Décision de télécom CRTC 2016-127

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Ottawa, le 7 avril 2016

Numéro de dossier : 8678-C12-201503160

Examen du prix plafond de Télésat Canada pour les services fixes par satellite en bande C

Le Conseil encourage le déploiement de nouvelles technologies par satellite au Canada par le retrait de mesures réglementaires inutiles et la surveillance étroite du marché canadien des services fixes par satellite. Plus précisément, le Conseil retire par les présentes le prix plafond actuellement applicable aux services fixes par satellite en bande C de Télésat Canada (Télésat), mais conserve ses pouvoirs en vertu de la Loi sur les télécommunications pour imposer ultérieurement à Télésat un nouveau prix plafond ou d'autres mesures réglementaires, au besoin. En outre, le Conseil ordonne à Télésat de produire un rapport annuel sur la tarification et l'utilisation de sa flotte canadienne de satellites.

Les conclusions du Conseil dans la présente décision permettront aux Canadiens de profiter d'un marché des services fixes par satellite efficace et concurrentiel, ce qui améliorera la disponibilité et la qualité des services de communication offerts aux résidents des régions rurales et éloignées, particulièrement ceux vivant dans le Nord.

Introduction

  1. Les services par satellite, comme ceux offerts par Télésat Canada (Télésat), permettent aux diffuseurs et fournisseurs de services de télécommunication de fournir leurs services aux Canadiens. Les services par satellite sont offerts partout au Canada, mais certains d'entre eux sont particulièrement importants dans les collectivités rurales et éloignées non desservies par les réseaux de transport terrestre. En fait, pour bon nombre de ces collectivités, que l'on appelle les collectivités dépendantes des satellites, les services par satellite sont souvent le seul moyen d'obtenir des services vocaux, Internet et de radiodiffusion.
  2. La présente décision traite plus particulièrement des services fixes par satellite (SFS), lesquels font référence aux services de transport (ou de raccordement) par lesquels un satellite en orbite géostationnaireFootnote 1 est relié aux stations terrestres ou à d'autres types d'antennes (comme de petites antennes de radiodiffusion directe par satellite) qui se trouvent à des endroits fixes sur la surface de la Terre.
  3. Les SFS sont offerts sur trois bandes de fréquences radio : bande C, bande Ka et bande KuFootnote 2. Chacune de ces bandes présente des caractéristiques physiques uniques qui sont utiles à des applications particulières. La présente décision est centrée sur les mesures réglementaires s'appliquant aux SFS en bande C.
  4. Télésat est le fournisseur titulaire de SFS au Canada. Dans la décision de télécom 99-6, le Conseil a établi un cadre de réglementation transitoire pour les SFS de Télésat et, plus particulièrement, a accepté de s'abstenir partiellement de réglementer l'offre de SFS en bande C de Télésat. Cette décision a été publiée tout juste avant l'ouverture du marché canadien des satellites à la concurrence étrangèreFootnote 3.
  5. Dans cette décision, même si Télésat n'était plus tenue de soumettre des tarifs aux fins d'approbation par le Conseil, celui-ci a établi un prix plafond de 170 000 $ par mois par répéteurFootnote 4 pour les SFS en bande C de la compagnie (applicable aux répéteurs complets pour une durée de contrat d'au moins 5 ans)Footnote 5, conformément au pouvoir d'imposer des conditions de service qui lui est conféré en vertu de l'article 24 de la Loi sur les télécommunications (Loi) et conformément au pouvoir d'assurer des tarifs justes et raisonnables qui lui est conféré en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi.
  6. Le Conseil a imposé ce prix plafond i) comme mesure transitoire en période d'incertitude pour le marché canadien des SFS; ii) pour offrir à Télésat une certaine souplesse quant aux tarifs afin de concurrencer les exploitants étrangers; et iii) pour protéger les intérêts des utilisateurs qui pourraient ne pas avoir accès à un choix concurrentiel adéquat. Le prix plafond est demeuré en place durant les 16 dernières années.

