Décision de télécom CRTC 2012-644

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Ottawa, le 26 novembre 2012

Norouestel Inc. – Demande de révision et de modification de la décision de télécom 2012-4 concernant le service V-Connect

Numéro de dossier : 8662-N1-201201574

Dans la présente décision, le Conseil rejette la demande de Norouestel visant à faire réviser la conclusion qu’il a tirée dans la décision de télécom 2012-4, selon laquelle le service V-Connect ne faisait pas l’objet d’une abstention de la réglementation. Il rejette également la demande de Norouestel en vue d’obtenir l’abstention de la réglementation de ce service à l’avenir. Finalement, il entérine les tarifs que Norouestel a imposés pour le service V-Connect avant la présente décision.

Introduction

1. Dans la décision de télécom 2012-4, le Conseil a conclu que le service V-Connect1 de Norouestel Inc. (Norouestel) ne faisait pas l’objet d’une abstention de la réglementation et a ordonné à la compagnie de déposer les tarifs concernant ce service, ainsi que les études de coûts connexes, dans les 30 jours suivant la date de cette décision.

2. Norouestel n’a pas déposé les tarifs conformément aux directives du Conseil; elle a plutôt présenté, en date du 6 février 2012, une demande en vertu de la partie I visant à ce que le Conseil :

3. Le Conseil a reçu des observations de Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et de Bell Canada (collectivement les compagnies Bell), du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, du gouvernement du Yukon, de Saskatchewan Telecommunications (SaskTel), de la Société TELUS Communications (STC), de SSi Micro Ltd. (SSi Micro), du Utilities Consumers’ Group ainsi que de plusieurs entreprises et individus. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 27 juillet 2012. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

4. Dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, le Conseil a décrit les critères qu’il utilise pour traiter les demandes de révision et de modification déposées en vertu de l’article 62 de la Loi. En particulier, le Conseil a déclaré que les demandeurs doivent démontrer qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale résultant, par exemple, d’au moins un des éléments suivants : i) une erreur de droit ou de fait, ii) un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision, iii) le défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans l’instance initiale ou iv) un nouveau principe découlant de la décision.

5. Dans la présente décision, le Conseil estime qu’il doit se pencher sur les questions suivantes :

I. Le Conseil devrait-il modifier la conclusion qu’il a tirée dans la décision de télécom 2012-4, selon laquelle le service V-Connect de Norouestel ne fait pas l’objet d’une abstention de la réglementation?

II. Si le service V-Connect de Norouestel n’a pas fait l’objet d’une abstention de la réglementation auparavant, devrait-il le faire à l’avenir?

III. Le Conseil devrait-il entériner les tarifs que Norouestel a imposés jusqu’à maintenant pour le service V-Connect?

I. Le Conseil devrait-il modifier la conclusion qu’il a tirée dans la décision de télécom 2012-4, selon laquelle le service V-Connect de Norouestel ne fait pas l’objet d’une abstention de la réglementation?

6. Norouestel a indiqué qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de certaines conclusions que le Conseil a tirées dans la décision de télécom 2012-4. En particulier, Norouestel a soutenu que le Conseil a commis une erreur en concluant que le service V-Connect n’avait pas fait l’objet d’une abstention de la réglementation dans l’ordonnance de télécom 97-572. Selon la compagnie, cette ordonnance s’appliquait aux services de données par paquets, actuels et futurs, puisque ceux-ci sont susceptibles d’évoluer au fil du temps. De ce fait, Norouestel a soutenu que le service V-Connect, service de données par paquets, était donc bien visé par la décision relative à l’abstention établie dans cette ordonnance.

7. Norouestel a également soutenu que le Conseil avait commis une erreur en s’appuyant sur le fait que le service V-Connect est doté de la capacité de classe de service, ce qui n’est pas le cas des autres services de données2 faisant l’objet d’une abstention de la réglementation dans l’ordonnance de télécom 97-572. Selon la compagnie, la classe de service est un exemple des nombreuses nouvelles fonctions et capacités qui ont été ajoutées aux services de données au fil du temps et le texte de l’ordonnance de télécom 97-572, tel qu’il est formulé, précise clairement que le Conseil n’avait pas l’intention d’amorcer des instances portant sur l’abstention de la réglementation pour chaque nouveau service de données qui serait doté de fonctions et de capacités additionnelles.

