablesystems G.P. (Shaw); la STC; TBayTel; Télésat Canada (Télésat); Xplornet Communications Inc. (Xplornet); et Yak Communications (Canada) Inc. (Yak) sont les intimés appropriés dans les circonstances.
  4. Le Conseil répartit généralement la responsabilité du paiement des frais entre les intimés en fonction de leurs RETNote de bas de page 9, critère qu’il utilise pour déterminer la prépondérance et l’intérêt relatifs des parties à l’instance. Aucune partie n’a contesté la justesse d’utiliser les RET dans le cas présent, bien que la STC ait soutenu que le Conseil devrait utiliser les RET des sociétés mères des intimés, le cas échéant, pour assurer l’exactitude et la neutralité sur le plan concurrentiel de l’attribution des frais.
  5. Dans le cas présent, Bell Canada a participé à l’instance en son propre nom et au nom d’un certain nombre de filiales. Par conséquent, il est pertinent de calculer la responsabilité de Bell Canada à l’égard du paiement des frais relativement aux RET de toutes les compagnies Bell. Au-delà de tout cela, le fait de tenir compte des RET de toute société mère, comme l’a proposé la STC, n’aurait que peu d’impact sur l’attribution des frais en l’espèce. Par conséquent, le Conseil n’estime pas nécessaire de s’écarter de sa pratique générale, laquelle consiste à fonder ses décisions relatives à la répartition des responsabilités de paiement des frais sur les RET des parties qui ont réellement participé à l’instance, peu importe que ces parties soient affiliées à d’autres entités fournissant des services de télécommunication au Canada et déclarant des RET au Conseil.
  6. Par conséquent, le Conseil conclut que la responsabilité du paiement des frais doit être répartie comme suit :
    Entreprise Pourcentage Montant
    Bell Canada 34,8 % 158 356,29 $
    STC 23,8 % 108 301,14 $
    RCCI 21,6 % 98 290,11 $
    Vidéotron 4,2 % 19 111,97 $
    MTS 3,1 % 14 106,45 $
    Shaw 2,9 % 13 196,36 $
    SaskTel 2,4 % 10 921,12 $
    Cogeco 1,5 % 6 825,70 $
    CORC 1,2 % 5 460,56 $
    Freedom Mobile 1,0 % 4 550,47 $
    Eastlink 0,9 % 4 095,42 $
    Télésat 0,9 % 4 095,42 $
    JTF 0,5 % 2 275,24 $
    Xplornet 0,5 % 2 275,24 $
    TBayTel 0,4 % 1 820,19 $
    Yak 0,3 % 1 365,14 $
  7. Conformément à l’approche générale énoncée dans l’ordonnance de frais de télécom 2002-4, le Conseil désigne Bell Canada responsable du paiement au nom des compagnies Bell. Conformément à cette pratique, le Conseil désigne également le CORC et le JTF responsables du paiement au nom de leurs membres respectifs. Le Conseil laisse le soin aux membres de ces organisations de déterminer la répartition des frais entre eux qui leur convient.

Directives relatives aux frais

  1. Le Conseil approuve, avec modifications, la demande d’attribution de frais présentée par l’AAC pour sa participation à l’instance.
  2. Conformément au paragraphe 56(1) de la Loi sur les télécommunications, le Conseil fixe à 455 046,82 $ les frais devant être versés à l’AAC.
  3. Le Conseil ordonne aux intimés de payer immédiatement à l’AAC le montant des frais attribués dans les proportions indiquées au paragraphe 52.

Secrétaire générale

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