Enquête sur les services par satellite

  1. Dans l'avis de consultation de télécom 2014-44, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 70 de la Loi, le Conseil a désigné la conseillère Candice Molnar au poste d'enquêteure afin de mener une enquête concernant le marché canadien des services par satellite qu'utilisent les fournisseurs de services de télécommunication pour offrir des services de télécommunication aux Canadiens. Plus précisément, l'enquêteure a examiné l'état de la concurrence des SFS dans les collectivités du Nord canadiennes (appelée ci-après l'enquête sur les services par satellite).
  2. L'instance liée à l'enquête sur les services par satellite a mené à la publication du Rapport d'enquête sur les services par satellite, daté d'octobre 2014Footnote 6. Parmi ses conclusions, l'enquêteure a conclu que Télésat est le fournisseur dominant de SFS en bande C dans les collectivités canadiennes dépendantes des services par satellite.
  3. L'enquêteure a aussi conclu que le Conseil doit continuer d'exercer une surveillance réglementaire comme une protection réglementaire continue contre les hausses de prix déraisonnables dans le marché de SFS en bande C, particulièrement concernant la fourniture de services vocaux. Cette surveillance devrait continuer de permettre la concurrence dans le marché de produits en bande C, tout en offrant à Télésat la possibilité de répondre aux pressions concurrentielles.
  4. L'enquêteure a donc recommandé que le Conseil examine le prix plafond des SFS en bande C de Télésat et établisse un prix plafond approprié en conséquence.
  5. Le Conseil a subséquemment publié l'avis de consultation de télécom 2015-133 le 9 avril 2015 afin de lancer une instance pour mener cet examen.

Instance

  1. Dans l'avis de consultation de télécom 2015-133, le Conseil a sollicité des observations sur les questions suivantes :
    1. Conviendrait-il de continuer d'utiliser un prix plafond pour les SFS en bande C?
    2. En supposant qu'il convienne de continuer d'utiliser un prix plafond pour les SFS en bande C, y aurait-il lieu de rajuster le niveau du plafond?
    3. En supposant qu'il convienne de continuer d'utiliser un prix plafond pour les SFS en bande C et qu'il y ait lieu de rajuster le niveau du plafond, comment devrait-on fixer le nouveau plafond (p. ex. en fonction des tarifs actuels du marché, en fonction des coûts, ou selon une autre formule) et à quoi devrait correspondre ce plafond révisé?
    4. Conviendrait-il d'adopter un mécanisme qui permettrait d'examiner et de rajuster de manière continue le niveau du prix plafond des SFS en bande C et, le cas échéant, que devrait être ce mécanisme (p. ex. un facteur de rajustement)?
    5. Conviendrait-il d'assujettir à un prix plafond les SFS en bande C autres que ceux auxquels s'applique déjà le prix plafond (p. ex. répéteurs partiels et contrats de location à court terme de moins de cinq ans)?
    6. Conviendrait-il de prendre d'autres mesures réglementaires à l'égard des SFS en bande C, soit en plus de modifier le prix plafond, soit au lieu de le modifier?
  2. Les parties suivantes ont participé à l'instance : Bell Canada, Bell Mobilité inc., Norouestel inc. et Télébec, Société en commandite (collectivement Bell Canada et autres), Hunter Communications Canada (Hunter), Juch-Tech Inc. (Juch-Tech), la Société TELUS Communications (STC) et SSi Micro Ltd. (SSi Micro); le First Mile Connectivity Consortium (FMCC) et le Centre pour la défense de l'intérêt public (CDIP); ainsi que l'Administration régionale Kativik (ARK) et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l'instance, lequel a été fermé le 14 janvier 2016. On peut y accéder à l'adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Conviendrait-il de continuer d'utiliser un prix plafond pour les SFS en bande C?