8. Les compagnies Bell, SaskTel et la STC ont convenu que la capacité de classe de service ne suffit pas à distinguer le service V-Connect des autres services de données qui ont fait l’objet d’une abstention de la réglementation dans l’ordonnance de télécom 97-572. Ces parties craignaient que les conclusions du Conseil à cet égard ne jettent un doute quant à l’abstention de la réglementation des services de données d’autres entreprises qui sont dotés de la capacité de classe de service.

9. SSi Micro a indiqué que le Conseil n’avait pas commis d’erreur dans la décision de télécom 2012-4. Selon elle, Norouestel n’a pas respecté les conditions énoncées dans l’ordonnance de télécom 97-572 et n’a pas signalé de nouveaux faits ou principes ni démontré qu’il y avait eu un changement fondamental dans les circonstances depuis la publication de la décision de télécom 2012-4.

Résultats de l’analyse du Conseil

10. Après avoir examiné les arguments avancés par les parties dans le cadre de la présente instance, le Conseil n’est pas convaincu qu’il a commis une erreur dans la décision de télécom 2012-4 en concluant que le service V-Connect ne fait pas l’objet d’une abstention de la réglementation. Le Conseil est toujours d’avis que le service V-Connect est un service différent des autres services de données visés par l’ordonnance de télécom 97-572, du fait qu’il est doté d’une fonction de classe de service.

11. De plus, le Conseil estime que le service V-Connect n’est pas seulement un service de données par paquets, mais qu’il détient en réalité les caractéristiques d’un service de réseau étendu. Par exemple, dans les éléments de preuve avancés, Norouestel a indiqué que le service V-Connect est utilisé pour créer des réseaux étendus, et ce, en offrant des connexions site à site qui couvrent de vastes étendues géographiques. Le Conseil fait remarquer que la description du service V-Connect donnée par Norouestel cadre avec la définition des services de réseau étendu établie par le Conseil dans les décisions antérieures. Par conséquent, le Conseil est d’avis que le service V-Connect se distingue des autres services de données, non seulement parce qu’il est doté de la capacité de classe de service, mais aussi parce qu’il fait partie d’un marché de produits différent – à savoir, le marché des produits de services de réseau étendu.

12. Le Conseil fait remarquer qu’il s’est abstenu de réglementer les services de réseau étendu de plusieurs entreprises de services locaux titulaires (ESLT)3 dans l’ordonnance 2000-553. Cependant, Norouestel n’était pas visée par cette ordonnance, et ses services de réseau étendu n’ont fait l’objet d’une abstention de la réglementation dans aucune ordonnance ni décision depuis.

13. À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut qu’il n’a commis aucune erreur dans la décision de télécom 2012-4 et rejette, par conséquent, la demande de Norouestel sollicitant la modification de cette décision.

II. Si le service V-Connect de Norouestel n’a pas fait l’objet d’une abstention de la réglementation auparavant, devrait-il le faire à l’avenir?

14. Norouestel a indiqué que, si le Conseil maintient que le service V-Connect n’a pas fait l’objet d’une abstention de la réglementation auparavant, il devrait s’abstenir de le réglementer à l’avenir puisque la concurrence actuelle suffit à protéger les intérêts des utilisateurs.

15. Norouestel a soutenu qu’elle fait face à la concurrence de fournisseurs qui utilisent diverses technologies, dont les satellites. Pour illustrer la compétitivité du marché, Norouestel a cité sa perte d’un important contrat gouvernemental aux mains d’un concurrent au Nunavut. La compagnie a également soutenu que les utilisateurs finals sont capables d’obtenir une fonction réseau semblable, parfois même en utilisant d’autres installations louées de Norouestel4.

16. Norouestel a indiqué qu’en plus de ces services de rechange, le service de raccordement de gros5 qu’elle a proposé, lequel est doté d’une capacité de classe de service et la connexion à une trentaine de collectivités établies dans son territoire de desserte, permettrait aux concurrents d’offrir des services de télécommunication, tels que des services téléphoniques et de vidéoconférence, à leurs propres utilisateurs finals pour qu’ils livrent concurrence dans le secteur de détail.