Positions des parties

  1. Télésat a indiqué que le marché des SFS en bande C au Canada est concurrentiel, qu'aucune intervention réglementaire n'est nécessaire, et que le prix plafond pour les SFS en bande C devrait être retiré.
  2. Télésat a précisé que ses tarifs pour les SFS en bande C ont connu une baisse constante depuis que le Conseil s'est abstenu de les réglementer, et qu'ils sont actuellement bien en deçà du prix plafond. La compagnie a indiqué qu'aucune partie ayant participé à l'instance concernant l'enquête sur les services par satellite ou prenant part à la présente instance ne s'est plainte de ses services ou de ses tarifs.
  3. Télésat a soutenu que les SFS fournis en bande C, en bande Ka et en bande Ku se retrouvent dans le même marché de produits. La compagnie a précisé que même si chacune des bandes présente des avantages et des inconvénients selon les différentes applications, une hausse importante des prix dans une seule bande pourrait entraîner l'utilisation d'une bande différente. Télésat a fait valoir qu'ainsi, la bande Ka et la bande Ku peuvent être utilisées pour remplacer les SFS en bande C.
  4. Télésat a soutenu qu'au moment de définir un marché de produits, il n'est pas nécessaire que les produits en question soient de parfaits substituts les uns des autres; ils doivent seulement être suffisamment interchangeables pour qu'une hausse considérable du prix d'un service déclenche le passage à l'autre service.
  5. Télésat a indiqué que dans le cas des applications de services Internet à large bande, les fournisseurs ont plusieurs choix autres que la bande C, à savoir les satellites à haut débit (SHD) en bande Ka. En fait, certaines compagnies ont fondé toutes leurs activités sur l'offre de services Internet de radiodiffusion directe à large bande qui sont fournis en bande Ka, et qui sont accessibles partout au Canada, y compris dans les collectivités dépendantes des satellites. Télésat a indiqué que ces compagnies offrent également un service de communication vocale sur protocole Internet en plus de leurs services de radiodiffusion directe à large bande.
  6. Télésat a précisé que les SFS en bande C deviennent des services traditionnels, et que même si les SFS en bande C continueront de jouer un rôle dans l'offre de services vocaux, leur utilisation comme entrée pour d'autres applications, par exemple les services Internet à large bande, diminueront au fur et à mesure que les nouvelles technologies par satellite, comme les SHD en bande Ka, deviendront plus courantes. Télésat a soutenu que dans cet esprit, la meilleure façon d'offrir des services Internet à large bande aux collectivités éloignées est d'accroître la capacité des SHD en bande Ka et non d'imposer une réglementation des prix pour un service traditionnel qui sert principalement à l'offre de services vocaux. 
  7. Télésat a également soutenu que la réglementation des prix ne convient pas au marché des SFS parce que : i) il existe un rapport de force dans le pouvoir de négociation entre les exploitants de satellites et leurs clients, qui représentent tous deux des organisations vastes et complexes; ii) chaque contrat de SFS est complexe et unique en ce qui concerne le prix, les niveaux de service et la durée; et iii) les prix des SFS sont fondés sur les conditions de l'offre et de la demande, de sorte qu'un prix plafond ne reflète pas fidèlement les complexités du marché.
  8. Bell Canada et autres ont d'abord argué que le Conseil aurait avantage à exiger que les SFS en bande C de Télésat soient offerts en tant que services de gros, afin de veiller à ce que les fournisseurs de services de télécommunication aient un accès prévisible aux installations de liaison terrestre requises pour servir leurs clients dans les collectivités dépendantes des satellites. Bell Canada et autres ont indiqué que les solutions de rechange aux SFS en bande C sont limitées, surtout pour l'offre de services vocaux. Cependant, dans leurs dernières observations, Bell Canada et autres ont indiqué que d'après un examen complet du dossier de la présente instance, il y aurait lieu de maintenir le prix plafond, et qu'aucune autre mesure réglementaire n'est nécessaire relativement aux SFS en bande C de Télésat.
  9. Pour justifier leur changement de position, Bell Canada et autres ont cité le rapport de Northern Sky Research intitulé Analyse du marché canadien de capacité en bande C Offre, demande et évaluation des prix 2014-2024 (rapport NSR)Footnote 7, dans lequel on prévoit que les prix des services en bande C au Canada diminueront annuellement à un taux de 3 %, en raison de la demande décroissante pour des SFS en bande C et de l'offre croissante de ceux-ci. Bell Canada et autres ont également fait référence aux nouvelles technologies par satellite (p. ex. SHD en bande Ka et SHD en orbite basseFootnote 8) qui contribueront à limiter les prix des SFS en bande C, même si ces technologies ne sont pas immédiatement accessibles dans le Nord.
  10. La STC a fait valoir que le prix plafond pour les SFS en bande C de Télésat n'est pas nécessaire, puisque le marché des SFS en bande C est concurrentiel et que les prix de Télésat sont bien en deçà du prix plafond. En revanche, SSi Micro a fait remarquer que le prix plafond fonctionne correctement et qu'il n'est pas nécessaire de le modifier. SSi Micro a indiqué qu'elle avait réussi à négocier des contrats et des prix de SFS équitables avec Télésat. SSi Micro a soutenu que tous les SFS (bande C, bande Ka et bande Ku) forment un marché à produit unique et qu'une surveillance réglementaire additionnelle pour une technologie donnée ou une bande de fréquences particulière (en l'espèce, la bande C) pourrait nuire au développement d'autres services par satellite.
  11. Le CDIP a fait référence à la conclusion de l'enquêteure voulant que Télésat détient un pouvoir de marché quant à l'offre de SFS en bande C dans le Nord, et a soutenu que le Conseil devrait donc exiger de Télésat qu'elle soumette des tarifs aux fins d'approbation par le Conseil. Le CDIP a précisé que les tarifs des SFS en bande C devraient être établis en fonction des coûts auxquels s'ajoute une majoration raisonnable.
  12. L'ARKFootnote 9 a fait valoir qu'elle a récemment publié une demande de proposition pour un nouveau contrat de SFS en bande C et qu'elle a reçu de nombreuses soumissions. L'ARK a indiqué que New Skies SatellitesFootnote 10 est le soumissionnaire qui a obtenu le plus fort pointage, bien que Télésat ait reçu un avantage de 15 % au pointage pondéré en tant qu'exploitant de satellites titulaire.
  13. S'appuyant sur son expérience, l'ARK a fait valoir : i) qu'il semble exister une importante capacité disponible en bande C sur les satellites exploités par plusieurs exploitants de satellites et qui couvrent une vaste portion de la région de l'ARK; ii) qu'il y a une forte rivalité sur le marché des SFS en bande C, comme l'ont démontré plusieurs exploitants de satellites qui poursuivent activement l'ARK en tant que client; et iii) qu'à court terme, le prix des SFS en bande C semble diminuer.