17. La STC s’est dite favorable à l’abstention de la réglementation du service V-Connect, pourvu que Norouestel respecte les conditions d’abstention énoncées dans l’ordonnance de télécom 97-572, notamment l’obligation de maintenir des tarifs comparables6. Toutefois, la STC a désapprouvé l’abstention de la réglementation du service V-Connect fondée sur la disponibilité du service de raccordement de gros, car, selon elle, les deux services ne sont pas interchangeables.

18. SSi Micro a indiqué que, sur le plan technique, le service de raccordement de gros pourrait répondre à ses exigences en matière de connectivité de base terrestre pour remplacer le service V-Connect, mais que les taux définitifs sont d’une importance capitale et qu’ils ne seront pas connus tant que le Conseil ne se sera pas prononcé sur le tarif qu’a proposé Norouestel.

Résultats de l’analyse du Conseil

19. Pour déterminer s’il devrait s’abstenir de réglementer le service V-Connect, le Conseil appliquera le cadre d’abstention établi dans la décision de télécom 94-19. Selon ce cadre, le Conseil commence par définir les marchés de produits et les marchés géographiques pertinents pour le service en question. Ensuite, il évalue si une firme possède un pouvoir de marché en ce qui concerne la fourniture du service en utilisant divers facteurs, dont la part de marché, les conditions de l’offre et de la demande, la preuve de rivalité et la probabilité d’entrée dans le marché (y compris les obstacles à l’entrée).

20. Comme il est indiqué au paragraphe 11, d’après les caractéristiques du service V-Connect, y compris les descriptions qu’en a fournies Norouestel dans la présente instance, le Conseil estime que les services de réseau étendu constituent le marché de produits pertinent pour le service V-Connect. De plus, le Conseil estime que le territoire d’exploitation de Norouestel est le marché géographique pertinent, et fait remarquer que cette définition du marché géographique correspond à celle qu’il a utilisée afin de définir les services de réseau étendu des ESLT dans l’ordonnance 2000-553.

21. Le Conseil fait remarquer que Norouestel détient une solide part du marché des services de réseau étendu dans son territoire d’exploitation, particulièrement dans les collectivités desservies par des installations terrestres.

22. En ce qui concerne les conditions de l’offre et de la demande, le Conseil estime que ces facteurs dépendent de la disponibilité de services pratiques pour remplacer le service V-Connect et de la capacité des clients de changer de fournisseur.

23. Pour ce qui est des services de rechange, le Conseil fait remarquer qu’il est possible d’offrir le service V-Connect au moyen d’installations terrestres7, d’installations satellitaires ou d’une combinaison des deux. Il ajoute que Norouestel possède un vaste réseau d’installations terrestres avec accès à des dizaines de collectivités dans l’ensemble de son territoire d’exploitation et que rien ne prouve qu’un autre fournisseur de services possède un réseau terrestre comparable. Le Conseil note qu’il existe un concurrent qui offre un service semblable à V-Connect au moyen de satellites. Or, après l’examen des éléments de preuve déposés par Norouestel, il note que, pour des débits comparables, les tarifs du service par satellite sont beaucoup plus élevés que ceux du service terrestre. Le Conseil ajoute que le service terrestre offre des options de débits vraiment supérieures à celles du service par satellite.

24. Compte tenu du manque de services de rechange, le Conseil est d’avis que l’offre de solutions de rechange au service V-Connect est limitée pour la majorité des clients. Enfin, le Conseil estime qu’il est peu probable que les clients établis dans des secteurs desservis par des installations terrestres, ou les clients qui pourraient être établis à la fois dans des collectivités desservies par voie terrestre et dans des collectivités éloignées desservies par satellite, passent aux mains d’un concurrent qui fournit le service uniquement par satellite.

25. En ce qui concerne la présence de rivalité, le Conseil fait remarquer que le dossier de l’instance ne comporte qu’un exemple révélant la présence d’un concurrent qui offre un service comparable à V-Connect à l’échelle régionale et, dans ce cas précis, le concurrent offre le service exclusivement aux collectivités éloignées du Nunavut, par satellite. Dans les collectivités des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon, rien ne prouve qu’il existe de la rivalité ou de la concurrence à l’égard de la clientèle régionale ou qu’un concurrent utilise ses propres installations réseau terrestres pour offrir le service.