Résultats de l'analyse du Conseil

Pouvoir de marché de Télésat
  1. Afin de déterminer si le prix plafond établi pour les SFS en bande C de Télésat est toujours justifié, le Conseil doit d'abord évaluer le pouvoir de marché de Télésat.
  2. Dans le cadre de l'enquête sur les services par satellite, l'enquêteure a mené une analyse du pouvoir de marché, à l'aide du cadre établi dans la décision de télécom 94-19 (évaluation du pouvoir de marché 94-19). Le Conseil applique ce cadre pour déterminer s'il doit s'abstenir d'exercer ses pouvoirs de réglementation en vertu de l'article 34 de la Loi, et pour déterminer si l'adoption de nouvelles mesures réglementaires ou le maintien des mesures existantes est justifié. 
  3. L'évaluation du pouvoir de marché 94-19 est utilisée pour définir les marchés de produits et les marchés géographiques pertinents ainsi que pour évaluer certains facteurs, comme les parts de marché, les conditions de la demande (sur le plan de la disponibilité des substituts ou de la capacité de réduire la consommation, des frais de transfert et de la nature essentielle du produit en tant qu'entrée), les conditions de l'offre (sur le plan de la capacité disponible et des barrières à l'entrée), la rivalité (par exemple, en ce qui concerne la diminution des prix) et autres (comme les répercussions possibles des nouvelles technologies).
  4. Après avoir déterminé que les marchés de produits et les marchés géographiques pertinents sont ceux des SFS en bande C dans les collectivités dépendantes des satellites, l'enquêteure a procédé à l'évaluation du pouvoir de marché 94-19 et a conclu que Télésat détenait un pouvoir de marché, citant notamment la grande part de marché de l'entreprise et le manque de substituts pour ses SFS en bande C. L'enquêteure a constaté qu'en raison des problèmes de latence, de l'interférence du signal lors de mauvaises conditions météorologiques et de la couverture satellite insuffisante dans le Nord, la bande Ka et la bande Ku ne sont pas des substituts pour les SFS en bande C. 
  5. Le Conseil conclut qu'il demeure improbable que les autres bandes de fréquences deviennent des substituts appropriés pour les SFS en bande C pour le moment, surtout pour l'offre des services vocaux ou d'applications sensibles aux problèmes de latence. Toutefois, de nouvelles technologies, comme le traitement embarquéFootnote 11, pourraient venir atténuer certains des problèmes susmentionnés. En ce qui concerne l'offre de services Internet à large bande, le dossier de la présente instance révèle que, de plus en plus, les SFS en bande C peuvent être remplacés par les SFS offerts sur d'autres fréquences, nommément la bande Ka.
  6. Par conséquent, le caractère substituable peut varier selon le service final que l'on cherche à fournir. En outre, le fait de conclure à un marché à produit unique ne suppose pas nécessairement pas que les services soient des substituts parfaits les uns pour les autres; même des substituts imparfaits peuvent avoir une incidence disciplinaire sur le comportement concurrentiel. Par conséquent, après avoir examiné globalement les trois bandes de fréquences, et même si des caractéristiques particulières comme la zone de couverture, la vitesse ou le prix peuvent varier entre les SFS fournis en bande C et ceux fournis en bande Ka, dans l'ensemble, le Conseil est convaincu qu'ils partagent suffisamment de caractéristiques communes pour être traités comme des substituts, et qu'une augmentation considérable des prix entraîne le transfert des consommateurs vers l'autre service. Le caractère substituable s'affermit, alors que la bande Ka devient plus courante sur les nouveaux satellites lancés.
  7. La preuve au dossier de la présente instance est largement en faveur de la conclusion de l'enquêteure voulant que Télésat possède un pouvoir de marché dans l'offre de SFS en bande C, surtout que la compagnie détient une grande part de marché et couvre un vaste territoire dans le Nord.
  8. Cependant, il y a des éléments de preuve au dossier de la présente instance qui laissent entendre que le pouvoir de marché que détient Télésat risque de diminuer prochainement. Comme l'a constaté l'enquêteure, la preuve issue de la présente instance, y compris les récents contrats de SFS en bande C déposés par Télésat et signés après la publication du rapport d'enquête, confirme que les tarifs de Télésat pour ses SFS en bande C sont bien en deçà du prix plafond actuel de 170 000 $ et diminuent depuis les quelques dernières années. Si Télésat exerçait son pouvoir de marché au détriment des intérêts de ses clients, ses tarifs augmenteraient probablement, ce qui n'est clairement pas le cas.