26. Enfin, le Conseil estime qu’il est très peu probable que des concurrents pénètrent le marché des services de réseau étendu dans le territoire d’exploitation de Norouestel, tout particulièrement dans les collectivités desservies par voie terrestre, en raison de nombreux obstacles à l’entrée, tels que les coûts en immobilisations élevés, la faible densité démographique, la vaste étendue géographique et la topographie accidentée. Compte tenu de ces facteurs, le Conseil estime qu’il est économiquement impossible pour le moment de construire un nouveau réseau terrestre de taille à concurrencer le marché des services de réseau étendu.

27. Quant à l’observation de Norouestel voulant que la disponibilité du service de raccordement de gros permette aux concurrents de pénétrer le marché de détail dans son territoire d’exploitation, le Conseil doute pour le moment que le service de raccordement de gros générera une concurrence suffisante pour justifier l’abstention de la réglementation du service V-Connect. Le Conseil estime qu’il est incapable d’évaluer l’incidence que le service de raccordement de gros pourrait avoir sur la compétitivité du marché tant que les tarifs ne seront pas définitifs et tant qu’il n’y aura pas de concurrents qui utiliseront le service pour fournir leurs propres offres de détail en concurrence avec Norouestel.

28. En se fondant sur les facteurs susmentionnés, le Conseil conclut que Norouestel détient un pouvoir de marché dans son territoire d’exploitation en ce qui concerne la fourniture des services de réseau étendu, y compris son service V-Connect. Par conséquent, le Conseil rejette la demande de Norouestel en vue d’obtenir l’abstention de la réglementation du service V-Connect. Norouestel doit donc déposer les tarifs concernant le service V-Connect, ainsi que les études de coûts connexes, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision.

29. Compte tenu des conclusions que le Conseil a tirées dans la présente décision, la demande de sursis de Norouestel n’a plus de raison d’être.

III. Le Conseil devrait-il entériner les tarifs que Norouestel a imposés jusqu’à maintenant pour le service V-Connect?

30. Le Conseil fait remarquer que, en vertu du paragraphe 25(4) de la Loi, il peut entériner l’imposition ou la perception de tarifs qui ne figurent dans aucune tarification approuvée par lui s’il est convaincu qu’il s’agit là d’un cas particulier le justifiant, notamment d’erreur.

31. Dans ce cas, le Conseil est convaincu que Norouestel a imposé les tarifs en question sans tarification approuvée par erreur, en l’occurrence parce qu’elle croyait que le Conseil s’était déjà abstenu de réglementer le service V-Connect. De plus, il estime qu’il serait dans l’intérêt des clients du service V-Connect, anciens et actuels, et dans celui de Norouestel, de fournir une certitude quant à l’entérinement des tarifs.

32. Compte tenu des circonstances, le Conseil estime qu’il convient d’entériner les tarifs imposés pour le service V-Connect avant la date de la présente décision.

Secrétaire général

Documents connexes



Notes de bas de page :

[1] Le service V-Connect est un service d’affaires de détail qui, comme l’a indiqué Norouestel, est utilisé pour créer des réseaux étendus, et ce, en fournissant des connexions site à site qui peuvent couvrir une vaste étendue géographique.

[2] Les services qui ont fait l’objet d’une abstention de la réglementation dans l’ordonnance de télécom 97-572 sont les services Datapac, les futurs services X.25, les services de données par paquets et les services de relais de trame.

[3] À ce moment-là, les ESLT étaient connues sous le nom de compagnies de Stentor. Les compagnies de Stentor visées par l’ordonnance 2000-553 étaient Bell Canada, BC TEL, Island Telecom Inc., Maritime Tel et Tel Limited, MTS Communications Inc., NBTel Inc., NewTel Communications Inc. et la Société TELUS Communications.

[4] Par exemple, Norouestel a indiqué que les utilisateurs finals sont capables de se doter d’une fonction réseau semblable à celle du service V-Connect, et ce, simplement en utilisant un logiciel sur un service à large bande existant ou en configurant leur propre service sur des installations numériques louées de Norouestel.

[5] Voir l’avis de modification tarifaire 883 de Norouestel, que le Conseil a approuvé provisoirement dans l’ordonnance de télécom 2012-203.

[6] La notion de tarifs comparables renvoie à l’idée où, dans l’ordonnance de télécom 97-572, le Conseil dit s’attendre que, pour ces services, les tarifs de Norouestel continuent de « refléter » ceux que facturent les grandes ESLT.

[7] Installations de fibre optique ou à micro-ondes de capacités diverses.

 
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