  9. En outre, les éléments de preuve suivants au dossier de la présente instance, et qui n'étaient pas accessibles à l'enquêteure, permettent de mieux expliquer la diminution des tarifs des SFS en bande C : i) les tendances prévues des prix; ii) les autres sources de SFS en bande C; iii) l'émergence de nouvelles technologies; iv) les conditions de la demande et les tendances de consommation.
Tendances prévues des prix
  1. Dans son rapport de 2014, l'enquêteure a noté que la projection des tarifs des SFS en bande C en Amérique du Nord indiquait une augmentation de plus de 30 % au cours des 10 prochaines années. Dans le cadre de la présente instance, le rapport NSR prévoyait une diminution annuelle des tarifs des SFS en bande C au Canada au cours des 10 prochaines années, en raison de l'offre considérable de nouveaux SFS qui entrent sur le marché, y compris les SHD en bande Ka et peut-être des constellations en orbite basseFootnote 12.
Autres sources de SFS en bande C
  1. Il y a des éléments de preuve au dossier de la présente instance, notamment des événements qui ont été découverts à la suite de la publication du rapport d'enquête, qui démontrent que d'autres fournisseurs de SFS en bande C offrant une couverture dans le Nord exercent une concurrence sur le marché. Par exemple, l'ARK a indiqué qu'elle a récemment reçu plusieurs soumissions en réponse à une demande de propositions pour un nouveau contrat de SFS en bande C, ce qui illustre que le marché des SFS a évolué depuis le dernier examen que le Conseil en a fait. Plus précisément, cela démontre que i) les clients sont prêts à changer d'exploitant de satellites et peuvent le faire; ii) les barrières à l'entrée peuvent être surmontées par des entreprises concurrentes; et iii) il existe une rivalité sur le marché entre les fournisseurs de SFS en bande C concurrents.
Émergence de nouvelles technologies
  1. L'industrie des services par satellite, comme d'autres segments de l'industrie des télécommunications, est au cœur d'importants changements technologiques. Au cours des dernières années, on a publiquement annoncé le lancement de nouveaux SHD en bande Ka et de nouveaux modèles de services par satellite, comme les constellations en orbite basse. 
  2. Plus particulièrement, les deux prochains lancements de SHD en bande Ka risquent d'avoir une incidence sur le marché canadien des SFS – le satellite ViaSat-2 de ViaSat Inc., que l'on prévoit lancer au milieu de 2016, et le Telstar 19 Vantage de Télésat, dont le lancement est prévu pour 2018. On s'attend à ce que ces deux satellites augmentent la couverture des SFS jusque dans le Nord canadien; ils pourraient être utilisés par des fournisseurs de services de télécommunication pour fournir des services vocaux, des services Internet à large bande et d'autres applications aux utilisateurs finals dans les collectivités dépendantes des satellites.
Conditions de la demande et tendances de consommation
  1. La preuve au dossier de la présente instance indique que la demande globale pour les SFS en bande C connaît un déclin général depuis de nombreuses années, et ce, pour diverses raisons, y compris le fait que les SFS en bande C sont principalement utilisés pour fournir des applications comme des services vocaux et la distribution de signaux de télévision en direct.
  2. Le Conseil s'attend à ce que, au fur et à mesure que les Canadiens modifieront leurs habitudes de consommation et se tourneront vers des services Internet à large bande, lesquels offrent un accès à plusieurs applications, y compris les services vidéo, il est probable que la demande de SFS en bande C diminue. Quant aux applications de services Internet à large bande, les SFS fournis sur les autres bandes de fréquences, comme la bande Ka, sont beaucoup plus efficaces et rentables que les SFS fournis en bande C.
  3. La diminution de la demande de SFS en bande C, de pair avec l'augmentation stable ou croissante des SFS en bande C, risque d'exercer une pression à la baisse sur les prix des SFS en bande C.

Conclusion

  1. Le prix plafond des SFS en bande C de Télésat n'est plus approprié ni nécessaire et n'est pas une mesure réglementaire efficace et proportionnelle au but visé puisque les tarifs des SFS en bande C de Télésat sont bien en deçà du plafond actuel et continuent de baisser.
  2. Le dossier de la présente instance appuie en grande partie la conclusion de l'enquêteure, d'après son application de l'évaluation du pouvoir de marché 94-19, à savoir que Télésat a un pouvoir de marché dans la fourniture de SFS en bande C. Toutefois, il a été nouvellement démontré que le pouvoir de marché de Télésat a été limité, et risque de demeurer limité, par une variété de facteurs. Ainsi, les intérêts des utilisateurs sont susceptibles d'être bien protégés sans prix plafond.
  3. En outre, le Conseil s'attend à ce qu'au fil du temps, les SFS en bande C soient remplacés à un certain niveau par d'autres bandes de fréquences utilisant d'autres modèles de prestation, surtout pour l'offre de services Internet à large bande. Par conséquent, la démarche réglementaire du Conseil concernant les SFS en bande C de Télésat devrait reposer sur les forces du marché et ne devrait pas décourager les exploitants de satellites de déployer des technologies par satellite avancées sur le marché canadien, ce qui pourrait accroître l'efficacité et la compétitivité du marché des SFS et donc augmenter la disponibilité et la qualité des services de communication offerts aux résidents des régions rurales et éloignées, surtout ceux vivant dans le Nord.
  4. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil détermine que le prix plafond de 170 000 $ pour les services de voies radiofréquences en bande C non protégées, d'utilisation constante, avec droit de reprise de Télésat pendant une durée contractuelle de location minimale de cinq ans n'est plus approprié ni nécessaire et devrait être enlevé.
  5. Compte tenu de cette conclusion, il est inutile de traiter les questions ii) à v) de l'avis de consultation de télécom 2015-133 énumérées au paragraphe 12 ci-dessus.

Conviendrait-il d'appliquer d'autres mesures réglementaires?

Positions des parties

  1. La STC a proposé que le Conseil surveille les prix des SFS de Télésat en exigeant de tous les fournisseurs de services par satellite qu'ils soumettent leurs ententes de services auprès du Conseil, et ce, de façon continue. La STC a indiqué que cela permettrait au Conseil d'assurer un suivi et de vérifier que les tarifs de Télésat sont justes et raisonnables.
  2. L'ARK était fortement en faveur d'une surveillance étroite par le Conseil des exploitants de satellites étrangers et nationaux quant à leurs intentions de remplacer la capacité de bande C, au fur et à mesure que les satellites sont mis hors service.

Résultats de l'analyse du Conseil

  1. Le dossier de la présente instance montre que même si l'on prévoit une diminution de la demande au fil du temps, la demande pour les SFS en bande C demeurera présente au Canada dans un avenir rapproché, en raison de la géographie du pays et du grand nombre de collectivités isolées qui continueront de dépendre des SFS en bande C pour les services vocaux et autres. De plus, les nouvelles technologies par satellite, bien que prometteuses, n'en sont qu'à leurs débuts et, dans certains cas, ne sont pas encore offertes sur le marché au Canada.
  2. Ainsi, conformément aux constatations de l'enquêteure, le Conseil conclut que les SFS en bande C continueront d'être nécessaires dans l'offre de services de communication dans les collectivités éloignées du Nord à court et à moyen terme, surtout pour l'offre de services vocaux.
  3. Par conséquent, même si le prix plafond sera retiré à la suite de la présente décision, le Conseil conclut qu'en ce qui concerne les autres aspects, la portée de l'abstention énoncée dans la décision de télécom 99-6 demeure appropriée et nécessaire. Le Conseil conservera donc entre autres pouvoirs ceux que lui confèrent l'article 24 et le paragraphe 27(1) de la Loi, soit d'imposer ultérieurement un nouveau prix plafond ou d'autres mesures réglementaires, au besoin.
  4. Dans la décision de télécom 99-6, le Conseil a exigé de Télésat qu'elle soumette des rapports de suivi semestriels de toutes ses ententes de SFS jusqu'à ce que l'abstention complète soit accordée. Comme le Conseil n'accorde pas d'abstention complète dans la présente décision, et afin que le Conseil soit en mesure de surveiller le marché canadien des SFS de manière à évaluer l'état du marché, y compris les niveaux de prix et l'utilisation, le Conseil ordonne à Télésat de soumettre le 30 janvier de chaque année, à compter de 2017, un rapport dressant la liste de ses ententes de SFS en bande C, y compris les noms des clients, les tarifs payés, la capacité louée et les périodes des contrats. Télésat doit également inclure une liste de ses clients qui louent des SFS en bande Ka et en bande Ku, y compris la capacité louée par chaque client, sur ses satellites Anik F1R, Anik F2 et Anik F3, ainsi que sur tout satellite ultérieur dans sa flotte offrant une couverture canadienne. Cette exigence de déclaration révisée remplace l'exigence qu'avait Télésat de déposer des rapports de suivi semestriels conformément à la décision de télécom 99-6.

Instructions

  1. Les InstructionsFootnote 13 mentionnent que, dans l'exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi, le Conseil doit mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l'article 7 de la Loi, conformément aux alinéas 1a), 1b) et 1c) des Instructions.
  2. Le Conseil estime que ses conclusions d'enlever le prix plafond pour les SFS en bande C de Télésat et d'ordonner à Télésat de déposer des rapports annuels sont conformes aux sous-alinéas 1a)(i) et 1a)(ii) des Instructions. Plus précisément, par l'entremise de ces conclusions, le Conseil s'est fié, dans la plus grande mesure du possible, au libre jeu du marché comme moyen d'atteindre les objectifs de la politique, et il utilise des mesures efficaces et proportionnelles à leur but et qui ne font obstacle au libre jeu d'un marché concurrentiel que dans la mesure minimale pour atteindre les objectifs de la politique.  
    Secrétaire générale

Documents connexes

Footnotes

Footnote 1

Un satellite en orbite géostationnaire suit la rotation de la Terre, de sorte que le satellite reste toujours au même point sur l'orbite par rapport aux stations terrestres ou aux antennes qui y sont liées.

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Footnote 2

La bande C est la bande de 4/6 gigahertz (GHz), alors que la bande Ku est celle de 12/14 GHz et la bande Ka est celle de 20/30 GHz.

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Footnote 3

Le Canada s'est engagé, par l'entremise de l'Accord général sur le commerce des services de l'Organisation mondiale du commerce, à permettre la concurrence dans la fourniture des SFS à partir du 1er mars 2000.

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Footnote 4

Un répéteur est de l'équipement installé sur un satellite qui reçoit, amplifie et retransmet des signaux en provenance et en direction de la Terre.

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Footnote 5

Plus précisément, le prix plafond s'appliquait aux services de voies radiofréquences en bande C non protégées, d'utilisation constante, avec droit de reprise de Télésat pendant une durée contractuelle de location minimale de cinq ans

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Footnote 6

Ce rapport a été publié en même temps que l'avis de consultation de télécom 2015-133.

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Footnote 7

Le Conseil a retenu les services de Northern Sky Research pour analyser le marché des SFS en bande C au Canada. Une version abrégée du rapport a été versée au dossier public de la présente instance.

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Footnote 8

Une constellation en orbite basse est un groupe de satellites placés sur une orbite proche de la Terre (par opposition à une orbite terrestre géostationnaire qui se trouve à plus grande distance de la Terre) qui ensemble offrent la couverture satellite d'une région géographique donnée.

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Footnote 9

L'ARK est un organe public qui offre des services Internet résidentiels et commerciaux à des fins non lucratives à 14 collectivités éloignées dans la région du Nunavik, dans le Nord du Québec.

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Footnote 10

New Skies Satellites est une filiale de SES, un exploitant de satellites étranger.

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Footnote 11

Cette technologie permettra aux satellites ayant plusieurs faisceaux ponctuels de transférer le trafic d'un faisceau à l'autre sans « double bond », ce qui survient lorsqu'un signal doit passer deux fois par un satellite.

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Footnote 12

Le marché des SFS en bande C des États-Unis, qui est plus vaste, présente des caractéristiques différentes en matière d'offre et de demande par rapport au marché canadien.

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Footnote 13

Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006

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Date de modification :